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 [WIP] une histoire d'arbre.

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Lilith
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Lilith


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MessageSujet: [WIP] une histoire d'arbre.   [WIP] une histoire d'arbre. Icon_minitimeMar 5 Nov - 12:59

Bon. J'ai commencé ce texte suite à un rêve que j'avais fait. LA prmeière version est d'ailleurs disponible ICI dans les Biblis.

Mais plus j'y pensais, plus d'autres images me venaient, donc forcé par le destin (au moins) j'ai continué à écrire la suite pq cette pauvre gamine, je ne pouvais décemment pas la laisser là ou elle se trouvait.

Alors, l'histoire est assez glauque. Je voudrais des retours notamment sur le fond et la narration, j'ai peur que ce soit trop nébuleux ou au contraire trop facilement compréhensible.
Je galère un peu sur la narration au "je" pq un seul de mes personnages l'utilise.

Enfin voila. J'arrive presque au bout de l'histoire, qui fera je pense une dizaine de pages.

Bonne lecture Heureux


Citation :





La fille.

L’herbe me chatouille le nez et le soleil est une brulure sur mes mollets nus. Je roule sur moi-même pour me retrouver sur le dos et plonge mes doigts dans la verdure autour de moi. La lumière danse en arabesques multicolores sous mes paupières. J’adore ces couleurs que je vois toujours en fermant les yeux. Elles sont si pures, si vibrantes, si vivantes. Le jaune est particulièrement chatoyant, particulièrement vrai et chaud. Ce n’est pas une couleur que nous avons le droit de porter. Pas plus que les bleus turquoise et les roses vivaces qui explosent devant moi. Je tends une main vers elles, pour les saisir, les caresser mais ce ne sont que des chimères que je garde précieusement, derrière la cage de mes cils. Il fait chaud mais moins qu’avant. Il est temps de rejoindre les autres.

D’un bond je me lève, arrachant des brins d’herbe avec mes mains que je lance dans les airs. Il y en aura plein mes cheveux, je trouve ça joli. Comme de la rosée verte sur ma tête, fraiche et odorante. J’attrape mes chaussures qui trainent par terre et je me mets en route vers le jardin. Il faut descendre la colline et longer le mur de pierre pour atteindre la grande entrée de la propriété. Aujourd’hui j’ai décidé de passer par le petit bois puis le sentier. Là il faut bien regarder. A travers le lierre qui enveloppe la muraille, il y a une entrée secrète. Il faut chercher l’éclat, la brillance de la poignée polie. Elle se cache mais je sais où la trouver. L’herbe me chatouille les pieds maintenant, de plus en plus fraiche et verte comme j’approche du bois. Avant d’y pénétrer je remets mes chaussures, il fait sombre sous les arbres et je n’aime pas la sensation de la terre humide sur ma peau.

Depuis les arbres j’entends une voix que je connais bien. La voix chante, et c’est beau à écouter, c’est doux et tendre. Pas comme les couleurs que je vois. Elle chante pastel et nuancé. Je sors un peu du couvert de la forêt et elle est là. Ma douce petite sœur aux cheveux blonds. Elle est occupée à suspendre ses poupées aux branches d’un chêne. Notre arbre aux trésors. Nous avons beaucoup de trésors, ils commencent à recouvrir tout l’arbre. Posés sur les branches, entre les racines et dans les trous de son tronc. Puis pendues tout le long de son imposante ramure, nos guirlandes de trésors. Elle contemple son œuvre en chantant car elle a toujours une chanson sur les lèvres, ma sœur. Je ne veux pas la déranger alors je me fais discrète. Quand je quitte finalement le bois, elle chante toujours et gratte l’écorce pour y écrire un nouveau secret. Je suis un peu triste de quitter les arbres, je les aime bien plus que le sentier. Il est terne et gris et il vous ramène à la maison. Et puis il fait encore beau, je serais bien resté dehors, sentir le soleil et regarder la poussière qu’il fait sous les feuilles des arbres. Je n’ai plus envie de jouer avec les adultes, ils veulent toujours faire la même chose. Leurs jeux ne m’amusent plus. Même la douleur m’ennuie.  Dehors, il y a tant de choses à faire. Je tire la langue au sentier, même si ce n’est pas sa faute et me mets à courir. J’inspire une grande goulée d’air en arrivant au bout de la petite route, le mur de pierre me regarde. Avec son lierre vert et noir, on dirait un grand serpent endormi. J’enfonce ma main dans l’épaisse couverture de feuille qui le recouvre jusqu’à toucher la pierre froide et dure en dessous et je me remets à courir. Le bout de mes doigts poursuit le mur, et me fait caresser la vie qui s’y cache. La sensation des plantes qui s’accrochent avec force à la roche taillée, les petits insectes que ma main balaie sans remord. L’espace entre les briques, la douceur veloutée des feuilles à peine ouvertes. Quelque chose de rond et de lisse vient se loger dans ma paume et je ressers vivement les doigts, stoppant nette ma course folle. J’ai attrapé la porte secrète. La poignée tourne dans ma main et la porte s’entrouvre. Je n’ai pas envie d’y aller, je sens l’arbre aux trésors qui m’appelle dans le bois. Je tourne la tête et essaie de l’apercevoir mais c’est à son tour de se cacher. Dépitée, je franchis la porte.



L’homme dans la tour.

Il la regarde cavaler vers le mur du jardin, et il ne peut retenir un soupir. Si rose, si fraiche, si moelleuse. Farouche et inaccessible. Il sait qu’elle a un secret dans le bois au-delà du sentier. Il veut savoir, qu’elle lui avoue ce qu’elle fait au-delà de la muraille mais il ne lui est pas accordé de lui parler. Juste de la contempler de loin, en silence, fautif. Elle passe la porte cachée dans le lierre et disparait. Et son monde à lui redevient terne. Il laisse son regard se perdre sur la lande pelée et muette. Aussi loin qu’il s’en souvienne, la lande a toujours été là, grise et silencieuse, immuable. Plus jeune il a bien pensé partir, mais pour aller où ? Il n’avait jamais connu que la Propriété. C’était vraiment une idée stupide, se dit-il. Et puis elle était là, alors il restait aussi. Une boule de peur commença soudain à enfler dans son ventre. C’est mal de penser à elle, il le sait. C’est mal, c’est interdit, défendu.

Un second soupir lui échappe. Il repousse des mains le parapet devant lui et retourne dans la tour en enjambant la fenêtre. Il y fait frais et humide. La chambre est peu meublée et dénuée de toute décoration. Seul un portrait, suspendu au-dessus de la porte apporte une touche de couleur. La blancheur éclatante d’une dentition parfaite lui sourit. Il évite autant que possible le portrait des yeux car le regard scrutateur du père supérieur l’effraie. Sur son lit, une robe de moine brune est soigneusement étendue, assortie aux rustiques chaussures de cordes posées près de l’entrée. Il est nu dans le courant d’air créé par l’ouverture qui donne sur le chemin de ronde de la tour. Pas de vitre ni de porte pour bloquer les hululements du vent et ses rafales lorsque l’hiver s’installe. Il enfile la robe à même la peau et le tissu rêche lui gratte les bras et les cuisses. Il remonte sa manche et sa peau est déjà toute rouge en dessous. Elle est mouchetée d’écarlate comme si des centaines de petits moustiques s’étaient acharnés sur lui. Il a envie de se gratter mais se force à penser à autre chose. Un carillon tinte dans le lointain, porté par le vent jusqu’à la tour. C’est bientôt l’heure de la prière. Le Père va parler et il l’écoutera avec respect. Il aimait bien écouter le Père mais il n’aimait pas aller au service du soir. Il fallait rester longtemps à genoux, sur le sol dur et sans coussin. Il en frissonne rien que d’y penser et ses jambes lui font déjà mal. Mais après ce sera l’heure de manger, pense-t-il. Elle sera là. Avec cette pensée qui lui réchauffe le cœur et le corps, il chausse ses sandales, ouvre la porte en bois de la petite chambre et sort dans le couloir. Là il retrouve les autres apprentis, en bure brune comme lui, prêt pour le service.

