Ouverture

Notre cible se nomme Paul Neufel. Dire que notre nouvel ami est un pigiste peu méritant serait un euphémisme. Paul Neufel travaille pour le Némésis. Ses talents de journaliste laissant à désirer, il a été relégué au rang de sous-fifre au sein du Journal. Lorsqu'il ne passe pas son temps à satisfaire tous les caprices de diva du rédacteur en chef, Paul Neufel écrit de petits articles mineurs sur des événements mineurs, et en recueille une notoriété mineure, comme son salaire. Las de si peu de considération, il s'est récemment mis en tête d'écrire une série d'articles inédits sur un sujet auquel personne n'avait eu le courage de s'attaquer jusque-là : les Confréries. Mais si personne auparavant n'avait osé se lancer sur un sujet pareil, c'est qu'il y a une raison évidente à tout cela. Les Confréries n'aiment guère que l'on se mêle de leurs affaires. Le Cercle encore moins. Paul avait très mal ciblé ses articles.

En cherchant à nous nuire, il s'était lui-même condamné. Les premiers articles étaient parus dans le courant de la semaine et commençaient à toucher de trop près la Confrérie. Bien que le Cercle se débrouille très bien pour effacer ses traces et surveiller ses arrières, ces articles ne lui plaisaient guère. Très vite, Elle s'était renseignée sur ses activités et Il avait tracé le parcours quotidien du pigiste. Paul Neufel avait l'habitude de se rendre dans un bar de Galvorn le soir pour se pencher sur ses notes, seul avec sa choppe de bière.

Ce soir, le Cercle lui rendrait visite. Ou plutôt, sans le savoir, il lui rendait visite.

Elle ouvrit calmement la petite mallette et prit délicatement le violon dans une main et l’archet dans l’autre. Posant le bas de l’instrument sur sa clavicule gauche, Elle exerça une légère pression sur les cordes et resta immobile. Debout, à l’entrée de la taverne, Elle attendait le signal. A l’autre bout de la salle, juché sur une estrade et bien installé derrière ses percussions, Il lui sourit. L’ambiance était relativement calme dans la taverne. Il était encore trop tôt pour les premières bagarres d’ivrognes. Les habitués étaient déjà là et les gens de passage se restauraient tranquillement.
Elle ferma les yeux et entama quelques notes calmes et empreintes de gaieté allant crescendo. Plusieurs paires de têtes se tournèrent vers Elle. Un premier pas en avant et le violon émit deux notes plus vives, trainant un peu sur la dernière comme pour attirer l’attention. Alors, au cœur de la taverne, s’éleva une musique entrainante. Un sourire aux lèvres, la violoniste suivait le cours de sa musique tout en évoluant au milieu des tables et des gens encore debout. Ce qu’Elle jouait, ce n’était pas que des sentiments ou des émotions. Dans sa musique, c’était tout son être qui s’exprimait : son harmonie intérieure. L’instrument était son catalyseur. Petit à petit, Elle obtint l’attention d'une bonne partie de la salle. Satisfaite, Elle monta sur l’estrade et la mélodie s’atténua progressivement jusqu’à ce qu’un silence presque total s’installe dans la taverne.

Délicatement, il passa son doigt sur la peau tendue de manière à émettre un bruissement continu. Simultanément, il caressa légèrement la large cymbale du bout de sa baguette, le plus près possible de la colline centrale pour en tirer le son le plus diffus. Il alla crescendo quelques instants, percutant la cymbale de plus en plus fort, caressant la peau de plus en plus vite, avec les ongles, puis s'interrompit.

Paul Neufel, tu es innocent mais tu es mauvais. Tu es un opportuniste, capable du moins, du pire. Si tu devais te résoudre à écraser tes adversaires pour les dépasser, tu n'hésiterais pas un instant, tu agirais. Le soleil au Zénith voit tout, et tes malversations en vue d'obtenir toujours plus d'avancement, de gloire et de reconnaissance par tes pairs. Tu en oublies d'être prudent, et là, tu as mis le pied dans un piège à loup. Le Cercle est ton adversaire, et tu as voulu l'écraser afin de le dépasser, mais tu t'es attaqué à plus fort que toi, et le retour du bâton sera sévère. Cependant, contemple notre clémence, et voit quel spectacle nous allons t'offrir pour ta repentance. La mort est le chemin vers la paix, la souffrance s'éteint. Mieux vaut pour toi et tes congénères, que tu ne sois plus rien.

Le silence s'étendit un moment, l'assistance quelque peu surprise par l'apparition des percussions suivie de cette brusque interruption. Tous n'écoutaient pas encore la mélodie, ou l'entendaient d'une oreille distraite, plongés dans leurs conversations, ou, dans le cas de Notre cible, dans ses notes. Il Lui fit un signe de tête bref, puis Il entama un dynamique chabada sur la cymbale, réminiscence de musique jazz des bas-fonds de Galvorn, tout en frictionnant vivement la peau, instrument du désert, croisant les poignets et les sonorités.

Vous n'êtes pas sans douter que les lentes mélopées sont parfois joueuses autant que le Destin se mêle habilement les pinceaux pour écrire d'improbables contes ou des angles aigus sont obtus. Moi je me promenais sur la grève, occupée par cette pensée tel un Prophète méditatif qui contemple une mer énigmatique.
Quand un homme sombrement habillé, coiffé d'un chapeau qui recouvrait d'ombre son visage, tapota mon épaule et je reçus de sa voix grave un murmure distinct:

Il est à la Taverne, nous avons peu de temps.

Bien.

Jetant un dernier regard vers mon rêve marin, j'emboitai les pas de mon indicateur et m'enfonçai dans les rues noires de Galvorn jusqu'à pousser la porte du bar. A peine entré, la musique égaya mes oreilles. Muni d'un sourire léger je rejoins la table de Monsieur Neufel.

Quand j'eus touché sa table, il releva brusquement sa tête comme mû d'un pressentiment de peur digne d'un humain face à un souffle cosmique. Le voyant s'embrouillant dans un discours, mains tremblantes et facies tordu par une pensée malade, je le laissa s'embarquer sur son train de frayeur avant de lui montrer une petite feuille signée du sceau du SAng tout en lui adressant une grande expression ironique . Ce ne fut plus seulement de la peur mais une panique insurmontable qui l'emporta. En se relevant dans sa table, décidé à fuir, prenant conscience enfin de sa position dramatique il renversa note et verre avant que je le récupère et le tienne fermement. Je lui fis sentir mon ton intransigeant.

Monsieur Neufel, veuillez nous suivre pour votre plus grand bien.

Le tenant par le bras aidé de mon acolyte je le tirai au dehors de la taverne et laissant loin derrière nous la menace qui rendait dingue le pigiste afin qu'il en approche une encore plus dingue, nous nous enfoncions plus encore dans Galvorn jusqu'à retrouver une escorte qui nous attendait avec l'allure de ceux qui se plaignent du retard pris dans l'affaire.

Et bien quoi? Je n'avais plus le droit de rêver?

