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 Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III]

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Nicolas




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MessageSujet: Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III]   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeVen 26 Sep - 0:18

Ceci est un avant-propos chiant, pompeux et dispensable.
Spoiler:

Ceci est un résumé style quatrième de couverture de l'œuvre.
Spoiler:

Le texte dans une nouvelle version réécrite commence juste en-dessous.
Bonne lecture.


Dernière édition par Unfresh Fish le Ven 2 Avr - 1:29, édité 20 fois
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Nicolas




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MessageSujet: Prologue   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeVen 26 Sep - 0:31

Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Tentakaeq0





J’ai cette terre pour dictame au matin d’un village
Où un enfant tenait forêt et déhalait rivage
Ne soyez pas les mendiants de l’Univers
L’anse du morne ici recomposée nous donne
L’émail et l’ocre des savanes d’avant temps


Edouard Glissant, Pays rêvé, pays réel.





Prologue



_ Mais grouille-toi, Lanza, espèce de larve ! Tu veux vraiment que ces machins nous rattrapent ? Grouille ! Ramène par ici tes miches, grosse feignasse !


_ Ferme-la Teurisse, ferme-la ! Je… je te jure que si tu te mets encore à m’appeler feignasse, rien à f… rien à foutre de ces bestioles à la con, je te…

_ Chut ! J’entends des bruits ; on va se planquer là. Tu me raconteras ça un autre jour.

Les deux silhouettes se pressèrent l’une contre l’autre pour rentrer dans l’interstice entre deux bâtiments. Puis le silence.

_ Dis donc, t’es bien sûr que les insectes géants nous courent après ? J’ai pas vraiment pris le temps de vérifier s’ils nous ont suivis jusque-là.

_ Ben je croyais, mais j’ai pas vraiment regardé derrière nous non plus.

_ Bon, on fait quoi ? On sort ? Y’a personne à l’horizon.

_ T’es folle ou quoi ? Je préfèrerais rester là encore une bonne heure, histoire d’être sûr que les bébêtes nous ont pas suivis.

_ Bon… ok. Hum... Qu’est-ce qu’on fait ? T’as un jeu de cartes sur toi ? Je…aaaaaah !

La jeune fille sortit comme une fusée de la cachette, aussitôt imitée par son camarade. Ils se mirent rapidement à bonne distance, oubliant pour un temps toute notion de discrétion.

_ J’ai senti un truc mou sur mes cheveux ! Un truc dégueulasse. Y’a une bête là-dedans Teurisse. Cet endroit me fout vraiment les boules.

_ Je crois avoir vu un truc qui brillait, moi aussi. Flippant !

Comme pour confirmer leurs propos, une ombre sortit doucement de l’obscurité du renfoncement, révélant un corps flasque et luisant prolongé de plusieurs fins pseudopodes, flottant avec légèreté au-dessus du sol.

_ J’y crois pas. Un calamar qui vole !

_ Un calamar ? Qui vole ? Hé, y’en a même un deuxième juste derrière. Attend, on se fait kidnapper par des abeilles géantes, on s’enfuit pendant qu’elles ont le dos tourné, et tout ça pour se retrouver dans une ville bizarroïde où les calamars flottent en l’air ? J’espère que je suis en train de rêver.

_ Je ne sais pas ce que vous appelez ka-la-mar, mais ça c’est un poulpe et je ne pense pas que vous soyez en train de rêver. Maintenant, vous deux, vous allez vous hâter de m’expliquer ce que vous fichez là au lieu de travailler en bas avec les autres.

Les deux jeunes gens se retournèrent brusquement, à l’unisson, surpris et désarçonnés qu’on leur adresse la parole, dans un langage familier qui plus est, pour faire face à un être à l’apparence vaguement saurienne qui devait bien mesurer dans les deux mètres. Il était habillé d’une grande robe bleu ciel sur laquelle étaient brodés de riches motifs dorés et les toisait de ses minuscules yeux verts.


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Nicolas




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MessageSujet: Chapitre I.1   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeVen 26 Sep - 0:38

Chapitre I.1



_ Quoi ? Nan mais ça va pas la tête ou quoi monsieur le serpent ! Ecoutez, on vous a suivi jusque là-dedans parce qu’on est totalement perdus et qu’avec vos grandes dents vous nous faites peur. Mais si vous vous imaginez qu’on va s’amuser à rester ici et à frotter des statues jusqu’à ce qu’on se voit dedans, comme les autres débiles que vous avez là, eh ben laissez moi vous dire que ça risque pas de…

_ Est-ce que vous voulez bien vous taire à la fin ? Vous n’arrêtez jamais. Et cessez de m’appeler shaër-pan. Ce n’est pas la première fois que je vous le dis : les esclaves ne sont même pas sensés pouvoir parler.

_ Mais c’est parce qu’on n’est pas des esclaves gros malin ! On-n’est-pas-des-esclaves, espèce de… espèce de serpent !

L’être qu’ils avaient rencontré dans la rue les avait emmenés à l’intérieur de l’édifice contre lequel ils s’étaient cachés et ils l’avaient suivi sans chercher à s’enfuir ou à résister, encore stupéfaits d’avoir trouvé quelqu’un qui parlait leur langue. Une fois à l’intérieur, ils n’avaient croisé que des individus qui semblaient être de la même espèce. Certains, comme leur guide, marchaient sur deux pieds courts et larges comme ceux d’un crocodile, mais la plupart reposaient sur une énorme queue de serpent. Richement travaillés, leurs vêtements ou éléments d’armures multicolores couvraient plus ou moins le corps. Les individus eux-mêmes étaient de taille variable, parfois plus petits qu’eux et parfois deux fois plus grands.

Ils avaient parcourus plusieurs grands halls au sol carrelé d’un vert émeraude sur lequel se réfléchissait la lumière qui entraient par les myriades d’ouvertures dans les murs, et où le très haut plafond était soutenu par des centaines de piliers massifs et somptueusement décorés. Puis ils avaient descendus une pente raide et interminable pour finalement arriver sous le niveau du sol, dans une pièce aux allures de sanctuaire et aux dimensions titanesques. La lumière arrivait du plafond à travers les mêmes dalles vertes sur lesquelles ils avaient auparavant marché, éclairant la salle d’une teinte surréaliste.

Là, des centaines d’êtres misérables à la peau rouge ou noire étaient affairés à nettoyer les innombrables statues qui occupaient presque tout l’espace. Sculptées dans une matière sombre mais pas totalement opaque, toutes représentaient la même espèce de sauriens qui habitaient le bâtiment. Aux vues de leurs tailles, elles semblaient être à dimension réelle, même si certaines atteignaient les trois mètres et qu’une en particulier, en plus d’occuper une surface au sol considérable, touchait presque de sa tête reptilienne la voûte verte du plafond. C’est là que comptait les abandonner leur guide, après leur avoir tendu de quoi commencer à lustrer l’une des sculptures.

_ Alors si vous n’êtes pas des esclaves, qu’est-ce que c’est que ça ?

De sa main couverte d’écailles, l’être en robe bleue désigna une marque noire en forme d’étoile à six branches sur le cou de chacun des jeunes gens. Les humains posèrent chacun les yeux sur le corps de l’autre, à l’endroit indiqué, et Teurisse fut le premier à réagir.

_ Hein ? Mais c’est quoi ça ? Depuis quand on l’a ? C’est les abeilles kidnappeuses qui nous ont tatoués comme des bêtes ? Saloperies !

_ Il s’agit de la marque de la guilde des Esclavagistes des Rur’ker, les fournisseurs des meilleurs esclaves de toute la cité. Tous nos travailleurs portent ce symbole, vous êtes assez bien placés pour le savoir. Maintenant restez ici ; je vais chercher un des responsables pour tirer ça au clair. Et commencez donc à nettoyer cette statue.

Pendant que le saurien s’éloignait en direction du bas de la pente où étaient postés d’autres de ses congénères, les deux humains observèrent plus en détail les lieux. Il ne semblait pas y avoir d’autre issue que l’endroit d’où ils étaient arrivés et tenter de s’enfuir était donc hors de propos. Sur le côté de la salle, une cage fixée au mur contenait quelques dizaines de ces calamars volants, plus exactement des poulpes d’après le saurien, flottant paisiblement et apparemment résignés à la captivité. Lanza soupira bruyamment en lâchant l’espèce de brosse qu’on lui avait donnée, avant que Teurisse ne fasse de même.

_ Là, on est vachement mal quand même. J’ai pas envie de croupir ici comme ces zombies.

Elle montrait de la main les quatre esclaves les plus proches, occupés à lustrer frénétiquement la queue de serpent d’une des grandes statues. Leur regard vide ne laissant rien percevoir d’autre qu’une aliénation totale. L’un deux mâchouillait machinalement ce qu’on devait leur donner comme nourriture, ne s’arrêtant pas pour autant de frotter avec énergie. Ils ne portaient même pas de quoi couvrir leurs corps nus et ils apparaissaient comme ridiculement petits à côté des statues. Lanza aperçut brièvement une tâche noire sur le cou d’un des esclaves et comprit qu’il s’agissait du même symbole que celui qu’ils devaient porter. Elle plaça sa main à côté de sa gorge et se mit à gratter la protubérance que formait la petite étoile.

_ Arrête un peu de stresser ma vieille. On va pas nous laisser là bien longtemps. Le type qui nous amenés va rapidement comprendre qu’on a rien à voir avec ces esclaves-là. Nous on parle, comme il a dit, nous on n’est pas tout nus avec la peau rouge et puis contrairement à tous ces mecs, nous on n’a vraiment pas envie de croupir ici à nettoyer des statues. Regarde, là il discute avec un des autres serpents, et il va revenir nous expliquer que tout ça, c’est qu’une erreur, qu’il est désolé et que pour s’excuser il va me proposer d’épouser sa fille serpent.

_ Tu te fous pas un peu de ma gueule, Teurisse ?

_ Bah écoute, moi au moins, j’essaye de dédramatiser. J’essaye de ne pas penser que même s’il nous fait sortir d’ici, ce sera probablement pour nous bouffer avec ses potes.

_ A la réflexion je préférais quand tu disais des conneries.

_ Moi aussi. Mais on peut changer de sujet ; t’as vu le nom à rallonge qu’elle se tape cette statue ?

Sur le socle des sculptures, des caractères étaient en effet gravés et recouverts d’une substance dorée.

_ Tirrera ka Ashraë ka Daëra ka Danuyden ka Shryd ka Shin ka Gaëra ka Oxden. Ah ouais, si c’est vraiment comme ça qu’il s’appelait, ça devait pas être simple pour lui.

Ses mots ayant précédé sa pensée, Lanza comprit ce qu’elle venait de sous-entendre : cette immense pièce souterraine devait en quelque sorte servir de mémorial en l’honneur des sauriens morts, ce qui expliquerait qu’ils tiennent tant à ce que les statues ne se salissent jamais. D’ailleurs pensa-t-elle alors qu’un frisson la parcourut, peut-être même que chacune d’elle n’était ni plus ni moins qu’une sépulture, ce qui justifierait de telles proportions. Elle se retourna pour communiquer cette pensée à Teurisse qui avait reporté son attention sur les esclaves en plein travail mais se retrouva à nouveau face à celui qui les avait amenés.

_ Bien. Je me suis informé auprès des responsables et il apparaît qu’aucun de vous deux n’a jamais travaillé ici - Teurisse cligna de l’œil en direction de Lanza -. Vous êtes donc des esclaves en fuite - son clin d’œil se transforma en moue de déception -. Comme je ne peux apparemment pas vous contraindre à l’Entretien du Souvenir, que vous rechignez à entamer, et que vous ne semblez pas être comme les autres, je vais vous garder dans la guilde le temps que je me rende auprès de notre représentant au Conseil, qui nous éclairera sur la marche à suivre. Suivez-moi maintenant.

Sans protester parce qu’infiniment soulagés de sortir du sous-sol, Lanza et Teurisse le suivirent avec un entrain modéré et ils remontèrent tous les trois la pente menant à la surface.

_ Mais pourquoi ils ne mettent pas des escaliers plutôt ? murmura la jeune fille en haletant.

_ Essaye un peu de grimper des escaliers en rampant sur une grosse queue de serpent et tu comprendras pourquoi, feignasse.

Il avait particulièrement insisté sur la prononciation du dernier mot, détachant chaque syllabe.

_ T’es un homme mort Teurisse.


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Nicolas




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MessageSujet: Chapitre I.2   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeVen 26 Sep - 0:44

Chapitre I.2



_ Voilà. C’est ici que je vous laisse. Je reviendrai dans quelques heures, car j’ai d’autres choses à faire avant de me rendre au Conseil. Vous trouverez de quoi vous sustenter dans ce placard-ci.

Sans plus de cérémonie, le saurien les abandonna dans une salle assez petite qui devait lui servir de chambre. Pour y accéder, ils avaient du monter une demi-douzaine de pentes, croisant au passage de nombreux autres sauriens, et Lanza, totalement épuisée, s’assit sans faire de manière à même le sol, reprenant bruyamment son souffle.

_ Apparemment, on est coincés ici le temps qu’il revienne ; j’arrive pas à rouvrir la porte. J’ai l’impression qu’elle ne s’ouvre que d’un côté. Bon, ça m’a crevé moi aussi ces escaliers qui n’en sont pas. Voyons un peu voir ce qu’il y a à manger là-dedans.

D’un geste brusque, le jeune homme ouvrit en grand le placard, tombant nez-à-nez avec deux nouveaux poulpes lévitant au milieu du meuble. La surprise lui fit pousser un petit cri aigu avant de refermer violemment les deux battants. Furieux, il se précipita vers la porte, la martelant de ses poings et criant à l’adresse de l’extérieur.

_ Ça t’amuse de faire ce genre de blagues idiotes, serpent ? Ça t’éclate ? Serpent, t’es où, réponds-moi ! Tu trouves ça malin de planquer des calamars-poulpes dans tes placards ? Serpent !

Devant le manque de réaction de l’extérieur, Teurisse finit par se calmer, avant de s’asseoir à son tour sur le sol à côté de Lanza. Elle appuya sa tête contre son épaule, et de sa main droite, il lui caressa machinalement les cheveux. Ils restèrent ainsi quelques minutes sans échanger un mot, retrouvant peu à peu une respiration normale.

La pièce était étroite, toute en longueur, et malgré les riches décorations, désespérément vide. Seuls s’y trouvaient deux grands placards aux formes arrondies, dont celui où se trouvaient les calamars-poulpes, et un autre meuble qui ressemblait à une table basse. A trois mètres de hauteur, une grande ouverture faisait office de fenêtre et laissait pénétrer l’air et la lumière. Le vent très léger venait caresser de petits carillons au plafond, produisant un doux tintement cristallin.

Un cliquetis se décida enfin à annoncer que quelqu’un ouvrait la porte et leur hôte en robe bleue entra rapidement.


_ Que se passe-t-il ? On m’a appelé pour me dire qu’il y avait un boucan incroyable.

_ Vous êtes pas gêné mon vieux ! Pourquoi vous cachez des calamars-poulpes dans vos placards en nous faisant croire qu’on va y trouver de quoi manger ? Ça vous amuse tant que ça de terroriser les esclaves affamés ?

_ D’autant qu’on est pas des esclaves.

_ Ouais, en plus !

Interloqué, le saurien resta un moment sans rien dire, ses yeux minuscules allant de l’un à l’aure, avant qu’à la surprise des deux humains, il éclate d’un rire désagréablement sonore qui ressemblait au sifflement d’un serpent.


_ Je crois que j’ai surestimé vos capacités. Tous nos esclaves, au moins, sont capables de s’alimenter par eux-mêmes. A croire que les Rur’ker porte moins d’attention à la qualité que par le passé.

