Une petite pensée qui me trainait dans la tête depuis quelques temps. J'ai enfin décidé de la mettre par écrit. C'est plus pour exposer "une pensée" et voir si elle suscite des réactions ^^ (spéciale dédicace à l'homme-Barbie : UF le ouf ^^)
Ken vs Big Jim 
« Dis ? Tu veux te marier avec moi ?
- Je sais pas !
- Pas maintenant hein ! Quand on sera grands, j'veux dire. Alors ?
- Ouai ! Pourquoi pas ! »Le gamin ne draguait pas ! A son âge ça ne se faisait pas ! Seulement voilà, il s'était toujours senti un peu romantique. Il aimait les films de capes et d'épées, où les jeunes héros se battaient pour conquérir le coeur de leurs belles. Dans la cour de récréation il lui arrivait souvent de chevaucher de long en large pour aller quérir la main de telle ou telle princesse.
Force était de constater que ce romantisme juvénile n'avait pas toujours les effets escomptés.
Plus d'une fois, les belles qui mettaient à mal son petit coeur d'artichaut, lui avaient tourné le dos en lâchant un «
n'importe quoi ! » sec et sans appel. En ces occasions il lui arrivait même de se faire gifler le nez par une queue de cheval hautaine et virevoltante.
Au fonds de la cour, il lui arrivait cependant de plier le genou pour se mettre à la hauteur de ses futures conquêtes, assises dans le bac à sable. Alors qu'elles jouaient à la poupée, il leur offrait aide, assistance et protection. Malheureusement on lui calait bien souvent des poupées dans le creux des mains.
« Tu veux jouer avec nous ?
- Euh...
- Tiens t'as qu'a faire Ken ! Ken c'ets le mari de Barbie. Ils vont faire les courses en campingcar rose ! Elodie tu prêtes ton campingcar rose pour aller faire les courses ?! »C'était... humiliant !
Mais le plus humiliant, au final, ça n'était pas d'aller faire les courses avec ces gamines écervelées et conditionnées en vue d'un avenir prometteur. Ca n'était même pas le fait de devoir prendre un air dégagé et condescendant envers ces jeux débiles et féminins, dès qu'on le regardait jouer avec des filles. Non ! Le pire c'était lorsque le campingcar tombait dans une embuscade tendue par d'autres gamins. Ceux-ci attaquaient impunément au su et au vu de toutes les maîtresses de l'école, les campingcars roses, sans distinction de conductrice, qu'il s'agisse de Barbie Princesse ou de Barbie Femme-au-Foyer.
Et là, lui, gamin romantique, que pouvait-il bien faire contre une tripotée de sales mioches armés de Big Jim. Ces poupées viriles avaient la fâcheuses tendance d'être elles-mêmes armées jusqu'au dents. Leurs compétences professionnelles se limitaient d'ailleurs exclusivement à la promotion subliminale des valeurs militaires républicaines et anti-terroristes, ainsi qu'à l'attaque de campingcars roses.
Du coup, notre jeune Dom Juan subissait régulièrement l'humiliation imposée par le clan des Big Jim. Savoir la confiscation et la décapitation systématique des Ken et de leurs manipulateurs malchanceux. Évidemment, les petites filles pleuraient, les petits combattants de la liberté exultaient et criaient, et lui se faisait tabasser – "
pour de rire" paraît-il – devant ses ex-futures conquêtes. Déshonoré, lynché, il revenait tout penaud vers les belles ingénues violentées et bafouées, un Ken émasculé à la main. En le leur tendant, il ravalait ses larmes et tentait de rester digne en précisant héroiquement : «
j'ai rien pu faire, ils sont trop idiots ces garçons ! ».
Les petites filles récupéraient leurs poupées et le plantant là, dans sa solitude amère, pour aller demander à la maîtresse de remettre les têtes de plastiques à leurs places, savoir sur un Ken, réparé, qui lui au moins savait prendre soin de sa Barbie et la protéger contre les invasions de l'US Army.
Le petit garçon romantique, regagnait la classe avant même la fin de la récréation, sentant sur lui tout le poids du monde, y compris les regards de tous les autres enfants de l'école. Il avait été lâche, il avait perdu sa bataille.
Il ne lui rester plus qu'à fabriquer un éventail en papier avec écrit dessus «
JE T'EIME » pour l'offrir à une autre gamine, et essayer d'oublier bien vite le cuisant échec sentimental de ce jour.