La prière finie, il part avec les autres pour le réfectoire. Pendant qu’il mange, le Père supérieur récite les noms des moines méritants de la semaine et ceux des apprentis qui devront faire pénitence. Les premiers auront droit à des privilèges et les autres souffriront en silence. Il n’est dans aucune des deux listes. Il n’est pas grand-chose à vrai dire, pas encore. Un éclat blond traverse sa pupille. La voilà qui s’avance, maladroite et hésitante, un pichet de vin entre les mains. Il la regarde passer. Elle doit sentir la terre fraiche et l’air du dehors. Mais déjà elle s’éloigne vers la table du Père pour remplir son verre. Il détourne rapidement les yeux. C'est mal. C’est interdit de désirer ce qui ne nous appartient pas ou ce que l’on n’a pas mérité. Il laisse échapper un soupir contrit. Un coude jaillit contre ses cotes. Son voisin le regarde et faisant non de la tête. Il ne dit rien. Le voisin, Tom, a raison. C’est mal de soupirer car c’est mal de désirer en dehors des heures spéciales. Mais lui, il n’a pas d’heure spéciale, il n’est pas dans la liste des méritants. Il baisse la tête dans son bol et mange en silence.



Le père.

Du haut de son estrade, le père supérieur est content. La petite communauté se porte bien. Les récoltes ont été bonnes, l’hiver arrive à l’heure. Il sera bientôt temps de fermer les portes de la Propriété pour la saison froide. Sa saison préférée. Ses invités vont arriver et d’ici cinq jours à peine, tout ce petit monde sera réuni autour de lui, tous ses fidèles seront à ses côtés. Il balaie du regard les deux tables en contrebas. Ce sont de longues tables en bois, flanquées chacune de deux rangées de banc. Il n’a pas besoin de compter combien d’apprentis sont assis à ces deux tables, il les connait tous. Il les a tous adoptés, nourris, élevés. Ils sont dix-neuf. Dix-neuf brebis égarées ou abandonnées, confié à son bon soin. Il les couve d’un regard plein d’amour. Il sait déjà qu’il sera fier d’eux, qu’ils accompliront tous leurs taches sans faillir. Et cette pensée le rassure, comme un petit animal chaud et doux, lové contre son cœur. Dès demain, les préparatifs commenceraient afin de rendre la Propriété éclatante sous le soleil hivernal.  La saison s’annonce fantastique. Il en est persuadé. Du haut de son estrade, le père supérieur est content.


Le repas touche à sa fin, le père se lève et récite une fois de plus les noms des apprentis méritants. Avec un sourire plein de fierté, il leur désigne la petite porte derrière la table où il siège, en haut de l’estrade. Avec un sourire au moins aussi large que celui du vieil homme, les moines choisis se lèvent et disparaissent un par un. Le père est content, ce sont de bons garçons et cette récompense si peu de temps avant la fermeture de la propriété aura une saveur particulière. Lorsque le dernier d’entre eux est parti, il balaie une dernière fois ses enfants du regard. Puis, d’un geste énergique pour ses soixante-cinq ans se retourne et disparait lui aussi par la petite porte.



La fille.

Tous les soirs c’est la même chose, le même rituel. Le vieil homme parle et les autres hommes écoutent et je m’ennuie. Mina, sous sa cascade de cheveux blonds ne s’ennuie jamais. Ma jolie sœur, ma petite mésange est d’un autre monde, d’une autre étoffe. Mais moi, je suis d’ici. Je n’ai pas de chanson pour m’évader et, cloitrée entre ces murs de pierre je m’ennuie à mourir. Le vieil homme est parti maintenant, il va faire sa pénitence. Je ne sais pas trop ce que cela veut dire mais ça à l’air bien, de faire pénitence, tous les apprentis veulent y aller. La porte pour la pénitence est toute petite. En tendant les bras au-dessus de ma tête je dois pouvoir en toucher le haut. J’aimerais bien essayer mais je dois ramener le plateau dans la cuisine. C’est lourd et j’ai mal aux poignets quand je le porte. Dans la cuisine, il y a Mina qui chantonne en faisant la vaisselle. Elle est obligée de monter sur un sceau retourné pour atteindre l’évier. Je pose le plateau sur la table et me masse doucement les bras.

Il est tard, je sens l’odeur de la nuit ramper doucement à travers la fenêtre ouverte. Par la porte, je vois que tous les apprentis sont partis rejoindre leur chambre. Il ne nous reste pas beaucoup de temps avant le couvre-feu, et il est interdit d’être hors de sa chambre après l’heure. Mina chante toujours et sous sa mélodie d’enfant, je remplis d’eau les sceaux qui trainent dans la cuisine. Il faut se dépêcher, je vide les sceaux dans un grand baquet près de Mina et de son évier. L’eau est glaciale et me ruisselle le long des mains et sur les pieds. Le carillon sonne depuis la tour. Je sens mon cœur qui bat fort dans ma poitrine. Il fait de plus en plus noir et le tintement semble de plus en plus proche. J’attrape les plats encore sales et les mets à tremper dans le baquet plein à ras bord. Ça déborde, tout est en vrac. Mina est figée près de l’évier, elle me regarde avec ses grands yeux. Je balance la dernière assiette dans l’eau, lui attrape la main et l’entraine dans mon sillage. Ses petits pieds claquent sur le sol et je la sens trébucher derrière moi. Je la tire plus fort. Je ne sais pas exactement ce qu’est la pénitence mais je sais ce qui rode la nuit dans les couloirs. La nuit appartient au Père et à ses apprentis méritants. Depuis l’année dernière je suis initiée aux jeux et ces jeux m’ennuient aussi. Cette année je serais initiée à la pénitence. Le couloir est infini et la nuit se referme doucement sur nous. Le dortoir des femmes est au bout du couloir. Je frémis car la porte est déjà fermée. Mina pleure doucement en courant maladroitement. Sonia va être en colère. J’ai mal au ventre. Je pense à la muraille serpent qui encercle la propriété. Dans les ombres autour de nous, j’ai l’impression de sentir ce serpent silencieux et humide avancer vers nous. Je me jette contre la porte et tape du poing sur le battant. Sonia apparait dans l’ouverture. Elle est furieuse, je peux le voir à la grosse veine sur sa tempe et à ses lèvres serrées. Vous êtes en retard. Et ses mots sont comme une gifle, cinglants et porteurs de menaces. Je vois son gros bras saisir ma jolie Mina par l’épaule et la tirer dans le dortoir. Toi, tu dors dehors. Et la porte se referme. Je tape longtemps contre le bois dur. Ma main me fait mal et la porte reste close. Alors je ferme les yeux et me laisse glisser à terre. Tout est terriblement noir et silencieux. Je me recroqueville contre le mur et presse mes doigts contre mes paupières. Ça fait du bleu et du jaune, comme un arc-en-ciel. J’appuie encore pour faire exploser des couleurs dans le noir. Pour attendre que la nuit passe.



Le père.

Le père est contrarié, il a encore trouvé la gamine dans le couloir la nuit passée. Certes elle va être autorisée à participer à la fête cette année mais quand même. Sonia était-elle donc incapable de la garder sous contrôle. Il soupire un mélange d’anticipation et de crainte. Elle supporte bien les jeux mais il ne faut pas qu’elle se braque, il faut la caresser dans le sens du poil. Elle est si prometteuse, si endurante, si parfaite. En traversant le réfectoire, il aperçoit une masse de cheveux blonds s’envoler vers les jardins. La petite Mina est la clef. Tant qu’elle est là, même imparfaite et muette, sa sœur reste docile et obéissante, elle aussi. Et le père n’aime rien tant que les jeunes filles dociles et obéissantes. D’ailleurs les nouvelles recrues devraient arriver aujourd’hui. Le couloir accueille cette pensée réjouissante. Il s’arrête un moment à la fenêtre et regarde la lande au dehors. Son habituelle couleur terne commence à se parer des scintillements du givre, promesses de neige à venir. L’hiver est en marche. La cargaison arrive. Les préparatifs de la fête ont commencé. Il ne manque que les invités. Par-delà la muraille qui entoure la propriété, Mina court vers le bois, il la regarde d’un œil bienveillant. La petite n’est pas faite pour le dessein supérieur qu’il poursuit, elle est trop jeune et limitée. Elle ne comprendrait pas. Malgré tout, il aime la regarder s’épanouir près de sa sœur, c’est pourquoi il ne dit rien quand elles s’échappent hors du mur d’enceinte. Il faut laisser vivre la jeunesse. Avec un sourire, il se détourne de la fenêtre. C’est l’heure de la messe matinale, ses disciples l’attendent.



L’homme dans la tour.

