[Background] Amnésia

A la Bordure Extérieure de la Confédération de Naflin se trouvait une petite planète tellurique qui n'était pas encore répertoriée dans les archives. Elle n'était donc pas sous l'autorité de la Confédération et savourait tant qu'elle le pouvait sa liberté. Cette planète se nommait Amnésia et ses habitants, les Amnésiens, étaient humains. Il y avait sur cette planète deux continents séparés par un grand océan, l'un était très fortement urbanisé tandis que l'autre était encore vierge et consacré aux cultures. Deux grandes parties se distinguaient clairement dans ce dernier continent; l'une était une prodigieuse exploitation agricole qui fournissait l'essentiel des produits nourriciers pour les besoins des habitants. On y trouvait aussi de grands élevages d'animaux et de gigantesques parcs naturels et touristiques. La Seconde partie était bien plus importante, interdite d'accès. C'était là où l'on faisait pousser de très nombreuses variétés de plantes aux vertus médicinales, euphorisantes, aphrodisiaques... mais la spécialité portait principalement sur les produits dopants. Toutefois, seule une poignée de personnes était au courant de la situation, c'était un secret bien gardé qu'il ne fallait en aucun cas divulguer de peur d'attirer la convoitise et la jalousie des grandes puissances galactiques.

Mais c'était un sujet gardé sous très haute surveillance, et d'ailleurs, même les plus hautes têtes des Cinq États Fédérés d'Amnésia ignoraient cela, car en réalité, une seule personne trônait et agissait dans l'ombre, manipulant les marionnettes qu'étaient les Cinq Chanceliers. Ils obéissaient fidèlement aux ordres de cette personne par crainte et par intérêt. Ils savaient que rien ne lui échappait, que désobéir serait trahir et un allé simple pour l'Enfer. Ils agissaient selon son vouloir bien qu'il ne se manifestait que très peu pour les affaires politiques internes. Pour cela ils faisaient comme ils l'entendaient, chacun avec ses propres règles dans sa Fédération, tant que le peuple réagissait comme elle le voulait. Son nom même leur était inconnu, ils ne savaient rien de cette personne, presque personne ne savait rien, elle était comme une rumeur. C'était pourtant la personne la plus influente de la planète, la plus puissante et la plus rusée. Elle était immensément riche et investissait dans toute la Confédération de Naflin. Elle avait beaucoup de contacts d'importance et des bases d'activité sur de nombreuses planètes sans que personne ne soit au courant de cela. Cette ombre avait également une importante force militaire à ses ordres et une troupe d'élite de commandos ainsi que l'armée conjointe des Cinq Chanceliers en cas de besoin. Amnésia était une planète de haute technologie qui disposait d'excellents scientifiques et de fonds considérables pour mener à bien leurs recherches. Une planète bien développée avec une légère flotte spatiale et une défense terrestre bien équipée et bien en place. Toute la fortune qu'il avait fallut pour le développement provenait principalement du trafique de drogue, plus particulièrement de drogues euphorisantes et militaires qui étaient rachetées à des prix ahurissants par d'éminentes personnalités d'autres planètes. Les contacts traitaient toujours avec lui par ses intermédiaires. Jamais ils ne recherchaient d'autres trafiquants car ils étaient devenus dépendants de ces drogues spéciales et nuls autres ne pouvaient combler leurs besoins toujours plus importants de consommation. Un produit qui augmentait considérablement la dépendance avait été ajouté dans ces drogues par les scientifiques justement pour obtenir ce résultat afin de pouvoir monter les prix de vente en sachant que les stocks seraient écoulés sans aucun problème malgré la hausse considérable des prix. Le nom de ce trafiquant, véritable dirigeant d'Amnésia était Morpheus.

Le plus grand trafiquant inter-galactique acheva sa séance d'entrainement intensive et virtuelle en quatre dimensions submergé par sa sueur et la sonorité assourdissante de la piste musicale chargée par Biara, la Voix Robotisée à l'intelligence Artificielle Stagnante de l'Ordinateur Central.

_ Coupe le volume Biara, active la douche et allume l'écran de télévision. ordonna la voix calme de Morpheus.

_ Tout de suite monsieur. répondit la Voix féminine et sensuelle de l'Ordinateur.