Accoudée au comptoir la jeune fille observait le va et vient des habitués lorsqu'elle remarqua les deux hommes qui venait d'entrer. Ils ne ressemblaient pas aux autres clients et ne donnaient pas l'impression d'être venus là pour consommer où écouter la musique. Son sentiment se confirma lorsque l'un d'entre eux s'approcha de Paul Neufel, avec le sourire, comme si il s'agissait d'une vieille connaissance. La réaction du journaliste lui enleva ses derniers doutes et elle se tourna vers l'estrade, elle leurs fit un léger signe de tête auquel ils répondirent d'un simple regard.
Elle se leva et se dirigea discrètement vers la sortie, apercevant au passage un bout de papier marqué d'un sceau familier.

- Cet homme a au moins le mérite de s'être rendu célèbre rapidement,murmura-t-elle.

Elle se hissa sur un toit et attendit patiemment qu'ils sortent. Et lorsqu'ils sortirent tout trois de la taverne, elle se leva doucement et les suivi. Du haut des toits elle les voyait s'enfoncer dans les ruelles sombres de Galvorn. On aurais presque pus les croire amis, si l'anxiété du pigiste n'avait semblé doubler à chaque coin de rue, et si son garde du corps de droite avait arboré un sourire un peu moins ironique. Après quelques détours, les trois hommes arrivèrent dans une cour où les attendaient des hommes tout de noir vêtus.
La jeune fille s'assit sur le toit en regardant Paul Neufel et ses accompagnateurs se rapprocher du groupe. Elle s'adossa à la cheminé, les yeux tournés vers le ciel, elle semblait attendre.

En un échange de regard nous avons compris que quelque chose s'était mal passé. J'attendais dix gars et je me retrouvai avec six agents dont deux semblaient légèrement blessés. D'un hochement de tête on sait qu'il ne faut pas traîner dans le coin, et que déjà, on nous court après. D'un signe de tête on reprend une marche forcée avant de rentrer discrètement dans quelque appartement sordides en l'occurrence désertés (oserais-je le dire grâce à nous). La salle qui nous accueillit était grande et sale ; la poussière servait de décorum et les murs lépreux de cadre romantique à nos petites affaires. L'un de nous jeta Paul Nefel au sol avant de lui soulevr le menton pour qu'on puisse voir sans se baisser son visage terrifié où perlait sporadiquement des gouttes de sueur. Je commençais le dialogue en appuyant lentement sur les syllabes de manière à être parfaitement entendu.

Tu es veinard, entre nos mains ton espérance de vie vient de doubler. On est pas méchant, on veut juste savoir. Par quelque hasard, que nous connaissons toi et moi, une cargaison d'Echoriath s'est malheureusement perdue. Et l'on m'a chuchoté à l'oreille qu'un petit homme portant un bras un symbole très remarquable avait longtemps trainé tout autour. On m'a dit aussi, quelle chance tu as, que tu es un journaliste de talent, et que par le concours de ton savoir, tu as été mis au courant de l'affaire et, oh merveille, que tu étais très informé également sur le sujet des confréries... .

Je m'approchais de ce qui me semblait être devenu un gosse en train de pleurer et lui envoyant un coup de pied à son épaule pour qu'il se remette de ses émotions un peu plus vite, je continuai mes observations.

Un des feuillets de ta mallette qu'on a pris le soin de lire rapproche ce signe aux termes " Cercle du Zenith". Nous, ici, avons toujours été avide de connaissances nouvelles. Tu comprends... on voudrait savoir... et ARRETE DE GEINDRE.

Ma main vola brusquement, et la bague de pouvoir accrochée à mon annulaire lui fit cracher un filet de sang. Il gémit mais rien de plus, trop terrorisé pour pleurer plus encore son douloureux destin. Je déteste les geignard. D'un hochement de tête mes agents commencèrent à le molester un peu avant d'entendre un " stop" effleurer ses lèvres suivi de " je vais vous expliquer". Moi qui m'étais éloigné un peu, je reviens vers lui en m'agenouillant pour mieux écouter ce que sa pauvre bouche boursoufflée à de beau à me raconter. Et il parla, vite, mais il parla. Toute l'histoire, les recoupes d'histoires, sur une étrange association de mercenaires qui protégeraient une certaine idée de je ne sais quoi ( et j'ai beau lui avoir demandé de me répéter visiblement, ayant perdu quelque dents, la prononciation était difficile), qu'on appelait " Cercle du Zenith". Il ne put m'expliquer pourquoi ces pantins des rues s'étaient intéressés à mon commerce ce jour là mais il fit remarquer qu'on retrouva l'espion deux jours plus tard, flottant dans un des canaux pourrissants de Galvorn, que comme il observait la scène depuis son motel, il put voir arriver d'étranges ombres le récupérer et l'emmener dans la nuit profonde des rues crasseuses.

Je me relevai en respirant un peu. Vu l'effroi dans ses yeux, ce n'était plus seulement la mort qui dansait au fond de ses yeux mais le sujet également. La précaution dans le choix de ses formulations indiquait une unique chose. Il en savait plus mais crevait de peur de l'évoquer. Ce n'était pas uniquement un petit cartel de curieux mais quelque chose de plus organisé qui prend soin d'effacer au possible les moindres traces jusqu'à récupérer dans l'eau mauvaise un pauvre gamin mort. Un des hommes en surveillance pénétra dans la salle au moment ou je me perdais dans mes réflexions.

Il y a du mouvement autour Monseigneur, nous devrions partir.

Un choix s'annonçait dans le même temps. Si nous avions trouvé d'étranges informations, le sceau du sang et diverses données liées avaient été retrouvées également. Le tuer, ou vouloir en savoir plus? Je jetai un regard vers l'humain. Ou en étions nous?

Sans avertissement, la porte s'ouvrit à la volée, laissant libre passage à trois personnages encapuchonnés. On pouvait légèrement distinguer leurs traits, mais ce pouvait être n'importe qui. Outre le revolver automatique braqué par celui qui semblait présider, les katars et armes blanches semblables que les deux autres individus tenaient menaçantes, chacun disposait au poignet d'une Walkyrie, sorte d'arbalète portative lançant un disque sombre hérissé de lames acérées.

- Le soleil au Zénith, messieurs. Etant donné qu'aucun d'entre nous ne connaissons l'étendue de nos pouvoirs respectifs, et que personne ne souhaite un bain de sang, je suggère de trouver une solution plus subtile au problème que vous nous posez si aimablement. Vous savez ce que nous voulons, à vous l'initiative d'un compromis.

Pas une miette de la scène du bar ne Leur avait échappé, et pourtant, Ils n'avaient eu aucune réaction ostensible. Patientant quelques minutes pour ne pas éveiller les soupçons, Ils avaient joué leur morceau jusqu'à la fin, avant de se retirer, leur fuite couverte par une violente rixe qui avait éclaté entre deux ivrognes. Ils avaient ensuite rejoint l'éclaireuse, cerné la bâtisse en éliminant habilement les sentinelles, et se tenaient désormais armes aux poings, devant l'encadrement de la porte.

Je pris le temps de respirer et de laisser le temps à mes hommes de se placer tel un écran entre ceux qui venaient brusquement d'arriver et nous, Paul Nefel et moi-même. J'étais prevenu, mais j'ai retardé d'une seconde l'éventuelle fuite, l'éventuelle solution à ce qui venait d'éclater. Discrètement je remontai d'un cran Azräael de son fourreau, son aura emplit la salle d'une lueur confuse. Nous ignorons tous ce qu'il peut advenir. Ma main gauche se posa sur l'épaule du journaliste tandis qu'une série de probabilité se dressait au fond de mes yeux. Une seule parut éclairer mon visage et moduler une action. Tandis que j'appuyais plus fermement ma prise sur Nefel, je m'exprimai lentement en haussant ma voix:

Puisque nous cherchons tous à savoir, nous n'avons qu'à l'interroger ensemble? Le tuer serait tellement idiot, du moins pour le moment.