Aujourd’hui il était de corvée dans le pigeonnier. C’est aussi à lui de sonner la cloche du matin pour la messe. Quand le dernier disciple est là, il referme la lourde porte du sanctuaire. Juste avant que celle-ci ne se close définitivement, Sonia passe dans le couloir. Il la regarde avec dégout. Sonia est la seule femme à vivre toute l’année ici avec eux. Il ne l’aime pas trop. Il sait qu’elle ne traite pas bien Mina et sa sœur. Elle a un air méchant dans les yeux. Rien à voir avec la douceur des filles. Elle est fade et sombre avec ces sourcils constamment froncés. Il secoue la tête et la porte émet un léger claquement. Puis, il va s’asseoir parmi les autres. Et le père commence la prière du matin.

Il aime bien chanter. Le chant lui permet de comprendre le message du père et alors il sait que tout est bien. Il oublie qu’il fait froid dehors maintenant que l’hiver tombe sur eux. Il oublie les deux fillettes qui courent dehors alors que lui doit rester à l’intérieur. Il oublie que ses genoux lui font mal quand il reste trop longtemps agenouillé sur le dallage glacé. Il entend la voix du père et de tous ses frères qui se mêlent à la sienne. Et il sait que tout est bien ainsi, que les choses sont comme elles sont et seront ce qu’elles seront, car le père veille sur eux. Le chant meurt doucement. Il prie pour que la saison froide passe vite, pour que la fête soit belle et réussie. Il prie pour qu’elle soit bien traitée et pour la revoir aussi. La sonne cloche et il relève la tête. Le père prend la parole. L’homme agenouillé se mord furieusement la lèvre inférieure, ses genoux sont au supplice, mais il ne dit rien et écoute. Le père va désigner des disciples pour aider les filles à la cuisine car la cargaison pour l’hiver est attendue pour le déjeuner. Il faudra les aider à ranger et à cuisiner. L’homme sent son cœur s’envoler dans sa poitrine. Sonia supervisera les repas et s’occupera des invités.
L’homme est submergé de bonheur. Il ne sent plus ni ses genoux, ni le froid. Il a été désigné pour aider en cuisine. Elle sera là, près de lui chaque jour, pour les trois prochains mois. Le délice de cette pensée l’enveloppe comme un voile. Elle a l’odeur du péché mais il s’en moque. La cloche de la grande porte retentit, le sortant de sa rêverie. Le père dit quelque chose et tous ses confrères s’éparpillent comme une nuée de moineaux. La fête commence.



La fille.

Il y a beaucoup d’agitation quand je reviens à la propriété. Mina est toujours près de l’arbre, c’est bien car la foule lui fait peur parfois. Ça court dans tous les sens et je me fais toute petite dans ce chaos d’étoffes et de voix. J’ai l’impression que le serpent noir de la nuit dernière me guette, lové entre les murs, dans les ombres. Il est la maintenant, à l’intérieur des couloirs sombres. Un disciple s’arrête devant moi. Il n’a pas le droit de me parler. Ça fait longtemps que j’ai arrêté moi aussi, ils n’ont pas le droit de me répondre, c’est interdit. Il veut que je le suive, Sonia doit me chercher. Il a l’air excité et joyeux, je lui souris en le suivant. Je sais pourquoi il est si content, la fête commence. Moi, ça me fait un peu peur, toute cette agitation, cette anticipation. Je sais comment ça se passe la nuit dans le noir, quand l’hiver vient et que le froid s’installe. Le disciple a disparu et la main gelée de Sonia cueille mon visage comme un fruit trop mur. Je mords l’intérieur de mes joues pour rester silencieuse et ne pas pleurer. Puis je la suis, docile, vers les chambres à l’étage. Une invitée spéciale cette année. Tu seras à son service, le Père a dit. Pour apprendre. Je frémis en écoutant vaguement. Le père a ordonné, j’obéis. Je lance mon regard à travers les fenêtres. Au loin la présence de l’arbre me rassure. Mina veille à ses côtés, en sécurité. Ils veillent tous sur moi.

Sonia me pousse dans la chambre mitoyenne à notre dortoir. Le lit à baldaquin au centre de la pièce est immense. Il a été créé pour les jeux mais il n’a encore jamais servi. Il n’y a pas d’entailles ou de marques de dents sur le bois. Pas de traces d’usure dues aux cordes et aux lanières. Il est vierge de tout. Je m’approche lentement et laisse ma main errer sur les colonnades qui soutiennent le voilage. L’armature est en ébène massif et doux. L’ensemble est magnifique. La chambre est complétée par une énorme armoire du même bois et une coiffeuse ouvragée, opposée à la fenêtre. Nettoie et fais le lit. Je soupire sans un mot et me dirige vers l’armoire. J’ouvre le lourd battant en m’aidant des deux mains et une petite écharde vient se loger dans ma paume. Je l’arrache d’un coup de dent et lèche le sang qui perle. Je n’aime pas le gout du sang. J’ai trop nettoyé les traces qu’il laisse sur le sol et les draps. Je me dépêche d’avaler la goutte salée et saisis la literie que je jette sur la coiffeuse. Je mets du temps à faire proprement le grand lit, il faudra le refaire tous les jours et rien que d’y penser j’ai envie de partir en courant. Un plumeau à la main, j’époussette négligemment la poussière sur la table de nuit, le bord de la fenêtre. Toute mon attention est dehors, hors des murs de pierres. Je me penche par la fenêtre ouverte, peut être que le vent me portera l’une des chansons de Mina. J’écoute l’air du soir en regardant le soleil se coucher. J’espère que ma douce petite sœur a gardé ses chaussures, le temps s’est rafraichit depuis hier. L’hiver est venu avec nos invités. Je ferme les yeux mais ce soir tout est noir sous mes paupières. Il y a un malaise dans l’atmosphère. Il flotte comme une mauvaise odeur, me suit comme un mauvais rêve. Alors c’est toi qu’on va initier ? Ma respiration s’évanouit dans ma gorge. Je me retourne et il est là. Le serpent qui avale mes pas dans le noir. Il est là, tout auréolé de sa chevelure de nuit, perlée de gouttes d’or. Il me fixe de ses prunelles vertes et sa bouche est un rictus carmin et appétissant. Je suis Ava.


Dernière édition par Lilith le Mer 6 Nov - 10:29, édité 2 fois
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D.A.

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MessageSujet: Re: [WIP] une histoire d'arbre.   [WIP] une histoire d'arbre. Icon_minitimeMar 5 Nov - 22:35

Tiens. J'avais lu le premier jet de ton texte sans l'avoir commenté, alors voilà mon occasion. Je dois avouer être curieuse d'en connaître la fin parce que oui, ça reste assez nébuleux. J'ai d'ailleurs du mal à cerner le lien de tout ça avec l'arbre aux trésors. Dans ton rêve ça devait aller de soi, mais à travers le texte ça parait très décousu de l'ensemble. Bref, je vais attendre la fin pour vraiment en juger Satisfait 

Côté écriture elle-même je n'ai vraiment rien à redire, tu t'en doutes, donc je passe. La narration au "je" est bien éprouvée, même si ça se présente sous forme de blocs pas toujours digestes (surtout avec la présentation TA).

Oui, l'histoire a l'air assez glauque au fond, ce sont les petits détails qui font tout. Qui font douter, en fait, parce qu'on peut mettre du temps à saisir ce qui se passe dans ce monastère. J'imagine que ça va dépendre de celui qui lit et du degré de... clairvoyance ? Le dernier passage finit de mettre sur la voie pour les plus lents.
Enfin. Personnellement, je m'en suis aperçue assez vite, mais il y a un équilibre. La réflexion ne sera sans doute pas la même avec quelqu'un d'autre. Je dirais que ça reste somme toute plutôt nébuleux, tu ne dévoiles rien sans le vouloir, tu gardes les cartes en main. Si c'est l'effet souhaité, c'est réussi.

Si tu veux un avis sur des passages spécifiques ou autre, n'hésite pas Chat
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Lilith
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MessageSujet: Re: [WIP] une histoire d'arbre.   [WIP] une histoire d'arbre. Icon_minitimeMer 6 Nov - 10:24

Excellente remarque, je n'avais pas du tout fait attention à l'effet "paté". Et comme dans la première partie il y a peu de dialogue ça aère encore moins Triste
Je vais remédier à ça.