Après avoir purifié son corps d'athlète, le jeune homme qu'il était entreprit de raser la barbe et la moustache naissante de son visage. Puis il s'habilla avec grande classe comme l'homme d'affaire qu'il était. Il enfila un boxer noir puis un pantalon très chic, noir et finement rayé d'argent. Il revêtit une belle chemise noire d'une matière étonnamment douce et confortable. Il chaussa ses pieds de derby en cuir noir véritable et se mit sur le dos une longue veste de même matière qui s'ouvrait en dessous de la ceinture pour ne pas gêner les mouvements lors d'un éventuel affrontement. Il se coiffa ensuite convenablement et sortit un flacon de parfum inestimable pour homme et appliqua la pression du jet sur sa gorge très légèrement. Puis il s'installa sur son moelleux canapé de cuir noir pour regarder et admirer son œuvre à travers la télévision.
Le jeune homme était avant tout d'une prudence maladive, un trait de caractère fondamental pour réussir comme il l'avait fait. Tout était sous son contrôle et il restait persuadé que la fragmentation des pouvoirs ne menait qu'à la déchéance et au chaos. Pour lui, comme les Rois et les Empereurs antiques, les pouvoirs devaient être concentrés en une seule et unique personne qui aurait le pouvoir absolu. Ainsi seulement l'Ordre et la Prospérité pouvaient s'épanouir librement, à condition bien-sûr d'user correctement de ce pouvoir, avec sagesse et grâce aux vertus. L'ambition de Morpheus était noble, il ne recherchait pas la domination du monde comme la plupart des puissants. Il n'était pas corrompu et savait se contenter de ce qu'il avait, en souvenir et par expérience de son passé douloureux. Son rêve était de créer un paradis parfait et démontrer qu'Utopia n'était pas qu'une chimère. Et il avait en partie réussit, sur sa propre planète, il avait chassé la désolation du chaos pour fonder une grande société parfaite. Car il s'était posé les bonnes questions et avait trouvé des réponses. Ce qu'il écoutait à la télévision montrait les Cinq livrant son propre discours à la lettre près au peuple amnésien.

"La fin du 20e siècle à vu l'émergence simultanée et fortuite de deux disciplines scientifiques : une psychologique, l'autre politique. Pour commencer le principe révolutionnaire de crime de haine c'était le simple fait irréfutable, avéré, que l'humanité c'était toujours unie avec infiniment plus de conviction pour faire la guerre qu'elle n'en avait jamais eue pour faire la paix. Mais enfin la paix règne dans le cœur des hommes, enfin la guerre n'est plus qu'un mot dont nous oublions peu à peu le sens, enfin nous vivons en harmonie. Une maladie ronge le cœur des hommes, son symptôme c'est la haine, son symptôme c'est la colère, son symptôme, c'est la violence, son symptôme, c'est la guerre, cette maladie, ce sont les sentiments. Il existe un remède contre cette maladie et vous, en société responsable, avez adopté ce remède, le Prozium, aujourd'hui nous sommes en paix avec nous même et l'humanité est unie, la guerre est loin, la haine est un mauvais souvenir. Nous sommes notre conscience désormais et c'est cette conscience qui nous guide pour classer EC10, c'est à dire : Emotionellement Contaminant tout ce qui pourrait nous inciter à retrouver des sentiments afin de le détruire, vous avez gagnés, quand tout était contre vous y compris votre nature même, vous avez survécus !
Le Prozium, le grand philtre magique, l'opium de notre peuple, le ciment de notre grande société. Baume et salut, il nous a délivré du pathétique de la tristesse, des affres effroyables de la mélancolie et de la haine. Il nous permet d'anesthésier la douleur d'anéantir la jalousie, d'abolir la violence. Parallèlement, nos élans de joie, d'amour et d'allégresse se trouvent aussi anesthésiés, mais nous consentons à ce juste sacrifice, car nous adoptons le Prozium sans aucune réserve lui qui nous unis et qui nous rend plus grand ! Seulement, d'autres ne partagent pas notre foi en cette nouvelle vie et s'opposent à nous avec une violente hérésie, nous les avons nommés les "Régresseurs". Ces rebelles se cachent tels des rats pour continuer à vivre leurs misérables vies et conserver leurs sentiments par crainte du changement. Ils souhaitent non seulement écrouler les piliers qui soutiennent notre belle société mais veulent aussi répandre leur maladie, celle que nous avons combattue durant tant d'années avec tellement d'efforts ! Ils veulent vous faire redevenir les esclaves de vos propres sentiments et ainsi faire renaitre le chaos et les tourments que nous avons tous subis ! Mais nous ne nous laissons pas faire, nous luttons contre ces infâmes personnes et les détruisons avec leurs biens maléfiques, leurs livres, leurs peinture, leurs musiques, tout ce qui est classé EC10. Nous avons même mis au point une nouvelle unité afin de combattre les ennemis de notre société et la défendre. Les membres de cette unité spéciale se nomment les "Ecclésiastes" et sont au nombre de douze. Ils sont notre rempart face aux sentiments, face aux rebelles, face au chaos. S'ils venaient à tomber, nous aurions beaucoup à craindre, mais il n'y a pas à avoir peur, ôh amnésiens ! Cette unité a été formée radicalement à un nouvel art sans égal en matière d'affrontement. Ils sont les maitres du Gun Kata ou Kata Armé. Le Kata Armé... suite à l'analyse de milliers de fusillades enregistrées, l'Ecclésiaste a établit que la distribution géométrique des antagonistes dans tout affrontement armée est une donnée statistiquement maitrisable. Le Kata Armé envisage le revolver comme une arme totale. Chaque nouvelle position correspondant à une zone maximale d'objectifs atteints causant un maximum de dégâts à un maximum d'adversaires tout en maintenant le tueur à l'écart des trajectoires statistiquement courantes des tirs en riposte. La maitrise totale de cet art améliore l'efficacité de tir d'au moins 120%. L'augmentation de 63% de coups de feux mortels fait du maitre de Kata Armé un adversaire qu'on ne doit pas négliger. Alors aies confiance, peuple d'Amnésia, ces Régresseurs finiront tous par être éradiquer et notre maladie avec à jamais..."