Il se dirigea vers le placard, l’ouvrit, saisit un poulpe, le referma avant de revenir vers eux. Ignorant le regard noir que lui jetait le jeune homme qui digérait difficilement l’allusion à sa prétendue qualité, il retourna l’animal et écarta les tentacules pour révéler la présence d’une petite excroissance bleuâtre et palpitante sous la tête, qu’il saisit entre ses doigts. D’un geste rapide et maîtrisé, il écrasa le ce qui devait être le cœur du poulpe, d’où s’écoula une substance poisseuse d’un bleu presque fluorescent. Il porta ses doigts à la bouche et lécha le sang de l’animal avec délectation, révélant une langue particulièrement étirée. Puis avec la même dextérité, il arracha net l’un des tentacules pour le tendre à Lanza. Cette dernière, dont le spectacle venait de soulever le cœur, hésita néanmoins face à l’odeur attirante du pseudopode et le regard bienveillant du saurien, sans compter la faim qui s’était saisie d’elle à la suite de leurs pérégrinations verticales. Du bout des doigts, elle s’en saisit finalement, avant de mordre délicatement dans la chair du poulpe. Ses yeux s’ouvrirent complètement sous l’effet de l’agréable surprise.

_ Putain, Teurisse, c’est délicieux ! Faut que tu goûtes ça.

_ Si tu le dis.

Le jeune homme prit le second tentacule que lui tendait leur hôte et croqua à son tour dedans. C’était tiède et réellement succulent. Il s’empressa de tout dévorer et d’en redemander au saurien.

_ Bien. Maintenant que vous avez vu comment on prépare le poulpe, je vais pouvoir retourner voir ce que je peux faire de vous. Vous pouvez manger le second ; je serais de retour relativement rapidement. Restez ici.

_ Il me semble qu’on a pas réellement le choix.

_ Vous ne l’avez pas… Tant que nous en sommes aux considérations pratiques, j’aurais une question. J’aimerais savoir si vous avez besoin de dormir.

_ Moi non, ça va.

_ Moi non plus, merci.

_ Ah, ça, c’est assez exceptionnel. Même nos esclaves ont parfois besoin de quelques heures de sommeil lorsqu’on les assigne à l’Entretien du Souvenir. Je ne me trompais peut-être finalement pas en vous prenant pour des espèces évoluées.

_ …

_ Trop aimable mais, heu… on a du mal se comprendre. Nous aussi, on a parfois besoin de quelques heures de sommeil. Et même plusieurs par jour, c’est pas de refus. C’est juste que là, il fait encore jour et qu’on est pas spécialement fatigués, mais tout le monde a besoin de dormir.

Leur hôte leva au ciel ses petits yeux verts. S’y lisait une déception teintée de mépris.

_ Nous autres Squizards n’avons aucunement besoin de perdre du temps à paresser. Les éléments pourviennent seuls à nos besoins. Quant à l’astre blanc que vous voyez dehors, notre Nohèse, fidèle à sa nature il ne lui a jamais pris la fantaisie de quitter le ciel et de nous priver de sa lumière, même un court instant. Si vous attendez que la nuit tombe comme elle le fait sur les districts inférieurs pour vous endormir, vous risquez d’être déçus. Et d’ailleurs, moi aussi, je le suis, un peu. C’est dommage ; sans tous ces défauts, vous auriez pu être des sujets d’étude passionnants. Je repars et j’espère que cette fois, je n’aurais pas à revenir avant d’être allé au Conseil.

Pour la seconde fois, le saurien en robe bleue partit en prenant soin de refermer la porte derrière lui.

_ Genre, on est pas passionnants nous ? Il s’est entendu rire, ce serpent ?

_ C’est pas un serpent, c’est un Squizard, t’as pas entendu ? Et puis sois content qu’il nous ait pas trouvé passionnants. Ca m’aurait embêtée qu’on se fasse disséquer.

_ Moi aussi, remarque.

_ Alors il se couche jamais, le soleil, ici ? J’ai jamais vu un truc pareil…

_ Y’a pas mal de trucs qu’on a jamais vus ici. Il va sans doute falloir s’y faire. Encore un peu de poulpe tiède ma chère ?

_ Volontiers mon cher.

_ En plus ça désaltère.

_ Et c’est déjà pas mal.


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MessageSujet: Chapitre I.3   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeSam 27 Sep - 2:03

Chapitre I.3



_ Expliquez-moi un peu ce que vous avez encore fait ?

Lanza écarquilla les paupières, sortant doucement de ses songes, tandis que Teurisse continuait à dormir à côté d’elle. D’un léger coup de coude, elle le tira de son sommeil. Un instant, elle eut du mal à se remémorer où ils étaient et ce qu’ils faisaient ici, mais tout lui revint lorsque ses yeux croisèrent celui du saurien et l’espoir éphémère que tout ceci relève du rêve s’évapora comme il était venu.

_ Hum ?

_ Je vous ai demandé pourquoi vous avez trouvé judicieux de tout mettre en désordre ici ? Vous ne savez définitivement pas vous conduire convenablement ?

Il indiqua de la tête la table basse, maintenant coincée dans la seule ouverture de la pièce, plongeant celle-ci dans une obscurité relative. Les paupières encore closes, Teurisse entreprit de donner une explication plausible à l’étrange agencement.

_ On a pas réussi à s’endormir avec cette lumière alors, comme y'a pas de rideau ou de fermeture, voyez, j’ai grimpé sur ce placard et on a mis ça dans la fenêtre. On comptait ranger bien sûr, mais vous êtes revenu avant notre réveil.

_ Soit. C’est vrai que je n’y avais pas pensé. Je remettrai ça en place plus tard. J’ai des nouvelles fraîches pour vous. J’ai d’abord eu du mal à aborder notre représentant au Conseil étant donnés les problèmes que leur posent en ce moment les Régulateurs, mais j’ai finalement à engager la conversation sur la question de savoir comment agir. Or, il se trouve qu’il n’existe aucun statut spécifique pour les esclaves en fuite. Vous n’existez pas juridiquement dans la cité. Et comme nous n’avons pas l’intention de vous forcer à travailler contre votre gré, il m’a proposé de vous prendre sous ma protection en tant qu’individus non asservis. En temps normal, seuls les Squizards et les esclaves sont acceptés dans nos murs mais nous ferons une exception pour vous ; vous êtes plus amusants que dangereux et il apparaît clairement que vous n’êtes à la solde de personne. Vous me suivrez donc jusqu’à ce que vous ayez à nouveau besoin de vous reposer. Est-ce que vous avez des questions ?

_ On est obligés d’accepter et de vous suivre ?

_ Théoriquement non, mais je doute fortement de votre capacité à survivre dans Tentaka alors qu’il y a quelques heures à peine, vous étiez terrifiés rien qu’à la vue d’un poulpe. D’autre part, vous vous êtes déjà fait remarquer dans la guilde et nul étranger n’est censé pouvoir ressortir après avoir pénétré la Salle du Souvenir, d’après nos lois. En admettant que je ferme les yeux sur ceci étant donné la situation, je doute que les autres membres en fassent autant.

_ Ça valait bien le coup de nous faire croire qu’on avait le choix, tiens.

_ Moi aussi, j’ai une question. C’est quoi… Tentaka ?

_ Oh non ! N’allez pas me dire que vous ne saviez même pas où nous sommes. Vous êtes dans Tentaka, la Cité aux poulpes, ville des merveilles et berceau de la civilisation.

_ Et c’est où ça, Tentaka ?

_ Quelle drôle de question. Tentaka est à Tentaka. Il n’y a pas d’autre endroit où l’on souhaiterait vivre.

_ Vous avez aussi parlé d’une… guilde ?

_ Ce bâtiment abrite la prestigieuse guilde du Souvenir, à laquelle j’appartiens, le dernier pilier encore debout de la tradition squizarde. Elle est commandée par notre bienveillante maîtresse. Vous en saurez plus assez rapidement quoi qu’il en soit. Maintenant, si vous voulez bien vous donner la peine de vous lever, nous devons nous rendre à un rendez-vous très important.

_ J’ai une dernière question, moi. Comment vous vous appelez ?

_ Noxgura ka Taë ka Oxden ka Aëra ka Voxgura ka Zoshan ka Taë ka Daëra ka Radaëra ka Mazaraë ka Pishin ka Tirrira ka Voyuyden ka Shan ka Parrera ka Daëra .

_ Ah… c’est peut-être un peu long.

_ Je pourrais à l’extrême limite tolérer que vous m’appeliez Noxtaëroxaëvoxozotaëdaëramapitirrovoyshanoparrodaë, mais ce diminutif ne s’emploie généralement qu’à l’égard des membres des castes inférieures et en faire usage autrement qu’entre Squizards est parfaitement familier.

_ Ah… bon, écoutez, on a pas l’intention de se montrer trop familiers tout de suite. Pour ma part, je vais continuer à vous appeler serpent.

_ Oui, moi aussi.

_ Shaër-pan ? Si cela vous convient, finalement pourquoi pas.


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MessageSujet: Chapitre I.4   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeMar 30 Sep - 18:53

Chapitre I.4




Une fois de plus, ils avaient descendu quelques pentes abruptes et traversé un long couloir pour arriver dans une nouvelle salle du complexe architectural de la guilde du Souvenir. Gigantesque, elle devait bien être aussi grande que celle qui abritait les statues, sinon plus, de sorte qu’il aurait été difficile d’évaluer la distance qui éloignait l’entrée des murs, et lorsqu’ils y pénétrèrent, la quasi-totalité des sortes de gradins placés en triangle autour d’une zone centrale vide était remplie de plus de cent cinquante de ces Squizards. Les deux humains eurent la même intuition, à savoir qu’il ne pouvait s’agir que d’une arène, et cette perspective ne les réjouissait pas outre mesure. Apparemment, tous les membres de la guilde s’étaient réunis pour le spectacle et attendaient dans la cacophonie et avec une impatience non dissimulée que celui-ci débute. Jusque-là, ils n’avaient croisé qu’une vingtaine de ces êtres aux détours du bâtiment et la vision de cette foule de sauroïdes excités et tapageurs ne manquait pas de leur donner la chair de poule.

La rumeur enfla davantage à leur arrivée et Lanza eut soudainement la dérangeante certitude que le réel spectacle que tous semblaient attendre, c’était eux, et qu’on allait les faire dévorer par des bêtes sauvages ou quelque chose dans ce goût-là tandis que les sauriens siffleraient et applaudiraient. Elle s’arrêta net, le sang glacé par l’idée qui venait de la traverser, et feignit d’entamer une retraite. Une main se posa immédiatement sur son épaule, la retenant avec fermeté, et la panique s’empara de la jeune fille lorsqu’elle comprit qu’il s’agissait de celle de Shaër-pan. Elle hoqueta bruyamment alors que ce dernier avançait sa tête écailleuse de la sienne jusqu’à ce qu’elles se touchent presque. Celui qui s’était autoproclamé leur protecteur la fixa de ses minuscules yeux verts et il fut impossible à Lanza d’apercevoir quelque chose d’autre dans ce regard qu’une bienveillance amusée. L’espace d’une seconde, elle se perdit dans la lueur émeraude avant de recouvrer son esprit. Elle se sentait remplie d’une chaleur doucereuse et ses craintes s’étaient évaporées alors que la tension dans ses muscles disparaissait doucement ; rarement elle avait ressentit une telle sérénité. Elle et Teurisse ne faisaient pas partie du spectacle qui allait se jouer ici, quel qu’il soit. Ils s’installèrent tous les trois sur l’un des gradins, au premier rang. Le jeune homme rechignait fortement à l’idée de présenter son dos sans défense à une centaine de lézards aux intentions difficilement perceptibles, mais il se força malgré tout à imiter Lanza, qui s’asseyait de bonne grâce, voire avec entrain. La majorité de l’assistance suivait les humains d’un regard inquisiteur ; certains paraissaient amusés ou surpris mais la plupart semblaient profondément choqués par leur présence. Malgré cela, aucun n’osa hausse la voix, sans doute du fait, pressentit l’humaine, que Shaër-pan leur était hiérarchiquement supérieur.

_ Ne vous effarouchez pas du comportement des autres membres : ils ne comprennent simplement pas ce que vous faites ici et le manifestent comme ils le peuvent. Il est vrai qu’assister au rituel qui va bientôt commencer est un privilège unique pour des étrangers. Mais je me porte garant de votre présence ; vous n’avez rien à craindre de quiconque ici. Je ne devrais pas vous le dire mais c’est notre Maîtresse elle-même qui a insisté pour que vous soyez spectateurs. Elle s’est montrée tout à fait intéressée par ce que j’ai pu lui dire à votre sujet.

_ Ah ? Ben c’est cool alors.

Teurisse se tourna discrètement vers Lanza pour lui murmurer quelques mots à l’oreille sans être entendu de leur hôte.

_ Il nous l’avait pas dit tout à l’heure qu’il avait parlé de nous à sa maîtresse. Pourquoi elle s’intéresse à nous, celle-là ? Et pourquoi il est tout gentil avec nous aujourd’hui, Serpent, alors qu’avant ça il nous prenait de haut ? Hier, on a vu des statues qu’on aurait jamais du voir et maintenant, on va assister à un truc réservé aux serpents. Moi, ça me fait flipper comme plan. Ça rime à quoi tout ça ?

_ T’inquiète Teurisse. Tu paniques pour rien. Ce que tu peux être méfiant mon pauvre garçon.

Elle parlait sans se tourner vers lui, son regard perdu dans le vide.

_ Heu… Lanza ? Mais c’est le monde à l’envers ou quoi ? D’habitude c’est toi qui t’inquiètes pour rien et c’est moi qui dois te rassurer. C’est Serpent qui te fait cet effet-là ? T’es tombée amoureuse de ses petites écailles, c’est çà ?

Le faciès ébahi de la jeune fille disparut aussitôt sous l’effet de la provocation.

_ Nan mais t’as pété un plomb mon pauv…

Avant que Lanza ne puisse poursuivre, deux immenses portes situées au fond de la salle s’ouvrirent, et les gradins, dont les regards s’étaient finalement détachés des deux humains, applaudirent de façon tonitruante. Quatre Squizards en émergeaient et se dirigeaient vers le centre de l’arène. L’une des silhouettes attiraient l’œil des invités forcés, sans aucun doute de par sa taille démesurée. Tout comme l’immense statue qu’ils avaient vue dans la salle du Souvenir, sa tête touchait presque le plafond pourtant très haut et rien qu’en se déplaçant sur son énorme queue, elle faisait vibrer les gradins. Sa morphologie ne laissait aucun doute quant au fait qu’il s’agisse d’une femelle et Lanza comme Teurisse comprirent sans l’ombre d’un doute qu’ils se trouvaient face à la maîtresse dont parlait Shaër-pan. Le Squizard à la peau sombre, presque grise, sur sa gauche paraissait un enfant à ses côtés bien qu’il soit au moins deux fois plus grand que leur nouveau protecteur. Enfin, les deux autres, ridicules à côté de ces deux mastodontes, étaient même d’une taille inférieure à celle de Lanza.

D’un geste du bras, la maîtresse obtint le silence des gradins puis prit la parole :

_ A cette heure, selon le rituel ancestral et maintenant qu’ils ont acquis la sagesse nécessaire, Pishin ka Danuyden et Zoshan ka Aëra vont commencer la cérémonie initiatique du Tir-da qui va les faire s’élever du Sol à la Roche.

Alors que les applaudissements reprenaient de plus belle, la maîtresse recula de quelques mètres, le haut de son corps toujours droit et à deux doigts de heurter le plafond, afin de quitter la zone centrale, y laissant les trois autres Squizards. Le plus grand, celui à la peau sombre, un mâle à n’en point douter, se saisit d’un instrument en forme de corne à sa ceinture et souffla trois coups à l’intérieur. A ce signal, les deux sauriens au centre de l’arène qui n’avaient jusque-là fait que se toiser avec insistance, se jetèrent violemment l’un sur l’autre, la gueule grande ouverte, et commencèrent une lutte impitoyable où chacun tentait apparemment de saisir la gorge de l’autre entre ses dents.

Avec force et habileté, ils se repoussaient, s’agrippaient, se faisaient chuter, mais sans jamais se blesser, dans un sauvage ballet. Leur seule et unique cible était le cou de l’adversaire et plus d’une fois, l’un d’eux faillit happer celui de son adversaire. Le combat était rythmé et les deux opposants mettaient apparemment toutes leurs forces dans la bataille. Malgré l’absence de coups portés, ils joutaient avec l’ardeur de ceux dont la vie en dépend. Bien que fasciné par ce spectacle, Teurisse détourna un instant le regard pour observer les autres Squizards. Tous contemplaient le combat avec un plaisir non dissimulé, évaluant les techniques et les réflexes des deux lutteurs. Une seule ne regardait le spectacle que d’un seul œil, et de l’autre le regardait, lui : l’impressionnante maîtresse. Sans être inexpressif, son visage ne laissait filtrer aucune émotion particulière. Ils s’observèrent ainsi quelques secondes avant que le jeune homme, extrêmement mal à l’aise, ne baisse le regard.