Le retour principal que je voudrais concernerait l'homme dans la tour, car c'est un personnage que j'ia du mal à manier, du fait que peu de mes perso ont des noms. Et au sujet du Père, j'ai peur de le rendre trop vite condescendant.
Voila.

Merci pour ce retour en tout cas, il y a bcp à lire je sais Heureux
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MessageSujet: Re: [WIP] une histoire d'arbre.   [WIP] une histoire d'arbre. Icon_minitimeMer 6 Nov - 12:23

Oui j'avoue que les informations sont distillées au goutte à goutte. Entre les initiations, les jeux, les pénitences et les serpents humides... ça en dit long sans vraiment le dire et ça laisse pas mal de place aux doutes et à l'imagination.

Le fait de ne pas savoir concrètement en quoi consiste l'origine des douleurs infligées à la petite fille (ou du violent désir provoqué chez l'homme de la tour) ajoute énormément de poids au sentiment de menace et d'oppression.

C'est à la fois frustrant et accrocheur.

Je regrette qu'il y ait un peu trop de longueurs et de moments creux (certains détails se répètent ou s'accumulent sans rien apporter au récit).

Attention à la concordance des temps, il y a presque dans tous les chapitres, une ou deux phrases isolées à l'imparfait (souvent en début de chapitre d'ailleurs) : reste au présent.


Pour le distingo des personnages : que les personnages féminins aient tous un nom et que les moines n'en aient pas, je trouve que ça n'est pas si dérangeant que ça. A condition que le récit reste assez court (sinon en effet ça risque d'être pénible).

Pour la narration à la première personne pour la petite fille : je trouve que la différence d'approche n'est pas forcément justifiée et qu'elle crée un déséquilibre (ne serait-ce que parce qu'il y a plusieurs autres perso à la troisième personne).

Pour l'aspect condensé des paragraphes, je préfère te conseiller de garder cette méthode de rédaction : les paragraphes existent pour des raisons narrative; il est inutile de les scinder ou de les multiplier pour faire plaisir au lecteur sous prétexte que ça passe mal à l'écran. Les paragraphes longs ne t'ont jamais choqué dans un livre, non ? Alors pourquoi instaurer une règle différente sur écran ? En plus ça serait prendre une très mauvaise habitude.

Les sauts de lignes entre eux suffisent amplement à rompre le corps du texte et à l'aérer.
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MessageSujet: Re: [WIP] une histoire d'arbre.   [WIP] une histoire d'arbre. Icon_minitimeMer 6 Nov - 13:40

dvb a écrit:

Je regrette qu'il y ait un peu trop de longueurs et de moments creux (certains détails se répètent ou s'accumulent sans rien apporter au récit).
>> Je me dis qu'il vaut mieux que je finisse l'histoire avant d'aller trancher dans le vif pour supprimer les parties inutiles. Mais je suis d'accord, il y a quelques longueurs.

dvb a écrit:

Attention à la concordance des temps, il y a presque dans tous les chapitres, une ou deux phrases isolées à l'imparfait (souvent en début de chapitre d'ailleurs) : reste au présent.
>> J'ai vu oui, mais c'est difficile, j'aime pas trop le présent!


dvb a écrit:

Pour la narration à la première personne pour la petite fille : je trouve que la différence d'approche n'est pas forcément justifiée et qu'elle crée un déséquilibre (ne serait-ce que parce qu'il y a plusieurs autres perso à la troisième personne).
>> J'y réfléchis. C'ets vrai que comme elle ne raconte pas toute l'histoire il n'y a pas de vrai raison à ce "je". Mais je l'aime bien. Quand j'aurais fini je verrais si je le laisse comme ça où si ça vaut le coup de récrire ces parties à la troisième personne. D'autres avis sur la question?

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MessageSujet: Re: [WIP] une histoire d'arbre.   [WIP] une histoire d'arbre. Icon_minitimeJeu 7 Nov - 14:23

Lilith a écrit:
Le retour principal que je voudrais concernerait l'homme dans la tour, car c'est un personnage que j'ia du mal à manier, du fait que peu de mes perso ont des noms. Et au sujet du Père, j'ai peur de le rendre trop vite condescendant.
Ah oui, on voit clairement que le Père n'est pas blanc comme neige. Ça ne doit pas être l'évidence même pour n'importe qui, mais rien que le premier passage avec lui, ça m'a fait froid dans le dos.

Lilith a écrit:
Du haut de son estrade, le père supérieur est content. La petite communauté se porte bien. Les récoltes ont été bonnes, l’hiver arrive à l’heure. Il sera bientôt temps de fermer les portes de la Propriété pour la saison froide. Sa saison préférée. Ses invités vont arriver et d’ici cinq jours à peine, tout ce petit monde sera réuni autour de lui, tous ses fidèles seront à ses côtés. Il balaie du regard les deux tables en contrebas. Ce sont de longues tables en bois, flanquées chacune de deux rangées de banc. Il n’a pas besoin de compter combien d’apprentis sont assis à ces deux tables, il les connait tous. Il les a tous adoptés, nourris, élevés. Ils sont dix-neuf. Dix-neuf brebis égarées ou abandonnées, confié à son bon soin. Il les couve d’un regard plein d’amour. Il sait déjà qu’il sera fier d’eux, qu’ils accompliront tous leurs taches sans faillir. Et cette pensée le rassure, comme un petit animal chaud et doux, lové contre son cœur. Dès demain, les préparatifs commenceraient afin de rendre la Propriété éclatante sous le soleil hivernal.  La saison s’annonce fantastique. Il en est persuadé. Du haut de son estrade, le père supérieur est content.
Quand tu lis ce paragraphe, tu sais automatiquement qu'il y a un truc qui cloche sévèrement. Surtout avec en préambule ces "heures spéciales" auxquelles certains sont conviés. Après, il serait intéressant de voir si les autres le ressentent aussi de cette manière.

Quant à l'homme dans la tour, qu'est ce que tu as l'impression de ne pas maîtriser ?


PS : Personnellement je trouve les passages au "je" et cette vue interne très bien menés. Je déconseillerai de les remplacer par une vue objective juste pour coller au reste du texte. Au contraire, la rupture est élégante.  
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Lilith
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MessageSujet: Re: [WIP] une histoire d'arbre.   [WIP] une histoire d'arbre. Icon_minitimeVen 15 Nov - 11:46

Merci pour vos réponses Heureux

Pour l'homme dans la tour, dont le rôle n'est que tardif, j'ai peur que le lecteur se demande ce qu'il fait la et à quoi il sert.

Je vous poste un bout de la suite.


Citation :

Le père.
Les initiées sont arrivées comme prévu. Cinq splendides jeunes femmes prêtent à fêter l’hiver dans ses murs. Les disciples ont l’air ravis et ils ont de quoi. Elles sont toutes spécialement choisies par ses invités, une sorte de tribut au maitre des lieux. Et l’un d’entre eux s’est surpassé. Cinq jeunes femelles magnifiques et une adolescente. Quatorze ans à peine, mais une fougue, un vice dans le regard comme on en voit peu. Le père est aux anges, Ava est parfaite. Pas autant que sa petite protégée certes, mais elle est sans aucun doute la compagne idéale pour une initiation. La fille s’occuperait d’Ava pendant l’hiver, en plus du petit Paul. Penser au garçon lui serre le cœur. Il n’a pas bien supporté les préludes des jeux, ses blessures se sont rapidement infectées. Il ne passera pas l’hiver. Le père soupire de tristesse, une nouvelle perte, un nouvel échec. Les garçons sont moins résistants que les filles, c’est connu. Il faut qu’il passe le voir avant qu’il ne meure, lui donner l’extrême onction. Pour être honnête, il a presque oublié Paul. Mais maintenant qu’il y repense, le père se sent triste. Quel gâchis vraiment. Heureusement que les filles sont là.

La cloche résonne au loin. Le père se frotte les mains. Voilà ses premiers invités, ils ont certainement suivis leur précieuse cargaison humaine. Un large sourire sur son visage ridé, le père se hâte vers la grande porte.