Les Ecclésiastes étaient la garde prétorienne de Morpheus et ses principaux agents. Pour mener à bien les plus grands de ses projets, il faisait appel à leurs compétences pharaoniques et surtout à leur fidélité aveugle en lui. C'était l'élite de l'élite qui grâce au Kata Armé était déjà redoutable mais elle avait à sa disposition l'usage de la Zorthias, la drogue dopante ultime des combattants. Elle multipliait leurs forces par dix, leurs vitesses par trois et annulait l'information de douleur et anhilait la fatigue. Cependant dès qu'ils faisaient usage de ces capacités phénoménales, les contrecoups se faisaient durement sentirent physiquement et mentalement par la suite . Une seule personne s'occupait de cultiver et mettre en fioles cette drogue et rendait ses comptes directement à Morpheus. C'était le Scientifique Veraz, qui partageait les mêmes idées que le trafiquant. La zone où on la cultivait était plus sévèrement gardée que la Table des Cinq Chanceliers. La Zorthias avait de grande difficultés à se développer et mettait beaucoup de temps pour produire peu. Mais de grands efforts étaient mis en œuvres par Veraz et son équipe pour y remédier. Morpheus lui même utilisait cette drogue mais occasionnellement car elle installait une terrible dépendance chez le consommateur. Morpheus était l'homme qui avait mis au point le Gun Kata et en était le représentant le plus doué et le plus puissant. Les Douze Ecclésiastes étaient ses disciples et grâce à la longue consommation de drogues dopantes variées, ils étaient devenus capables de sentir les intentions malsaines grâce à un sixième sens et de prévoir un court instant l'avenir.