Une lueur fauve passait dans mon regard tandis que j'affichai un sourire plus que provoquant.

Conformément aux ordres - qui étaient devenus des habitudes - il inspectait les alentours de la taverne depuis un temps certain. Ce n'était pas chose aisée car cette ville regorgeait de comportements observables qui eurent été remarquables en d'autres lieux. Cependant, il avait noté qu'un appartement s'était brusquement vidé de ses habitants sans raison valable. Aussi avait-il aussitôt communiqué les informations au Cercle. Il avait observé bien dissimulé dans l'ombre du toit l'interrogatoire amical qu'avait subi Neufel. Il s'attendait à moitié à devoir tenter une attaque surprise visant à le tuer avant qu'il n'en dise trop, mais finalement ses confrères avaient débarqué. Un peu surpris, il profita de l'attention générale porter sur eux pour se réceptionner en silence derrière les kidnappeurs. Il prit la parole à l'adresse d'Arzenia Prengt :

- Leurs intentions sont en accord avec leurs dires. Ils comptaient effectivement mesurer l'étendue du savoir de Neufel. La proposition me semble stratégique mais en certains points avantageuses, patron.

Sa voix portait clairement, elle était mélodieuse et plaisante mais on y décelait une ombre de menace.

Un vent glacial interrompit leur conversation, tandis qu’une brume aux teintes bleuté et violacé s’étendait sous leur pied. Une voix majestueuse au ton des plus impérieux se fit alors entendre.

- je refuse catégoriquement vos complots. Les secrets des lunaires restent aux lunaires.

Ils se tournèrent tous vers l’endroit d’où provenait la voie. Un ange à six ailes se tenait droit dans l'embrasure de la porte. le vent avait soufflé les lumière de la salle qui n'était éclairé que par la pale lumière lunaire. Sa cape noire volait derrière lui dans l’aire de la nuit, tandis que sa terrifiante silhouette se découpait dans la pleine lune.

Oh la paix ! Il ne manquerait plus qu'un illuminé de l'Unique ou pire...Qu'un Vilain débarque par une fenêtre et nous aurions la plus belle réunion de dérangés du pays.

Neufel, j'ai pitié de vous.

L'elfe ôta le capuchon qui masquait son visage et se planta devant le mur humain qui la séparait de Neufel.

Sanz, comme vient de le souligner ce Lunaire, nous avons aucun intérêt à garder cette homme en vie. Nous savons tout ce qui mérite d'être su. Sors cette lame et tue-le maintenant. Tu ne pourras pas l'interroger et tu le sais.

Elle affichait un sourire aussi provocateur que le sien. Le Sang avait trop tendance à se sentir en territoire conquis peu importe où il était. Dans le cas présent, il ne pouvait que se résigner et tout le monde en resterait là, peut-être. Le Cercle ne souhaitait pas une confrontation directe, pas maintenant. Les hommes de Sanz restaient impassibles et attendaient ses ordres.

Alors, que préfères-tu ? Que je force le passage ou que je te laisse faire ?

De l'autre côté du mur, Paul Neufel commençait seulement à mesurer toute l'étendue de sa bêtise.

Sanz applaudit à la fin du discours de la jeune elfe qui venait d'enlever son capuchon. Un sourire se dressait sur ses lèvres tandis qu'il saluait chacune des personnes présentes. Ce faisait il s'approchait de Neufel et ses hommes se plaçaient en ligne droite entre le prisonnier et les nouveaux invités du spectacle. Il s'exprima fort avec un ton moqueur dans sa voix tout en examinant chaque regard pour n'en oublier aucun. Ce sera le prix de leur intervention. Désormais ils seront tous connus, tôt ou tard.

J'apprécie cette petite réunion impromptu, Messieurs, Mesdemoiselles. Je suis quelque peu désappointé de n'avoir pas eu le temps de manger un bout avec mon vieux copain Neufel mais après tout nous n'avons pas toujours... le temps.

Un des Agents du Sang en retrait pendant que le Prince focalisait l'attention sur son inepte propos murmura calmement au journaliste une menace rapide

Tire toi ou tu vas finir en brochet sur la place de Galvorn.

Paul Nefel trembla et au moment même ou une fumée s'immisça de la salle tel de longues trainées aveuglantes, il prit ses jambes à son cou et détala plus rapidement qu'il ne pourra dans toute sa vie. A mesure que l'espace saturait de ce nuage gris et épais, les contours de Sanz et des agents disparurent en se mélangeant aux couleurs locales. Seule une voix persista.

Bonne chasse Messieurs! Mesdemoiselles aussi...

***

Dans une des rues parallèle Sanz s'appuyait contre un mur. Deux agents l'encadraient, le regard inquiet. Il les congédia d'un mouvement de la main et continua de s'enfoncer dans Galvorn ; une fatigue notable trahissait le contour de ses yeux et il ne put s'empêcher de cracher un filet de sang sur les pavés tandis qu'il marchait. Sa démarche était chaloupée et lente. Seul l'aura brillante d'Azräael le différenciait des clochards aux alentours. Un ivrogne ne s'embarasse pas d'une lueur pourpre dans son sillage.

C'est leur chasse, moi j'ai ce que je voulais. Et pour le reste on s'en passera.

Arzenia Prengt n'avait pas manqué une miette de la fuite du journaliste, mais la situation étant plus que tendue, il avait préféré le laisser filer plutôt que de tenter de l'abattre et provoquer une fusillade. Lentement, il abaissa son arme.

Nous nous recroiserons bientôt, je l'espère.

Il se tourna vers le dernier invité arrivé, et le considéra avec curiosité.

Mon cher, nous avons notre petite idée sur votre identité, et il est clair que nos intérêts convergent, cette entrevue l'a démontré. Cependant, je crains que nous n'ayons guère le temps d'approfondir nos relations, aussi je vous ferai prestement parvenir une invitation parmi nous. En espérant vous voir y répondre positivement, nous vous saluons. Oh, et n'ayez crainte pour Neufel, il n'ira pas bien loin.

Il se courba respectueusement, puis fit un signe de tête aux autres agents du Zénith. La petite assemblée se dispersa aussi vite qu'elle était apparue, et la masure retrouva le silence qui lui était propre ; par mesure de sécurité, les unités de sapeurs la feraient silencieusement s'effondrer au milieu de la nuit.
Les quatre âmes encapées s'élancèrent à corps perdu dans les ruelles de la cité mauvaise. Par les toits, par les murs, les pavés, ils allaient à la poursuite de Paul Neufel, ivres de leur traque effrénée. Il n'y avait absolument aucun risque qu'il leur échappe. Galvorn était peut-être un dédale de chemins s'entrecroisant, mais ce labyrinthe n'avait aucun secret pour ceux qui arpentaient jour et nuit les lignes de fuite de ce havre des forbans.