Des applaudissements retentirent lorsque l’un des sauriens réussit enfin à happer entre ses mâchoires la gorge de l’autre, qui déséquilibré, s’était montré une fraction de seconde vulnérable. Il ne relâcha pas sa prise bien que son adversaire, maintenant inerte, ne paraissait plus en état de continuer le combat et, au contraire, augmenta la pression jusqu’à ce que l’on entende les vertèbres se briser. Lanza ne put contenir un petit couinement d’écœurement alors que Teurisse se détournait de ce spectacle sanglant. Le Squizard ne semblait plus qu’un pantin désarticulé retenu par le cou entre les puissantes mâchoires de son congénère.

_ C’est vraiment dégueulasse. Il l’a tué. Pourquoi il ne veut pas le lâcher maintenant ? Quand je pense que ces serpents veulent nous donner des leçons de civilisation.

Hypnotisée par cette scène morbide, Lanza ne réalisa pas immédiatement que Teurisse lui parlait.

_ … est en train de… le digérer, je crois.

Le corps inanimé du vaincu se ramollissait petit à petit et commençait en effet à ressembler à une enveloppe en train de se vider, dont le contenu était aspiré par son bourreau à la manière d’un vampire avec des bruits de succion épouvantables. Finalement, il ne laissa tomber au sol qu’une peau translucide qui ne couvrait plus aucune chair, aucun os, semblable à une mue : il avait gobé l’autre saurien comme un vulgaire œuf. Après quelques pas hésitants en avant puis en arrière, visiblement très éprouvé par ce qu’il venait de faire, il manqua s’effondrer, pour finalement tomber à genoux. Sa gueule encore pleine de sang s’entrouvrit et il poussa un long râle. Le spectacle auquel assistait maintenant Lanza et Teurisse était plus révulsant encore que celui dont ils avaient été les témoins. Il était secoué de violents spasmes alors que sa peau écailleuse se contorsionnait et gonflait erratiquement, comme douée d’une volonté propre, laissant apparaître de nouvelles protubérances chitineuses le long de sa colonne vertébrale. Son visage également était la proie d’une profonde mutation, se remodelant par à-coups, jusqu’à changer totalement de forme, la mâchoire s’allongeant au détriment du cou qui disparaissait presque entre les épaules. Il semblait croître à vue d’œil, ce qui lui arrachait des cris plaintifs et impuissants. En moins d’une minute, cette croissance monstrueusement accélérée le transformait en un nouvel individu qui n’avait plus grand-chose à voir avec le vainqueur de la lutte. La mutation cessa aussi rapidement qu’elle avait commencé et il resta agenouillé, son calvaire terminé.

_ Teurisse, je peux vomir dans ton sac ?

La maîtresse de la guilde s’avança à nouveau au centre de la salle et posa sa main démesurée sur sa tête, dans un geste maternel.

_ Je proclame maintenant Zoshan ka Aëra ka Pishin ka Danuyden membre de la caste de la Terre.

Les gradins acclamèrent vigoureusement, mais cessèrent rapidement sur un geste de la Squizarde géante, avant que les spectateurs ne se dispersent, les uns après les autres, quittant la salle de l’arène. Même le vainqueur sortit sans cérémonie supplémentaire, emportant avec lui ce qui restait de celui qu’il venait d’avaler. Ne restèrent bientôt plus que les deux humains, Shaër-pan, la maîtresse et le très grand Squizard qui l’avait accompagnée avant le début du rituel.

_ Alors ce sont donc eux, Noxtaëroxaëvoxozotaëdaëramapitirrovoyshanoparrodaë. Il s’agit des deux êtres étranges dont tu m’as parlé.


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MessageSujet: Chapitre I.5   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeMar 28 Oct - 1:47

Chapitre I.5




Pour une fois, ils n’eurent pas à aller très loin, ni à grimper de pentes, au grand soulagement de Lanza, qui l’exprima de façon sonore. La salle du trône jouxtait celle où avait eu lieu le combat et ils pénétrèrent par les mêmes portes qu’avait franchit la maîtresse pour y accéder. Elle se déplaçait avec lenteur, comme accablée par l’attraction de la pesanteur sur sa gigantesque carcasse et une fois arrivée devant ce qui lui tenait lieu de siège, elle s’y affala de tout son long. Teurisse pensa en souriant que ce ne devait pas être facile tous les jours de peser plusieurs tonnes. Cette pièce au moins était d’une dimension presque raisonnable, même si l’espace qu’occupait la maîtresse de la guilde à elle-seule devait être pour quelque chose dans cette sensation. Le grand Squizard qui avait joué de la corne pour donner le départ du combat se plaça à sa gauche, puis elle prit la parole.

_ Noxtaëroxaëvoxozotaëdaëramapitirrovoyshanoparrodaë est venu me voir tout à l’heure afin de me demander si, conformément à une vieille loi du Conseil, il pouvait vous prendre sous son aile. Il a souvent des idées étranges, mais c’est un membre d’une grande valeur et j’ai accepté. Je tenais néanmoins à voir à quoi pouvaient ressembler des esclaves d’une espèce si étrange, capables de parler la langue de la cité et de prendre des décisions par eux-mêmes.

A l’évocation du mot esclaves, Teurisse ouvrit la bouche pour répliquer mais la main que posa fermement Shaër-pan sur sa bouche le dissuada. Il était apparemment malvenu de l’interrompre.

_ Comprenez-vous ce que je vous dis ?

Les humains hochèrent la tête.

_ Bien. J’ai tendance à penser que votre venue n’est pas simplement due au hasard, que vous soyez réellement des esclaves ou pas. Je l’ai à nouveau ressenti tout à l’heure pendant le rituel. Les astres ont sans doute aucun voulu votre présence ici et j’ai foi en leur volonté. Vous allez pouvoir aider la guilde dans les épreuves qu’elle affronte en ce moment. Quoi que puissent en penser les membres, nous avons besoin d’une aide extérieure pour faire face à la déraison qui s’est emparée de la guilde du Tout et, en tant qu’étrangers, vous êtes les mieux placés pour…
qu’as-tu Noxtaëroxaëvoxozotaëdaëramapitirrovoyshanoparrodaë ?


_ Quelle que soit votre volonté, elle est la mienne maîtresse… mais je n’avais pas compris les choses comme cela. Je pensais qu’ils devaient rester sous ma protection au sein de la guilde. Des assistants en quelque sorte…

_ Et bien je viens de changer d’avis. Ils serviront la cause du Souvenir toute entière.

_ Heu… on peut peut-être donner notre avis ?

_ Silence ! rugit le Squizard géant à côté de la maîtresse.

_ Non non, vous pouvez parler si vous le souhaitez. Après tout, vous êtes les premiers concernés. Qu’avez-vous à dire ?

_ Ben, en fait, nous on vient d’arriver. On s’est fait choper par les abeilles géantes, on leur a échappé, on s’est fait recueillir par Serpent qui voulaient quand même nous faire nettoyer vos statues, hein, à la base, on s’est retrouvé à manger du calamar-poulpe et à devoir bricoler avec vos fenêtres pour pouvoir dormir quelques heures, on apprend qu’on serait des esclaves en fuite mais qu’en fait, le Conseil de je-sais-pas-quoi a dit qu’on pouvait rester ici même si ça ressemble quand même pas mal à de l’esclavage, on a assisté à votre rituel où y’en a un qui a muté comme un dingue après avoir mangé son pote, tous les heu… Squizards nous regardent bizarrement, et vue la taille de certains, c’est pas rassurant et, maintenant, la nouveauté, c’est qu’il faudrait qu’on vous aide à faire des trucs contre une autre guilde qu’on connaît même pas ? Attendez c’est quoi ce délire ? Personne s’est préoccupé de ne serait-ce savoir comment on s’appelait et faudrait qu’on serve la cause du Souvenir, qu’on sait même pas de quoi il s’agit ?

_ Vos capacités de compréhension sont surprenantes.


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MessageSujet: Chapitre I.6   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeVen 2 Jan - 3:27

Chapitre I.6



_ C’est la première fois que je l’entends parler ainsi. Elle a souvent des idées étranges, c’est vrai, mais jamais encore elle n’avait accordé sa confiance à des étrangers si rapidement ; sans compter que nous ne savons que peu de choses à votre sujet. Je pense que vous l’aurez perçu mais nous autres Squizards apprécions peu de régler nos problèmes autrement qu’entre nous… Mmm… Bref, elle m’a chargé de vous expliquer dans les détails ce que la guilde attend de vous.

_ C’est vrai ça. Et comment vous l’expliquez, vous, qu’elle nous fasse autant confiance ?

Assis à côté de Lanza dans la pièce où ils avaient dormi peu auparavant, Teurisse suçotait pensivement le tentacule d’un poulpe que Shaër-pan leur avait préparé. Ils n’étaient à nouveau plus que trois.

_ Elle entend les astres. Nohèse et ses frères lui parlent et ils sont d’un grand conseil pour notre maîtresse. Ils auraient plus ou moins prédit votre venue et que vous alliez nous aider à régler les tourments que subit la guilde du Souvenir.

_ Ah ouais, carrément ! Bon ben si les astres le disent, on va pas s’interposer.

_ Sage décision. Je vais maintenant vous révéler la teneur de votre… appelons ça votre « mission ». Si vous avez des questions, n’hésitez pas à m’interrompre.

_ Ah ça, vous pouvez compter sur nous, Serpent, on va pas hésiter.

_ Vous avez exceptionnellement assisté au rituel initiatique du passage des castes. Qu’en avez-vous retiré ?

_ A part que vous êtes des barbares cannibales, vous voulez dire ?

_ Ne soyez pas sots et tentez de voir les choses d’un point de vue un peu plus éclairé.

_ J’ai cru comprendre que les deux se battaient pour savoir lequel aurait le droit de changer de… heu… caste, non ? Et il l’a dévoré parce que… euh… je sais pas, parce que c’est la tradition.

_ Voilà une approche bien plus sensée – Lanza tira la langue en direction de Teurisse qui leva les yeux au ciel pour seule réponse –. En réalité, tout comme notre maîtresse entend les astres lui parler, les membres des castes perçoivent à travers les éléments qui leur sont propres qu’il est temps pour eux de participer au rituel du Tir-da. Quand deux Squizards sont ainsi prêts, ils viennent se présenter à la maîtresse et l’on organiser la cérémonie où ils s’affrontent selon nos règles : aucun coup n’est porté, seul le cou peut être saisi…

_ Mais les deux qui se sont battus, ils avaient l’air de bien se connaître pourtant, non ? Comment ils peuvent se résigner à s’entretuer s’ils sont amis ?

_ Ce genre de considérations triviales n’entre pas en ligne de compte. La volonté des éléments et la tradition sont des choses primordiales. J’ai moi-même participé au rituel face à des Squizards que je considérais comme amis très proches. C’est avant tout un honneur et nous avons été heureux de nous affronter.

_ En tout cas, comptez pas sur Teurisse et moi pour participer. C’est pas que j’ai pas envie de lui sauter à la gorge parfois mais c’est surtout que je me vois mal le manger en une fois, même si j’avais très faim.

_ Je te retourne le compliment, ma grosse. Avec toi j’aurais bien à bouffer pour une année.

_ T’as gagné Teurisse. J’vais t’péter les vertèbres à la mode Squizard.

_ Voulez-vous cesser ces enfantillages ! Je vous ai demandé de m’interrompre uniquement si vous aviez des questions, pas pour vous chamailler. Vous êtes tellement inconséquents ! De toute manière, le rituel ne peut avoir lieu qu’entre Squizards. Laissez-moi continuer. Dès que l’un des deux aspirants au passage à la caste supérieure s’est saisi de l’autre, il procède à ce que nous appelons la « transfusion ». Il intègre à son propre corps celui de l’autre combattant, et avec lui, une partie de sa force, de ses capacités, de son vécu et de son esprit. Pour s’adapter à ce brusque afflux, son corps subit une mutation, le rendant plus grand et plus fort. C’est cette partie du rituel qui lui fait intégrer sa nouvelle caste.

_ Mmm… dégueu. Juste dégueu.

_ Et vous, par exemple, combien de fois vous l’avez fait ?

_ Quatre fois. Et je suis donc membre de la caste du Feu dorénavant.

_ Et c’est bien ça ? C’est balèze comme caste ?

_ Disons que c’est un stade relativement élevé de notre évolution, oui.

_ Et la maîtresse, là, combien de fois elle a transfusé, elle ?

_ Six fois en tout. Ce qui fait d’elle la seule Squizarde en vie à avoir intégré la caste des Astres.

_ Y’a un truc que je comprends pas. Si de toute façon, c’est un honneur pour vous de participer au rituel, pourquoi est-ce que vous ne l’avez pas fait plus souvent ? Vous pourriez grimper rapidement les castes comme ça.

_ Je vous l’ai déjà dit. Avant de participer de nouveau à la cérémonie, je dois attendre d’y être prêt et que le feu m’annonce cette nouvelle. Cela prend de nombreux cycles. Vous avez d’ailleurs pointé là le principal problème auquel nous devons faire face avec la guilde du Tout.

Shaër-pan regarda pensivement le plafond de la pièce, reprit sa respiration puis après un bref délai où il semblait hésiter à continuer son explication, enchaîna.

_ Voyez-vous, jusqu’ici, aucun Squizard n’a atteint la très prestigieuse caste du Tout, celle qui succède aux Astres et ultime étape de notre évolution. Il paraîtrait que celui qui l’intégrerait possèderait tous les pouvoirs et commanderait aux éléments. Cela peut faire tourner la tête même des plus raisonnables. Lorsque la maîtresse de la guilde de l’Elévation, elle aussi membre de la caste des Astres, est morte au cycle dernier dans des circonstances que nous ignorons, c’est Dindaërouxtaoxtaëdanomirdingadaëmoshoshrydopitirzomoshdantirshinaëmoshdaëzoshrydozogaëparaëroxozotaë de la caste de la Lumière qui en a pris la tête. Elle l’a rebaptisée guilde du Tout et a annoncé le souhait qu’elle avait de devenir la première d’entre nous à accéder à la caste ultime. Jusque-là ne pouvions-nous que lui reprocher une soif de pouvoir peu digne d’une Squizarde. Mais des nouvelles très inquiétantes nous sont parvenues par la suite. Elle forcerait les femelles à enfanter, puis ferait s’affronter les enfants de la guilde dès leur plus jeune âge sans que ceux-ci aient atteint la maturité nécessaire et sans prendre en compte la volonté des éléments. Elle voudrait ainsi générer de façon ignoblement artificielle un Squizard de la caste de la Lumière en multipliant les cérémonies hâtives. Elle le combattrait alors et il ne fait aucun doute qu’elle vaincrait un adversaire avec si peu d’expérience et dont l’évolution aurait été bien trop rapide, devenant ainsi membre de la caste des Astres, comme notre bien-aimée maîtresse. Il ne lui resterait alors plus qu’un stade de son évolution à atteindre pour intégrer la caste du Tout. A cette heure, nous ne savons pas encore si elle y est parvenue mais c’est ce que les évènements récents nous poussent à croire.

_ Quels éléments récents ?

Cette fois-ci, Shaër-pan garda le silence un long moment, fermant les yeux et joignant ses deux mains légèrement palmées. La lumière entrait à nouveau directement dans la pièce depuis qu’il avait retiré la table basse de l’ouverture et la il y faisait de plus en plus chaud ; sans doute l’astre blanc qui planait dehors était-il à son zénith. Lanza arracha un nouveau tentacule qu’elle porta à la bouche, aspirant le sang bleu et rafraîchissant.

_ Deux tentatives d’assassinat ont déjà été perpétrées contre notre maîtresse par des membres de la guilde du Tout. Les deux fois, les coupables ont été arrêtés par elle ou par d’autres membres puis exécutés.

_ A quoi cela lui servirait, à la dirigeante du Tout de tuer votre maîtresse ? Si j’ai bien tout compris, elle n’a qu’à créer deux autres Squizards de la caste de la Lumière comme elle l’a peut-être déjà fait, les faire combattre, puis affronter le vainqueur pour y accéder, à sa caste ultime. Ou j’ai faux ?

