Tout débuta par une simple promenade.
Il formait un groupe atypique, tout portait à croire que la logique familiale était respectée mais quelque chose clochait.
Il y avait une grand-mère, du genre mamie gâteau qui vous caline mais sait se montrer sévère, jugeant de tout et de rien au nom de son expérience, se déclarant voix de sagesse.
Elle tenait la main d’une petite fille, âgée de six-sept ans. L’innocence par excellence.
Petite blonde avec deux grandes nattes tenues par des élastiques rouges portant une petite robe blanche à pois rouges.
Suivant quelques pas en retrait, un jeune garçon, aux abords de l’adolescence, 11-12 ans. Malgré son jeune âge, il ne courait pas partout, ne souriait pas, il semblait plus mature, plus morne aussi. On aurait pu en déduire qu’il s’ennuyait. Ce qui pouvait expliquer qu’il traînait les pieds dans cette balade.
Ils arrivèrent à un lac. Mais ce lac semblait différent. Il était désert.
On était hors des périodes saisonnières soit.
Mais il ne semblait pas simplement inhabitée, il semblait inanimé. Pas de bruit d’animaux, même le vent se taisait.
Le lac était sombre, l’eau semblait figée, c’était une grande surface noirâtre qui s’étendait devant eux.
Le lac était entouré d’un grand nombre d’arbres. Là aussi ils semblaient comme éteints. Aucune marque d’activité vivante.
Mais la grand-mère insouciante n’en avait que faire et le remarquait à peine. Pour elle c’était une aubaine, un lac juste pour eux, si calme qui pourrait lui permettre de faire tranquillement sa sieste au coin d’un chêne après le pique nique.
Pour l’instant on n’en était pas encore là.
La petite fille regardait avec fascination cette eau. Elle commença alors à demander avec instance d’aller se baigner. Elle faisait des sauts partout autour de la grand-mère en la suppliant pour y aller. La grand-mère fit un simple geste de la main en souriant, ce qui était signe totale d’approbation.
Le petit garçon encore était en retrait et n’avait pas l’air de partager la décision de la grand-mère, il maugréa que ce n’était pas une bonne idée, qu’il n’y avait personne pour la surveiller, que l’eau était peut être profonde. A quoi répliqua sèchement la grand-mère qu’elle savait très bien tout cela, qu’il devrait réfléchir avant de la traiter d’inconsciente, car bien sur elle avait prévu d’accompagner la petite fille dans le grand bain naturel.
Elles s’empressèrent alors de se changer et de mettre leur maillot de bain. La grand-mère portait un maillot de bain une pièce noir, et la petite fille portait un petit maillot de bain une pièce aussi mais de couleur beaucoup plus vive, relative à son âge.
Le garçon semblait inquiet, il avait remarqué le silence de cet endroit.
C’était assez étrange une nature si muette. Comme si elle se taisait. Comme si elle était morte.
Il n’admirait pas cet endroit et le redoutait. Il vit au loin alors un cheval. Il crut que ses yeux lui jouaient un mauvais tour alors il ne dit rien. Il se rapprocha pour voir de plus près. L’animal était sur la berge en face. Il avait l’air nerveux, puis il entra dans le lac. L’enfant n’avait jamais vu ça, un cheval qui se baigne. Il savait bien que les chevaux en étaient capables et qu’ils traversaient des rivières mais souvent c’était contre leur gré poussés par la volonté humaine. Il le regarda longuement. Le cheval semblait nageait. On voyait sa tête sortir hors de l’eau et le haut de son échine. Mais lentement il commença à s’immerger dans l’eau, et il disparut totalement. L’enfant attendit essouflé quelques instants, s’attendant à ce que le cheval remonte à la surface.