Ava.
Assise sur le lit, Ava regarde l’autre fillette s’activer. Elle déplie chacune de ses robes comme s’il s’agissait d’un trésor, une beauté qu’elle n’a encore jamais vu. C’est presque attendrissant. Plus elle la regarde plus elle a envie de la gifler. C’est une servante. Ava est une princesse, avec des robes en brocard et en soie, des perles dans ses cheveux et des parures comme en rêves les dames des cours. L’autre est une pouilleuse, une campagnarde, elle n’a rien à faire dans sa fête de l’hiver, la première depuis son initiation. Non mais regardez-la. Ses cheveux ne sont pas coiffés, pas attachés et surement plein de nœuds. C’est vrai qu’ils ont une jolie couleur, un châtain chaud comme du chocolat avec des reflets auburn. Mais décidément, cette gamine n’a aucun style. Aucune dame digne de ce nom ne laisse ses cheveux défaits de la sorte, c’est indécent. Ava se rend compte que l’autre lui parle. Et ses yeux tombent sur son visage. Une bouche bien dessinée, rose et charnue. Et deux prunelles comme un ciel d’orage, entre bleu et gris de tempête. Ava soupire. Elle déteste cette gamine. Elle se lève finalement de son perchoir. Nous allons disposer les bijoux sur la coiffeuse. Puis tu m’aideras à m’habiller pour le diner. L’autre acquiesce sans un mot. Tu sais parler ? Tu as un nom ? L’autre reste muette, les yeux baissés. Comme tu veux, mais je le saurais tu sais ? Ton nom, je le saurais. L’autre se contente de faire oui de la tête et commence à sortir les petites boites de la grande malle où sont entassées toutes les affaires de son invitée. Alors qu’elle se penche, ses cheveux glissent sur le côté de son visage, découvrant sa nuque et le haut de son dos. Ava remarque aussitôt les fines lignes qui strient la peau blanche. Elle les connait bien, elle a les même, disséminées partout sur le corps. Ava regarde les cicatrices de celle qui bientôt la rejoindra pour la grande fête. La douleur est un langage universel. Elle la regarde se relever, l’autre lui sourit, un collier de rubis entre les mains, émerveillée. Ava la déteste toujours, mais un petit peu moins.



L’homme dans la tour.
Deux jours sont passés depuis l’arrivée de la cargaison. Tous les disciples sont en émois mais lui ne partage pas cette effervescence. Il y a des femmes partout dans la propriété du père maintenant. Les femmes pour les jeux, il les trouve vulgaires et insipides. Il ne comprend pas pourquoi Tom et les autres les regardent avec adoration. La gamine, Ava, ça va encore. Et puis, elle est toujours avec Elle. Il les suit parfois pour l’apercevoir. Elle est toujours aussi belle. Il y a aussi les femmes des invités mais elles ne se montrent pas trop et restent entre elles en attendant le début des festivités. Mais depuis ce matin, il est cloitré dans l’infirmerie. Le petit Paul a brulé toute la nuit d’une fièvre maléfique. Le père l’a dit, le mal est dans son corps. Lui, il a bien compris, Paul va mourir. Il ne sait pas trop quoi faire à part éponger la sueur sur le petit front brulant et tenir la main tremblante de l’enfant. Secrètement, il espère que ça ira vite.

Les heures passent et l’enfant a de plus en plus de mal à respirer. Ses plaies, au torse et aux bras, suintent un sang noir et il est trempé de sueur. L’homme est toujours à son chevet, légèrement dégouté. Il veut partir mais n’en a pas le courage. Et puis Paul est le dernier des enfants encore en vie. A part les filles. L’homme est plein de résignation et son cœur est une boule qui pèse lourd dans sa poitrine. Il en a vu tellement souffrir et mourir dans la douleur et la solitude. Paul est le dernier d’une longue lignée à avoir succombée aux jeux du père. Ceux qui survivent sont généralement vendus aux invités de la fête après leur initiation. Les autres, les autres souffrent et meurent. Et puis il y a Mina et sa sœur. Il est persuadé que le père les gardera pour son usage personnel. La colère fait vibrer tout son corps à cette pensée. Ça n’a aucun sens d’être en colère, le père est bon. Il fait tout ça pour nous. Il regarde Paul, dont la petite main lui semble brulante dans la sienne. Le visage du garçon est calme, apaisé. L’homme se penche doucement et approche son oreille du nez de l’enfant. Il n’entend que le silence. La petite poitrine amaigrie ne se soulève plus. Il ferme les yeux et murmure une prière pour l’enfant qui s’en est allé. Un de plus.

Ce soir-là, ils prennent le repas entre eux, entre hommes. Le père leur parle, leur dit qu’il ne faut pas se laisser abattre avant la fête. Le seigneur ne le permet pas. Paul l’a rejoint et il trouvera le repos, là-haut. Cette nuit est une nuit pour se souvenir, pour prier. Demain, ils se réuniront à l’aurore pour enterrer le petit et lui dire au revoir. L’homme est triste au-delà des mots et le discours du père ne parvient pas à l’apaiser. Il lui semble que cette mort devrait être plus importante que la fête, plus importante que les jeux. Il lui semble que Paul mérite plus qu’une seule nuit pour qu’on se rappelle de lui. Il détourne son regard vers les cuisines. Là, cachées dans l’embrasement de la porte, une tête blonde et une brune écoutent. Les épaules de la petite Mina tressautent doucement sous ses pleurs silencieux. La grande tient la main de la plus petite. L’homme est bouleversé par le regard qu’elle lance au père supérieur. Froide détermination.



Ava.
L’enterrement a lieux hors des murs de la propriété. Il fait horriblement froid et Ava ressert compulsivement son manteau de fourrure autour d’elle. Elle est gelée jusqu’à la moelle. Ils sont nombreux dans le matin glacial et blanc. Le père et ses disciples, les invités et toutes les initiées sont là. La fille aux yeux gris aussi, elle marche en silence à côté d’Ava. Ils arrivent finalement près du cimetière où un trou est déjà creusé, prêt à recevoir le petit corps sans vie. Ava ne peut réprimer un frisson. Les vivants s’agglutinent les uns aux autres autour de la petite tombe, plus pour se tenir chaud qu’autre chose. Le silence est lourd et pesant. Le père supérieur vient se placer devant le trou et commence à parler. Ava est incapable d’écouter ce qu’il dit, toute son attention est fixée sur les deux hommes qui portent le cercueil miniature. Elle les regarde le descendre dans la terre dure et sombre. Elle n’a jamais vu le garçon endormi à l’intérieur mais elle sent la tristesse autour d’elle et sa gorge se serre. La fille aux yeux gris fixe elle aussi le corps qui disparait par à-coups. La terre a gelé pendant la nuit, ils ne recouvriront même pas le cercueil réalise la jeune fille. Elle se rend compte que la gamine pleure mais étrangement, ses yeux ne sont pas tristes. Elle y lit une émotion qu’elle ne parvient pas à déchiffrer, entre colère et résignation.



La fille.
L’enterrement est rapide et je sens la colère envahir ma tête. Je ferme fort les yeux quand ils descendent Paul sous terre, mais sous mes paupières, encore une fois, tout est noir et froid. Je pense à Mina qui doit être près de notre arbre. Elle doit accrocher de nouvelles poupées de chiffons aux branches. Elle est douée pour coudre, ma jolie petite sœur, elle ne se pique jamais les doigts. Je l’ai entendue hier soir, glisser ses fils dans le tissu pour Paul, pour qu’il fasse partie de l’arbre lui aussi. J’ai hâte que la cérémonie se finisse pour aller la rejoindre. Le père parle dans le vent, je n’écoute rien et ça m’est égal. Le serpent aux cheveux sombres me regarde de travers. Ava, c’est son nom. C’est joli, doux et tendre, ça roule sur la langue comme un bonbon. Mais je n’oublie pas qu’elle est comme toutes les autres arrivées avec elle, je n’oublie pas qu’elle sera là quand je serais initiée. Le jour approche et j’ai peur. Mais je dois chasser ces pensées de ma tête. Nous avons une tâche à accomplir, un dernier hommage à Paul. Mina est là-bas dans le froid et je sais qu’elle m’attend. Le père s’est arrêté de parler et je regarde tout le monde se recueillir une dernière fois. Puis, la marche reprend. Nous sommes un seul élan d’anticipation. L’hiver est là, la fête commence.