Il lui avait fallut un certain temps, il n'avait ps avant de remonter la piste et trouver ce Paul Neufel. Encore un de ces journalistes qui recherchaient la gloire par le scoop mais n'en mesurait pas les éventuels dangers. Mais les choses ne s'étaient pas déroulées comme prévu et ses recherches auraient bien pu capoter de manière tragique si cette réunion impromptue de confréristes ne s'était pas dérouler aussi bien. Il ne savait pas précisément ce qui s'y était passé, mais un commun accord ou un point d'entente avait finalement été trouvé entre les deux confréries. Il avait encore une chance de capturer sa proie pour lui soutirer ce qu'il pourrait. Il en saurait certainement plus sur ces confréries et sur ce qu'elles représentait actuellement. Il était bien difficile de dénicher ne serait-ce que leur nom, alors leurs but, effectifs et histoires...L'aubaine était là, il n'avait qu'à saisir le fruit avant qu'il ne pourrisse. Et ensuite il aviserait, c'était un bon début, une chance inespérée.

Il redoubla de vitesse dans les rues sombres et humides de Galvorn, sachant pertinemment qu'il n'était pas le seul chasseur aux trousses du journaliste. Il devait le trouver avant les autres.

L'évolution progressif de son corps après l'épisode de son nouveau frère - Teysa - l'avait changé plus qu'il ne l'aurait cru. Son organisme s'était adapté petit à petit à ce changement et il avait du réapprendre à marcher, à courir et à se mouvoir aussi vite qu'avant, puis passer un cran au dessus et filer bien plus vite qu'avant. Avant, toute les demi-lune, son corps changeait de forme, passant d'un ange à un petit chaton ailé, puis vice-et-versa. Depuis, sa forme angélique s'était mue progressivement. Sa silhouette féline se mouvait dans l'ombre, son pelage tigré gris et blanc recouvrait presque tout son corps, à l'exception des paumes de mains, de ses plantes de pieds et du au de son torse. Des griffes rétractables s'étaient développées aux mains et aux pieds, et sa forme s'apparentait à une certaine forme animal, tel un semblant de loup-garou mais félidé. Il courrait ainsi bien plus vite qu'avant tel un fauve sauvage. Et cela lui plaisait, son côté animal s'était étendu pour lui donner quelque chose en plus. Cependant, il ressentait comme une sorte de rage intérieure qui parfois désirait prendre le dessus des choses et de toute raison. Ce monstre tapis au fond de lui même évoluait tout comme lui, et cet aspect l'inquiétait depuis quelque temps.

Ses implants lui indiquaient la carte de Galvorn sur sa vision virtuelle. Quatre points rouges se déplaçaient rapidement vers un point vert moins vivace, Paul Neufel. L'un d'eux n'était qu'à deux embranchements d'écarts tandis que lui avait bien une dizaine de virages à réaliser. Aidé de ces derniers et de son flair développé, il lui était facile de savoir avec grande précision la localisation de sa proie et de ses concurrents, entre autre. Il bifurqua vers la droite en prenant le mur d'en face comme appuie et sauta pour arriver sur les toits. Son pelage clair reflétait de manière diffuse la lumière de la lune.

Sautant de toits en toits aussi vite qu'il pouvait, il voyait sa chance s'étioler au fil des secondes. L'un des chasseurs serait sur le journaliste dans une fraction de seconde et il arriverait trop tard. Ses yeux se plissèrent et un sourire carnassier se dessina sur son visage.

* Surprise *

Il disparu dans l'instant qui suivit et apparue une trentaine de mètre plus loin pour se téléporter une seconde fois et apparaître juste devant le chasseur qui s'apprêtait à agripper leur proie. Ce dernier bloqua net alors que le félidé se posa sur ses pattes arrières.

- Navré mon cher, mais il semble que nous chassons la même proie, et avec tout l'égoisme que je vous dois en cet instant, je pense en avoir plus besoin que vous.

A peine avait-il finit sa phrase qu'il s'était élancé vers le chasseur qui en fit de même, lui avait ordres, et c'était là son point faible. Le félidé s'esquiva sur le côté juste avant la confrontation et se retrouva juste derrière lui. Il dégaina son katana et la belle lame de damas scintilla sous l'astre. Leurs lames se croisèrent mutuellement et s'entre-choquèrent en résonance.

- Jolis réflexes, ils ne choisissent pas n'importe qui dans cotre confrérie. Mais...

Le chasseur effectua un kata dans les règles de l'art sans hésitation et fit reculer le félidé. Et alors qu'il pensait avoir l'opportunité de transpercer ce nuisible, une queue lui agrippa la garde. L'animal décrivit une pirouette complexe et fit valdinguer le chasseur qui s'écrasa au sol le souffle court. Sa propre lame venait de lui percer le coeur et la vie le quittait peu à peu.

- ...on ne vous apprend pas à affronter n'importe qui ou n'importe quoi. Et, désolé, rien de personnel, mais je suis pressé.

Sa vision virtuelle lui signala l'arrivée imminente de deux autres chasseurs suivit de près par un dernier, pour le moment. Il détala et ne mit pas longtemps à rattraper Paul Neufel qu'il saisit au passage sans s'arrêter. Il bifurqua dans un multitude de ruelles et se téléporta plusieurs fois afin de gagner du temps et brouiller ses traces, ce qui le conduisit sur les quais du port. Il jeta un coup d'oeil rapide et choisit l'un des navires. D'un saut élégant, il atterrit sur le pont. Il déposa le journaliste mort de trouille par terre contre deux tonneaux, et souffla un peu puis se tourna vers ce dernier une lueur dans son regard.

- Mon cher Paul, je ne vais pas passer par quatre chemin.
- Qu..qui ? Co..co..comment ?
- Ici, c'est moi qui t'explique et qui te pose des questions. Je n'en ai qu'une, et simple.

Il se baissa sur lui, le journaliste couina et se protégea de ses mains par réflexe, la peur au ventre. Le félidé lui mit une sorte de puce possédant un petit dard sous ses yeux.

- Regarde, ce petit gadget me permettra de récupérer les fragments de ta mémoire et donc des informations que tu possèdes. Tu n'auras pas besoin de mourir, ça fera juste l'effet d'une piqure et d'un vertige léger. Ensuite je t'enverrais loin d'ici, assez pour qu'ils ne te pourchassent plus. Ah oui, c'est ça ou la mort. Alors, voici la question, que choisis tu ?

Il afficha sa denture pointue et le brin d'espoir auquel s'accrochait Paul plia comme un roseau, sans céder. Hésitant, il acquiesça. Le félidé ne perdit pas de temps pour le piquer au niveau de la nuque. Le petit appareil tourna et l'aiguille s'enfonça jusqu'à atteindre sa moëlle épinière, il lâcha un cri de douleur. Ses paupières entrèrent en convulsion et son regard devint vide alors que le processus de collecte était en cours. Il ne fallu qu'une poignée de minute pour qu'un cliquetis se fit entendre. Le félidé se saisit de l'appareil et le connecta à son bracelet. Ce dernier était directement connecté à son système nerveux et un flux important de souvenirs, de sensations, d'émotions et d'informations s'accumulèrent dans sa mémoire, défilant bien trop vite dans son esprit pour pouvoir tout assimiler. Ce n'était qu'un simple détail, son esprit ferait le travail bien assez vite. Demain, il saurait tout ce qu'il désirait. Déjà quelques fragments ayant marqué le journaliste devinrent aussi limpide qu'un souvenir d'hier. Paul Neufel lâcha un long soupire de soulagement après ce qu'il venait de subir et se mit à somnoler, la drogue injectée faisant totalement effet.

