Robot Pen [écriture automatique]

Aanubis a écrit:: Dans le premier Manifeste du surréalisme, qu'il fait paraître en 1924, Breton présente ainsi l'écriture automatique :

"Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même. Placez-vous dans l'état le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos talents et de ceux de tous les autres. Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout. Ecrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire. La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu'à chaque seconde il est une phrase étrangère à notre pensée consciente qui ne demande qu'à s'extérioriser. Il est assez difficile de se prononcer sur le cas de la phrase suivante ; elle participe sans doute à la fois de notre activité consciente et de l'autre, si l'on admet que le fait d'avoir écrit la première entraîne un minimum de perception. Peu doit vous importer, d'ailleurs ; c'est en cela que réside, pour la plus grande part, l'intérêt du jeu surréaliste. Toujours est-il que la ponctuation s'oppose sans doute à la continuité absolue de la coulée qui nous occupe, bien qu'elle paraisse aussi nécessaire que la distribution des noeuds sur une corde vivante. Continuez autant qu'il vous plaira. Fiez-vous au caractère inépuisable du murmure. Si le silence menace de s'établir pour peu que vous ayez commis une faute : une faute, peut-on dire, d'inattention, rompez sans hésiter avec une ligne claire. A la suite du mot dont l'origine vous semble suspecte, posez une lettre quelconque, la lettre l, et ramenez l'arbitraire en imposant cette lettre pour initiale au mot qui suivra."

Et c'est ti-par. Concis comme intro, pas vrai ?

"Et c’est pour cela que je vis en quoi ça retournait totalement dans les abysses infernaux du grand bouleversement et c’est en quelque sorte une raison joviale de cet esprit qui caractérise la façon dont j’annonçais, sans doute en toute bonne conscience, les trépignements de l’absinthe. J’aime tant parler de toi au pluriel qui m’évoque la sympathie rigolote et puissante de cet été doucereux mais calme et tranquille et donc les petites alouettes chantonnent comme nous aimons à le dire et à être gais pour toujours, envahis par la sensation fluviale du réseau du tonnerre. Bonjour, répondis-je à qui voulait supprimer les arguments les moins frais qui se détachaient de l’échappatoire grandiloquent que nous appréciions déchiqueter le matin où, toi, grisonnante et limpide, tu faisais l’amour à un arbre. Combien de fois ai-je voulu leur grimper dessus, à même le sol, pour tirer sur le ciel des croupions de poulets antidatés et des zestes de petite princesse qui, à jamais, perdaient l’éclat printanier qui rend la vie comestible aux yeux de tous ? A toujours, vraiment, que je veux luire et attendre la rouge ténèbre qui étreint la subliminale réminiscence d’exploits de jadis, pertinemment réhabilitée par des fous, ces coquins qui n’ont d’âme que six heures passées. Vas-y, et détruis, si tout y compte, et je ne m’y opposerai sans doute qu’en sachant que les ordres sont tels qu’on en ferait du papier mâché, que j’aime et amenuise dans une perpétuité qui grandit subséquemment et sans que son caractère mainte fois irrémédiable ne revienne en tête à qui l’a reproduit dans les artifices du petit drôle. Où réside finalement l’intérêt de la démarche obscure qui nous meut sans qu’à travers nous renaissent à jamais qui pourrait savoir sans tenter une petite parabole enfantine et incestueuse ? Ça n’a de sens que ça, en ce qu’il ne se veut pas honnis mais détruit par les griffes et, ho, j’aime quand ça balance des grésillements intrépides, éjectés à même la tapisserie qui nous recouvre et englobe dans une sous-couche de verre ce qui est dans la tête des chimpanzés azimutés et vrillants. Nous sommes des jumelles et cet aveu revient si peu cher que le solde de cette rocambolesque assemblée ne pourrait y être présente, oh que non, cent fois non, si je ne le voulais, nous ne pourrions aboutir à un tel arrangement. Sans savoir à qui attendre le prochain bus d’ici et au toujours répondre par une évasion spectaculaire en diable, et toutefois maculée de ces traits si fortement engoncés dans le cervelet chétif de mes enfants, ces chères têtes au teint de cire. La production est omniprésente et, néanmoins, de par le fait, et ainsi de suite. J’aime ta peau au soleil, j’aime quand ça croustille et éclabousse les sombres taches qui t’ont peut-être été faites en août et, si, tellement occupée par ce qui prédomine, nous en oublions l’essentiel et regarder Dieu, lui qui n’apprécie que modérément les appels qui répondent à nos souhaits, court-circuitant l’appel d’air divin de ces embruns qui me portent la nuit quand je dors sans être paisible mais bien plausible et tel un lapon. Oh oui, vraiment."