Bien que très développée, Amnésia avait conservée quelques similitudes avec la très ancienne Terra Mater. Les Amnésiens utilisaient les mêmes moyens de locomotion que les Terriens de l'ancien temps. En ayant supprimés toutefois les défauts et ajoutés des options supplémentaires avec leur niveau de technologie actuel. Les gens circulaient essentiellement avec des voitures et des motos sans aucune signalisation. Tous les véhicules mis en circulation disposaient d'une conduite en mode automatique et d'un système d'urgence. Il n'y avait pas d'accident à Amnésia, les malades étaient rares grâce au grand répertoire de plantes médicinales et aux nombreux médecins compétents. Le trafique d'armes en tout genre et de destruction massive était la seconde source de revenus d'Amnésia, ou de Morpheus car en réalité il était Amnésia. Ce qui était paradoxal, vendre des armes aux peuples d'autres univers afin qu'ils s'entretuent dans les larmes et le sang, pour une société qui avait trouvé l'harmonie, pour un homme qui rêvait d'instaurer la paix. Il en était conscient mais il était persuadé qu'il fallait faire des sacrifices pour bâtir un monde meilleur, que c'était l'unique moyen d'y parvenir. Il fallait avant tout une base solide pour se lancer à l'assaut du monde, un point d'appui. Pour renforcer sa base, il fallait de l'argent, énormément d'argent pour devenir la première puissance universelle, pour dépasser la Confédération de Naflin, le danger potentiel le plus important. Les drogues et les armes étaient incontestablement les produits qui se vendaient le plus cher et en abondance, car le chaos et la guerre ravageaient l'univers constamment et ceux qui accordaient des prêts à hauts intérêts et qui fournissaient le nécessaire aux belligérants s'enrichissaient considérablement sur leurs dos, et ce depuis l'aube du temps. Morpheus savait tout cela car il avait étudié grandement l'histoire de nombreuses civilisations, notamment celles de Terra Mater du temps où on la nommait autrement. Ses connaissances s'avérèrent lui être bien utiles car son plan fonctionnait sans avoir rencontré de grandes difficultés. Il avait toutes les cartes en mains pour réussir, ce n'était plus qu'une question de temps et de patience.
Sa montre se mit à sonner, il était temps de prendre sa dose de Prozium par injection. Il récupéra son injecteur et vérifia si le chargeur contenait encore les petites fioles jaunes orangées mais se consterna de n'en voir aucune. Il était surprit à chaque fois que la situation se répétait. Il avait toujours l'impression que son chargeur était plus souvent vide que plein, tant il était utilisé. Il alla chercher de nouvelles fioles dans sa réserve mais constata qu'elle était épuisée également. Morpheus allait faire quérir quelqu'un pour lui en fournir de nouvelles lorsque Biara lui annonça que son premier Ecclésiaste désirait s'adresser à lui.

_ Mets-nous en relation visuelle.

Le visage de son meilleur Ecclésiaste apparut en grand sur la plateforme holographique qui projeta son image en quatre dimensions.

_ Avé maitre, Achaeus au rapport. Je viens de découvrir la QG de la Résistance. Elle se trouve en plein cœur de la capitale d'Expellia en Epityr.

Un sourire radieux illumina son visage à l'audition de cette formidable nouvelle.

_ Enfin, nous allons pouvoir instaurer un règne sans conflits aucun, notre croisade interne va finalement s'achever dès ce soir. Demain, je pourrais concentrer mon regard ailleurs, sans crainte d'une rébellion. En cette occasion, je mènerais moi-même les Ecclésiastes au combat contre les Régresseurs. Dis aux autres de se préparer, nous partons immédiatement après.

Achaeus s'exécuta. Morpheus s'équipa de ses deux pistolets semi-automatique : "Ebony et Ivory". Puis il emmena plusieurs chargeurs en réserve. Il saisit son téléphone portable et joignit le Troisième Chancelier de l'État d'Epityr, auquel il expliqua la situation et ordonna de tenir prête son armée à sa disposition. Ainsi, Morpheus et ses disciples montèrent dans un hélicoptère pour rejoindre la Troisième armée, celle du général Kortex qui attendait les ordres dans sa base militaire.

_ Avé Ecclésiastes, nous sommes à votre entière disposition. annonça le général.

_ Les rebelles se trouvent en plein cœur de la capitale général. Ils sont sous terre, Achaeus à trouver trois entrées et sorties principales et une vingtaine de passages secondaires que nous devons obligatoirement occuper avant de lancer notre assaut, aucun d'eux ne doit s'en échapper je dis bien aucun. Détruisez toutes leurs hérésies et tuez-les tous hormis les chefs qu'il nous faut garder vivant pour leur faire subir un interrogatoire afin de dénicher les dernières forces rebelles dont ils disposent à travers Amnésia.

_ Oui Ecclésiaste, il sera fait comme vous l'entendez.

_ Vous pouvez disposer.