Le félidé huma l'air et porta son regard vers les chasseurs qui arrivaient...

- personne ne doit savoir!!

la voie raisonna dans la tête d'Astriel. dans l'esprit du chat se formait le visage de son frère.
- personne ne doit savoir mon frère. Pas même moi, scelle ces souvenirs dans ton esprit et veille sur eux. Tu détiens en toi le secret des confréries garde les en toi a jamais.

sur ces derniers mots des symboles de brumes se figèrent autour du visage du chat ange.

- maintenant ces souvenirs sont à toi. Plus personne ne pourra les atteindre.

l'espace se découpa autour des deux personnages, laissant apparaitre Teysa dans un nuage de brume. Il posa sa main délicate sur le crane du journaliste.

- Plus personne ne pourra les atteindre.

il la resserra d'un coup sec, explosant dans une gerbe hémoglobine le crane du journaliste.

- Même une ordure de nécromant ne pourra récupérer les restes de sa mémoire.

constata le primera, dans un doux sourire.

Enfonçant la porte d'un squat visiblement vide d'un coup de talon, le Prince pénétra dans des appartements désaffectés rongés par la poussière, les toiles d'araignées et l'air fétide des endroits pourris. Il marcha lentement au rythme d'une respiration saccadée et douloureuse, écrasant sous ses pieds des tessons de porcelaines et feuille de papier noircie. Dans le coin de la pièce il avisa un bureau encore de bout sur lequel il s'assit péniblement. Une variation dans l'ombre attira brusquement son regard. Il sourit faiblement

Encore trop bruyante, Anwen. Que viens tu faire ici? N'as tu pas d'autres choses à faire?

L'Amazone sortit de l'obscurité et s'approcha, son visage était d'une blancheur lunaire et des arabesques pourpres arrondissaient le contour de ses yeux. Elle tenait dans sa main droite son arme, la lame brillait d'une lumière sombre comme si elle semblait deviner les dessin de la jeune Vampyre. Elle combla la distance qui les séparait puis approcha le visage de Sanz en caressant les contours de son visage fatigué. Dans l'intensité de son geste, elle ressentait l'équilibre fragile qui les unissait, d'âme à âme, dans ce corps indistinct rongé par l'absence d'humanité. La voix d'Anwen fut lente et douce:

Hezeriel nous manque, n'est ce pas... . Nous ressentons, chacun de nous, le désir nécessaire de nous équilibrer et pourtant, chaque nuit, je rêve de tuer pour m'approprier la toute puissance du Sang. Que dit Shyon? Il est si silencieux, si lointain. Il ne veut peut être plus de nous et rêve aussi de nous abattre quand nous nous vouerons une guerre sans limite. Ou est passé l'Harmonie du Sang? Que deviens le Prince?

Sanz fixait les yeux de son Autre de ses pupilles bleues. Il restait imperturbable ; il connaissait déjà ce discours de lutte interne, de nécrose latente ou chacun cherche a s'approprier le pouvoir du sang sans respect pour l'Ensemble. Anwen reprit.

Je me sens tellement libre, ces temps, ci que ma mémoire me revient. Quand tu es venu me chercher dans les ruines des Empires du Sang, dans les caves sordides et désertes du Pays des Vampyres, que seule et surprise de vivre encore, tu m'expliques que protégée par le don de l'immortalité je ne peux disparaitre et que tu es venu pour... donner un sens à tout cela. Je t'ai cru, j'ai bu ton Sang, et j'ai tout oublié. Je me suis inhibé lentement, inivré de cette nouvelle puissance, de ces mondes maudits, de ta propre Mémoire qui était aussi la mienne. Et buvant encore, me soulant de ta puissance tu as pu contrôler mon corps, mon âme. Moi qui ne tuait que par nécessité de ma propre race, parce qu'il fallait nous nourrir, je devenais le bourreau de tes caprices et j'ai massacré des villages entiers parce que tu m'as demandé. J'ai longtemps pleuré, longtemps voulu mourir mais je suis tenu au fond de ton carcan de survivre pour que tous ensemble, nous qui te sommes soumis, nous puissions perdurer encore et tenir le rôle que l'Appel nous assigné. Pauvre enfant, pauvre destinée, je suis ici pour abattre l'humain. Mais tu n'as plus rien d'humain, et c'est cela même qui nous met en danger. Le régulateur, la conscience d'Equilibre, Hezeriel, celui qui résout nos addictions au sang... Où est-il? Tu ne le sais pas, autant que moi. Et chacun se met en tête qu'il peut se substituer en lui. peut être est-il vraiment mort, peut être est ce fini. Dois-je te tuer aujourd'hui et manger ton âme? As tu une âme? Regarde moi, jeune Prince... .

Sanz avait perdu son regard dans l'ombre du sol, la tête penchée en avant, observant depuis le bureau une étendue de silence et de mystère soudain ; il dessinait dans le vide noir cette fragilité exacerbée de sa nature. Posséder plusieurs âmes, pour un seul Pouvoir, fusse t'il celui d'un Dieu. Lentement, la sensibilité du monde fuyait par tous ses ports et il sombrait dans le lent sillage du Mouvement, de l'attirance ténébreuse des Limbes prophétiques, désincarné et faible. S'il répondit ce n'était que pour se soustraire à ce vague remugle d'une réalité malade :

Qu'attends-tu pour m'abattre? Si nous paraissons si tristement impuissant sans Lui, pourquoi réfléchis tu encore? Révèle toi donc.

Tu sais bien que je ne peux que nous faire souffrir, et tenter seulement de prendre l'ascendant sur Toi. Tu sais n'est-ce pas? Nous sommes immortels.

Anwen frappa brusquement, d'un seul coup planta sa lame dans le ventre de Sanz.

Voilà ce à quoi nous sommes fait, finalement, des bêtes suçant le sang des Autres.

Elle baigna sa main libre dans le sang qui coulait en flot puis le buvant son visage s'éclaira du Pouvoir immodéré du Sang.

Je respire enfin, sais-tu, de tant de longues nuit d'amnésie. Combien est long ton calvaire... . Souffre bien.

Elle se retourna et son pas se faisant léger disparaît dans la nuit tandis que le Prince gisait sur le bureau ; sa peau se desséchait lentement. S'il répondit, ce ne fut que dans un murmure :

Pourquoi vouloir toujours vivre?

Cette mission n'avait pas du tout été un fiasco du début à la fin. Non. D'une part, Elle avait du abréger sa représentation alors que l'elfe adorait utiliser ses dons pour manipuler les foules. Seulement, employer ses aptitudes à provoquer une vulgaire bagarre d'ivrognes n'arrangeait pas son humeur, si on comptait l'intervention du Sang.
Le Sang...Idrial toucha son front un instant en songeant aux épreuves que Cassiopée et elle avaient traversé dans le Manoir. Lorsqu'elle ne se trouvait pas en présence de la Dame des étoiles, la marque disparaissait.mais dès qu'elles étaient proches l'une de l'autre, celle-ci se révélait comme pour exprimer le lien étroit qui les unissait. L'elfe était lié à Cassiopée mais pas au Sang, du moins pas directement.

Mais ce Prince, c'était une autre histoire. Le voilà à se mêler de choses auxquelles il ne devrait pas toucher. Pire encore, il agaçait Idrial. Ne jamais sous-estimer sa nature impulsive. Dès lors que les nuages de fumée avaient envahit la pièce, l'elfe s'était dirigée vers la sortie, suivie du reste de la troupe.