Mais ce ne fut pas le cas. Il en poussa un cri de stupeur. La grand-mère en sursauta et lui demanda ce qui lui arrivait. Il tenta de balbutier qu’il avait vu un cheval qui venait d’être englouti par l’eau. Ce qui fit rire grandement la grand-mère, qu’Est-ce que tu racontes Simon?! Tu as vraiment une de ces imaginations! Encore une histoire pour faire peur à ta sœur. Elle déplorait la bizzarerie de ce gamin. Elle l’avait dit à ses parents. On devrait le placer dans un examen, ce n’est pas contre lui mais tu vois bien qu’il ne se comporte pas comme un petit garçon normal. Elle avait espéré qu’un séjour chez elle aurait pu changer le comportement de l’enfant mais il n’en fut pas le cas.
Bon c’est pas tout, mais nous on va se baigner avec ta petite sœur, t’as qu’à nous prévenir si un autre équidé surgit de l’eau, un peu d’équitation ne me ferait pas de mal ironisa-t-elle.
Elle se dirigea alors vers la berge avec la petite fille. Simon la vit se diriger vers l’eau et se précipita affolée devant elle, il la supplia de ne pas y aller que l’eau n’était pas normale, que c’était dangereux. La grand-mère n’écouta pas ses suppliques, encore un délire de l’attardé, elle le repoussa de la main et trempa ses pieds dans l’eau. Tu vois bien qu’il n’y a rien, tu me vois disparaître. Voyons sois un peu plus mature, tu regardes vraiment trop de films fantastiques.
L’enfant était comme impuissant. Effectivement l’eau n’avait rien fait. Comment pouvait il l’expliquer.
Il s’en fichait bien que la vieille soit engloutie. Mais sa Sophie, si douce, si vivante, si gentille, il ne voulait pas qu’il lui arrive quelque chose. Quoiqu’il fasse il avait tort, mais il avait remarqué que son intervention avait eu un effet. La grand-mère tenait fermement la petite main de sa sœur, comme si elle voulait montrer qu’elle contrôlait la situation et n’était pas une irresponsable adulte. L’enfant en avait des frissons, puis des coups de chaud.
Elles s’enfoncèrent un peu plus dans l’eau. Sophie sautillait et faisait ainsi par là même revivre cette eau endormie. La grand-mère la regardait attendrie. La petite fille par la suite n’était plus visible que par une petite tête ronde à la surface de l’eau qui s’amusait à faire des bulles à la surface. La grand-mère regarda alors avec défi le petit garçon tout pâle au bord de l’eau. Tu vois bien qu’il n’y a pas à s’inquiéter. Elle lacha alors la main de l’enfant qui commença à nager. Elle sortit les deux bras de l’eau en enjoignant le petit garçon de venir les rejoindre, que la fraîcheur de l’eau lui ferait du bien. Mais le garçon avait changé de visage, déformée par le cri strident qu’il poussa. Elle ne comprit pas tout de suite, elle se retourna alors vers la petite fille. Elle avait disparu. Il n’y avait plus âme qui vive à la surface. Elle se retourna une, deux fois autour d’elle cherchant paniquée la trace de l’enfant. Puis elle se mit alors à plonger sous l’eau en quête de l’enfant. Elle n’avait quitté l’enfant du regard que quelques instants elle avait du simplement coulé et si elle se dépêchait il ne serait pas trop tard. Le garçon fit de même, malgré toute l’appréhension qu’il avait de cette eau, il se précipita dedans à la recherche de sa petite sœur bien aimée. Ne t’inquiète pas sophie j’arrive disait il en glapissant à moitié. Il plongea lui aussi.
Aucun des deux ne remontèrent.
C’était de tout jeunes mariés, ils étaient tombés sur le lac par hasard, ils avaient trouvé en arrivant une petite robe blanche à pois rouges, ils n’étaient pas tout seuls sur cet éden de verdure, mais tant pis ça ne les empêcherait pas de piquer une tête en amoureux, et ils se précipitèrent tous les deux main dans la main, dans cette eau si calme et si fraîche.