_ Certes, c’est ce qui risquerait d’arriver à terme mais nous savons qu’elle n’a pas la patience d’attendre jusque-là. Il faut patienter le temps que les femelles accouchent et patienter à nouveau entre chaque stade de l’évolution le temps que les individus soient physiquement capables de changer de caste, sinon leur corps ne le supporterait pas. Assassiner la maîtresse du Souvenir serait la solution de facilité pour elle. Elle y perdrait sa plus redoutable adversaire mais surtout, elle n’aurait plus qu’à dévorer son corps pour enfin arriver à ses fins. Rien ne pourrait lui résister une fois membre de la caste suprême.

_ Eh ben je leur souhaite bon courage s’ils veulent essayer de se trimballer la carcasse de votre maîtresse à travers la ville.

_ Cela n’a vraiment rien de drôle. Nous devons redoubler de vigilance même si nous essayons de continuer à faire vivre la guilde normalement. Seuls les membres les plus importants ont été mis au courant. Et vous aussi, dorénavant. Le grand Squizard que vous avez vu au côté de notre maîtresse fait partie de la caste de la Lumière et est notre meilleur combattant. Il a pour but de veiller constamment à sa sécurité. Mais nous devons de toute façon agir pour contrecarrer les plans de Dindaërouxtaoxtaëdanomirdingadaëmoshoshrydopitirzomoshdantirshinaëmoshdaëzoshrydozogaëparaëroxozotaë ou quel que soit son nouveau nom. Nous sommes sûrs que c’est elle qui a une influence si néfaste sur les membres de sa guilde ; avant, nous vivions en bonne entente dans la Cité. Il y a d’ailleurs de fortes chances pour qu’elle soit directement responsable de la mort de l’ancienne maîtresse de l’Elévation. Si nous l’arrêtons, cette menace qui plane sur la ville entière cessera.

_ Ça m’a l’air nécessaire, ouais.

_ Quand vous dites « l’arrêter », vous pensez à la tuer, c’est ça ?

_ Vous avez en effet compris de quoi il retourne.

_ Et c’est à nous que vous pensez pour faire ça ?!? Attendez. Nous, on va réussir à entrer dans une guilde pleine de fanatiques pour aller assassiner une Squizarde qui fait cinq fois notre taille alors que vous qui êtes des centaines n’y arrivez pas tout seuls ?

_ Ne vous excitez pas ainsi. Notre maîtresse vient de mettre sur pied un stratagème très efficace pour y parvenir. En tant qu’étrangers tatoués par les Rur’ker, vous n’aurez pas de mal à vous faire passer pour des esclaves au service de la guilde du Tout. Et une fois sur place…

Shaër-pan introduit sa main à l’intérieur de sa robe bleue et en ressortit délicatement un petit flocon rempli d’un liquide rosâtre, qu’il posa sur la table basse.

_ La maîtresse du Tout doit posséder son propre réservoir de poulpes soigneusement sélectionnés. Si vous empoisonnez son prochain repas avec ceci, elle ne risquera plus jamais de nous causer de soucis. Et tout rentrerait dans l’ordre.

_ Attendez, attendez. Vous avez l’air de penser que ce serait super facile de se faire passer pour des esclaves, de retrouver discrètement son réservoir personnel, d’empoisonner les poulpes et de repartir comme si de rien n’était. Mais ici, par exemple, vous avez rapidement compris qu’on n’était pas des esclaves de chez vous.

_ Ça, c’est uniquement parce que vous parliez la langue et que vous ne vous comportiez pas normalement. Dans le cas contraire, personne n’aurait pensé à s’intéresser à votre existence et vous seriez actuellement en train de participer à l’Entretien du Souvenir un peu plus bas. Quant au reste, si notre maîtresse est convaincue que vous y arriverez, je ne peux que partager son optimisme. Si vous n’avez pas d’autres questions, nous allons nous mettre en route pour la guilde du Tout.

_ Quoi ? Maintenant ? Mais vous ne vous arrêtez pas un seul instant vous ou quoi ?

_ Je vous l’ai déjà dit : nous ne dormons jamais.


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MessageSujet: Chapitre I.7   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeVen 2 Jan - 23:06

Chapitre I.7



_ J’ai pu négocier avec un groupe de Rur’ker. Du moment que les poulpes sont en rendez-vous, ils disent oui à tout. Heureusement, il semblerait que l’équipe à laquelle vous avez échappé soit déjà repartie s’approvisionner en dehors de la ville. Vous ne risquez normalement pas d’être reconnus. Quand un membre de la guilde du Tout viendra dans quelques heures pour acheter de nouveaux esclaves, ils vous offriront avec le lot. Personne ne saurait résister à ce genre de cadeau : on trouve toujours une utilité à des esclaves obéissants. Il vous mènera jusqu’à la guilde. Après, ce sera à vous d’agir.

_ Et comment on retrouvera le chemin après ça ?

_ Comment vous retrouverez le chemin… A vrai dire, je n’y avais pas réellement pensé. Je ferai poster un membre disponible près de la guilde pour surveiller les allers et venues. Il pourra vous ramener à nous une fois cette mission finie.

_ Vous n’avez même pas l’air de penser qu’on puisse s’en sortir vivants, pas vrai ?

_ En toute franchise, cela me semble en effet assez peu concevable. Une fois que les serviteurs du Tout se seront rendu compte de ce qui s’est passé, ils feront tout ce dont ils sont capables pour attraper et châtier les coupables.

Teurisse et Lanza se regardèrent en silence. Ils étaient au beau milieu d’une grande place de la ville, où se pressaient des dizaines d’individus de toute sorte, mélange étrangement bigarré d’espèces à peu près humanoïdes et d’autres totalement inconnues voire inconcevables, et à quelques rues seulement de la guilde du Souvenir. Derrière eux, un groupe d’une demi-douzaine de ces abeilles géantes esclavagistes formait un arc-de-cercle sur une petite estrade, présentant aux chalands leur marchandise, à savoir des petits êtres gris d’une cinquantaine de centimètres, à la tête hypertrophiée et qui semblaient hésiter entre se tenir sur deux ou quatre pattes. L’un deux, reposant sur son postérieur, bavait abondamment sur son ventre. Lanza soupira de dégoût en songeant qu’elle et Teurisse servaient d’offre promotionnelle pour ces stupides créatures serviles.

Déjà quelques clients s’arrêtaient devant l’estrade, étudiant méticuleusement ce qu’on leur proposait. Deux individus à l’aspect mi-humain mi-félin et d’allure bourgeoise repartirent avec à leur suite quatre de ces esclaves à la peau grise, après avoir déposé une grosse bourse dans les mains de celui qui semblait être le chef des esclavagistes.

_ Comme vous n’avez pas l’air d’avoir d’autres questions, il ne me reste qu’à vous souhaiter bonne chance. Peu de personnes auront la possibilité que vous avez maintenant d’enrayer la catastrophe qui se prépare. C’est un grand honneur que vous partagez. Je vous laisse. Encore bonne chance.

_ Attendez, moi j’ai une dernière question.

_ Oui ?

_ Si on arrive à faire ce que voulez et qu’on ressort pas d’ici vivants comme vous semblez le penser…

_ Oui ?

_ Est-ce qu’on aura droit à une statue nous aussi ?

_ Je ne voudrais pas vous mentir.

Sur ces quelques derniers mots, Shaër-pan s’éloigna discrètement du groupe de Hu’ulys puis disparut parmi les chalands. En plus des abeilles esclavagistes se trouvaient plusieurs stands de marchands, qui vendaient différentes étoffes et des pierres taillées. La jeune fille se pencha pour parler à l’oreille de son compagnon sans être entendu des Rur’ker.

_ Pis de toute façon, il ne sait toujours pas comment on s’appelle alors… moi j’m’en fiche d’avoir une statue dans la guilde.

_ Vu comment ils nous traitent. De la chair à canon, en fait !

_ T’as raison. Franchement Lanza, ça te branche de jouer les martyrs pour sauver cette ville qu’on connaît pas d’une lézarde géante assoiffée de pouvoir ?

_ Moyen-moyen… Je pensais que Serpent nous arrangerait le coup un peu mieux que ça. Il est sensé être notre protecteur, non ?

_ Il est raide dingue de sa maîtresse ouais. Si elle lui disait de sauter par la fenêtre, il…

_ Vous pas trop s’avancer. Attendre sur estrade avec esclaves Skou-izar venir bientôt.

L’un des Hu’ulys s’était approché d’eux et les interpellait. Ses mots difficilement compréhensibles se noyaient en un bourdonnement guttural et il les fixait de ses yeux rouges immenses où se reflétaient leurs visages sur chaque facette avec autant d’orientations différentes. Il parlait du ton impérieux de celui à qui personne n’a jamais désobéi.

_ Voilà voilà, on y est sur votre estrade. Vous pas besoin s’énerver.

Apparemment rassurée, la créature recula pour se joindre à nouveau à son groupe, occupé à jouer sur le sol de l’estrade avec des sortes de dés rudimentaires.

_ En plus, elles commencent à me stresser ces abeilles. Bon alors, qu’est-ce qu’on fait, nous ?

_ Je sais pas. C’est quoi les alternatives déjà ?

_ Soit on risque notre vie pour buter la fofolle de la guilde du Tout, sachant que même si on y arrive, on se fera à coup sûr démembrer…

_ Soit… ?

_ Soit on essaye de voir si les abeilles se sont améliorées au sprint depuis la dernière fois.

_ Je vais prendre cette option.

_ D’accord, je compte jusqu’à trois et on court vers là-bas pendant que les butineuses géantes font joujou…

_ D’accord.

_ Un… Deux…

_ Hé vous ! Moi dire vous pas descendre estrade.

_ TROIS !


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MessageSujet: Chapitre I - Carte   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeDim 4 Jan - 1:07

Chapitre I - Carte interactive de la cité


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Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Chapi91ll7


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Nicolas




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MessageSujet: Chapitre II.1 (rédacteur : aanubis)   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeMar 6 Jan - 1:31

Le chapitre II a été intégralement rédigé par aanubis.

Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Avatar-169350




Chapitre II.1



_ Vous avez coupé un fil de l'Equilibriste...

_ Ha oui, mais non, précisa d'emblée Teurisse, main posée sur la marque. Ce... enfin, ce n'était pas vraiment nous...

_ Vous n'avez pas délibérément sectionné un de mes fils avec ce... bout de métal ?!

_ C'est-à-dire, intervint Lanza, se grattant nonchalamment le cou, que nous ne pensions pas à mal, nous ne vous avions pas vue.



***



Le fil non plus, d'ailleurs, ils ne l'avaient pas vu. Teurisse courait en tête en plein milieu d'une allée sombre et étroite lorsqu'il s'était retrouvé les quatre fers en l'air, le souffle coupé. Une fois remis de la surprise, tâtonnant dans le vide, face à lui, il avait fini par attraper un invisible filin, tendu en travers du passage.

_ Mais y sont pas bien les gens dans ce pays ! C'est pas possible ! Même en liberté on se fait agresser ! Attends ! Nan, mais attends ! Ç'pas un bout d'ficelle qui va me retenir prisonnier ! Haaaa que non ! Haaaa ! Hahaha ! Certainement pas.

_ Tu me fais peur, là... tenta tempérer la jeune fille. Ce n'est qu'un bout de ficelle comme tu dis. Viens, on continue. Si ça se trouve ils sont encore à nos trousses.

_ Ouais... Ouaiaouais... Une seconde...

Le garçon avait attrapé une tige rouillée parmi divers détritus, et faisant levier sur le cordage, pesait de tout son poids.

Un claquement sec retentit à sa plus grande satisfaction.

_ Là on peut continuer ! Et le jeune homme s'élança, suivi de sa compagne, le temps d'un soupir impuissant...



***



La créature était descendue, en glissant littéralement de nulle part, et elle occupait maintenant, malgré sa frêle stature, l'espace entre les deux murs, bloquant le passage. Couverte de cuir des pieds à la tête et leur rendant deux bonnes têtes, sa silhouette évoquait celle d'une femme, mais une de ces harpies vengeresses toutes en os, un de ces épouvantails dépenaillés, suspendu en travers de leur chemin. Et elle les avait apostrophés.

Un murmure onctueux, avait coulé d'une bouche dissimulée sous un masque, inquiétante d'être si suave, et cette voix veloutée de jeune femme venimeuse les avait cloués sur place ; ils avaient attenté à son bien.



***



_ En fait, renchérit le coupable, vous comprenez, nous sommes nouveaux en ville, un voyage... d'affaire... voilà...

_ Oui, confirma son témoin, nous... n'avons pas les mêmes mœurs d'où nous venons...

_ Exactement, pas les mêmes mœurs... Plus d'espace... Les cordes sont tendues hors le chemin... Tout ça...

_ Alors vous n'êtes pas d'ici...

Une forme de curiosité fit se pencher leur interlocutrice. A travers les fentes de son masque, deux yeux luisants de sentiments qu'ils ne souhaitaient identifier les jaugeaient.

_ D'originaux esclaves, émit la bouche dissimulée. Et sans marque apparente.

_ Ha mais non ! Démentit Teurisse, la main obstinément pressée. Vous faîtes erreur justement, nous ne sommes pas esclaves. Rien à voir. Nous sommes...

_ Seuls les esclaves ne viennent pas de la cité, fut-il coupé.

_ Ouiiiiiii... Et les baladins, si, lança l'humaine.

_ Les... baladins ?

_ Ouiiiiii, vous savez, qui font de la musique, racontent des histoires, amusent la foule.

_ Vous ! Des Diseurs !

_ Heu... se méfia le garçon.

_ Ouiiiiiiiiiiiii, voilà, c'est tout à fait ça ! Nous sommes des... diseurs, voilà !

_ Hooo. Je vois. Membres de la guilde, donc.

_ Baaah... En fait...

_ Bien entendu ! Impossible autrement. Nous sommes membres de... 'fin nous sommes membres.

_ Hmmm... Voilà une bienheureuse coïncidence, finalement. J'avais justement rendez-vous avec deux autres Diseurs. Peut-être est-ce vous, insinua d'un ton badin la longue femme.

_ Aucune... tenta en désespoir de cause l'humain.

_ ... erreur possible, c'est bien nous, conclut l'audacieuse.

_ Parfait. Et vous semblez répondre idéalement aux critères requis.

_ Haaa ! Oui ! Les critères !

_ Venez, mes amis nouveaux venus, trouvons un coin tranquille, que je vous explique votre rôle.



***



Les jeunes gens trottinaient, quelques pas en avant, convaincus d'avancer par la présence intimidante qui les orientait entre les ruelles. Leur guide semblait aussi peu encline qu'eux à se fondre à la foule bigarrée qu'ils apercevaient à l'occasion, ce qui ne suffisait guère à les rassurer. Et la puanteur des chemins qu'ils empruntaient ne rendait leur périple que plus sinistre. Ils en profitèrent néanmoins pour dissimuler nez, cous et marques de manière plus discrète.

Le garçon se pencha imperceptiblement vers sa compagne pour l'interpeller d'un chuchotis.

_ Mais t'es pas bien ma vieille ! Qu'est-ce qui t'a pris de lui raconter ces bêtises ? Tu crois qu'elle a pas deviné nos tatouages ?

_ Plus bas, lui intima en réponse la fille, elle va nous entendre.

_ Aucune chance, on est assez éloignés. On fait quoi maintenant ?

_ On continue à improviser, lui jeta froidement la jeune fille. A moins que tu ne préfères lui avouer qu'on l'a embobinée, histoire qu'elle ait une meilleure raison de nous trucider que d'avoir coupé stupidement ses cordes...

_ Hé, attends, je pouvais...

_ Un problème ? les interrompit le timbre résolument trop bas de leur nouvelle amie.

_ ...ha ! Non ! Non, non ! On se demandait juste... s'élança Teurisse.

_ ...quel était votre nom, compléta Lanza.

_ Mon... nom ?

Quelque chose dans le ton avertit que la question était déplacée, la lenteur avec laquelle elle articula le second mot, une noyade dans un sirop épais.