En rose, les passages qui me semblent intéressants.

Libre à vous de poursuivre - et éventuellement commenter - cet exercice.

Invité

http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9vrose

Blague à part, c'est intéressant. Tu m'as l'air d'avoir un Surmoi quelque peu perturbé, l'ami, mais c'est intéressant!

Du point de vue du style, je n'ai de toute manière jamais aimé ça. Le premier jet a ses vertues s'il peut nous pousser à écrire sur des vérités qui nous sont propres ou nous lancer (enfin!) dans l'écriture de celles-ci. Une sorte de maïeutique plutôt positive donc. Par contre quand on vient à en faire un texte entier, ça finit par me rebrousser le poil.

Néanmoins, encore une fois, c'est intéressant et j'imagine que tu as du bien t'éclater à écrire ce...monstre.

Bon bah, puisqu'il le faut :

"La vertu des pauvres, l’idée du meilleur des mondes. La fin de tout, et la manœuvre illicite d’un peuple conçu pour la mort. Voilà, c’est terminé. Pas de but , pas de chemin à suivre. Telle est la réalité placide du Monde. Et les pommes, dans tout ça ? sans doute un coup des extraterrestres, mort de faim dans l’espace noir qui encombre notre esprit. Car c’est de ça qu’il s’agit : l’attrait du vide. Ca a déjà été exploité, d’ailleurs, mais qu’importe. C’est pas comme si c’était de ma faute, si je tapais frénétiquement sur mon clavier, comme un dément qui ne se contrôle plus.. c’est peut être ça d’ailleurs. Une mitrailleuse qui ne s’enraye jamais, dans sa forme la plus aboutie. Et on en revient à la fin du monde. De notre monde, du leur, et de tous leurs amours désemparés, qui, fugitives expressions de nos souvenirs, tournoient, mais resteront. Et c’est étrange de se dire, que pourtant, ils sont bien là, en étant déjà balayés. Ils n’existent plus dans le monde, dans notre monde. Pourtant chacun sait qu’on y accorde la plus grande importance. Une histoire de réminiscence, peut être. Je ne veux pas le savoir. Le monde marche comme il marche, ou tourne comme il tourne. Peut être ne tourne-t-il pas d’ailleurs. C’est la vie, comme dirait l’autre. Ou plutôt, une grande majorité des autres, tant il est commun de se dire que cette idée est répandue sur la planète, et sans doute au delà. Hésitation des doigts, dans un silence monacale. C’est bizarre, ça ne ressemble pas à la vie. C’est bizarre, ça ne ressemble pas à ce qui est, somme toute. Somme toute, et puis c’est tout, d’ailleurs. On ne comprend pas. On c’est les autres, comme je. Un jeu de bois, taillé à même un chêne qui n’existe plus que sous une forme polie, polie peut être aussi. Et une nouvelle fois, c’est la fin. La dernière, sûrement, jusqu’à ce que tout se poursuive."

J'ai corrigé plusieurs fautes d'orthographes après l'écriture (surtout des accords), mais j'ai veillé à ne changer aucun mot ou sonorité.
Je ne sais pas combien de temps j'y ai passé, déconnecté de la réalité, mais sans doute guère plus de quelques minutes.
Je ne sais pas si ça à son importance, mais je l'ai tapé à l'ordinateur (sans regarder une seule fois l'écran, d'ailleurs, et sans m'arrêter de taper un seul instant ^^).

Voila.. psychanalyser moi ^^ (quoi, c'est pas ça?!).

