Haha, maintenant je peux taper mes commentaires sur word: c'est plus clair, plus espacé, et je n'ai pas à cisailler mon texte parce que le logiciel par défaut ne prend pas en compte les retours à la ligne. Bref.
J'ai trouvé ce texte agréable: d'abord parce qu'il est bref, va droit à l'essentiel, ensuite parce que le style est fluide, moderne, il n'y a pas de lourdeurs ni d'envolées lyriques hors de propos. Il prend l'allure d'une dénonciation du corps social, dénonciation qui sans être bouleversante d'originalité est conduite de manière honorable. Il y a malheureusement des sujets qui appellent à être répétés, même s'ils ont déjà été dits. J'ai eu très très peur je te l'avoue en arrivant à la fin, lorsque l'infirmière sort sa seringue, de la manière dont tu tournerais ta chute. Dans ces moments il faut rester sobre, suggestif, elliptique et ne surtout pas profiter de l'occasion pour faire un gros plan sur le moribond et ponctuer tout cela de quelques métaphores de derrière les fagots. Une fois encore, tu t'en es sorti honorablement: pour commencer la mort n'est pas évoquée, même s'il me semble que les deux derniers paragraphes sont un peu de trop, et notamment le coup des ténébres.
Il y a assez peu de fautes de style je l'ai dit, mais il y a assez peu de faute d'orthographe également, j'en ai relevé quelques unes:
- Citation :
- C’est ce qu’ont dit les éditeurs
Ici ce n'est pas le pronom impersonnel "on" mais l'auxiliaire avoir à la sixième personne: ce qui t'a induit en erreur c'est l'inversion du sujet et du verbe provoqué par le clivage de la phrase (c'est ...).
- Citation :
- avec des rebondissements
Un pluriel qui saute, grand classique, bienvenue au club.
- Citation :
- dîtes-moi ce qu'il y a dedans
Avec un accent circonflexe sur le verbe "dire", c'est du passé simple (nous dîmes, vous dîtes, ils dirent), or ici il s'agit plutôt d'un impératif présent (dites).
- Citation :
- L'infimière finit par le piquer dans le bras.
Et bam la faute que j'avais pas vu et que Word m'indique (han, je suis heureux de te retrouver mon p'tit traitement de texte) il manque un "r" à "infirmière".
Là on a fait le plus dur, il reste un petit quelque chose qui me gêne: tu as tendance à employer des tournures syntaxiques que tu ne maitrises pas vraiment, du coup, sans aller jusqu'à parler de fautes, il y a un certain nombre de maladresses dans ton écrit auxquelles je suis sensible.
- Citation :
- Il sait que cet homme le méprise sans doute
Le verbe "savoir" s'accorde assez mal avec le modalisateur "sans doute": soit il sait, soit il n'est pas sûr, ou encore il croit savoir, mais il n'est pas sûr d'être "sans doute" méprisé.
- Citation :
- Le roman dont il était le plus fier et plein d'espoir
Le roman dont il est le plus fier, ok, mais le roman dont il est plein d'espoir, ça c'est pas français. Tu ne peux pas mettre sur le même plan syntaxique "le plus fier" et "plein d'espoir", parce que ces deux syntagmes n'ont pas la même construction. "Le roman dont il est le plus fier et pour lequel il nourrit le plus d'espoirs", c'est affreusement lourd, mais c'est correct et assez fidèle à ton idée: à toi de trouver mieux.
- Citation :
- Un combattant courageux pour la patrie
Ici la maladresse tient de l'ambiguité de cette phrase: on est "combattant pour la patrie" mais pas "courageux pour la patrie", du moins il y a des façons bien plus élégantes de retranscrire cette idée. En intercalant l'adjectif "courageux" entre le nom principal "combattant" et son complément "pour la patrie", tu crées une flottement qui n'est pas très heureux. Ce qui est embêtant aussi c'est qu'il une structure toute faite pour exprimer ce genre de choses: "combattre pour la patrie". Du coup quand on lit ce que tu écris, on a cette construction à l'esprit, et ce souvenir nous fait sentir ta propre phrase comme un détournement de l'expression séculaire. Détourner une expression toute faite est (presque) toujours maladroit.
- Citation :
- son prisme de jeune garçon naïf et innocent
Il n'y a pas de "son prisme" qui tienne: on dira "à travers le prisme" (un peu lourd) ou "au prisme". C'est encore une expression toute faite qui supporte mal d'être bousculé.
- Citation :
- Une sorte de cercle qui se reproduit encore et toujours.
Ca c'est une belle tautologie: le cercle est une métaphore in absentia qui traduit l'idée de répétition, or un cercle qui se reproduit "encore et toujours", c'est un poil redondant. En revanche tu peux faire le contraire: commencer par dire qu'une action se reproduit encore et toujours, et préciser ensuite "à la manière d'un cercle", là ce n'est plus une redondance mais une illustration métaphorique de ton propos (j'allais dire "illustration imagée", mais pour le coup, c'est aussi un pléonasme, comme quoi il faut se méfier des nombreuses significations des mots: l'image au sens pictural et l'image au sens stylistique).
- Citation :
- L'infirmière referme les rideaux autour
Autour de ? Je comprends bien ton idée, tu essayes de donner un tour un peu familier à ton écriture pour illustrer la simplicité du personnage, sa médiocrité sympathique, mais là c'est un peu choquant.
- Citation :
- L'infiRmière finit par le piquer dans le bras.
Là je n'étais pas très sûr de moi, j'ai demandé l'avis de ma mère qui travaille dans le médical: on ne pique pas "dans", on pique quelque chose. L'usage du verbe est intransitif lorsqu'il s'agit de faire une piqûre. "L'infirmière finit par piquer le bras".
Je crois avoir fait le tour des maladresses, je finis par deux petites choses qui m'ont beaucoup plu.
- Citation :
- L'infirmière hoche la tête. Le médecin lui caresse le menton délicatement, puis s'en va.
Je trouve le commentaire horrible: la tendresse de ce médecin pour l'infirmière, suggérée par un geste anodin, rend d'autant plus preignant je trouve la solitude du protagoniste et son rejet du corps social: "allez on le tue, c'est qu'un mauvais moment à passer". Il y a aussi un peu de ce topos du médecin libidineux et de son infirmière nymphomane, qui rend la scène assez ignoble.
- Citation :
- C'est l'heure de la piqûre, monsieur Van Vuuren.
Ca c'est très drôle: cette petite phrase préconstruite qu'on a tous entendu infantilise le protagoniste et rend, de manière ironique, l'idée de meurtre plus choquante.