_ Oui... mon nom... oui... des présentations... oui... reprit pour elle-même la dame de cuir. Puis se redressant de toute sa hauteur, déployant ses longs bras, elle chuinta, un souffle aux relents de soufre :

_ Je suis, je suis l'Equilibriste, la funambule, l'arachnée guettant sur sa toile, défiant tant la terre que l'espace, contorsionniste d'altitude, d'une altière composition, oiseau sans ailes, oiseau sans bec, je m'envole courant sur le fil. Ragobar bèrs Ragoshirimgon, enfant des Élongrs, divertisseuse, tisseuse d'ivresse, et présentement votre compagne d'aventures.

Ils firent moins de façon pour décliner leurs noms.



***



Ce qui chiffonna par dessus tout les jeunes gens fut qu'il leur sembla manquer de choix. Bien sûr, que l'Equilibriste, en fait de travail, leur propose ni plus ni moins que de cambrioler un marchand, les ennuya quelque peu ; ils répugnaient à se singulariser dans cette ville étrange. Ce ne serait cependant pas la première fois qu'ils visiteraient autrui sans sa permission. De la même manière, que leur rôle exact dans l'opération se résume à voir bien, comme ne cessait leur répéter l'organisatrice, les privait d'une certaine visibilité à court terme ; impossible de planifier la moindre évasion, particulièrement accompagnés de leur amie. Mais après tout, tant que ce terme ne serait usurpé...

Pour le reste, l'organisation était impeccable, de la haute-voltige en bonne et due forme, et le programme ne manquait pas les allécher. Ascension le long d'une colonne d'évacuation d'air sur quelques dizaines de mètres, progression jusqu'à la pièce par le même réseau, ouverture d'un coffre et retour, une ballade de santé pour un être aussi souple que semblait l'être Ragobar bèrs Ragoshirimgon. Ils préférèrent ne pas imaginer.

Restait le seul véritable point positif de tant d'efforts : la liberté. Sitôt la crapahute finie, ils devraient se séparer au plus vite, et se retrouver à la guilde. Laquelle, ils n'en savaient rien, et pour tout dire s'en moquaient, n'ayant la moindre intention de s'y rendre.

Ils auraient toutefois simplement aimé pouvoir refuser.


Dernière édition par Uranium Fuchsia le Ven 21 Aoû - 15:33, édité 1 fois
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MessageSujet: Chapitre II.2 (rédacteur : aanubis)   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeMer 7 Jan - 1:04

Chapitre II.2



Comme tous les bâtiments qu'ils avaient aperçus à ce jour, leur cible était un édifice titanesque. Pourtant l'accès ne posa guère de problème. Les pales d'extraction de l'entrée étaient trop rouillées pour fonctionner encore, ils n'eurent qu'à se faufiler, et une volée de barreaux permettait de remonter le conduit jusqu'au bon étage. Ils n'eurent pas même à s'inquiéter du vertige, talonnés par leur némésis Élongr, et plongés dans le noir. La glissade de Lanza, au moment de prendre pied dans le conduit horizontal, fut donc la seule péripétie notable, promptement corrigée, sa chevelure s'en ressentit.


***


Teurisse ouvrait la reptation, bien qu'il eut tenté faire valoir que la courtoisie exigeait prioritairement le passage des dames, un regard de Ragobar bèrs Ragoshirmgon avait mis court à ses négociations. Il ouvrait, donc, et avait faim. Depuis la rencontre avec leur compagne, ils avaient marché, élaboré des plans, marché, escaladé, le ventre creux, sans la moindre notion du temps. Il sentait l'hypoglycémie menacer.

N'en tenant plus, il finit par apostropher l'Équilibriste d'un chuchotement :

_ Dites, vous n'auriez pas un morceau à grignoter ?

_ Avance, lui fut-il ordonné.

_ Attendez ! Un pas de plus sans manger et je m'effondre, sérieux !

_ Oui, c'est vrai, confirma son acolyte, on n'est pas à deux minutes près, quand même.

_ Maaanger ? Soupira la femme. C'est juste, juste, j'oubliais, j'oublie toujours. Soit, une minute. Je dois avoir quelques tentacules séchés dans une poche.


***


_ Hé !! Viens voir, y'a du monde en bas !

Lanza en grignotant s'était rapproché d'un soupirail, et désignait à son compagnon le contrebas. Le garçon et la femme se redressèrent de concert pour confirmer. Une demi-douzaine de mètres sous eux, la pièce était occupée.

Plus hauts de plafond que large, sobrement meublés, les lieux, malgré leurs dimensions notables évoquaient un petit salon. Trois fauteuils d'une largeur faite pour cinq humains, encadraient une petite table basse, sur laquelle étaient offerts de fins tentacules, baignant dans un liquide translucide.

Deux créatures disparates attendaient dans un atmosphère manifestement pesante. Le plus atypique des deux avait l'avantage, possédant deux têtes, de pouvoir se faire la conversation. Lourdement adossé dans un fauteuil, il envahissait l'air de ses trois longs bras, agités en arguments massues, tandis que les bouches se répandaient en murmures proches de borborygmes, du bas de leur absence de cou.

_ Lel e Mil a Tin, leur désigna l'Équilibriste, un Doblentien représentant de l'Echange auprès des Cent. Incapable de se taire...

_ ...

_ ...

_ ...accompagné d'une Zélop aux couleurs également de l'Échange.

La Zélop au pelage feu ne tenait pas en place. Elle arpentait la petite pièce sur la pointe des ergots, les bras serrés sur sa poitrine rebondie. L'attente devait déjà durer.

_ On fait quoi, maintenant ? interrogea finalement le jeune homme, on ne peut pas continuer s'il y a du monde dans cette baraque.

_ Allons-y, intima le Fil, nous serons trop éloignés pour qu'ils nous entendent. Attends ! se reprit-il dans l'instant.

Plus bas, une porte dérobée venait de s'ouvrir. Le Doblentien trimembré se leva aussitôt.

_ L'Émissaire, émit d'une voix à peine maîtrisée la femme aux pattes de volaille. De s'être arrêtée n'arrangea pas sa nervosité. Elle frissonnait maintenant de la tête aux pattes par longs spasmes convulsifs. Ses yeux s'étaient rivés sur l'appendice caudal de l'homme serpent qui entrait dans un crissement métallique.

Le gros élu n'eut pas le temps d'ouvrir une de ses bouches que l'homme reptile se propulsait de sa queue et sautait littéralement à la gorge de la demi-femme. Elle eut pour seule réaction un tressaut d'agonie.

Lanza étouffa un petit cri, Teurisse se mordit les lèvres au sang, et le Fil approcha plus son visage du soupirail.

_ Paix, Centième. Paix.

L'imposant Squizard avait lâché sa proie pour faire face au conseiller qui reculait prudemment.

_ Étrange démonstration, lâcha une voix, circonspecte.

_ Encore que parfaitement exécutée, admira la seconde.

_ La Juste Mansuétude l'a placée chez vous il y a une trentaine de cycles. C'est à elle que vous devez la perte de votre dépôt sur les quais. Une langue fourchue passa brièvement sur le visage effacer toute trace de la collation.

_ Vraiment ? s'arrêta le Doblentien.

_ Pourquoi devrions-nous te croire ?

_ Parce que c'est elle aussi qui rapporte que tu as fait disparaître ton rival pour être envoyé au conseil des Cent.

_ Quelle perte tragique...

_ Nous gardons le corps.

_ Mais que nous vaut...

_ Un tel témoignage ?

_ Un service...

_ Peut-être ?

_ Un conseil seulement.

_ Nous sommes tout ouï.

_ D'autant que les conseils ça nous connait.

_ Ma maîtresse s'interroge. Par ces temps troubles, comment témoigner de sa sympathie aux poumons de la cité ?

_ Quelle prévenante attention !

_ Quelle fascinante question !

_ Et si pleine de pertinence !

_ Hélas, mille fois hélas, les poumons n'ont besoin que d'air pour respirer.

_ C'est aussi simple.

_ De la liberté, qu'ils puissent se gonfler sans entrave.

_ Rien ne leur est plus plaisant.

_ Bien sûr...

_ Comme toujours...

_ Il suffit...

_ D'un rien...

_ D'une poussière...

_ Pour que les poumons éprouvent une gêne...

_ Toute gêne peut être circonscrite. Il ne suffit que de l'identifier.

_ Ho...

_ Sans doute...

_ Elle est si visible...

_ Sous ses airs inoffensifs...

_ Voyez ...

_ Elle se prétend anticorps...

_ Amusant...

_ Non ?

_ Reconnaissable...

_ Entre cent catégories...

_ Elle berce...

_ Cajole...

_ Endors...

_ Et frappe soudainement, sans prévenir ni se justifier.

_ Un mal bien virulent. Existe-t-il une médecine à la hauteur ?

_ L'ablation...

_ Nette...

_ Propre...

_ Avant que la contagion ne se répande...

_ Sans seulement prévenir l'organisme...

_ Une intervention, risquée, coûteuse.

_ Mais tellement valorisante...

_ Tellement sympathique...

_ Une opération décisive...

_ Voici une réponse qui mérite d'être méditée. Je m'en vais la porter à ma maîtresse qui avisera en connaissance de cause.

_ Qu'elle sache que sa réponse, quelle soit-elle, n'entravera pas notre cordiale cohabitation.

_ Ses salutations étaient exquises, ça lui vaut toutes les excuses.

_ Trace ! petit, trace !

Soudain fébrile, l'Équilibriste avait craché en poussant Lanza qui n'avait d'autre choix que de pousser Teurisse, et leur périple dans les canalisations reprit, à reptation forcée.


***


La jeune fille rompit le silence après quelques dizaines de mètres silencieuses.

_ Heu... Y s'passe quoi, là au juste, Rago... bar... des... rago... ?

_ Plus vite ! Encore deux coudes ! Manifestement la scène avait ébranlée leur commère.

_ Ha mais non, insista Teurisse. Sans réponse on ne peut travailler. Autant dire qu'on reste là et qu'on ne bouge plus.

_ Je peux te donner une excellente raison de ne plus bouger.

_ Ceci dit, trop de réponses tuent la curiosité, convint le garçon en repartant.


***


_ Nous y sommes ! Vous êtes prêts ?

_ Heu...

_ Ben...

_ N'ayez crainte, je vous fais descendre. Accrochez-vous.

Les jeunes gens touchèrent donc le sol, chacun descendu par une corde de l'Équilibriste, brève sensation de chute libre.

_ Un conseil : n'hésitez pas à courir...

Les deux cordes tombèrent à leurs pieds.

_ Hé ! S'indigna la fille.

_ Que ?... s'interrogea le garçon.

Des cliquetis trottinant tuèrent dans l'œuf leurs réactions.

Ils se tournèrent lentement, faisant face à un long couloir qui aboutissait dans l'espèce de chambre qu'ils venaient d'investir. À son bout, une forme efflanquée, campée sur ses quatre pattes, les observaient, mâchoires serrées. De longs mètres les séparaient, pourtant l'étincelle dans le regard leur apparut distinctement. Ils ne savaient rien de la faim.

_ Lanza ?

_ Teurisse ?

_ COUUUUURS !!!


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MessageSujet: Chapitre II.3 (rédacteur : aanubis)   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeMer 28 Jan - 1:56

Chapitre II.3



Les mots volés inquiétaient la cambrioleuse. Entendre des Squizards offrir leurs services contre un pacte était la rupture ultime de l’ancienne Guilde de l’Elévation avec sa tradition, et qu'il fut négocié par le second de sa Maîtresse ne rendait l'évènement que plus symbolique.

Un frisson d'écœurement la saisit à la seule évocation mentale de l'Emissaire du Tout.

Néanmoins, plus encore était inquiétante la clause de ce pacte. Pour ce qu'elle avait cru comprendre, la Guilde de l'Echange fomentait purement et simplement l'assassinat d'un Régulateur, qui plus est membre du Conseil. Les dissensions entre les deux factions régulatrices rendaient la réalisation possible, bien sûr, mais cet affront valait acte de guerre. Il ne pouvait donc s'agir d'une vendetta ; nul être censé ne défierait ainsi les gardiens de l'autorité, ce qui ne laissait aucun doute sur la collégialité de la décision. Et pour que les si neutres marchands s'engagent, il fallait qu'ils soient terriblement sûrs de leur coup.

Cette nouvelle avait une inestimable valeur. Ceux qui paieraient le prix la feraient déferler en un vent de panique, chaque communauté se retranchant dans ses places pour prévenir l'explosion. Un climat propre aux chants et aux butins.

A l'évocation des Diseurs, ses doigts restèrent en l'air un instant, le souvenir des gamins venait de la traverser.

Elle reprit l'ouverture de la massive serrure sans plus attendre, le temps lui manquait avant que les Canigards aient fini leur carnage. Dommage.

Elles étaient pourtant amusantes ces jeunes créatures. Naïves, presque sottes, mais amusantes. Un petit bruit de gorge trahit un bref rire. Leur audace débordante avait manqué la surprendre. Avaient-ils seulement un instant cru que leur flétrissure échapperait à son observation ? Avaient-ils seulement espéré se faire passer pour des Diseurs ? Tiens, d'ailleurs leur verve jouait en leur faveur, s'il était question de rejoindre les rangs de la Représentation Permanente. Si d'aventure ...

Un déclic sec signifia l'ouverture du coffre.

Peut-être aurait-elle du en rester à son idée initiale, en se jouant seule des Canigards comme à son habitude. Le luxe d'une diversion gratuite était pourtant si appétissant.

_ On ne se refait pas, soupira-t-elle en claquant la porte métallique.



***



La réunion avait été terriblement (terriblement) satisfaisante ; Lel e Mil a Tin était aussi (aussi) ravi qu'il avait de membres divers. Qu'en outre cette pimbèche de Zélope se soit avérée être l'agente de la Juste (juste) Mansuétude le confortait dans son idée qu'elle ne méritait pas (pas) ses avances assidues. Il eut certes préféré se charger lui même de punir (punir) sa trahison, mais voir le Squizard procéder, l'un des plus puissants de la Caste de la Lumière, était un spectacle rare (rare) pour les étrangers. Il en tâta délicatement du pied le cadavre.

Il s'agissait maintenant d'être efficace (efficace) . En premier lieu, rendre public le meurtre de cette représentante de la Guilde de l'Échange, par exemple en l'étalant nonchalamment (nonchalamment) dans une arrière-boutique, et ainsi pointer du doigt le manque de sécurité que subissait la cité depuis la scission (scission) des Régulateurs. Cela ne suffirait à faire accepter au conseil la création d'une milice (milice) marchande, mais l'agrégation de malheureux incidents et l'accroissement de l'insécurité amèneraient invariablement (invariablement) les autres membres à s'interroger. La disparition du conseiller visé serait la cerise (cerise) sur le gâteau.

Par ailleurs, exposer au grand jour la dépouille de l'agente de ces défenseurs (défenseurs) de la non-propriété serait un signe manifeste à leur endroit, qu'ils sachent qu'on ne se mesure impunément (impunément) aux fortunés propriétaires. Sans doute en découlerait-il quelques escarmouches occultes entre les plus virulents de part et d'autre, mais n'était-il après tout temps (temps) d'éradiquer ces empêcheurs de poulper en paix. C'est tout de même eux qui incendiaient les entrepôts remplis de marchandises ...

Souriant des deux bouches (bouches) , le Doblentien réajusta sa tunique ensoleillée, fit signe d'emporter le cadavre à une petite créature pelucheuse qui lui ouvrait la porte, et quitta la place (place) en pérorant d'abondance.



***



Ces artisans étaient bien tous les mêmes, rapiats dans leurs négociations, timorés dans leurs avis, prévisibles dans leurs desseins. Le Squizard en cracha de dégoûts. Fallait-il que sa Maîtresse soit si avide d'accéder au Tout qu'ils en viennent à frayer avec de telles créatures ? La tradition l'avait dressé, droit, fier sur sa queue, aussi cruel que juste, à son image. La voir ainsi bouleversée, reniée presque, ne cessait le perturber. Il comprenait évidemment le dessein de la Dame, comme lui semblaient réalistes les moyens qu'elle entendait employer, mais tout de même ... Rendre un ... Service à l'Echange ... Sans seulement penser au cadeau bonus, l'exécution de la Zélope qui savait son heure venue en entrant dans la pièce.