Les troupes militaires du général agirent alors comme convenu, elles se répartirent à chaque passages qu'empreintaient les Régresseurs. Ils condamnèrent les voies secondaires et établirent un périmètre de surveillance tout autour du centre de la capitale. Quand tout fut fin prêt, les forces offensives déclenchèrent des explosifs pour faire sauter les passages principaux puis s'engouffrèrent à l'intérieur bien accueillies par les forces rebelles par des tirs défensifs empêchant toute intrusion. Les militaires utilisèrent alors des grenades et des gaz délétère pour les repousser et pénétrer à l'intérieur de leur base. Mais la résistance était acharnée malgré la nette supériorité numérique des militaires. Au fur et à mesure qu'ils étaient repoussés, les résistants écroulaient les fondations des passages le temps de se réorganiser pour opposer une résistance toujours plus farouche. Les militaires usaient à chaque fois d'explosifs ou de foreuses performantes pour se frayer un passage parmi les décombres. Ils finirent fatalement par repousser les résistants à l'intérieur de leur base et avaient obtenus le contrôle des passages. Les Régresseurs étaient pris au piège dans leur base et leur seul salut résidait dans leur courage et leur détermination. Coreus s'approcha de Morpheus et lui souffla ses mots à l'oreille :

_ M'est d'avis que les Hérétiques ont un plan de secours, ou plusieurs pour parer notre assaut. Je sais de quoi il s'agit principalement.

_ Tu as raison, moi aussi je les soupçonne d'avoir des plans de contre-attaque. Une chose est sûre, ils vont appeler à l'aide une partie des résistants de l'extérieur pour prendre nos forces à revers et nous coincer entre le marteau et l'enclume. Seulement j'ai prévenu le Quatrième et le Cinquième Chancelier de nous envoyer des renforts pour piéger leurs secours. De ce côté là il n'y a aucun danger, pour le reste, il nous faut avancer prudemment et tout devrait bien se passer. Écoutez-moi Ecclésiastes, nous allons nous partager en deux groupes. L'un viendra avec moi diriger l'offensive de la base, l'autre ira avec Achaeus soutenir la contre-offensive des rebelles quand elle aura lieue.

Ce qu'il prédit arriva quelques heures plus tard. Des renforts ennemis arrivèrent de toute part, de nombreux renforts. Confiants, ils ne se doutèrent pas du piège dans lequel ils venaient de tomber. Les renforts des Quatrième et Cinquième Chanceliers vinrent instantanément encercler les secours par la voie des airs et ils remplirent leur mission avec succès, assistés par les six Ecclésiastes du groupe de Achaeus. Les renforts des rebelles avaient été anhilés et les meneurs furent capturés. Les défenseurs du QG furent durement affectés par l'échec de leurs alliés de l'extérieur et subirent un grand coup au moral et à leur courage. Leur résistance se fit moins importante qu'auparavant et les forces de Morpheus en profitèrent pour faire une grande percée dans leur défense qui peinait à se reformer du fait qu'elle était désormais démoralisée.
Morpheus était dégoûté de la misère des lieux, il faisait sombre et humide, une odeur pestilentiel agressait ses narines et le désordre omniprésent plus que tout l'agaçait. Il avançait en tête de colonne avec ses disciples à ses côtés et l'armée derrière. Les rebelles les canardaient du haut de divers bâtiments et des entrepôts foisonnant. Morpheus comme ses disciples faisaient une victime ou plusieurs à chaque détente et nul ne pouvait freiner leur avance prodigieuse jusqu'au moment où une invention rebelle fit son intervention. Les résistants avaient mis au point de grands robots de fer et d'acier avec de lourde mitrailleuses à chaque bras. Eux même les contrôlaient de l'intérieur et les mouvements qu'ils effectuaient avec des manettes étaient reproduits par les robots. Ceux-ci n'étaient encore qu'une cinquantaine mais ils prouvèrent leur grande efficacité en faisant tomber une infernale pluie de balle qui obligea Morpheus à se replier à cause des pertes trop importantes de ses hommes. Les résistants qui pilotaient ces machines voyaient par une grande vitre en triple vitrage pare-balle.. Il était très difficile de les mettre en pièce.

_ Je ne vois que peu de choses à tenter. Il faudrait déverser de l'huile ou du pétrole sur ces machines pour ensuite les enflammées, nous avons vu de nombreux réservoirs dans leurs entrepôts que nous pourrions utiliser. Autrement il nous faudrait de puissants explosifs en quantité.