L’après-midi est bien avancée. Je regarde le soleil pâle disparaitre sur la lande, il va bientôt faire noir et le service du soir débute tout juste. Il nous reste deux heures avant le début du repas pour achever ce que nous avons entreprit. Il me reste une journée pleine avant d’être initiée. Deux heures, une journée. L’éternité et un battement de cil. Je fais craquer la pellicule de givre sur le chemin du bois. C’est un son très agréable, comme un murmure ou le froissement des robes d’Ava quand elle se lève. Je fais attention de ne marcher que là où le chemin est blanc, là où personne n’a été avant moi. Il y a des traces d’animaux le long du chemin, je les cherche du regard dans les fourrés mais ils sont bien cachés. Lorsque j’arrive dans la forêt, le soleil jette ses derniers rayons sanglants dans mon dos. Sous le couvert des arbres il fait sombre mais je vois les bougies de Mina qui m’indique la voie. Je suis ce phare tremblotant, précédée par la buée de mon souffle dans l’air froid. Au pied de l’arbre, il y a deux nouvelles poupées de tissus, l’une bleue et l’autre marron. Je m’approche pour les regarder et je remarque qu’elles n’ont pas d’yeux. Peut-être qu’il n’y avait plus de bouton à chiper. La voix de Mina me vient de derrière l’arbre, je le contourne pour la rejoindre. Elle est là, déjà attelée à la tache depuis le point du jour. Ses petites mains enveloppées dans des gants de cuir trop grands pour elle, elle gratte la terre. Le buste à moitié avalé par le trou qu’elle creuse, elle ne m’entend pas arriver. Une seconde paire de gants traine sur le sol, je les prends et les enfile. Elle ne relève la tête que lorsque je m’agenouille à côté d’elle, elle me sourit et recommence à creuser en chantonnant pour elle-même.

Mina a bien travaillé et à deux nous finissons rapidement. Adossées à l’arbre, je prends ses mains dans les miennes et souffle mon haleine chaude entre ses doigts pour la réchauffer. Elle glousse et son rire est une cascade qui résonne doucement dans la forêt. Le plus dur reste à venir, nous le savons toutes les deux. Je me lève et l’entraine avec moi. Nous sommes deux fantômes dans la nuit qui débute, glissant silencieusement hors des bois. Le cimetière nous attend, paisible et endormi. La tombe de Paul est grand ouverte, une plaie béante au fond de laquelle ils l’ont laissé, vulnérable et solitaire. Je regarde ma petite sœur, si douce, si sage, si sure d’elle sous la lune d’hiver et sans un mot je descends dans le trou. Le cercueil est une vulgaire boite en bois, fait de planches mal ajustées. Je défais sans mal le couvercle pour trouver Paul dans un linceul de draps blancs, maculés de taches. Je ne peux m’empêcher de frémir. Je tâtonne de mes mains gantés pour trouver ses bras, le saisis par les aisselles et le soulève. Mina est penchée au bord du trou, allongée dans l’herbe, je sens ses bras se contracter et je la vois serrer les dents alors qu’elle tracte le corps vers la surface. Je l’aide du mieux que je peux et soulevant les pieds de Paul. Il ne pèse pas très lourd mais les draps sont imbibés d’un liquide poisseux et épais et mes mains glissent. Avec une ultime bourrade Paul se retrouve allongé près de sa tombe, à côté de Mina qui range avec douceur le bras droit du garçon, échappé de son cocon mortuaire. Je replace le couvercle et remonte à l’air libre. Le soleil a quasiment disparu, il n’en reste qu’une mince ligne orange sur l’horizon de la lande. Il est temps de retourner près de l’arbre.



Ava.
Allongée sur l’immense lit à baldaquin, un livre à la main, Ava laisse son esprit vagabonder. Cette nuit est la dernière avant le début de la fête. Une nuit chaste avant le lancement de la saison froide, rendue encore plus ennuyeuse par la mort du garçon enterré le matin même. Elle se demande comment la gamine aux yeux gris va s’en sortir demain soir. Cette dernière s’est fait discrète toute la journée, apparaissant et disparaissant sans arrêt. Maintenant qu’elle y pense Ava se dit qu’elle n’a pas aperçut la petite Mina de la journée non plus. Un courant d’air frais lui fait se hérisser les poils le long des bras. Elle lâche le recueil de poésie et saute à bas du lit. Instinctivement elle s’assoit devant le miroir de la coiffeuse et ausculte minutieusement son visage. Elle aperçoit la lune dans le reflet de la fenêtre. Elle est presque pleine et luit doucement dans un ciel clair et sans nuage. La chair de poule ne la quitte pas et la jeune fille décide qu’il est temps de tirer les rideaux pour la nuit. Visiblement personne ne viendra le faire pour elle. Avec une moue boudeuse, elle se dirige vers la fenêtre et attrape un pan du lourd rideau de velours crème qu’elle entreprend de tirer. La lune éclaire toute la lande et, de sa fenêtre, Ava perçoit un mouvement sur pairie nue et pelée. Un animal surement. Un animal étrange alors, et qui trainerait quelque chose. La jeune fille colle son nez à la fenêtre, une excitation nouvelle dans le ventre. Elle connait bien cette silhouette qui avance. Ava bondit vers l’armoire, attrape ses chaussures fourrées, son manteau de fourrure blanche et les enfile à la hâte, manquant trébucher plusieurs fois. Avec une lenteur et une prudence presque excessive, elle entrebâille la porte de sa chambre pour jeter un coup d’œil dans le couloir. Personne. Ava se glisse par l’ouverture. Le faible claquement de la porte qui se ferme la surprend. Elle se fige, le cœur affolé. Personne. Elle s’envole dans le couloir, une ombre blanche et noire contre le gris des murs de pierre.

Le froid de la nuit la heurte comme une gifle au visage. Sa respiration s’évapore en buée évanescente devant elle et le sang semble avoir abandonné ses mains délicates. Ava scrute l’horizon depuis la grille de la propriété. Elle a perdu les deux sœurs en descendant le grand escalier pour rejoindre le rez-de-chaussée. La jeune fille hésite un moment, il fait tellement froid. Le cimetière est plus bas sur sa droite, entouré par les champs et la plaine. Elle a beau s’abimer les yeux, elle ne voit rien d’autre que les buissons ras et les cailloux qui parsèment le sol. Ava laisse s’échapper un soupir rageur, ses doigts lui font mal, elle aurait dû prendre des gants. Un mouvement sur sa droite attire son attention. En contrebas, un sentier serpente jusqu’à la forêt, elle l’a remarqué lors de son arrivée. Les bois lui paraissent lugubres et effrayant, encore plus sous cette lune ronde et moqueuse. En haut du sentier, elle reconnait les deux silhouettes qu’elle poursuit. Pendant un instant elle pense au froid, à sa robe de nuit en soie, à la nuit épaisse entre les arbres. La peur passe sur elle comme une caresse qu’elle  chasse d’un élégant revers de la main avant de s’élancer dans le noir.

Il lui faut peu de temps pour atteindre la forêt, malgré son lourd manteau qui pèse comme un poids mort sur ses épaules. A l’orée des bois, la fourrure se prend dans les buissons ras qui s’égrènent entre les arbres, comme une petite armée défendant son territoire. Ava frissonne, il lui semble être entouré de bruits étranges. Les branches grincent et les fourrés bruissent. Elle entend les écureuils couiner dans les hauteurs, au-dessus de sa tête. Juste des écureuils. Elle avance les yeux rivés au sol pour essayer de deviner le chemin sous ses pieds. Une sensation désagréable a pris racine à la base de son crâne. Peut-être qu’il y a vraiment des monstres dans les campagnes. Au détour d’un tronc, Ava aperçoit une lumière dans les profondeurs végétales, rassemblant son courage, elle saisit les pans de son manteau qui trainent par terre et avance vers la lumière.

En débouchant dans la petite clairière, la jeune fille ne peut retenir une exclamation enchantée. Oh mon dieu. L’arbre devant elle, immense et bigarrée, brille comme une chapelle sous la lumière de dizaine de bougies. Les flammes orangées éclairent les poupées et les jouets qui le parsèment, procession silencieuse et chamarrée. Ava s’approche avec respect, la main  tendue mais n’osant rien toucher. La fille aux yeux gris s’avance alors et sans un mot lui prend la main. Ava la laisse faire et se laisse entrainer de l’autre côté de l’arbre. Mina les attend près d’un rectangle de terre fraichement retourné. Tout autour d’elles, des fleurs s’épanouissent sous une fine couche de givre translucide. Les couleurs à peine étouffées par ce prisme naturel rayonnent sous la lueur des chandelles. Ava est fascinée, la scène est merveilleuse. Se serait-elle perdue dans un jardin magique comme on en trouve dans les contes d’enfants ? Le regard des deux sœurs est triste pourtant, éprouvé. Comment de telles fleurs peuvent-elles pousser à cette saison, c’est impossible. Mina s’agenouille et pose une petite poupée de chiffon bleue sur la terre meuble devant elle. Sa sœur l’imite tirant Ava vers le sol. Et pour la première fois, Ava entend sa voix. Elle est douce et un peu rauque. Paul aussi va donner de jolies fleurs, tu verras. Ava retient son souffle en regardant autour d’elle et sert fort la main logée dans la sienne. Posées à même le sol comme une couronne près de l’arbre, elle compte deux, trois, six, sept petites poupées de chiffon.
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MessageSujet: Re: [WIP] une histoire d'arbre.   [WIP] une histoire d'arbre. Icon_minitimeJeu 21 Nov - 19:19

Voici l'avant dernier post. La fin arrivera avec le prochain.
Ca devient clairement sordide et trashou. Je préviens Clin d\'Oeil


Citation :

Le père.