Etait-ce son église qui l'avait avertie, in extremis, qu'un autre agent avait été pris et menaçait sa couverture ? Etait-ce un instinct particulier qui lui avait fait sentir cette mort en entrant dans la pièce, la laissant gibier terrifié par l'approche du prédateur ? Qui pouvait savoir ? Il n'en reconnaissait pas moins le courage dont elle avait fait preuve face à sa condamnation, plus forte que la peur qui la ... Ha ! Qui la tétanisait, oui ! N'importe quel membre du Sol l'aurait saignée avant qu'elle ne réagisse ! Peuh ! Tout de même. Tendre petit animal. Très goûtu.

Quoi qu'il en soit, l'idée d'impliquer les Régulateurs dans leur conflit ne lui plaisait guère. Les assassins attendaient déjà le signal, des Diseurs ambitieux que les obstacles n'arrêtaient pas, ils auraient leur cible et disparaitraient au moment du paiement. Mais de ne pouvoir remonter jusqu'à eux n'empêcherait certes pas les deux factions rivales de descendre sur la cité animées d'un esprit vengeur. La guerre. Rien moins. Pas plus qu'une soudaine guérilla urbaine, juste de quoi faire chanter le chaos un long moment. Il se sentit animé d'une soudaine ferveur divine.



***



_ SAUTE ! MAIS SAUTE ! hurlait Teurisse d'une voix quelque peu paniquée.

_ J'ai peurHAAAAaaaaaa...

_ Je la tiens.


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MessageSujet: Chapitre II.4 (rédacteur : aanubis)   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeMar 24 Fév - 18:34

Chapitre II.4



L'animal les accule contre une cloison humide, la battue porte fruits, ils ne peuvent s'échapper, déjà il les savoure, de fumet et de peur. Son échine se recourbe, ses jarrets se contractent, il est prêt à bondir, donner le coup de grâce, faire taire enfin la faim en un festin orgiaque. Adossés sans recours, souffle court de la course, les redevenus enfants vivent leur mort naître aux yeux de la bête, dressés fiers face à elle, la jeunesse frémissante.

Et le monstre bondit, gueule et crocs en avant, le garçon en premier, il faut bien commencer, résigné, courageux, sa destinée est close. La peau cède sous l'émail, la pourpre embrase l'air, le craquement sinistre des vertèbres broyées est le prompt métronome d'une oraison bâclée. Lanza crie en silence un Teurisse ! déchirant, le visage inondé d'un chagrin sans mesure, esquisse un mouvement pour ralentir son corps.

Un grognement du monstre relance le cours du temps, le carmin aux babines, maquillage mortuaire, il calcule l'autre attaque, la puissance du saut. La jeune fille se redresse, son ami reposé, lève un peu le menton, crispe ses menus poings, pour lancer à la bête un regard méprisant. Elle mourra tête haute, l'animal l'a compris, yeux ouverts jusqu'au bout, l'animal la respecte, prête à perdre la vie, et l'animal bondit...

... se pose sur son épaule, et mugit sans relâche : LOOOOOOOOOOOHNZOOOO !!!! LOOOOOOOHNzaaa !!!! Laaaanzaaa ! Laan ... Ha ben tout d’même ! J'ai cru un instant que j'allais devoir te porter.

Le visage de Teurisse attisa une chaleur débordante dans la poitrine de la jeune fille. Ses bras se nouèrent naturellement autour du cou de son compagnon, l'attirant, les yeux mi-clos, éperdue de reconnaissance de le savoir vivant.

Le garçon la repoussa un peu brusquement :

_ Heuuu... Ça va ? Non parce que là l'autre bestiau va se réveiller ; faudrait pas traîner.

_ Bestiau ? se réveilla enfin la jeune fille. L'est pas mort ?

_ J'aimerais bien. Allez, grouille, on décampe !




***




La Tour Ocre avait un avantage indéniable et reconnu : elle surplombait. Sise au cœur du District Ocre, aux limites du Quartier de la Manufacture, sa face sud-est donnait sur le dôme doré de la Centurie, où siégeait le Conseil. Au sud-ouest, les fines arches de l'Horlogerie s'étendaient telle la justice des Régulateurs sur la ville, une raison peut-être pour laquelle ils avaient élu la complexe tour pour siège de leur Guilde. On y distinguait en outre les frondaisons apaisantes du District Jade, à l’ouest, et les rondeurs marines du District Bleu, au sud.

Cette situation privilégiée lui valait donc de recevoir guildes, églises, associations, réparties dans un équilibre aussi précaire que soigneusement calculé ; les troubles y étaient rares. D'une certaine manière, cette cohabitation intéressée, sinon forcenée, transformait la tour en un sanctuaire, havre d'autant plus bienvenu qu’à mi-chemin des principaux organes de décision. Des appartements privés, de tous conforts, faisaient office de mortier ou de tampon entre les factions en conflit.

Ainsi, un étage sur deux était réservé à l'habitation. Sans qu’ils en aient eu conscience, cette particularité avait attiré l'œil des jeunes gens lors qu'ils appréhendaient les hauteurs de cette aventure. Les étages pairs étaient dotés de vitraux démesurés trahissant des plafonds frôlant les dix mètres, alors que les étages impairs se contentaient de baies vitrées à mi-hauteur et de plafonds un tiers moindres. Les poulpes, entre autres avantages, permettaient de faire la différence entre la vue et l'ombre.

Et les cambrioleurs contre leur gré avaient le désavantage de courir par effraction dans la demeure d'un pas assez nanti.




***




_ Mince, avait gémi la jeune fille. Pas de porte.

_ Pas bon, avait obtempéré son compagnon en essuyant son front de la manche.

L'animal avait stoppé à quelques enjambées, derrière eux, nonchalant presque. Il connaissait les lieux. La plupart finissait d'eux-mêmes dans cette chambre, entre la couche immense et une armoire de métal. Il ne lui restait qu'à se dépêcher s'il souhaitait profiter un maximum de sa pitance. Il avança donc.

Ses proies cherchaient désespérément qui une arme, qui une cachette. Ils ignoraient s'ils pourraient atteindre l'armoire, l'ouvrir, s'y engouffrer, refermer, dans un délai raisonnable, et le lit semblait d'un bloc, une pierre pulsant une lumière douce. Ne restait que ce que son nombre de pieds permettait de définir comme un tabouret, sans présumer de l'espèce de son propriétaire.

_ On fait quoi ? haleta Lanza.

Le jeune homme était bien en peine pour lui répondre. La course dans les pièces l'avait éreinté. Ils avaient bien tenté isoler le monstre en fermant les portes sur son passage, avant de réaliser qu'elles étaient munies d'une trappe pour laisser circuler l'animal.

_ Sur le lit, eut-il le temps de crier quand la bête bondit.

Il avait brandi le tabouret, l'assenant d'un mouvement circulaire sur le crâne renforcé de fer, lequel rebondit sur l'armoire, alors que lui-même était projeté en arrière violemment.

Il resta sur le dos un instant, appréhendant de voir le vilain museau réapparaître dans son champ de vision mais rien ne vint. Il s'enquit donc de la seconde :

_ Ca va ?

L'absence de réponse l'inquiéta.

_ Lanza ?

Dans le même temps, il se retournait vers le lit, contre lequel gisait l'objet de ses craintes. À en juger par l'état de la baie vitrée derrière eux, la violence du choc l'avait fait rebondir contre le verre, bloquant sa compagne dans son saut. Elle avait dû heurter le montant du lit.

Jetant un bref regard inquiet à l'animal assommé, il avait allongé sa camarade et la secouait maintenant gentiment des épaules.

_ Lanza ! Laaaaanza !!...




***




La Tour Ocre, fréquentation, longévité, avait les défauts de la vieillesse ; elle se fragilisait. Bâtiment orgueilleux, elle était bien sûr entretenue, charge qui revenait à chaque habitant, de sorte que tous ne pouvaient se le permettre. Il fallait en effet solliciter le service d'Élongrs, ce qui de prime abord rebutait beaucoup, et les payer grassement, ce qui gênait plus encore. Seuls ces équilibristes avaient pourtant le courage d'installer leurs toiles et échafaudages aussi haut, aussi sommairement, pour y travailler, à ceci près que la maçonnerie ne les intéressait que moyennement. Ceux, néanmoins, qui avaient assez d'éléments de persuasion arboraient pour des durées variables, un étrange cocon à leurs fenêtres. Preuve de la réputation de la tour, nombre de ces abris constellaient les façades, boursouflures de plante piquée par un insecte sur toute sa hauteur. Dans ses plus bas étages, une ombre plus perpétuelle que relative conférait à ces cocons une pâleur maladive.

Mais la tour n'était seule à s'autoriser pareil traitement et, notamment dans le Quartier de la Libération, d'autres édifices bourgeonnaient à l'identique, ce qui d'ailleurs ne manquait pas en faire s'interroger nombre sur la part d'Élongrs dans la ville. Ils avaient la réputation d'être une minorité, ce qui ne cadrait pas avec l'abondance de leurs chantiers. Pourtant nul n'avait encore le souvenir d'avoir confié de tels travaux à d'autres représentants. N'en restait pas moins une rumeur persistante voulant qu'ils aient contracté certains services pour la réfection, se limitant à la préparation de la nacelle. Ceci dit, personne n'était en mesure de confirmer ce bruit. Un autre aspect des Élongrs : leur discrétion.




***




Ils se remettaient encore sur pieds qu'un grognement les figea sur place. Leur souhait le plus cher à ce stade aurait été que la menace vienne de l'animal que Teurisse avait assommé. Ce qui aurait été envisageable qu’en omettant que le grognement était venu de l'entrée de la pièce.

_ Là on est encore plus très mal, nota le jeune homme. L'autre va pas tarder à se réveiller, et le… truc… a carrément explosé sur son crâne.

_ Le lit !

_ Quoi encore le lit ?

_ On saute ensemble, s'agaça Lanza. Il se prend la paroi ; avec un peu de chance il s'assomme, nous on file dans l'autre sens.

_ C'est pas gagné, jeta-t-il pour toute réponse.

La seconde créature avait repris connaissance et titubait maintenant à rebours pour rejoindre son compagnon vaillant. Ce dernier fléchissait déjà sur les jarrets, la gueule écumante. A en juger par le mépris affiché pour son collègue, il n'appréciait guère d'avoir été tenu à distance de la nourriture.

_ Tant pis, sauta pourtant le garçon, suivi de la fille, puis de l'animal, un ballet gracieux pour trois acteurs.

Tous deux s'effondrèrent sur le matelas dur et entêtant de quelque inconnue odeur corporelle. Un bruit de verre brisé éclaboussa leur champ auditif.

_ KIAÏÏÏÏÏÏïïïïï !!

Le prédateur venait bonnement et proprement de passer par la vitre, fragilisée par le précédent heurt.

Son collègue n'en revenait pas de tous ces chocs. Pourtant, il tenait toujours le seul point d'accès de la pièce.

_ La fenêtre ! décida cette fois le jeune homme. C'est le seul moyen !

_ Heu .. On n'est peut-être pas tout en haut, rétorqua la jeune fille, mais ça reste trop haut pour moi.

_ Qui te parle de sauter ? jubila l'ingénieux. Je suis sûr qu'on peut descendre. Tiens, regarde. Il indiquait une nacelle étrange à quelques mètres en contrebas sur leur droite. Suffit de prendre la corniche jusque-là. Y'a la place, et on se laisse aller.

_ Hors de question ! Le ton était ferme et déterminé. Rien ne pourrait la faire changer d'avis. Hé !... Hééé !! Teurisse !! Attends !!

_ Accélère ma grosse, il va charger.




***




La corniche n'allait pas jusque la nacelle, il manquait deux mètres, ce qui à quelques dizaines d'étages du sol, paraissait un gouffre. La tête au vent, passée par la fenêtre, leur adversaire grognait de frustration de n'avoir goûté qu'un talon, les yeux légèrement plissés par tant d'air. Une de ses pattes cherchait un appui sur la corniche.

_ Je pourrai jamais, annonça, bonne joueuse, Lanza.

_ Comment ça ? la flatta d'un sourire Teurisse. Un saut, un simple écart de jambes, et on est hors de portée.

_ Je peux pas. Je sens plus mon pied.

_ Faut faire avec, insista, légèrement plus anxieux, Teurisse.

La bête posait sa seconde patte.

_ Tiens passe devant, je t'aiderai.

_ Je te dis que... Hé ! Tu pourrais prévenir quand tu fais ça, s'insurgea la jeune fille qui venait d'être contournée.

_ Il arrive, Lanza, la pressa encore un peu Teurisse, il... HAAAAA ! SAUTE ! MAIS SAUTE !!

L'animal, un instant en équilibre, se reprenait maintenant en battant des postérieures, sur le point de mettre patte sur leur refuge.

_ J'ai peurHAAAAaaaaaa...

Un mouvement de recul de son compagnon l'avait projetée en avant. Elle esquissa un saut maladroit, rebondit lourdement sur la toile, et glissa irrémédiablement. Le garçon sauta à son tour, sans encombre, mais ne put attraper à temps la main de sa compagne.


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MessageSujet: Chapitre II.5 (rédacteur : aanubis)   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeLun 16 Nov - 19:44

Chapitre II.5



_ Je la tiens.



***



_ ... z'en avez de bonnes ! tempêtait le garçon. C'est tout de même vous qui nous avez laissés à ces... comment vous dites, là ? Canigards ! Froidement ! Sans nous avertir ! On a failli se faire bouffer ! Comme des poulpes !

Teurisse ne décolérait pas depuis que l'Équilibriste les avait retrouvés, et de devoir à nouveau glisser le long de ses fils jusqu'au sol n'avait rien arrangé. Il lui avait toutefois fallu attendre de s'être éloigné pour se libérer, leur démonstration d'acrobates ayant suffit à attirer quelque attention ; sa fureur n'en était que plus démonstrative.

_ Et là, la bouche en cœur, vous nous récupérez in extremis et hop, pouf, on devrait plus vous en vouloir ; c'est vrai quoi, après tout vous nous sauvez la vie, oui, vous savez, celle que vous avez jetée en pâture à vos trucs, non, vous voyez pas, genre celui qui a croqué Lanza, ou l'autre, qui allait nous dévorer en plein ciel, hein, hop, sauvés, éternels débiteurs, plus qu'à fermer nos clapets et à vous baiser les pieds en remerciement, z'êtes trop bonne, non vraiment, un véritable ange-gardien, une amie comme on n'en fait plus, pas traîtresse, non, surtout pas, la confiance incarnée, à en remettre nos vies entre ses mains, en somme, une pure...

_ Je vous le répète... La patience de Ragobar méritait tous les éloges. Je n'avais pas d'autre choix. Il y en avait deux dans le conduit : vous n'auriez rien pu faire. Au sol, vous aviez l'avantage d'être sur vos jambes.

_ Ah ouais ? Ah ouais ? Et comment ça se fait qu'on les a pas entendus ? Qu'on vous a pas entendue vous battre non plus ? Que vous nous ayez rien dit ?

Le jeune homme ne pouvait se satisfaire de si peu. La peur qui l'avait chevauché sitôt croisé le regard jaune, la peur qu'il avait eue que son amie soit pire qu'assommée, la peur de la perdre quand elle avait glissé, la peur de cette ville et de ses habitants, cette peur demandait à être expulsée, avec autant de vigueur qu'elle avait été dévorante.

_ Écoutez, se hasarda l'Élongr, il est un lieu où les Diseurs règlent leurs conflits dans la paix, sans interférence, pas même celle d'esclaves...

L'évocation de leur double tromperie fut une douche froide sur la légitime fureur de Teurisse, au point qu'il en oublia subitement de poursuivre. Satisfaite de son effet, leur compagne s'en chargea :

_ Tu seras soignée là-bas, annonça-t-elle à la jeune fille, encore choquée, et tous trois écouterons nos explications avant de prendre une décision. Ainsi se règlent les choses entre Diseurs. Ce n'est pas vous qui allez enfreindre ces règles, tout de même ?

_ Houlà ! reconnut le garçon, certainement pas. Hein Lanza ? Vous avez vos usages, nous les nôtres, suffit de s'adapter, hein Lanza ? Ho, ho, Lanza ?

_ Hm... Ho oui, ouioui... acquiesça distraitement la jeune fille.

_ Suivez-moi.



