Elle s'esbaudit. Pourquoi ? Je ne comprends pas. Son rire part en tous sens, il atteint des pics sonores alarmants avant de retomber, puis de remonter. Il me vrille les tympans et je sens la colère qui monte. Je me tourne vers elle. Mon dieu, je hais sa face. Elle grimace et tord sa peau. Ses yeux se plissent, ses cheveux inondent son front, ses lèvres s'étirent en un sourire abject.
La cloche sonne, le tumulte habituel s'effectue. Les chaises grincent et les fermetures éclairs couinent. Le professeur tente de percer de sa voix le bruit ambiant, puis abandonne. On n'arrête pas les raz de marée ainsi. Tous se précipitent vers la sortie pour gagner le prochain cours.
De mon côté, je déambule tranquillement. Le pas allègre, je me dirige vers la salle d'anglais, l'esprit ailleurs. Rangés dans le couloir, nous attendons. Une pensée frappe mon esprit.
« Zut c'est vrai, je suis à côté d'elle ! »
Abattu, je pénètre ledit lieu de cours. Je m'assieds et m'avance un peu pour la laisser passer. La leçon commence.
Je réponds patiemment à ce qu'elle me dit. Ne pas chercher les problèmes est une devise qu'il se faut de respecter, et que j'applique à la lettre. Je ne puis m'empêcher de sortir une blague, elle rigole, de ce rire que j'abhorre. Mes nerfs tiennent, un exercice de force que je ne saurais peut-être pas reproduire. La cloche sonne derechef.
Un jour, deux, une semaine se passent. Je me découvre des trésors de patience insoupçonnés ; aurais-je prédit réussir à rester impassible aussi longtemps ? Non, jamais. L'être ne se connaît jamais aussi bien que dans ses extrêmes.
Soudain, elle pose sa main sur mon coude. J'ai un mouvement de recul, très vite atténué lorsque je tourne mon regard sur elle. Tout son corps est tendu vers moi ; il semble vouloir me parler. J'écoute.
Je plonge mon regard dans le sien. Nos yeux se confrontent. Je la trouve belle. Comment n'ai-je pas pu remarquer cela plus tôt ? Des mèches retombent en cascade sur son visage, et l'encadrent comme pour en faire un hommage à la beauté. Ses traits sont délicats, agréables. Je n'ai jamais vu un aussi grand sérieux chez elle. Comment cela était-il possible ? Elle me parle.
« Tu sais, je t'adore vraiment. Au début de l'année, je te trouvais fou, et tu peux avouer toi-même que tu es parfois étrange. Mais maintenant je me rends compte que tu es vraiment un type formidable, et je veux que tu saches que je serai toujours là pour toi. »
J'ai envie de l'étreindre. Si seulement je n'étais pas aussi timide, si seulement nous n'étions pas entourés d'une vingtaine d'adolescents stupides, je l'aurais serrée contre mon cœur pour lui montrer la joie que m'inspiraient ses paroles. Aussitôt, je me faisais des reproches. Certes, j'avais imaginé qu'elle n'était pas celle que je croyais, mais ça n'avait jamais dépassé le stade de l'imagination ; et je n'avais que peu changé mon comportement en conséquence.
Elle est si petite, mais tellement majestueuse. J'ai l'impression d'être le valet à côté de la Reine ; sa fougue aurait fait pâlir les plus preux chevaliers que le monde eût compté. Parfois, j'avais l'impression de la voir plus grande que moi. Comment serait-ce possible ? Je fais une bonne tête de plus qu'elle. C'est qu'elle m'impressionne. Des gerbes d'intelligence et de maturité s'écoulent dans son esprit, mais tellement masquées par l'honnie bêtise adolescente. C'est une femme, une vraie. Une femme qui réfléchit, une femme qui a un cœur, une femme qui sait rire, une femme entière, comme on ne sait plus en faire. Je la regarde ouvrir ses ailes, et j'observe son vol, avec un sourire.
- Spoiler:
Evitez les "tu aurais mieux fait de plus développer les pensées du personnage quand elle lui parle" s'il vous plaît, je ne l'ai que trop entendu, un choix que l'on m'a beaucoup critiqué ^^
Sinon je suis ouvert à toute remarque, merci de m'avoir lu.