On appliqua ces idées et la situation se renversa au prix toutefois de très nombreuses vies. Il ne restait plus que deux machines qui se replièrent avec le reste des troupes résistantes. Une migraine terrible tourmentait Morpheus depuis plusieurs heures déjà, il ne savait pas quelle en était la cause, son cœur battait plus fort que d'ordinaire et des pensées superflues traversaient son esprit. Il n'y pretta pas attention et se concentra sur l'affrontement présent qui tournait en sa faveur. Ils arrivèrent au centre de la base et luttèrent très longtemps pour en prendre possession. Les hommes tombaient de tous les côtés telles des mouches, c'était une véritable boucherie. Le sol était recouvert de boue sanglante et immonde, Morpheus se sentit subitement mal à l'aise dans cet endroit, quelque chose n'allait pas chez lui mais il ne cherchait pas à comprendre ce qui lui arrivait, il continuait à vider les uns après les autres ses chargeurs. Un soldat tomba sous ses yeux et ne se rendit même pas compte que la colère montait progressivement en lui, il le vengea en insérant une balle dans tête du meurtrier. Un robot de combat avait été mis à bas, il n'en restait plus qu'un désormais. Les Régresseurs qu'il restait n'étaient plus très nombreux mais chacun d'eux était un commando d'élite. Ils donnaient du fil à retordre même aux Ecclésiastes. Le robot restant vida ses dernières munition sur les Ecclésiastes en en touchant un gravement mais qui réussit à se mettre à l'abri. Le robot s'empara d'une arme tranchante située derrière son dos n'hésita pas une seconde à charger les troupes militaires. Il causa d'effroyables dégâts sans que rien ne puisse l'arrêter. Les grenades ne suffisaient pas à arrêter ces robots, il fallait placer une charge de c6 pour atteindre la carcasse métallique de ces incroyables inventions. Morpheus s'en procura une et se risqua à la placer sur le robot qui conscient de ce qu'il comptait faire cherchait à le découper de sa lame. Le jeune homme démontra son inégalable agilité en esquivant chacune des attaques du robot. La grande taille et la lourdeur du robot ne lui permit pas de l'emporter sur son adversaire et la charge fut placée sur un membre inférieur. Morpheus reçut un coup violent du bras mécanique qui le projeta contre des caisses de bois. Des commandos se précipitèrent sur lui en espérant abattre un Ecclésiastes mais il se défendit en mettant Ebony et Ivory en mode automatique et la puissance de feu était telle qu'ils furent criblés de balles et s'effondrèrent. Morpheus se releva le dos douloureux et remarqua que de la carcasse du robot s'échappa tant bien que mal une jeune femme.

Elle accrocha avec la force d'un bon aimant le regard inquisiteur du jeune homme qui fut éblouit par tant de grâce et de beauté. Le visage aux traits infiniment fins et féminin était radieux, éclatant et plein de mystères. Son regard était ardent et une puissance prodigieuse s'en dégageait comme il ne l'avait jamais vu chez une femme. Ses yeux envoûtants et obscures brillaient d'une lueur de malice irrésistible. La longue chevelure sombre de cette créature de rêve fouettait l'air comme une diablesse le ferait avec un fouet. Son corps droit et fier semblait forgé par les dieux tant sa perfection se faisait irréprochable. Son petit cœur palpitait dans sa poitrine, tout comme Morpheus, elle suait et haletait de fatigue, la vitesse du tambour de guerre qu'était devenu le cœur de Morpheus à la vue de cet ange descendu des cieux était une véritable énigme pour lui. Jamais encore il n'avait sentit sa poitrine battre autant avec une telle vigueur rien que pour l'admirable beauté d'une femme. Il voua dans son esprit une véritable adoration pour la jeune femme dont il ne parvenait pas à dissoudre l'image persistante par la force vaine de sa volonté. Toute sa chair tremblait imperceptiblement et la confusion l'avait gagné. Le temps pour lui s'était figé l'espace d'un instant qu'il aurait pourtant estimer durer une éternité merveilleuse. Ils échangèrent un regard étrange et Morpheus ne pouvait plus détacher son visage du sien. Il n'y avait plus qu'elle dans son champ de vision, le reste étant comme plongé dans une brume épaisse. Elle se ressaisit avant lui et pointa ses pistolets mitrailleurs sur lui et ouvrit le feu. Le jeune homme reprit ses esprits juste assez rapidement pour ne pas succomber à sa contemplation. Il s'en sortit avec une balle bien placée dans l'épaule gauche. Il avait plongé derrière des barils de fer qui par chance étaient vides. Il quitta sa cachette avec une roulade tout en tirant sur la jeune femme qui se servit d'un soldat en tant que bouclier humain. Elle le fit tomber et déchargea ses balles sur l'Ecclésiaste qui courait entre divers objets qui récupérèrent les balles à sa place. Les six Ecclésiastes vinrent enfin à son secours et il leur tint ce discours :

_ Laissez-là moi, je la veux en vie. Protégez-moi des tirs en ripostes des autres commandos. Que personne n'intervienne ! Bartimeus, donnes-moi des pilules je suis blessé.