L'intérêt de l'écriture automatique n'est pas - selon Breton du moins - de permettre au lecteur de pénétrer la subjectivité de l'auteur: cette vocation typiquement romantique faisait frémir les surréalistes. Ce qu'ils cherchent par le truchement de cette activité, c'est parvenir à un stade de la pensée qui n'est plus celui de la conscience, ni même de l'individu, mais plutôt, ce que le psychanalyste Jung qualifie d'inconscient collectif. L'écriture automatique, c'est l'humanité tout entière qui s'exprime par la bouche d'un seul homme, et cet homme est étranger aux propos qu'il tient, il est semblable aux oracles, au mediums qui prêtent momentanément voix et corps aux divinités ou aux esprits qu'ils invoquent. L'automatisme doit être, selon les surréalistes, porteur d'une vérité poétique supérieure, ce doit être un regard non pas sur la réalité, mais bien sur une "surréalité" en marge de celle que nous connaissons. En cela, l'écriture automatique est une forme bâtarde, à mi chemin entre la poésie et la sorcellerie: ce n'est pas sans hasard que le terme d'invocation revient souvent chez les surréalistes. Je pense notamment à ce très beau poème de Desnos, celui qui était reconnu par tous comme le plus doué dans cette discipline; le poème s'intitule La voix de Robert Desnos (je n'en donne qu'un extrait car c'est un peu long).

[...]
Les vieux cadavres ressuscitent à ma voix
les jeunes chênes coupés se couvrent de verdure
les lambeaux d'etoffe pourrissent dans la terre et sur la terre claquent à ma voix comme l'étendard de la révolte le linge séchant aux alentours des fermes habille d'adorables femmes que je n'adore pas qui viennent à moi obéissent à ma voix et m'adorent
les tornades tournent dans ma bouche
les ouragans rougissent s'il est possible mes lèvres
les tempêtes grondent à mes pieds
les typhons s'il est possible me dépeignent
je reçois les baisers d'ivresse des cyclones
les ras de marée viennent mourir à mes pieds
les tremblements de terre ne m'ébranlent pas mais font tout crouler à mon ordre
la fumée des volcans me vêt de ses vapeurs
et celle des cigarettes me parfume
et les ronds de fumée des cigares me couronnent
les amours et l'amour si longtemps poursuivis se réfugient en moi
les amoureux écoutent ma voix
les vivants et les morts se soumettent et me saluent les premiers froidement les seconds familièrement
les fossoyeurs abandonnent les tombes à peine creusées et déclarent que moi seul puis commander leurs nocturnes travaux
les assassins me saluent
les bourreaux invoquent la révolution
invoquent ma voix
invoquent mon nom
[...]

Excusez-moi pour ce petit HS, mais je pense qu'il est aussi intéressant de réfléchir sur la pratique de l'automatisme que de s'y essayer.

Dépoussiérons tout ça et posons ceci:

"Non, désolée, ça ne... m'intéresse pas. Oui, voilà. C'est ça: ça ne m'intéresse pas. Comment? Je m'ennuie, c'est vrai, je n'ai rien à faire. Mais vous ne voudriez tout de même pas que je m'occupe de choses inintéressantes? Si? Ah. Dommage. Pour moi? Non, pour vous. Ce n'est pas moi que cela gêne. Voilà, c'est vous, puisque vous n'aurez pas ce que vous vouliez. Oh, c'est vrai, quelques lignes ça ne coûte rien. Mais voyez-vous, lorsqu'il s'agit de se forcer, cela coûte beaucoup plus. Beaucoup plus. Vous avez une idée du prix de l'effort intellectuel pour un esprit fatigué? Non, vous ne pourriez pas. C'est impossible. Pardon? Je m'y refuse. On dirait que vous cherchez à m'acheter! Je vous dis que je refuse! Voilà, exactement, c'est cela: non. Ah! Mais voilà que vous insistez, je vous dis que c'est impossible! Vous ne m'aviez pourtant pas l'air sourd jusqu'à maintenant. Lorsqu'il s'agit de vos histoires, vos oreilles fonctionnent à merveille. Écoutez donc les miennes à présent. Mh? Ah, ça ne vous intéresse pas? Nous voilà bien! Dans ce cas, pourquoi parlons nous? Nous devrions raccrocher. Ah oui, pardon nous ne sommes pas au téléphone. Alors coupez le son, voilà. Oui, bonne nuit."

V'la, j'fais dans la discussion à sens unique moi!

Je me prête au jeu aussi :

Citation :: Force platanes aux allures de mouettes antiques, mais quand il préfère les horribles les structures magnifiques des portes singulières j'aime mieux me dire qu'au fond les systèmes plastiques m'offrent davantage de mérites que les horribles fermières à visage rond d'entre les morts sans poil ni chaussures c'est bien ça que je me dis quand les plumes d'autrefois faisaient figure de daurades bien pressées entre les seins d'une bergère à moitié sonnée par la cloche trop fortement métallique arc-boutant les sifflets perdus des mers et des soleils.