Le père est très content, ses disciples se tiennent bien et ses invités sont impatients. Ils ont tous vu déambuler la gamine dans les couloirs, ils paieront cher pour se l’offrir. Encore plus une fois qu’il annoncera que personne ne repartira avec elle. Il en glousse de plaisir. Ce matin, Ava s’occupe de la petite afin qu’elle soit prête pour ce soir. Il se dépêche de rejoindre ses invités pour leur donner le programme de la soirée. Ses yeux pétillent d’excitation. On parlera de cette fête partout et longtemps, il en est sûr.

Ses invités sont là, sagement assis dans son salon privé. Le père vient les embrasser un par un. La comtesse lui offre un sourire radieux, et son mari, trainé plus ou moins de force lui serre la main avec force.  Il salue trois couples encore qu’il connait bien, des habitués qu’il retrouve avec plaisir tous les ans. Au fond près de la cheminée, le marquis de Salignac attend l’air sombre. Le père s’approche avec un sourire. Le marquis noir, comme souvent on l’appelle, aux noirs secrets et aux plus noirs désirs encore. Ils se prennent dans les bras, deux hommes de la même trempe qui se retrouvent enfin. Pour que la fête commence. Car cette année est spéciale, et ils n’auront pas manqué de remarquer la beauté innocente qu’il va leur offrir ce soir. Une perle grise dans un écrin auburn. Avec une force d’âme passionnante qui restera muette et docile sous les assauts, un corps fait pour les jeux, encore jeune mais plein de promesses. Cette colombe sera initiée dans la soirée, mes amis. Lequel d’entre vous aura l’honneur d’être son guide pour la première nuit de l’hiver ?

Les murmures vont bon train dans le boudoir chaud et feutré. Les enchères commencent. Le père est ravi mais il ne se fait pas d’illusion. Avec ses immenses yeux gris et ses douze jeunes années, la gamine est un fantasme vivant pour son vieil ami. Toujours accoudé à la cheminée, le marquis noir sourit d’un air rêveur.




La fille.

Ava me regarde bizarrement maintenant que le soleil est levé. Elle a l’air gêné et inquiète. Elle sait que je vais être initiée ce soir et l’appréhension que je lis sur son visage fait doucement naitre la mienne. Je regarde Mina, assise sur le grand lit qui joue avec des bracelets dorés. Je me sens un peu perdue et un peu bête. Ava est plongée dans la grande armoire, elle choisit des vêtements, pour moi je crois. Pour ce soir. Elle n’arrête pas de marmonner en jetant des robes et des jupons partout sur le tapis. C’est un arc-en-ciel de rouge, de bleu et de vert émeraude comme des flaques de couleur sur le sol. Je n’ose pas bouger, alors je la regarde faire. Soudain, elle s’arrête et me tend quelque chose. Je m’approche doucement.  C’est une robe bordeaux, lourde et brodée de fils dorés. Mets là, ça fera ressortir ton visage, les reflets ressemblent à ceux de tes cheveux. Je saisis la robe à deux mains, elle est vraiment lourde, et la dépose sur le lit. Mina me regarde en souriant, je crois qu’elle approuve le choix d’Ava. Je sens son regard qui me scrute le dos. J’inspire une grande goulée d’air et retire ma robe brune. J’entends Ava retenir son souffle, je n’aime pas l’idée qu’elle voit mes épaules toutes abîmées. Une main fraiche vient se poser sur mon dos. Je ne me retourne pas, je fixe Mina qui sourit toujours. Du bout des doigts, Ava suit la trace des sillons entre mes omoplates. Ça fait mal hein ? Au début, ça fait si mal. Je secoue la tête pour dire non. Tu n’as pas eu mal ? Je secoue encore la tête et je lui explique que je ne sens rien. Ni les coups,  ni les brulures de la cire brulante ou du martinet du père. Je ne sens rien, jamais. Juste le goût et la couleur du sang, un rouge parfait. Je soupire et j’ai l’impression d’avoir un immense poids sur la poitrine. Je suis nouée de l’intérieur. Quel âge as-tu ? Ava est curieuse, je me rends compte qu’elle doit se sentir seule. Moi j’ai ma jolie petite sœur et tous les autres près de l’arbre, je ne suis jamais seule. Je lui murmure mon âge, secret bien gardé ici, dans la propriété. Douze ans. Et huit pour Mina. J’ai envie que cette discussion s’arrête. Je regarde la robe. Elle me menace de son rouge et de son noir, avec son corsage lacé et ses immenses jupes. Ava passe devant moi et soulève le vêtement du lit. Je soulève le jupon et plonge dessous.

Heureusement que Mina et Ava sont là, je n’aurais jamais pu enfiler la robe toute seule. L’épais tissus me tire vers le bas et je dois marcher doucement pour ne pas vaciller tant elle est lourde. Je me regarde dans le miroir de la coiffeuse. Ava finit de souligner mes yeux d’un coup de khôl charbonneux. Ils ont l’air immense comme ça. Elle repose le crayon devant moi et saisit mes cheveux. Je les attache toujours en queue de cheval, c’est plus pratique pour travailler. Je la sens défaire le ruban qui les retient et mes cheveux dévalent depuis le haut de mon crane sur mes épaules. Ils ondulent légèrement. Je me regarde à nouveau dans le miroir et c’est une autre personne que je vois. Les sourcils froncés et un visage pâle, mangé par de grands yeux gris. Ava sourit tristement dans mon dos. Je veux lui rendre son sourire mais j’aperçois le soleil couchant par la fenêtre, il ne me reste plus beaucoup de temps. Je la regarde remonter mes cheveux en un chignon savant. Elle est très habile et en peu de temps elle ordonne mes boucles et les fixe avec gout autour de mon visage. Elle laisse finalement retomber ses mains et nous nous regardons à travers le miroir. Je suis prête. Sonia entre comme une tornade, interrompant notre regard. Le père est dehors, il veut la voir. Ava me tend la main et je la saisis avec force pour m’extraire du fauteuil. J’ai peur et j’ai chaud avec tous ses vêtements et ses bijoux sur moi. Je continue de serrer fort la main dans la mienne et Ava me pousse gentiment vers la porte. Je sors dans l’encadrement, les joues rouges et le souffle court. Le père me dévisage. Il n’est pas content du tout.




Le père.

Le père n’est pas content. Il regarde son trésor ainsi paré et décidément, non, il n’est pas content. L’écrin est joli mais beaucoup trop chargé. Ainsi habillée, elle ressemble aux filles de la cargaison, fausse et presque commune. Trop de rouge, de dentelles, de noir et de rubans. Et trop de bijoux, de clinquant à ses poignets. Heureusement qu’il est arrivé en avance. Heureusement qu’il avait prévu cela. Il la veut éthérée et aérienne, mystérieuse et naturelle. Naturelle. Il tend le paquet caché dans son dos à Sonia. Enlevez-lui tout ça. Il s’approche de sa merveille et plonge la main dans ses cheveux soyeux. La caresse lui arrache un frisson. Il fouille dans ses boucle et retire une à une toutes les épingles qui les maintiennent afin qu’ils retombent en vagues souples. Il lui saisit délicatement les poignets et récupère chaque bracelet et chacune des bagues à ses doigts. Il ne lui reste plus qu’une fine chaine d’or au bout de laquelle pend un rubis gros comme l’ongle de son pouce, blotti dans le creux de sa gorge blanche et palpitante. Son doigt effleure la pierre. Allez maintenant, et dépêchez-vous. Mes invités l’attendent.

