(Seule... la nuit.)
J’ai fait un rêve l’autre nuit.
C’est un rêve pâle et sombre, un plaisir qui se nourrit d’ennui où les chats se coursent comme des loups et où la jungle se ferme sur le palais des gueux.
Couchés dans les creux de l’asphalte tranché en grosses rondelles, les oiseaux se prélassent sous les nez des charmeurs et nous sommes tous deux, héros d’un opéra qui ne vaut pas quatre sous, debout le nez au vent et le giron à l’air.
Dans ton verre, je vois le sommet, l’immonde solitude qui supplante le monde, alors que dans ma rue on ne sait que se battre.
Et je marche longtemps, sifflant ce vieux refrain qui ressasse la mère, celle qui se perd et s’égare dans l’élancement des bras.
Quand les feulements se taisent et que sous la roue d’hier se dresse la fortune d’un jardin sans sourire, nous rions et tissons nos doux rêves en vieilles mélopées.
Adieu le troubadour qui part dans le lointain. N’oublie pas de chanter la rengaine de ceux qui ne veulent pas se perdre. Ils rêvent au dédale pour ne jamais sortir du labyrinthe de pan.
Serviteur pernicieux qui tangue en mon sein, ce cœur a du blesser son vivant partenaire.
Pars, pour qu’à jamais s’enfoncent les galets du pardon.
Joue, pour que jamais je n’oublie ton véritable nom.
J’ai fait un rêve l’autre nuit.
Je me lève comme on lève un lapin. Je me sauve et je cours comme un loup. Alors, les chats s’enfuient vers l’heureux couvert où se cachent les ombres.
Tout au loin, dans les remous, les vautours restent en jeu.
Ils veillent et arrêtent le coup qui pourrait briser le verre qui est là.
Il fait chaud, buvons, toi et moi.
Puis, quand nous aurons trinqué, retournons dans ce rêve, celui de l’autre nuit.