Le résultat est très curieux.

Viens là Questo... Ce soir je veux te dire quelque chose au creux de l'oreille... Ecoute :

Citation :: Pareil au même et pas de quoi se lamenter pour autant. C’est un pire qui se crapote dans les méninges d’un homme comme la trombe d’un vent qui ne peut plus avancer. Mais quand ça bouge au-dedans de l’oiseau, quand on vole des morceaux de crapauds avant de valser sur les chutes des morts, alors on se fige et on prend des pirouettes aux vivants pour devenir un héros, un géant un petit monstre qui suinte et qui pleure sous les perles des os.

Je me suis prêté à l'expérience, et je pense que ça a plutôt réussi dans le sens ou j'avais aucune idée de ce que je venais d'écrire, sans oublier que c'est vraiment n'importe quoi...xD

La route qui menait l'occident autour de mes pas de conscience sirupeuse à l'insu de l'avril incandescent sans jamais céder la violence de son assassin perfide.
Ecrire le mal voulu sans pourquoi frire l'arrêt glacial de mon coeur malsain aux aurores odieuses de mon sénile atroce cauchemar dans le temps de nos obscures idées.
Etoile vermeil qui nous gargarise de sa laideur dans les caves de son altruisme cérébral, les vengeances de mon fiel incarnat regretté de tous par la fange tiède et pure qui balise les âmes de nos morts congelés à demi sous terre par la brise funeste qui les égoutte à sang de boeuf candide vautour gras sous la palissade de mon coeur manges-tu ce qui désire, si oui fermes le crochet de tes tributs sibyllins mais ne crains pas la grande incartade de paille et de fer qui coulisse sous nos ongles à portée de main, l'inceste agréé sans douleur par l'arrêt des erreurs parties à Katmandou ou ailleurs, vainqueur des armées du salut de la montagne des peurs enfouies.
Crisses le grenier sans fumer ta peine, je peux sentir le fumet de ta haine sans que se taise le coulis de l'horreur de nos sentiments déchus, meurs, petit ange, ici, tu n'es plus le bienvenu.

Misère, ç'avait l'air plus long sur ma feuille. ( je pense que c'est mieux de le faire sur une feuille au passage, une question de rythme ! sur l'ordi, on tape trop vite, l'expérience devient différente pour l'esprit et son anticipation x)

Pourquoi misère c'est pas assez long, il me semble qu'il est compliqué de vraiment faire de l'écriture automatique sur une longue période car à un moment tu deviens plus conscient et fais attention.
Par contre je suis d'accord avec toi, l'écriture au stylo et à l'ordi sont deux expériences totalement différentes et le rendu n'est pas le même, j'écris rarement direct sur l'ordi pourtant je l'admet ça donne des facilités mais j'ai l'impression que ça barre un peu notre potentiel, notre imagination.

Nombre de messages : 15 Age : 32 Date d'inscription : 14/01/2013

Oh ! J'adore faire ça ! C'est parti pour un tour alors.

L'homme pue, l'homme sent l'autre côté de la Terre, il sent les vallées putrides débordant de cadavres tuméfiés et les eaux rincées de sang vert et bleu. L'homme est un néant glacé de givre craquelé, il soupire grassement dans des fauteuils de verre et s'irise comme un pleutre sous des vents mystérieux. Pleins de boisson qu'il est, l'homme ! Puant le vin, fort comme un musc, oui, dépravé l'homme. Je sens d'ici ses naseaux fumants qui ne sentent plus. Et je vois déjà s'élever les vapeurs écarlates de putréfaction grandissant dans la chair, dans le vif, dans le mou. Et ça déchiquète, ça rouspète, et puis ça déchiquète encore. Mince alors, je n'ai plus de couteau. Dommage, j'aurais voulu, j'avais voulu, j'oserai voulu, je voulu. Bref, je Veux ne plus sentir je crois, ne plus puer, je veux voir des parfums d'au-delà des montagnes et voir des berges multicolores et comme des arc-en-ciel monter les cieux pâlots pour ficher une verge au milieu des étoiles.

» [Ecriture libre] A vous.