Anthropophage

Je vais être limpide : incompréhensible. Et surtout très fatiguant et ennuyeux à lire.
Après plusieurs relectures attentives (et j'ai du m'accrocher en l'honneur de ta réputation) j'ai bien évidemment compris ton poème, la question n'est pas là. Ce n'est pas par bêtise, ou, comme certains l'ont dit dans d'autres sujets "parce que j'écris trop bien que je suis incompris", mais tente la simplicité, la prochaine fois, car les poètes torturés amoureux, cela ne fait plus recette, c'est éculé.

Si on écrivait pour faire recette, on ferait du twilight

Pas du tout. Moi quand je lis :

A une mendiante rousse

Blanche fille aux cheveux roux,
Dont la robe par ses trous
Laisse voir la pauvreté
Et la beauté,

Pour moi, poète chétif,
Ton jeune corps maladif,
Plein de taches de rousseur,
A sa douceur.

Tu portes plus galamment
Qu'une reine de roman
Ses cothurnes de velours
Tes sabots lourds.

Au lieu d'un haillon trop court,
Qu'un superbe habit de cour
Traîne à plis bruyants et longs
Sur tes talons ;

En place de bas troués,
Que pour les yeux des roués
Sur ta jambe un poignard d'or
Reluise encor ;

Que des noeuds mal attachés
Dévoilent pour nos péchés
Tes deux beaux seins, radieux
Comme des yeux ;

Que pour te déshabiller
Tes bras se fassent prier
Et chassent à coups mutins
Les doigts lutins,

Perles de la plus belle eau,
Sonnets de maître Belleau
Par tes galants mis aux fers
Sans cesse offerts,

Valetaille de rimeurs
Te dédiant leurs primeurs
Et contemplant ton soulier
Sous l'escalier,

Maint page épris du hasard,
Maint seigneur et maint Ronsard
Épieraient pour le déduit
Ton frais réduit !

Tu compterais dans tes lits
Plus de baisers que de lis
Et rangerais sous tes lois
Plus d'un Valois !

- Cependant tu vas gueusant
Quelque vieux débris gisant
Au seuil de quelque Véfour
De carrefour ;

Tu vas lorgnant en dessous
Des bijoux de vingt-neuf sous
Dont je ne puis, oh ! pardon !
Te faire don.

Va donc ! sans autre ornement,
Parfum, perles, diamant,
Que ta maigre nudité,
Ô ma beauté !

de Baudelaire, ca me parle, je comprends, cela fait recette.
Le talent, c'est pas de noyer ses mots dans du charabia savant, mais bien de passer un message qui va droit au coeur sans passer par le cerveau. La poèsie, n'est ce pas de la sensibilité? de la musique? il n'y a rien de cérébral là dedans. Si on commence à se casser la tête pour débrouiller les lignes, c'est que d'emblée, c'est mauvais.

Sur le coup je suis un peu comme Dounette, perdu. Je capte par bribes, mais au final j'en ressort avec une sensation d'incompris, désagréable.

C'est marrant, j'ai l'impression que le fantôme de Goldmund reste dans les parages pour hanter les bibliothèques et investir l'esprit de celui qui vient s'y perdre...

Encore une fois, c'est pas la peine de mener débat car chacun a sa propre vision de ce que doit être la poésie. Et ça, Goldmund aimait justement nuancer dessus.

Citation :

Les choses plates qui vont droit au cœur par exemple m'emmerdent au plus haut point.

Est-ce pour ça que je vais dire que c'est mauvais? Non.

Dounette : oui et non. Quand tu dis "La poésie, n'est ce pas de la sensibilité? de la musique?", tu inclus d'emblée les goûts des gents, car nos sensibilités diffèrent, nous n'écoutons pas les mêmes choses, nous n'entendons pas les même choses de toute façon.
Je n'ai pas trouvé dans tes commentaires matière à faire progresser quiconque, c'est dommage car tu sembles être quelqu'un de sensible justement... est-ce la peur de paraître ridicule qui t'empêche d'analyser plus précisément? Les méchants ne sont là que si on les attend.

Kyo : quelle est la couleur que tu vois?

Chikoun : bonne répartie ; le talent que tu sais montrer en matière de ce que le général appelle "poésie" pourrait-il donner l'exemple d'un commentaire vraiment constructif? Le genre de commentaire intelligent où le critiqué achève cette lecture par un "oui", convaincu de faire mieux la fois prochaine.

En ce qui me concerne, je détaillerai mes impressions, mon ressenti et tout ça d'ici peu.