Non mais attends...Il nous fait le coup de la fumée celui-là ? Quelle originalité ! Et mince, c'est pas plutôt à nous de faire ça ? Oh zut.

Elle parlait sans réellement être écoutée. Ses confrères étaient habitués depuis le temps. Tous s'élançaient à la poursuite de Neufel mais l'elfe avait une autre idée en tête. Elle intima à Arzenia de continuer sans elle.

Je quelque chose à faire, vous n'avez pas besoin de moi pour cette chasse à l'homme.

Ils se séparèrent sans plus de cérémonie.
A Galvorn, tout comportement, tout individu est suspect. Rien n'échappe aux Yeux du Cercle et encore moins un Prince illuminant d'une aura pourpre les murs contre lesquels il s'appuie pour progresser. Idrial s'engagea donc dans le squat.
L'obscurité qui régnait dans la pièce l'empêchait de se déplacer discrètement, elle marchait sans cesse sur des débris de porcelaines, à croire que la pièce en était recouverte. Si Sanz n'avait pas fuit, il savait désormais qu'elle était là. Quant à Idrial, elle sentait sa présence mais ne le trouvait pas. Agacée, elle prit le premier objet assez solide qui lui passa sous la main et l'envoya éclater la vitre, noircie par la crasse, de la pièce. Quelques rayons de lune s'infiltrèrent et une lumière diffuse éclaira le fond de la pièce.
Sanz, au sol, baignait latéralement dans son propre sang. Alors qu'elle contemplait l'image qui s'offrait à elle, toute hostilité envers le Prince la quitta, laissant place à la surprise la plus totale.

Les bruits de tessons réveillèrent Sanz a demi sombrant dans une torpeur de fatigue. Il releva sa tête pour observait celle qui approchait. Il reconnut l'une des invités de la grande soirée Neufel dans l'obscurité faiblement éclairée par la vitre brisée. Un léger sourire déforma ses lèvres dans une grimace étrange.

Ne vous inquiétez pas pour moi je ne ressens pas grand chose, sinon rien. Les sensations sont quelque chose que j'ai un peu oublié en venant dans ce monde. Vous qu'en pensez vous? Je veux dire de la souffrance, vous la ressentez comme eux? Sa voix était faible et il devait régulièrement faire une pause pour maintenir le ton de sa voix. Pourquoi êtes-vous venu ici d'ailleurs? Vous devriez courir après le pauvre journaliste. Ou bien, vous avez pensé utile de me suivre pour m'éliminer en douceur? Quelle heureuse initiative.

Il s'appuya sur ses bras tout en monologuant puis se hissa difficilement sur ses jambes. Lentement il fit quelque pas vers l'inconnue. Sa démarche était chancelante mais elle tenait. De ses main il contenait la plaie pour ralentir l'épanchement de sang. Il reprit alors doucement son discours.

Vous hésitez à me tuer? Ou vous ne voulez pas vraiment. C'est bien bête, j'aurai voulu vous accueillir autrement. Que diras t-on de moi, maintenant? Que je suis redevenu un pauvre vieillard dans un corps si beau. Quel désastre, tout de même...

Elle ne semblait pas vouloir répondre, ni même bouger. Et Sanz continuait de réduire la distance qui les séparait. Enfi,n quand il put percevoir ses yeux éclairé par un faible rayon il vit le doute, l'étrange doute humain trembler dans ses pupilles. Sa voix devint un murmure:

Ah...je comprends. C'est délicat d'observer de telles scènes. Qui a bien pu donc me mettre dans cet état. Vous savez... ce n'est qu'une âme un peu folle, m'appartenant d'ailleurs, qui a eu l'envie délicate de me faire souffrir un peu. Enfin souffrir un peu, ce sont de grands mots. Vous êtes bien belle dans ce trait de lumière. Peut être que je vous rêve tout en vous observant, et que tout cela se transforme en une vision forte agréable. Quel est votre nom, Etrangère?

Ce fut un pas de trop, Sanz s'effondra au sol. Il se releva à genou à vingt centimètres d'elle. Si proche il pressentit une marque inattendue, l'écho sombre de l'appel dans l'aura de celle qui l'observait muette. A travers cette nimbe il reconnut la trace évidente de Cassiopée, un lien obscur qui prenait forme dans son esprit. Et tandis qu'il tendit un doigt vers le front de la jeune femme il imprima au contact l'essence confuse de sa confrère. Un symbole se dessina telle une esquisse sur la peau qu'il reconnut immédiatement. Le Prince sourit une seconde fois alors tout en laissant retombant son bras. Ses lèvres exprimèrent un flot de parole si indistinct qu'il en était inaudible. Et pourtant il essayait de parlait fort, voulant crier, se faire entendre. Mais déjà, son énergie se réduisait, enveloppant son âme dans un cocon de protection, l'empêchant de trop s'épuiser. Ce ne fut que dans une dernière tentative qu'il articula non à voix haute mais dans l'âme de son interlocutrice.

Êtes-vous vous décidée alors? Voudriez vous me tuer?

L'expression de son visage restait empreinte d'une sérénité digne tandis qu'il luttait peu à peu pour ne pas s'endormir. Dans son corps, au fond des organismes affluait le Pouvoir du Sang qui empêchait l'hémorragie de se poursuivre et reconstruisait inconsciemment les fibres une par une, canalisant la puissance du Prince dans une lente et discrète reconstruction, annihilant au passage les efforts du corps et de la pensée.

Ce qu'elle cherchait, Idrial l'ignorait. Pourquoi elle avait suivi le Prince ? Cela aussi, l'elfe l'ignorait. La curiosité, sans doute. Elle restait plutôt méfiante car on entendait bien trop d'histoires sombres au sujet de Sanz.
Il avançait péniblement vers l'elfe sans que celle-ci n'esquisse un geste, que ce soit pour l'empêcher de bouger ou pour l'aider.

Elle le voyait se débattre, non pas pour survivre. Il survivrait. Il lui faudrait du temps pour ça mais il survivrait, elle le sentait sans que la marque du Sang y joue un rôle quelconque. C'était grâce à ses propres dons qu'elle le devinait. Mais Sanz semblait subir cette issue, il n'était pas habité par cet instinct de survie qui s'exprime chez chaque individu. Il ne jouait pas un rôle concret dans sa guérison, il l'endurait. Tout comme il avait sûrement encaissé le coup qui lui avait été porté peu de temps avant son arrivée dans le squat.
Etait-ce de l'indifférence ? De la lassitude ? L'acceptation de sa condition ?
L'elfe ne comprenait pas.

Je ne vais pas te tuer. Je peux même accélérer ta guérison mais ce n'est pas sans conditions.

Elle s'accroupit à côté du Prince.

Mais tu...Tu n'es pas humain. Non. Tu vas devoir m'expliquer comment procéder.

Les cordes murmuraient et les voiles claquaient sous la volonté du vent. Les yeux du félidé reflétaient la lumière que renvoyait l'astre lunaire et lui donnait un air inquiétant. Pourtant, le journaliste laissait transparaître le brin d'espoir auquel il pouvait se raccrocher. Sa proposition semblait honnête et n'était pas pire que la mort.