Lorsqu’elle revient, le père sent son cœur s’envoler dans sa poitrine. C’est une apparition, subtile et évanescente dans sa robe gris perle. Il la dévore des yeux et la fait tourner d’une main. La robe est  simple et coule sur son corps nubile comme l’eau d’un ruisseau. Mais le dos du vêtement est une merveille. Depuis sa nuque jusqu’à la naissance de ses fesses, pas une seule once de tissu, juste sa chair délicate, mise à nue. Offerte. La robe ondule au même rythme que ses boucles lorsqu’elle marche. Le père est ravi, transporté. Une main sur l’épaule de sa protégée, il les guide vers les sous-sols, où tous, disciples et invités, les attendent. Et la fête commence.



Ava.

Ava suit ce cortège étrange jusque dans les sous-sols du bâtiment. Au pied de l’escalier en colimaçon, un immense couloir s’avance dans le noir, faiblement éclairé par les torches fixées aux murs. Il fait frais aussi loin sous la terre et la jeune femme a une pensée émue pour le petit Paul. Un courant d’air dévale ses bras nus et fait se dresser les petits cheveux sur sa nuque. Le père marche devant avec la gamine, et Ava sent que quelque chose ne va pas. Un mauvais pressentiment lui étreint le cœur. Elle se rappelle sa propre initiation, il y a un an déjà. Elle se rappelle la grande salle de bal et les autres femmes venus l’accompagner, la préparer, la protéger. Elle se rappelle les danses et les rires, l’alcool et la cérémonie. Les hommes qui se pressent autour d’elle pour attirer son attention. La foule et le monde, une fête pour que d’enfant, elle devienne femme. Ici, la gamine est seule, seule avec le père et Ava est persuadée que personne ne viendra la protéger. Au fur et à mesure qu’ils avancent, l’air se fait plus chaud, plus tendu. Une clameur nait depuis le fond du couloir qui grandit comme le trio s’approche. Ava couvre la flamme de sa bougie d’une main pour que le vent ne la souffle pas. Son regard glisse du dos offert de la gamine devant elle et se hasarde dans le souterrain. Alors elle comprend. De part et d’autre du couloir, ce qu’elle prenait pour des alcôves protégées par des grilles sont en fait des cellules. Et dans ces cellules, les disciples et leurs mains avides collées aux barreaux les regardent passer, un air lubrique sur leurs visages. La jeune fille ne peut retenir un frisson de dégout, ce qu’il se passe ici n’a rien à voir avec une initiation classique, et elle commence à craindre pour elle-même. Le bruit des conversations se fait plus net et distinct, Ava entend des rires qui se mêlent aux tintements des verres. Elle regarde le père caresser l’épaule de celle qu’il va donner en offrande. Quelque chose se prend dans les cheveux d’Ava. Elle sursaute si fort qu’elle manque lâcher sa bougie en se retournant. Derrière elle, les disciples ont quitté leurs cellules et attendent sagement que la fête commence, les mains tendues vers elle. Ne me touchez pas, arrive-t-elle à murmurer, le cœur au bord des lèvres. Le raclement d’une lourde porte. Ava se retourne une nouvelle fois et regarde avec horreur le père supérieur guider la gamine à l’intérieur. La jeune fille se précipite à leur suite et pénètre dans le boudoir, au cœur de la fête de l’hiver.

Ava est bouche bée, la pièce est immense, décorée de tentures et de draperies, saupoudrée de tapis et de peaux de bêtes. Elle n’a jamais vu une telle splendeur, une telle richesse, tout brille et lui semble horriblement précieux et hors de prix. Un feu flambe haut dans la grande cheminée de pierre et les canapés, fauteuils et causeuses sont dispersés à travers l’espace comme des îlots dans la mer de fourrure au sol. Au centre de la pièce, une immense table recouverte d’une nappe noire et entourée de chaise attend. Ava déglutit avec difficulté puis colle un sourire sur son visage angélique. Les invités du père sont installés çà et là en pleine discussion les uns avec les autres tandis que les femmes font le service dans leurs tenues les plus suggestives. Ava connait son rôle. Elle pose sa bougie et saisie un plateau de verres pleins avant de commencer à errer entre les invités, souriante et sensuelle comme on l’attend d’elle.

La soirée bat son plein, emmenée par la musique qui se déverse des harpes dont jouent deux des femmes. Ava est nerveuse, elle ne peut s’empêcher de regarder vers la grande porte où les disciples s’agglutinent sans oser rentrer, gémissants. Les lourdes portes grincent sous leur poids combiné et ce bruit sordide fait battre le cœur d’Ava à un rythme effréné. Mais personne ne semble remarquer ce spectacle écœurant à quelques pas du salon. Les discussions et les rires continuent. On sort quelques jouets, on se taquine gentiment, on se passe la gamine de genoux en genoux et on boit beaucoup d’alcool. La jeune fille contemple ce spectacle d’un œil critique, de celle qui sait comment les choses se passent dans ce genre de soirée. La gamine ne dit rien, elle attend. Tout semble glisser sur elle, son regard est vide, son sourire figé. Une coquille vide. Ava comprend que malgré son jeune âge, la fille aux yeux gris sait très bien de quoi il est question ici. Ava se mordille les lèvres en regardant les heures défiler. Minuit passe, puis une heure et une autre encore. Elle continue son service en surveillant la gamine du coin de l’œil. Celui qu’on nomme le marquis sombre la guette depuis un moment. Alors qu’elle passe près de lui en ondulant des hanches, il lui saisit vivement le bras pour l’attirer dans son giron. Ava lâche son plateau et les verres heurtent le sol avec fracas. L’homme enfouis sa tête dans le creux de son épaule et commence à l’embrasser. Ava se laisse faire, plongeant ses doigts dans les épais cheveux noirs du marquis. C’est son métier, ce pourquoi elle a été élevée, initiée, blessée parfois. C’est ce qu’elle connait depuis toujours, ce qu’elle connaitra toujours. Alors que les lèvres de l’homme plongent vers sa poitrine, Ava trouve le regard de la fillette, un éclat sombre au fond de ses prunelles orageuses. Elle voudrait lui sourire mais sa gorge se serre. Alors elle baisse les yeux.
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MessageSujet: Re: [WIP] une histoire d'arbre.   [WIP] une histoire d'arbre. Icon_minitimeSam 23 Nov - 15:12

Bah quoi ? ya pas la fin ?


Bon, pour cette dernière partie je trouve qu'il y a des passages un peu précipités. D'ailleurs l'écriture s'en ressent : quelques fautes et tournures un peu maladroites.

Citation :
Il fait frais aussi loin sous la terre et la jeune femme a une pensée émue pour le petit Paul.
Je pense à ça entre autre : elle a une pensée pour Paul. Soit. Qu'est-ce qui le lui fait penser ? On suppose le fait qu'elle soit dans un souterrain, mais ce n'est pas clair. Elle a une pensée pour lui... et ? L'idée n'est pas concrétisée.

Citation :
Le père est dehors, il veut la voir.
"LA" : qui ? Sonia ? Ava ? la gamine ? Par déduction on élimine la narratrice, mais le doute persiste jusqu'à ce qu'on comprenne que c'est d'Ava qu'il s'agit => le sujet de la phrase précédente était Sonia, du coup tu ne peux plus désigner Ava par ce "la" -> un autre personnage s'est glissé dans la scène.


Sinon, l'intervention d'Ava est plutôt intéressante et donne un point de vue intermédiaire entre les autres personnages.

Je trouve que tu te perds dans des détails assez creux. Soit des descriptions, soit des états d'âmes ou des réflexions qui ne servent pas trop l'intrigue. A mon avis, tu devrais condenser un peu plus (ça reste un format court).

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MessageSujet: Re: [WIP] une histoire d'arbre.   [WIP] une histoire d'arbre. Icon_minitimeSam 23 Nov - 22:20

Je posterai la fin demain.

Davidounet, j'aimerais bien que tu me mettes en couleurs les passages que tu trouves précipités, ceux où tu dis ça:
Citation :
Je trouve que tu te perds dans des détails assez creux. Soit des descriptions, soit des états d'âmes ou des réflexions qui ne servent pas trop l'intrigue.
Si tu as le temps bien sur, ça m'aiderait pour la relecture et les passages que je veux reprendre.
Merci d'avoir lu Heureux
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MessageSujet: Re: [WIP] une histoire d'arbre.   [WIP] une histoire d'arbre. Icon_minitime

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