Au fonds de la cour, le chef des Big Jim allait voler un baiser à la petite fille au campingcar rose. Il lui disait que puisqu'il avait gagné, lui et SA bande, il avait le droit de la prendre comme femme et de l'embrasser sur la joue autant qu'il lui plairait. Ca c'était un homme, un vrai. La petite fille délaissant Ken, s'empressait de préparer le dîner pour son homme.
« Elodie ! Tu me prêtes ta dinette pour faire à manger à Big Jim ?! »Bien des années après, pleurnichant sur son sort, le gamin romantique était devenu le pré-ado romantique. Alors que, timidement, il avait passé toute l'année scolaire à se préparer psychologiquement pour regarder droit dans les yeux la plus belle fille de la classe et lui demander d'aller voir le dernier film de Kevin Kostner au cinéma, il paniqua. La nymphette le voyant arriver d'un pas décidé, détourna le regard vers sa «
meilleure copine », lui demandant de l'aide pour affronter la situation embarrassante se profilant à l'horizon. Notre héros, vaillant Ken au grand coeur, vint se planter devant la blonde et inspirant à fonds, prit son courage à deux mains pour ...
... se faire bousculer par le grand blond au yeux bleus avec son air de chérubin et ses manières de bad boy. Il jouait au basket, avait les plus belles converses de la classe et s'entrainait tous les mercredi après-midi et samedi matin.
« Au fait, Mélanie, on se voit toujours samedi après-midi pour aller voir le dernier film d'Eddie Murphy !
- oui oui ! Bien sûr ! Hihihi ! J'ai hâte !!
- À samedi alors !
- À samedi ! Hihihi ! » Que dire de plus. L'espace infini et noir qui règne dans l'univers n'aurait suffit à contenir tout le désarrois, la rage et la haine du romantique petit Ken. Pendant tout ce temps, il avait oublié de respirer. Et lorsque la blondasse de douze ans planta ses yeux glacés dans les siens pour lui demander :
« Alors ? Qu'est-ce que t'as toi ? T'as un truc à me dire avec ta tronche de merlan frit ? », il ne put que rétorquer :
« tu fais quelque chose samedi après-midi ?»Evidement son dernier espoir s'enfuit alors qu'une natte blonde vint le percuter au visage. S'en fut fini. Tous ces mois d'observation, de préparation, de cour subtile et de regards complices, réduits à néant ! Juste par l'intervention d'un bellâtre sans cervelle, incapable de désigner la capitale de la Patagonie sur un planisphère !!
Quelle injustice ! Ce soir, c'est sûr, il ferait des pompes pour devenir lui aussi un imbécile au charme sportif et ravageur.
Bien des années plus tard, alors que sa première copine l'abandonnait pour un jeune militaire en mal de sensations fortes, il se demanda pourquoi les filles « biens », « gentilles », « douces » et « bien élevées », au lieu de succomber à son intelligence et à son humour fin, préféraient toujours se détourner en direction de ces ado attardés, mal dégrossis et n'ayant aucun respect envers les filles. Un militaire à présent ! Cette pouffiasse se cassait avec un militaire à la con. En plus il allait sans doute partir faire ses classes pendant des mois à l'autre bout du pays, avant de gagner par la suite une quelconque ancienne colonie en guerre ! Un mec subtil comme un parpaing de vingt, doté d'autant d'esprit qu'une montre à quartz et dont le seul trait d'humour consistait à roter bruyamment avant de déclamer inlassablement la même phrase en allant pisser
« I'll be back !!! ».
Mais qu'avaient-elles donc toutes en tête. Quel besoin d'aventure ? Quel besoin de muscles ? Quel besoin de manque de sophistication ? Pourquoi ne pouvaient-elles pas se contenter d'un type charmant, qui plaisait aux parents, qui riait de bon coeur aux blagues de Toto du petit frère ? Pourquoi, alors, que, inondées de larmes par une énième déception amoureuse, elles tombaient dans ses bras, à lui, qui était si compréhensif, si délicat. Pourquoi alors qu'elles avouaient elles-mêmes que c'est de lui, d'un type bien, qu'elles avaient réellement besoin, pourquoi donc fallait-il qu'elles n'acceptent jamais leurs sorts ?!
Etait-ce si compliqué de fuir le bonheur qu'il leur offrait ?
Evidement ! Ken, le garçon serviable et charmant ne pouvait comprendre la simplicité et la chaleur que pouvait dégager un Big Jim.
Parfois les plus beaux diamants ne sont pas ce qu'on croit. Et les femmes aiment peut-être tout simplement tailler leur bonheur dans le bloc brut et informe d'une vie rêvée.
Ou pas !!!!
« Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie »
Sujet: Ken vs Big Jim 
Jeu 4 Déc - 0:26