Morpheus récupéra quelques billes rouges et les avala. Ces pilules augmentaient radicalement la production de globules rouges. Cela allait renouveler le sang qu'il perdait à l'épaule. Il quitta ses protecteurs pour se lancer dans la mêlée et abattit cinq hommes avant de retrouver la jeune femme qui venait de briser le cou d'un militaire avec un geste sans défaut. Elle se retourna et l'aperçut, il tira sa dernière balle sur elle en pleine poitrine et elle s'étala sur le sol. Il se dirigea vers son corps inerte et elle lui faucha les jambes par surprise et il tomba. Il se releva et elle lui envoya un coup de pied en pleine mâchoire et il retomba sur le corps sans vie d'un militaire et saisit son fusil à pompe. Il se leva et tira derechef mais elle dévia le canon et le coup toucha quelqu'un d'autre. Il lui plaça un bon coup de crosse dans l'estomac et il la tenait enfin à sa merci, à genoux, le souffle coupé devant lui, mais son regard ne cillait pas et elle gardait sa fierté, elle le maudissait encore, même dans sa fâcheuse situation.

_ Qu'est-ce que tu attends ?! Tire, sa ne devrais pas être trop dur pour toi, Ecclésiaste, assassin de l'Humanité.

_ Arrogante, tu te méprends...

Il fit un clin d'œil à Achaeus qui s'était glissé derrière elle pour qu'il l'assomme d'un coup du plat de la main à la nuque. Elle sombra et ils s'emparèrent de la base avec quelques chefs rebelles. Ils avaient tués tous les autres, et brûler tout ce qui pouvait l'être. La nouvelle de cette réussite passa aux nouvelles télévisées et diffusées par les radios et une grande célébration eût lieue, tandis que Morpheus rentrait chez lui sous les félicitations de ses disciples. Mais lui n'était pas d'humeur à faire la fête et après avoir reçut les soins qu'il lui fallait, il s'isola, pensif, encore secoué.

La magnificence de la rebelle restait gravée dans son âme comme une marque au fer rouge, il repensait fiévreusement à ces lèvres et à ce corps infiniment désirable qui réveillaient des sensations terribles sommeillant en lui, libérées des barreaux du Prozium. Il se sentait profondément vulnérable face à ce déferlement d'émotions qui lui ôtaient tous ses moyens et répandait le chaos dans son esprit habituellement sévèrement ordonné. La folie finit par s'emparer de lui au point qu'il fit une effrayante crise de nerfs.

_ Monsieur est-ce que tout va bien ? Désirez-vous de l'aide ? s'enquit Biara inquiète de cette inhabituelle réaction.

_ Fermes ta gueule tas de ferraille ! hurla Morpheus pour toute réponse, les mains empoignant fermement sa tête comme si elle allait imploser.

Morpheus tomba à genoux en hurlant et il finit par s'évanouir. Là, deux Ecclésiastes arrivèrent hâtivement porter secours à leur maitre. Ils parvinrent à lui rendre connaissance et il les réprimanda vertement :

_ Laissez-moi ! Je ne vous ai pas fait quérir, retourner sans inquiétude à vos affaires.

Ils s'excusèrent et quittèrent ses appartements. Quand à lui, n'y tenant plus, il décida de rendre visite à celle qui était responsable de son trouble. Il passa devant sa cellule. Elle ne l'avait pas remarqué, assise, fixant le sol, la tête entre les jambes et ses bras couvraient sa tête, démoralisée, désespérée. Il la regarda ainsi un long moment, succombant à sa rêverie. Elle leva soudain ses yeux brillants vers lui, infligeant instantanément une douleur dans son coeur affaiblit.

_ Tu as finis ? lui dit-elle doucement.

_ De quoi tu parles ?

_Cela fait bien dix minutes que tu me fixe étrangement des yeux, tu croyais que je ne m'en était pas aperçue ?

Morpheus souria sans s'en rendre compte, chose qu'il n'avait pas faite depuis un temps immémoriale.

_Biara, ouvres la cellule B35.