Puis les oreilles d'Astriel se dressèrent instinctivement alors qu'une voix lui hurla ces mots "Personne ne doit savoir !!" Son pelage se hérissa et un frisson parcouru son échine alors que son regard alerte fit le tour des horizons. Personne encore à portée. Et il connaissait cette voix.

*- Teysa... *
*- personne ne doit savoir mon frère. Pas même moi, scelle ces souvenirs dans ton esprit et veille sur eux. Tu détiens en toi le secret des confréries garde les en toi a jamais. *
*-... *

L'idée le révoltait de nature. Il n'avait guère envie de garder un secret qu'il ne possédait que dans un rêve ou à travers un bref souvenir vagabondant dans son sub-conscient. L'intérêt n'y était pas et il n'y gagnerait que des ennuis à ne pas pouvoir connaître et utiliser ce secret.

Dans l'instant qui suivit, la brume se compacta et forma des symboles qui se disposèrent autour de son visage. Il tenta de les chasser d'un revers de main mais rien n'y fit. L'effet était aussi impressionnant qu'un avion entrant dans un nuage. Il secoua la tête et se déplaça vivement en espérant vainement d'échapper à ce sortilège. Ils étaient encore là. Impassibles.

*- maintenant ces souvenirs sont à toi. Plus personne ne pourra les atteindre.*

Puis l'espace se distordit et avant que le félidé n'ai pu réagir, le corps de Neufel s'étala sur le plancher du ponton, baignant dans son propre sang et sa propre gelée corticale.

- Plus personne ne pourra les atteindre.

Il porta son regard emplit d'une colère noire vers Teysa. Il n'écouta même pas la suite. Son esprit se ferma un instant alors que le sceau de brume se figea en lui puis disparu après un éclat écarlate.

- Teysa...j'aurais plusieurs choses à te dire et une requête. Pour ma part, je ne sais pas si j'ai commit une erreur en venant ici. Question d'opportunités, il possédait des informations qui me seront utiles. Et loin de ce que tu crois.

Il se retint de poursuivre en jetant un regard désolé au cadavre du journaliste. Le pauvre n'avait juste pas eu la jugeotte de s'arrêter à temps et venait de récolter les fruits de ses recherches. La colère qui le tenaillait ne le quittait pas. Il fit quelques pas vers l'ange déchu pour arriver en tête à tête. Levant les yeux, il fixa son regard avec une intensité dont l'agressivité était presque palpable. L'air devenait bouillonnant autour d'eux et chaque claquement de queue du félidé semblaient provoquer une bourrasque chaude qui faisait virevolter chevelures et habillements.

- Tu as commis trois conneries. Primo, tu tues cet abruti de journaliste trop zélé alors que ce n'était pas nécessaire. Et tu le savais très bien. Je l'aurais conduit dans un endroit que personne ne connais sinon moi seul. Et rien ne prédisait qu'il survivrait là-bas. Deusio, tu violes mon libre arbitre en bridant un savoir qui me revenait de droit. Et c'est bien ce qui me donnes le plus envie de te tuer. Troisio, tu ne me salues même pas et tu ne m'as pas répondu à ma lettre. Et ça, je n'accepte pas.

Son aura combative s'éleva et contrastait avec le ton posé de sa voix. Mais ses yeux et son corps trahissaient ses émotions et son désir d'en découdre avec son frère de sang.

- Voici ma requête. Et gardes toi de t'y engager, elles y veilleront personnellement...

A ces mots trois petites flammèches apparurent. Elles tournèrent autour de Teysa jusqu'à se figer. La flamme de jade plongea dans la main droite de l'ange déchu, l'orange fusionna avec son genou gauche et la rouge écarlate se fixa tout près de son coeur.

- Donne moi les clés, voir l'accès ou un indice crucial pour se rendre au monde des rêves, de mes rêves et de mon savoir caché, au moment que je désirerais.

Il lui adressa un sourire cruel et emplit de défi.

- Où brûle de l'intérieur et perd ta main droit, ton genou gauche puis ton coeur. Mais pour le dernier, c'est plutôt inutile non ? Puisque je doute des battements de ce dernier.

Il était près à lui sauter dessus sans hésitation. L'excitation montait et l'enviede combattre rongeait sa patience apparente.

- Sinon je te tues. Ce n'est qu'un petit arrangement entre frères hum ? Tu me prends ce que je veux, ok. Mais donne moi le moyen de le trouver quand même. On fait comme ça ? Ou tu as des choses à redire ?

Il saisit Teysa par l'épaule tout jovial et content. L'ambiance changea du tout au tout et l'air devint plus frai et plus respirable. Une grande partie de la tension s'était envolée subitement et le claquement des cordes reprit avec le ballotement des voiles.

Teysa enleva doucement la main d’Astriel de son épaule.

- Astriel, mon frère, sincèrement je ne peux accéder à ta requête, par contre je peux t’amener à cet endroit. Mais, dans le monde des rêves, Astriel, tu trouveras des choses que tu aurais sans doute voulu oublier à jamais.

Teysa s’assit sur une caisse qui trainait et s’adossa à la maison derrière lui.

- c’est à toi de choisir mon frère, es-tu prêt a sacrifier ta santé mentale pour un souvenir qui ne t’appartient pas. Où encore je peux t’expliquer ou ils sont et tu iras seul à tes risques et périls.

Astriel lui adressa un sourire carnassier emplit d'une joie improbable.

- ça m'ira cher frère. Quand j'en aurais envie je t'appellerais (on se fera une bouffe aussi tiens). Tu me diras juste comment y aller et je me débrouillerais seul.

Il lui fit un clin d'oeil. La brise devint fraîche et une fine bruine commença à tomber tel un manteau apaisant. L'ange regarda vers le ciel devenu gris, masquant la lune et les étoiles. Il s'approcha du bord et s'appuya sur la rembarde. Le clapotis de l'océan était agréable à l'oreille. Il se tourna vers Teysa.

- Ma santé mentale s'est déjà vu sacrifié une fois, en partie du moins, il y a longtemps. Une de plus ou de moins, je ne suis plus à ce genre de chose près. Et tant pis si je ne m'en remet pas cette fois-ci. J'aime vivre, j'aime le danger et je ne peux pas m'empêcher de le chercher. Pas tout le temps bien sûr. ça fait partie de moi, quitte à perdre la raison...je la retrouverais bien un jour si ça m'arrive de toute façon. Ce n'est pas le temps qui manque. Et puis, c'est comme un jeu. Plus que ça même, c'est une aventure extraordinaire.

Il soupira, et se tourna vers les eaux jusqu'à ce que son regard croise quelques poissons filant au gré des ondulations de leurs nageoires.

- Dis moi, pour une raison ou pour une autre, tu ne cesseras de te mettre en travers de mes chemins...ou c'est moi également qui à l'art de toujours te croiser ces derniers temps ?

Il savait qu'il s'était mit dans de sales draps. L'intervention de son frère de sang le prouvais et ne pouvait qu'annoncer une suite des évènements mouvementées. Cela ne le dérangeais pas. C'était là son voeux. Ce journaliste avait été une véritable aubaine. Maintenant, il savait que les confréries, et notamment le mystérieux Cercle du Zénith, se pencheraient sur son cas. Ce n'était plus qu'une question de temps et sa curiosité serait enfin satisfaite, du moins l'espérait-il. Il n'était pas dit qu'elles ne tenterait pas de le tuer, c'était en théorie la solution la plus évidente en terme de praticité et d'efficacité. L'autre consistait à s'en faire un allier ou un membre dans le meilleur des cas. Et cela, il le saurait bien assez tôt.