***



Une courte marche au rythme du boitement de l'humaine les mena à une volée de larges marches. Celles-ci s'enfonçaient dans les tréfonds d'un bâtiment qui semblait presque petit, sa hauteur rivalisant difficilement avec celle des autres. Sur la gauche, une rampe descendait en parallèle ; elle rappela aux humains celles utilisés par les Squizards. Ils empruntèrent les marches. Sur chaque mur le long de leur descente, des rambarde luminescentes permettaient aux utilisateurs de s'assurer dans l'ombre, avant d'enfin accéder à une surprenante cave.

Dès le bas des marches, des petites allées de gravier serpentaient entre gazon verdoyant et colonnes enfouies sous les plantes grimpantes. Chacune d'elle menait à un léger abri en bois, en-dessous duquel étaient assis en cercle diverses créatures, d'espèces déjà familières aux humains ou non. Au milieu d'eux, le feu crépitant dans des braseros paraissait hypnotiser certains d'entre eux alors que des conversations feutrées s'échangeaient.

Au centre des allées, entourant un poteau central évoquant un arbre au tronc feuillu, un comptoir était tenu par un Zélop à la crinière hirsute. Occasionnellement, certains groupes se levaient, venaient y chercher un petit bol et avalaient cul sec le liquide qui s'y trouvait avant de retourner s'asseoir. Les troncs de cette étrange forêt caressait un haut dôme, qui devait émerger plus haut dans la rue, d'un noir puissant constellé de cristaux luisants évoquant une nuit étoilée. On se serait cru en dehors de la cité.

Pour la première fois depuis leur capture, Lanza et Teurisse se sentirent en sécurité.



***



_ Vous prenez le bol, crachez à terre, avalez d'une traite, crachez encore, et croquez dans un tentacule pour dissiper le goût.

Alors qu'elle leur expliquait le modus operandi, l'Élongr avait dégrafé la base de son cou, laissant entrevoir un mince orifice sur la peau, dans lequel elle ficha un fin tube creux. Elle battit rapidement des paupières sous l'effet d'un invisible afflux.

_ Heu... hésita Teurisse, c'est quoi ? C'est pourquoi ? Qu'est-ce qu'on risque ?

_ Pouah ! lui répondit Lanza, qui avait déjà scrupuleusement suivi les consignes, mais c'est dégueulasse !!!

La boisson semblait lui avoir redonné une vie qui se faisait discrète, laquelle consistait maintenant à cracher tout ce qu'elle pouvait.

_ Croque dans un tentacule : le goût s'estompera, rappela leur mentor, avant d'aspirer d'un coup le liquide par son tube.

_ Yêrk ! Oui, quand même, confirma le garçon, c'est infâme votre machin. Quel est l'intérêt de boire un truc aussi... brr... immonde ?

Beaucoup des Diseurs affichaient une grimace proche de celle des humains, pourtant tous revenaient régulièrement boire un bol avant de retourner s'asseoir.

_ Le bec du poulpe, broyé et filtré, est à la base de cette mixture. Je reconnais que son goût n'est pas séduisant, mais ce breuvage est consommé pour ses effets apaisants.

_ Des effets apaisants ? s'inquiéta la jeune fille, que le vocable avait interpelé, vous chercheriez pas à nous droguer tout de même ?

_ Voyons, rit doucement Ragobar bèrs Ragoshirimgon, qu'allez-vous penser là ? Votre palais va être légèrement anesthésie par le chuchot, vos muscles vont se relâcher et, à la longue, votre esprit seul restera vif, acéré, prêt pour les discussions les plus délicates. Mais profitons plutôt que vous soyez encore à votre premier bol pour te soigner.



***



_ ... donc une fois vous autres déposés, j'ai entraîné les Canigards du conduit vers une trappe en direction d'un autre. Je m'y suis glissée, ils ont suivi, et je suis remontée aussitôt, les laissant sauter et grogner en vain. Puis je suis revenue où je vous avais laissés, pour vous récupérer, mais vous n'y étiez plus. Je suis donc sortie sur la façade, espérant vous apercevoir par une vitre. C'est là que tu es tombée et que je t'ai rattrapée.

L'explication de leur guide-ravisseuse-sauveuse était plausible et recevable à tous points de vue. Malgré tout, les jeunes gens avaient du mal à se convaincre que leurs émotions n'étaient pas le résultat d'un piège.

_ Et le... truc que vous deviez récupérer, alors, songea soudain la jeune fille, vous avez laissé tomber ?

_ La vie des Diseurs est précieuse ; et ils se soutiennent dans l'épreuve, avant toute autre choses. Leurs esclaves passent en second lieu, et enfin seulement leurs obligations... professionnelles. Tenez ! À ce propos...

La femme longiligne avait attrapé on-ne-sait-où deux écharpes d'une étoffe fluide et chatoyante et les leur tendait.

_ Voilà qui devrait être plus seyant que vos vilains bouts de tissus.

Teurisse cherchait encore que répondre à cette attention ambiguë quand un groupe de créatures vint les rejoindre sous leur abri : le Zélop hirsute qui tenait le bar à leur arrivée, un Doblentien à trois têtes et deux hommes-félins prirent place autour du brasero, jetant des regards curieux aux chétifs bipèdes.

_ Salutations Shirim, salutations, s'introduisirent les nouveaux arrivés auprès de l'Équilibriste.

Tous avaient accompagné le salut d'un geste de la main, pouce et index arrondis et posés sur le cou, et ladite Shirim leur répondit à l'identique. Un regard appuyé à ses compagnons, et ils en firent de même, avec assez peu de naturel.

_ Et les nouvelles, Shirim, les nouvelles ?

La question du Zélop avait imposé le silence, tous attendaient.

Un choc sourd. Deux autre, plus clairs. Encore deux. Un dernier, sourd. Tôp tatap tatap tôp. Le Doblentien jouait de ses six bajoues pour poser un rythme sec et rapide.

_ Les nouvelles, Yzlys no Lelibrann ? L'Élongr se redressa et déploya ses longs bras. Les nouvelles... Le battement marqua un temps.

Écoute, écoutez tous
Les mots d'Équilibriste !

Un sifflement léger intégra le jeu, s'enroula dans les airs, un vent chaud, mélodieux, sorti de la gorge d'un homme-félin, et le battement reprit.

Écoute, écoutez tous
Le chant des nouvelles gens,
Des Umins dits Diseurs,
De leur course sans peur.

Écoute, écoutez tous
Leur bravoure face aux crocs,
Leur plongée dans le vide,
Leur courage infaillible.

Écoute, écoutez tous
Comme ils précèdent le vent,
La bourrasque terrible
Qui s'abat sur la ville.

Écoute, écoutez tous...




***



À la manière des Diseurs, présumèrent les humains, leur compagne avait chanté de sa voix suave leur journée, magnifiant leur mérite, héros soudain d'une geste épique, et avait ainsi tu l'essentiel de la conversation qu'ils avaient surpris. Ç'avait ensuite été au tour du Doblentien, de la même manière, de diffuser ses informations du jour, puis aux autres.

Entre chaque chant, ils se levaient pour aller consommer de cet étrange breuvage, dont ils sentaient maintenant les effets, agréables sans être abrutissants, apaisants, réellement.

Mais les jeunes gens étaient éreintés : voici longtemps qu'ils ne s'étaient reposés. Lanza la première posa sa tête sur les genoux de Teurisse, profitant de la pénombre pour passer inaperçue. Le jeune homme ne se leva pas à la tournée suivante. A celle d'après, son visage avait rejoint la hanche de sa compagne.

Leur sommeil fut trop lourd pour que des rêves s'y ancrent.


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MessageSujet: Chapitre III.1   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeMar 17 Nov - 15:51

Chapitre III.1



_ Où est-ce que vous allez nous amener ?

_ Je vous l’ai déjà répété plusieurs fois ! Nous nous rendons à la Guilde du Tout ; la machination menée par leur maîtresse prend un tour critique d'après nos informateurs et elle risque d’arriver rapidement à ses fins, d’une manière ou d’une autre. Nous avons pu faire avorter tout à l'heure une nouvelle tentative contre… Mais ! Pourquoi vous arrêtez-vous ? Nous devons nous hâter.

_ Je suis blessée. À la cheville. Je ne peux pas marcher si vite.

_ Mais… ne vous a-t-on pas donné de quoi faire cesser la douleur ?

_ Si c’est de cette espèce de soupe infâme dont vous parlez, si, c’est le cas.

La jeune fille retroussa ses lèvres en un rictus dégoûté à la mémoire du breuvage.

_ Et quoi ? Vous avez recraché ?

_ Heu… oui, comme on m’a dit… de toute façon, c’était tellement dégueulasse que je l’aurais fait quand même.

_ Je vais de déception en déception avec vous. Ce n’est pas le liquide qu’il faut recracher. Ce qu'il faut recracher, c'est la douleur elle-même

_ C'est… qu… quoi ?

_ J’en ai une fiole sur moi ; attendez… La voilà, tenez, et buvez à nouveau.

_ Hum. C’est obligatoire ?

_ Sauf si vous pouvez continuer à suivre sans me forcer à m’arrêter à chaque instant, rétorqua Shaër-pan, et ses arcades dépourvues de sourcils se fronçaient avec autorité.

_ Mais… je… je peux le faire. Je peux le faire, ouais. Gardez votre truc, là, on continue.

_ Comme vous voudrez.

_ Tu sais ma grosse, y’a des fois, je t’admire.

_ Ferme-la Teurisse, ferme-la. Y’a des coups de pelle qui se perdent.

_ Oulah, madame a ses humeurs.

_ Madame t’emmerde.




***




_ Vous vous décidez finalement à vous montrer raisonnable ?

_ Oui… Si je fais un pas de plus, ma jambe explose. Donnez-moi ce fichu truc infâme et qu’on en finisse.

_ Quand même, Lanza… t’aurais pu tenir plus de cent mètres avant d’abandonner. Ça manque de panache tout ça.

_ Fais-moi penser à cracher sur ta tombe, Teurisse.

_ Au rythme où vont les choses dans cette ville de tarés, tu risques d’y passer avant moi, ma grosse.

_ Taisez-vous, tous les deux, vous êtes insupportables. Voilà. Vous, buvez et dépêchez-vous ! Nous perdons du temps.

_ Bêrk, vous l’avez trafiqué pour que ça ait l’air encore plus immonde que d’habitude ou quoi ? Je sens cette sale odeur comme si je l’avais le nez plongé dedans.

_ Il n’est pas dilué. Bon, prenez-le en bouche et recrachez la douleur.

_ Heu… avant toute chose, on… on fait comment ?

_ Vous faites remonter la douleur, puis vous la faites sortir hors de vous en recrachant.

_ Ah oui, c’est super clair. J’ai bien fait de demander. Bon ben c’est parti alors.




***




_ Beuhaââ ! J’espère que, quand tu iras cracher sur ma tombe, ce sera pas des machins du calibre de celui-ci. C’est écœurant ! Regarde-moi ça !

Sur les pavés en forme de losanges couleur sable de la rue dans laquelle ils se trouvaient était maintenant répandue une petite flaque poisseuse où se mêlaient le contenu de la fiole, de la salive, un peu de sang et même une minuscule forme semblable à un morceau de chair. Tous les trois fixaient l’étrange mélange qui, loin de rester inerte, commençait doucement à bouillonner et à s’agiter. La boule de chair s’étirait grossièrement, se roulant dans la substance qui dégageait maintenant un fin filet de vapeur blanche. Une bulle éclata à la surface ; elle fut suivie d’une dizaine d’autres, puis une excroissance se détacha de la matière rosâtre pour prendre une forme élancée et prolongée par cinq petites extrémités.

_ Heu… alors… ça me semble pas vraiment possible, mais… on dirait… un pied.

_ Ça me semble encore moins possible, mais je crois qu’il s’agit pas seulement d’un pied. Regarde là, on dirait une petite… tête… en train de se former. Et ici, ça ressemble à un début de main. C'est…

_ Lanza… je crois que… tu es en train d’avoir un bébé.

Elle voulait ouvrir la bouche pour réfuter l’idiotie, l'énormité du propos lorsque d’un orifice dans le corps en formation sortit un œil tout rond qui roula dans son orbite jusqu’à venir la fixer. L'iris rosâtre se teintait d'un marron semblable à ceux de Lanza. Une nouvelle bulle éclata, révélant un trou dans la boule de chair, qui devint une bouche, d’où sortirent immédiatement des pleurs angoissés. Un bras minuscule apparut, révélant un corps à moitié fini.

_ Et comment tu comptes l’appeler ?

Le processus de formation ralentit, alors que semblait s’extraire le début d’une seconde main, pour finalement s’arrêter, laissant un fœtus incomplet surnager dans le liquide bouillonnant et fumant, mais il ne semblait pas vouloir cesser de pleurer pour autant, redoublant le volume de ses cris. Les petits doigts de la nouvelle main réintégrèrent doucement la boule de chair, suivis par l’unique œil qui s’enfonça à son tour dans la bouillie en gestation. À leur tour, les autres membres reprirent une forme vague, ne laissant plus deviner que vaguement la silhouette humaine. Seuls les pleurs continuaient, gagnant encore en intensité. La fumée s’échappait maintenant par gros volutes alors que la matière clapotait bruyamment. Puis tous les bruits cessèrent, pour ne plus laisser qu’une petite tâche rougeâtre sur le sol.

_ …

_ C’est dommage : je l’aimais bien, moi, avec son petit œil, lança Teurisse dans un sarcasme qui peinait à camoufler sa stupeur.

_ Il serait peut-être temps que l’on y aille, maintenant. Suivez-moi !

_ Ta cheville ?

_ Je… ne sens plus rien du tout.

_ Tu peux dire merci aux bonnes vieilles recettes de Papi Serpent : spectaculaires mais efficaces.


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MessageSujet: Chapitre III.2   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeMar 17 Nov - 16:48

Chapitre III.2



_ Nous y sommes. Entrez ; je m’occupe des gardiens. Vous vous souvenez de ce que vous avez à faire ?

Sans attendre qu'on lui réponde, Shaër-Pan s’avança rapidement en direction du grand portique de la guilde squizarde du Tout, une arme d'estoc à la main, attirant sur lui les trois gardes postés à l’entrée. Profitant de la mêlée qui s'engageait, Lanza et Teurisse se précipitèrent à l'intérieur, contournant le plus grand des sauroïdes qui, doté d'une courte lance, tentait d'éperonner leur protecteur, puis coururent jusqu'à une arche qui partait sur la gauche. Ils avaient pénétré dans un vaste couloir vide et dénué de tout ornement, à l’exact opposé du faste de la Guilde du Souvenir.

_ Quel plan pourri ! Non mais quel plan pourri ! Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Serpent va se faire mettre en miettes et nous, on va se faire directement repérer. Et même, je dis bien même si on tombe sur la Maîtresse, elle devrait faire quoi ? Allez, au moins quatre mètres de haut ; on pourra pas vraiment la tuer en lui donnant des coups de pied.

_ Non, pas avec des coups de pied. Mais avec ça, ça devrait mieux marcher.

Teurisse sortit de sa poche la petite flasque que lui avait donnée Shaër-Pan la veille - ou l’avant-veille, ou le jour-même, elle ne savait plus avec ce soleil qui ne se couchait jamais.

_ Écoute. On suit le plan de base : on trouve la réserve personnelle de poulpes de la lézarde géante et on leur donne à boire cette petite douceur.

_ Ah... Et où t’as vu qu’ils avaient une bouche les poulpes ?

_ Heu si… ils en ont une je crois. J’espère... Sinon, ils auraient pas de bec, je pense… au pire… au pire, on les enduira avec.

_ Je te préviens, Teurisse : si l’un de nous deux doit faire un massage au poison à un calamar volant, ce sera pas moi.

_ Non, toi, tu préfères cracher des demi-bébés, c’est tellement plus hygiénique !

_ Que faites-vous ici ?

Un Squizard couvert d’une simple toge orange et de la même taille que Lanza les interpellait depuis l’issue du couloir. Son ton était particulièrement menaçant pour un être relativement petit à l'échelle de ceux de sa race.

_ Hum… oui, nous sommes des esclaves et on s’est perdus, en fait ; on cherche les statues à nettoyer.

_ Je vois... Vous n’avez strictement rien à faire ici ! Hâtez-vous, je vais vous y conduire.

Du doigt, il indiqua une porte annexe et les invita à le suivre dans la pièce.