Un son sifflant se fit entendre et la grille se leva.

_ Viens avec moi.

Elle se leva et le suivit non sans guetter un moyen de s'échapper. Puis ils arrivèrent à une pièce qui servait d'interrogatoire. Il y avait à l'intérieur une table blanche et deux chaises.

_ Prends place, Biara, coupe l'enregistrement.

La jeune femme lui jeta un regard perplexe et interrogateur. Il prit place à son tour tâchant de paraître impassible mais il avait beaucoup de mal à accomplir cette prouesse à présent. Il essayait d'éviter son regard pour ne plus sombrer dans l'état pathétique dans lequel il s'était retrouvé quelques instants plus tôt.

_ Quel est ton nom ?

_ Je suis Hystéria.

Il tourna subitement la tête vers elle, son regard avait prit une expression de stupeur médusée.

_ Hystéria ?! Non c'est impossible ! Tu mens !

_... Non enfin, pourquoi le ferais-je ?

Il frappa la table du poing avec rage.

_Elle est morte bon sang !!! Il y a longtemps de cela ! Elle a reçue plus de dix balles dans le corps lors de l'Épuration alors que nous étions encore enfants ! Je me souviens bien, j'étais là, avec elle, au bord de la mort moi aussi !

Son visage se bouleversa brusquement à l'évocation de ce souvenir. Ses yeux s'embuèrent et des larmes finirent par s'en échapper, elle sanglota.

Morpheus fut grandement émut par ce qui lui arrivait et il se mit à trembler et se sentit mal à l'aise. Il avait peur de comprendre. C'est alors qu'elle lui sauta dessus et le frappa sans réel conviction, elle refusait d'y croire également. Elle frappait la vérité par peur de ce qu'elle signifiait pour elle.

_ Non c'est pas toi, c'est pas possible, non, ça peut pas être toi Morpheus ! Cria t-elle.

Quand il entendit son nom sortir de la bouche de cette fille, il sut qu'elle avait dit la vérité et encore sous le choc, il la serra dans ses bras tandis qu'elle le frappait avec une force toujours plus décroissante jusqu'à coller sa tête contre sa poitrine battante et pleurer sur lui.

Ils restèrent ainsi enlacés l'un dans l'autre, évoquant leurs souvenirs communs, accordant ainsi plus de poids à ce qu'ils refusaient de croire.

_ Pourquoi eût-il fallut que l'on se retrouve dans ces conditions, avec des idées et des rêves si différents... comment as-tu pu finir ainsi ? Devenir mon ennemi...

_ C'est toi que je ne comprends pas. Regarde cette grande société que j'ai battis avec tant d'efforts et de sang ! J'ai chassé les fléaux de l'humanité Hystéria, pourquoi chercher à détruire tout cela ?!

_ Quoi ?! Tu veux dire que c'est toi le responsable, le chef de tout ça ?!

_Oui c'est moi qui suis à la tête de la planète, et les Cinq Chanceliers sont mes poupées, les Ecclésiastes sont mes disciples, mes armes, c'est moi qui est apporté la paix à Amnésia !

_ Quelle paix ?! Tu as tué des tas d'innocents toi et tes armées !

_ La paix ne siège que sur un trône sanglant, c'est ce que j'ai appris à mes dépends. C'est un mal pour un bien.

_ Mais c'est un mensonge ! Une paix née d'une illusion n'est rien d'autre qu'un mensonge ! Pourquoi vis-tu aujourd'hui ?

_ Je suis en vie pour sauvegarder la continuité de cette grande société. Pour préserver les Hommes de leurs mauvais côtés.

_ Je sais tout ce que tu as ressentis, tout ce qui t'as poussé à faire ce que tu as fait mais... tu tournes en rond en réalité, tu vis pour continuer ton existence, où est l'intérêt ?

_ Où est l'intérêt de ton existence ?

_Dans ce que je ressens. Ta souffrance t'a permis de t'en passer. Mais pour moi, c'est aussi vitale que respirer, et si je vis sans ça, si je vis sans amour, sans colère, sans chagrin, mon coeur n'est qu'une horloge qui fait tic tac. dit-elle avec force, le regard brûlant.

Ces mots touchèrent durement Morpheus qui ne trouvait rien à redire et qui constatait l'étendue de ses erreurs.

Hystéria pris ses mains dans les siennes pour lui confier qu'il avait son soutient.

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