Ses yeux s'ouvrirent légèrement. L'écho de la voix de l'étrangère avait troublé une résignation sourde. Il sourit faiblement.

Mon corps va apprendre à se régénérer lentement, et le sang va reconstruire cette chair qui n'est pas la mienne. Mais probablement que je vais m'épuiser, probablement que j'aurai soif. Juste soif.

Il tendit difficilement sa main vers elle et sembla montrer son poignet, ses veines, le sang même de l'étrangère. Sa main tremblait, son geste était vague et indistinct. SAnz murmura:

Juste soif de sang, pendant que tout cela revienne.

Alors son bras retomba, son souffle se suspendit au fond d'une torpeur apaisante. Sa tête toucha le sol, son corps plongea dans la poussière, dans les tesson de porcelaine ; happé par le clair obscur il se sentit rejoindre le remugle des songes qu'on ces princes du Sang quand ils s'évadent. Ses lèvres, déjà s'asséchaient et il ne lui vint pas dans sa noyade une question qu'il n'avait pas soulevé. Quelles conditions? Mais déjà sa mémoire se teintait des mondes oubliés, de palais déserts, de bruits sans monde, de fontaine sans eau, et d'eau sans mer.

Le sang, évidemment.
Idrial ignorait beaucoup trop de choses sur le Sang bien qu'elle ait la marque de Cassiopée. Cette empreinte que lui avait laissé la nymphe lors de sa résurrection était un lien qui renforçait leurs pouvoirs respectifs lorsqu'elles se trouvaient proches l'une de l'autre. L'elfe ignorait comment cela fonctionnait mais la présence de Cassiopée décuplait ses capacités. En échange, elle apportait à la Dame des étoiles un équilibre qu'elle-même n'espérait pas. Ce lien, elle le chérissait et il lui rappelait sans cesse grâce à qui elle était encore en vie.

En donnant son sang au Prince, elle se demandait s'il pouvait créer un lien quelconque entre eux. C'était sa seule hésitation et elle la balaya d'un geste de la main. Se relevant, elle dégagea les débris qui jonchaient le sol autour de Sanz puis se saisit du Prince et le traina doucement vers un mur où elle l'adossa.
Ceci fait, elle se redressa en s'étirant de tout son long. Non, le Prince n'était pas tout léger.
Debout, elle dégagea un pan de son manteau pour sortir son katar. Elle hésita en regardant la taille de la lame et soupira.

Si seulement je pouvais ignorer le sens du mot compassion...

Idrial se mordit la lèvre et s'entailla alors le poignet. Elle s'accroupit près de Sanz. Le liquide rouge qui coulait de la plaie contrastait avec sa peau claire.
L'elfe tendit alors son bras vers le Prince sans savoir s'il était encore conscient puis détourna le regard.

Les effluves de sang résonnèrent dans l'âme autant qu'un appel. Inconscient, perdu dans les méandres d'une vie absente, le corps du Prince répondit mécaniquement. Sa main droite se leva et frôlant la blessure chercha dans le rouge sombre le goût de la survivance. Ce n'était pas un vampyre, il n'avait ni besoin de le boire ni de l'aspirer, mais d'y puiser un peu d'énergie pour compenser le processus de régénération. Dans les veines des vivants, il y a toujours eu plus qu'un liquide écarlate ; c'est toute leur mémoire, leur identité essentielle, leur force d'exister et qui circule en eux ; c'est toute la puissance du vivant qu'ils ignorent et qu'ils cachent en eux, dans les profondeurs de leur inconscient. Au fond de ces mers, le Prince savait en retirer la force essentielle, et se mit à la vampyriser lentement, au dépend de celle qui l'aidait. Plus il revenait à lui et plus elle semblait chanceler. L'âme de SAnz semblait indifférente au sort incertain de celle qui lui permettait de se relever. Il ouvrit lentement les yeux , observant le sang qui tombait, perdant à chaque seconde de sa consistance pour n'être plus qu'une trace de poussière au sol, dépossédé de toute vie. L'utilisant tel un catalyseur, il accélérait la reconstruction des fibres de son corps, utilisant la peau malléable pour l'étirer, la travailler, et recoudre la blessure. Ses doigts se refermèrent au moment ou le corps de la jeune femme se détendit avant de basculer parmi les tesson de porcelaine et les débris de bois.

Dans la nuit tamisée, à la fenêtre, elle le regardait depuis un peu de temps. Le visage impassible, l'allure nonchalante. Le Prince épousseta sa veste ramassa le fourreau de son arme, puis jeta un regard vaguement colérique vers Erylie. Dans son regard il lisait le reproche qu'elle lui formulait.

Ca reste une humaine tu veux que j'en fasse quoi ? Vous et vos dettes de principe...

Donnant un coup de pied sur un débris de verre comme pour refuser clairement ce qu'elle invoquait dans son attitude silencieuse, le bruit résonna dans la salle comme un cri de clairon. Ses traits se durcirent. Dans la seconde, des pas semblèrent se rapprocher. Il tourna sa tête de nouveau vers la jeune Vampyre.

Emmène la loin d'ici, à défaut, on verra quoi en faire plus tard.

Il jeta un regard vers la jeune femme qui semblait s'être endormi dans une douce torpeur. Quelque part, il cherchait à comprendre aussi pourquoi il avait senti dans son sang la marque du Sang quand il ignorait qui elle pouvait bien être.

Erylie le regarda indécise. A peine sortie de son cachot le Sang avait chanté pour le Sang et ses pas l'avait guidé jusqu'ici. Comme aimanté par cette homme. Elle avait vu et sentit le sang répandu. Elle avait eu faim et peur. Et il l'avait vu elle. Son regard semblait aussi perdu que le sien. Ils se jaugeait du regard, sans quitter un instant les prunelles de l'autre. Voyant si loin au travers.

Elle n'est pas qu'humaine. Et elle porte votre marque. Contrairement à moi que vous avez laisser vivre. Votre coeur est-il si brisé que vous ne voyez pas la compassion quand elle s'allonge sur vos blessures ?

Erylie s'approcha de la jeune femme à terre. Elle semblait prise dans quelques rêves calme et vaporeux. Loin, très loin d'elle même. La meilleure solution serait encore de l'amener au palais. Peut être pourrait ton faire quelque chose pour elle la bas. Le sang noir des vampyres ne lui apporterait rien. Erylie souleva doucement la femme dans ses bras, elle ne pesait rien. Elle semblait évanescente, presque translucide. La vampyre lança un regard atterré au Prince.

Votre soif est-elle donc sans fin? Sans autre but que d'anéantir le vivant ? Mais nous n'étions pas vivant, cela ne nous a été d'aucun secours.

Elle s'approcha de lui et frôla ses lèvres écarlates du bout des doigts, retenant l'elfe contre sa poitrine d'une main. Puis elle se détourna et parti en direction du palais qu'elle venait de quitter. Le pas léger malgré le poids dans ses bras. La fraicheur de la nuit chassa la Soif dans sa gorge. Et sans un regard en arrière elle murmura.

Vous ne vous en tirerez pas comme ça. Des explications sont nécessaires. Depuis toujours.

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