Je suis désolé, mais non. La poésie n'est pas forcément "limpide". La poésie c'est avant tout des sons, et ces sons ne sont pas forcément au service d'une histoire ; ils peuvent retranscrire des sentiments, des sons, des impressions. La poésie dit l'indicible, ou tout du moins s'y efforce, ce qui ne veut pas dire qu'elle le dit clairement. (selon certains, selon d'autres le poète est prophète, et je pense pas que ca te plaise plus) Si on devait le dire le plus clairement du monde, on dirait "J'aime" lorsqu'on ressent cette sensation, on dirait "Je n'aime pas" pour l'inverse. Et pourtant les sentiments humains ne se limitent pas à ca, ils sont bien plus complexes. La poésie c'est l'expression de tout ce qui se rattache à ça, et c'est valable pour toutes les autres thématiques de la poésie. La poésie est un art du chant, à la base, ce qui inclue donc une très forte présence des sonorités. Il existe une multitude de façons de dire quelque chose, et la plus claire n'est pas forcément la meilleure, au contraire.

Oui, l'abstraction n'est pas symbole de réussite, et de beauté. Mais non, ce n'est pas non plus symbole d'échec.

Les poètes torturés amoureux c'est intemporel, car ce sentiment n'est pas limité aux seuls romantiques et à leur époque, et rien n'interdit d'écrire sous ce style aujourd'hui, sinon la forte chance de tomber dans le déjà vu. Sinon, tu serais bien déçue car la littérature moderne privilégie la réflexion, le non dit, et le dit bizarrement. Donc il faut savoir. Halte au romantisme qui est has been ? Ou Halte à la "modernité" ? (La modernité est aussi à la simplification de la forme, ce qui est loin de simplifier le fond. Comme partout, il y a différents niveaux de lecture.) Moi je dis oui aux deux, ensuite à vous (et à toi) de voir.

Et faire recette ou non, ça dépend de la conception de la poésie que l'on a, et du but de l'auteur à travers ce poème. Si j'écrivais pour faire en sorte que vous compreniez, alors que mes derniers textes cherchent à écrire la "folie", bien que je ne sois pas sûr que ce soit de la folie au sens où tout le monde l'entend, je dirais le plus simplement du monde "je suis fou", ou je décrirais mon comportement etc. Mais ce que je veux, par exemple, c'est faire ressentir ça. Faire ressentir cette impression, la sortir de moi pour vous l'exposer. Il ne suffit pas de penser, ou d'écouter, il faut aussi ressentir.



Je suis désolé, Sanz, de ne pas commenter ton texte. Je le ferai plus tard, ce soir surement. La j'ai oral blanc, and I vais speak anglais to have a very mauvaise note.

Chik', j'ai compris, et apprécié, chacun de tes poèmes. Certains plus, comme "papa", certains moins.
Ce que je réprouve, dans ce cas précis, ce n'est pas la mauvaise lisibilité, mais cette habitude de "noyer le poisson". Je n'ai pas l'impression que Sanz, dans ce poème, ait réellement quelque chose à dire ou à partager. Cela ressemble plus à Narcisse qui se regarde et qui se dit "comme je suis beau".

"Comme j'écris bien".

Après, ce n'est que mon avis, qui est néophyte en plus (et Freuzne, je te remercie pour la psychanalyse, mais je n'ai peur de rien), et je sais que ce style peut être apprécié par d'autres que moi (citons Cassi, mais il y en a plein d'autres.)

Aucun art ne peut être universellement apprécié, et je n'hésite pas à le dire : je n'apprécie pas les poèmes trop torturés.

Démonstration de force Chikoun, j'adhère, je suis conquis!

Dou', on te reproche pas de pas aimer, juste de mal t'exprimer pour le dire.


"Comme je psychanalyse bien"

Je veux réagir à ce que tu dis Dounette. Car "citons Cassi" est si juste ici....

J'ai lu ce poème voici quelques semaines. Sanz venait de l'écrire et me l'avait proposé en lecture.
Il ne l'avait pas posté.

Or, chaque fois que je lis ce poème, j'ai un frisson qui me prend de la tête au pied. Celui-là plus que tous les autres.
J'ai donc demandé à Sanz qu'il le poste sur TA, pour que d'autres que moi puissent en profiter.

Ce poème est, pour moi, très loin d'être incompréhensible. Il est un véhicule d'émotions très fortes. Je sens les lèvres si légères sur mon front comme une caresse de fraîcheur sur une peau enfiévrée. Je ressens les sourires du jeu amoureux, de la complicité qui en découle et du feu qui dévore un autre feu.

Faites moi confiance ! J'ai une imagination débordante. Et l'ouverture que m'offrent les poèmes de Sanz, peut-être par leur complexité (même si je ne les ressens pas comme tels),par les mots choisis, me permet de plonger ailleurs, totalement ailleurs.

Et je reste rêveuse devant ce vers : "Les jours perlent des Nuits timides"

et ce passage m'étreint :
"au Soupir
Que tu dresses contre le Temps aride
Que l'on rêve au fond de notre Age
Tel le cœur ivre de tes Présages"