_ Je peux pas croire que ce plan moisi marche. Je peux pas croire que ce plan moisi marche, susurra Lanza pour elle-même.

La porte débouchait sur une sombre pièce sans ouverture. L’homme-lézard entra en premier.

_ Mais c’est tout petit, ici... En réalité, nous, on cherche les statues. Pour l'entretien, vous savez. On est... esclaves.

Un sourire haineux déforma les traits du saurien, qui émit un sifflement semblable à un rire.

_ Ah oui, les statues ! Suis-je bête… Les statues... Sans doute confondez-vous avec ces traîtres de la Guilde du Souvenir. Cela fait un certain temps qu’il n’y a plus de ces stupides statues inutiles ici. Il n’y a plus d’esclaves non plus d’ailleurs, car la Maîtresse les a tous fait exécuter. Nous verrons quel sort elle réservera à deux espions étrangers. Vous attendrez ici le temps que je… arghw !

Teurisse avait sauté sur le dos du Squizard et tentait de lui enserrer le cou de ses deux bras.

_ Espèce de salopard ! C’est pas… mpfff…c’est pas un reptile nain habillé en moine qui va nous empêcher de sauver le monde !

D’un mouvement de bassin, l’homme-lézard le désarçonna et Teurisse s’écrasa au, sol la tête en avant. C’est le moment que choisit Lanza pour frapper du pied le Squizard, ce qui n’eut pratiquement aucun effet, si ce n’est de la déséquilibrer, et elle tomba à son tour, sur les fesses. Le jeune homme tenta de lui asséner un coup au visage et atteint l’œil, faisant se tordre son adversaire de douleur. Mais, à la seconde frappe, le reptile attrapa le poing dans sa gueule. Les cris de Teurisse emplirent la pièce alors qu’il était d'un coup de queue à nouveau repoussé au sol dans un craquement sinistre. La porte se referma violemment, les laissant dans la pénombre.

_ AAAH ! IL M’A ARRACHÉ LA MAIN ! AAAH ! AAAH !


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MessageSujet: Chapitre III.3   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeVen 20 Nov - 14:55

Chapitre III.3



Des crépitements de lumière rouge faisaient s'entrouvrir des paupières meurtries. Les bruits venus de l'extérieur désynchronisaient leurs battements de ceux du coeur, s'imposant à une conscience en réveil... Ils étaient tous les deux dans une gigantesque salle en ruine qui semblait avoir été creusée à la hâte à même le sol et dont le plafond était arraché. Dans le ciel ne brillait plus l’astre blanc zénithal mais un soleil terne qui n’éclairait que faiblement la surface décrépite des grands murs à moitié détruits. Des gradins étaient installés tout autour, comme dans l’arène de la Guilde du Souvenir, et garnis de centaines de Squizards surexcités. Malgré le vacarme de leurs cris, Lanza pouvait entendre Teurisse geindre à côté d'elle, lui aussi enchaîné à l’un des piliers de la salle. Il hochait dans un état de semi-conscience la tête en direction du moignon sanguinolent qui prolongeait son bras droit.

D'autres cris d'enthousiasme mêlés d’applaudissements commencèrent à se faire entendre sur les gradins alors que le sol se mettait à gronder et à vibrer. Une masse gigantesque se rapprochait de la salle, précédée par son ombre. Lorsqu’elle recouvrit Lanza, elle frissonna de peur et de froid. Glissant sur sa queue de lézard, une forme de plus de quinze mètres de haut fit son apparition : un corps titanesque sur lequel était juchée une tête reptilienne entourée d’une crête tout aussi gigantesque. A côté, la Maîtresse du Souvenir aurait semblé être un nourrisson. Vêtue d’un plastron bleu électrique – du sur-mesure, pensa Lanza, alors que son esprit tentait de camoufler la terreur par la dérision - , la Maîtresse de la Guilde du Tout se déplaça vers les gradins, y provoquant une incroyable frénésie. Au milieu de la foule en liesse, Lanza reconnut des silhouettes familières. Au bas d’un gradin, entre deux reptiliens en robe orange, l’Equilibriste applaudissait également, avec à ses pieds deux de ces énormes molosses qui avaient bien failli avoir leur peau. Quelques rangs plus haut, elle reconnut également une demi-douzaine d’hommes-abeilles, qui faisaient vibrer leurs ailes rachitiques à l’unisson. A leurs côtés, un petit humanoïde à la moustache blonde mâchait paisiblement un tentacule, détaché des débordements que suscitait la présence de la Squizarde géante. Il porta son regard vers Lanza et lui fit un clin d’œil, avec un sourire en biais. Il articula lentement trois syllabes pour qu’elle les lise sur ses lèvres.

Soudain, Teurisse, auquel la douleur venait de faire reprendre vivement conscience, poussa un hurlement déchirant qui couvrit à lui tout seul le grondement des gradins, en tentant d’atteindre le lambeau de main qui lui restait de son autre bras. La foule se tut rapidement, alors que la Maîtresse du Tout se tournait dans leur direction. Lanza lut dans ses grands yeux jaunes de la colère plus encore que de l’agacement : elle n’aimait visiblement pas que l’attention se détourne d’elle. En un instant, elle glissa jusqu’au pilier auquel était attaché le jeune homme et le détacha littéralement du sol comme on arrache une mauvaise herbe. Du bout de ses doigts palmés, elle saisit Teurisse et le souleva à hauteur de sa tête. Sa respiration chuintante faisait balloter à elle-seule le petit corps mutilé dix mètres au-dessus du sol. Son intention semblait claire : elle allait n’en faire qu’une bouchée. Des larmes roulaient le long des joues de Lanza et elle cria à son tour, imitée par les gradins, qui retrouvaient leur euphorie, alors que la Squizarde ouvrait son immense gueule pour se préparer à l’engloutir. Teurisse la regardait et souriait. Il tendait le poing, le pouce en l’air, dans sa direction, comme pour lui indiquer que tout allait à merveille. Une seconde avant d’être avalé, il entrouvrit les doigts crispés sur ce qu’il tenait. Elle reconnut immédiatement l’objet : la flasque de poison, dont il avait ôté le bouchon.

Puis l’énorme bouche se referma sur le jeune homme.



***



_ NOOOOON !

Lanza se redressa en sueur et en pleurs.

_ Par pitié, Lanza, tu veux pas la fermer ? On dort assez peu comme ça dans cette ville à la con !

Teurisse tourna sur lui-même dans sa couchette et porta inconsciemment son pouce à la bouche – le pouce droit, pensa Lanza -. Sa cheville la faisait souffrir. Elle sourit.


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MessageSujet: Chapitre III.4   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeMer 24 Fév - 19:36

Chapitre III.4



_ C'est vos vêtements qui sentent comme ça ?

_ Pourquoi ? L'odeur vous incommode ?

_ J'irais pas jusque-là mais bon...

_ En réalité, jeune, ce qui importe, c'est la matière. Cette combinaison a été intégralement réalisée en cuir de poulpe par mes soins.

_ Ah. Je me disais aussi que ça avait une drôle de forme. Et, je veux dire, ça a un intérêt autre qu'être malodorant et visuellement peu esthétique ? C'est pour un défi ou quoi ?

_ En réalité, jeune, vous êtes bien irrespectueux. Cette tenue est une merveille de technologie. Elle est imperméable, vous réchauffe dans le froid et vous rafraîchit en pleine chaleur, elle est extensible, élastique, flexible et en réalité permet toutes les contorsions imaginables, mais surtout cette combinaison est intégralement...

_ Amphibie ?

_ Non.

_ Ignifugée ?

_ Non.

_ Sur mesure ?

_ Certes, mais pas seulement.

_ Diurétique ?

_ Non.

_ Lavable à l'eau froide ?

_ Mais non voyons... en réalité, cette combinaison est cent pour cent...

_ Comestible ! Sherab croit avoir inventé la première tenue comestible.

_ Je ne t'avais pas entendue revenir, Shirim.

_ A quoi ça peut servir, hmm, lui seul peut savoir. À part à attirer les charognards...

_ Imagine-toi coincée dans une conduite, Ragobar. Tu serais bien heureuse d'avoir de quoi te nourrir sous la main.

_ Hmm... Oooh ! Pour faire quoi ? Prolonger l'agonie ?

_ Par exemple, oui. Mais je suppose que tu n'es pas en réalité venue déposer ces deux-là ici juste pour ironiser sur ma tenue devant eux.

_ Non. Non ! Ils sont mes nouvelles recrues. La petite a été titillée par le Canigard : elle a besoin de repos. Et, pour moi, je vais rendre visite aux personnes que tu sais. Je te confie ceux-là durant. Je te laisse aussi expliquer que tu ne sers pas juste à faire les inventions à l'utilité douteuse. À plus tard.

_ J'adore, non mais j'adore réellement quand on parle de moi comme si je n'étais pas là !! Tiens, je vais voir si notre handicapée s'est réveillée.



***



L'habitation n'était qu'une succession d'escaliers en colimaçon et de pièces superposées à la superficie ridicule : une sorte de tour à l'architecture irrégulière, presque aléatoire. Ainsi, le cinquième étage, où ils avaient dormi, était-il sans doute deux fois plus vaste que le quatrième et le sixième. Lors de la visite, ils constatèrent qu'il y régnait une forme d'anarchie organisée : l'entrée se trouvait au troisième étage, puis en descendant on trouvait successivement ce qu'on aurait pu appeler un salon - s'il n'y régnait un tel désordre -, une pièce servant à la toilette, et enfin une cave, remplie à ras-bord de bricoles dont l'utilité semblait échapper à la raison, mais surtout de poulpes, pressés les uns contre les autres dans une orgie de tentacules. En remontant, on trouvait un autre salon, où s'étaient retrouvés l'Equilibriste, Teurisse et leur hôte, une chambre d'amis - là encore, le terme était quelque peu usurpé - avec ses deux couchettes posées à même le sol, un atelier dont les murs regorgeaient d'outils qui évoquaient tout aussi bien le bricolage que la torture - l'odeur persistante semblait indiquer que c'était d'ailleurs ici qu'avait été conçue la fameuse combinaison en cuir de poulpe -, un second atelier, presque un laboratoire, où les étagères débordaient de tubes, d'éprouvettes et de décoctions de toutes les couleurs, mais aussi des herbes, des plantes en tout genres, des alambics et tout le matériel du parfait botaniste-chimiste-savant-fou.

Chaque pièce possédait une unique grande fenêtre à la vitre fumée, pour chacune d'elle d'une teinte différente, et l'intense lumière qui y pénétrait l'éclairait de cette couleur, dotant les étages d'ambiances particulières. La matière granuleuse de ces vitres empêchait de distinguer quoi que ce soit de l'extérieur. Heureusement pour eux, à l'inverse de la Guilde du Souvenir où il n'existait pas de moyen de cacher les aveuglants rayons de l'astre perpétuellement au zénith, les fenêtres possédaient d'épais rideaux noirs, ce qui leur avait permis de dormir plus paisiblement - en faisant abstraction du cauchemar de Lanza. L'accès au neuvième étage, et aux éventuels autres, situés plus haut, leur était barré par une grosse porte en bois cerclée d'un métal blanchâtre d'allure robuste. La visite s'y arrêta.

_ Et là-haut, y'a quoi ? Votre chambre ? Une salle de jeux ? Une salle d'opération ? La cuisine ?

Leur hôte, Sherab, appartenait à la même race d'escogriffes humanoïdes que l'Équilibriste : un Élongr. Il était plus grand et plus rachitique encore et ses foulées silencieuses enjambaient les marches de la tour six par six. Son expression était quant à elle correcte, comparée à la logorrhée plus rustique de l'Équilibriste.

_ En réalité, vous n'avez pas à le savoir pour l'instant. Mais qu'est-ce que vous appelez une cuisine ?

_ Heu... hé ben, la question n'est pas évidente. Je vais laisser parler une personne qualifiée : Lanza.

_ Merci de me donner la parole, crétin. Une cuisine, voyez, c'est juste l'endroit où vous préparez le repas, ce que vous allez manger.

_ Mais, en réalité, vous l'avez vu. Les poulpes sont stockés en bas.

_ Mais vous ne les préparez pas à part avant de les manger ?

_ Si. Nous les tuons.

_ Mais vous ne... bon, laissez tomber.

_ Et maintenant, on fait quoi ?

_ Moi, je sais pas si j'ai envie d'aller quelque part tant que ma cheville ne va pas mieux.

_ C'est vrai ça. C'est pas comme si tu t'étais tapée une quinzaine d'escaliers sans aucune aide.

_ Tiens, c'est vrai... 'm'en suis même pas rendue compte.

_ Shirim a de toute manière spécifié que vous deviez rester ici le temps qu'elle revienne.

_ C'est votre chef, non ?

_ Votre question est une hérésie ! Il ne peut y avoir de rapports de hiérarchie entre Élongrs. Nous sommes des artistes, des célestes. En réalité, seule importe la réputation. Plus le nom d'un des nôtres est cité dans la ville, plus grande est l'estime que nous lui portons. Chacun de nous possède un nom par lequel nous nous faisons connaître dans Tentaka. Shirim est la célèbre Équilibriste.

_ Et vous, c'est quoi ?

_ Pour ma part, on m'appelle l'Apothicaire.

Il les regarda d'un air conquérant à travers la cagoule qu'il portait, elle aussi en cuir de poulpe, courbant son corps élancé et arachnéen de deux mètres et demi pour se mettre au niveau de la tête de Teurisse. Le sourire qu'il devait arborer derrière le masque déformait la cagoule, laissant entrevoir un rictus dément.

_ Waw, c'est classe ! Et heu... ça veut dire quoi ?
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MessageSujet: Chapitre III.5   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeSam 20 Mar - 21:06

Chapitre III.5



_ Je me suis carrément fait bouffer la main par un lézard ? Hé, mais c'est ignoble ce que tu me fais subir dans tes rêves ! Inconsciemment, tu dois vraiment pas m'aimer.

_ Mais consciemment non plus, je te rassure ! De toute façon, tu m'agaces, t'arrêtes pas de m'interrompre pour balancer des conneries ; je te raconte pas la suite. Et, en plus, heu... si tu fais toute une histoire parce que tu t'es fait manger la main, tu risques vraiment pas d'apprécier ce qui se passe après.

_ Quoi ? Je me fais bouffer l'autre main !?

Malgré son détachement affiché, Lanza frissonna. Ce cauchemar avait été réellement terrifiant et elle avait pensé que le raconter à Teurisse l'aurait aidée à désamorcer la peur qu'elle continuait à ressentir. Tout leur était inconnu dans Tentaka et la frontière entre l'accablante réalité de leur situation et ses dérives oniriques était bien maigre. L'impossible avait lieu dans les rêves ; le problème, c'est que cela semblait la même chose ici. Tout paraissait si vrai... ou si faux. Teurisse se recoiffait béatement. Sa manière de tout tourner en dérision l'avait finalement exaspérée et dissuadée de continuer son récit.

Ils paressaient dans le salon du bas où les avait abandonnées leur hôte, qui était parti bricoler dans l'un de ses ateliers - il ne leur serait pas venu à l'esprit de demander quoi exactement -, assis dans des petits hamacs accrochés aux murs, en plein milieu d'un capharnaüm indescriptible.

_ T'en penses quoi de ce type ?

_ Celui qui m'a bouffé la main ? Je ne sais pas, franchement ; s'il avait faim, je peux le comprendre.

_ Mais non, crétin ! T'en penses quoi du Petit Caire ?

_ Comment tu prononces ?

_ Le Petit Caire... c'est pas ça ?

_ Mais nan, tu comprends rien à rien, ma pauvre : c'est l'Appétit Caire.

_ Mouais. Mouais, ça doit être ça. T'en penses quoi de sa...

Elle fut interrompue par des coups insistants à la porte de l'étage du dessus.

A peine avaient-ils précautionneusement remonté les quelques marches les en séparant que leur hôte était à l'entrée, scrutant par un petit interstice dans la porte l'apparence des visiteurs.

_ Qui est-ce ?

Une voix masculine entonna sans hésitation ce qui ressemblait à un quatrain de vilaine facture.

_ J'avais compté sur toi, mon amour, mon amie.
Pour garder mon poulpe, mais tu t'es assoupie.
N'ayant rien d'autre à faire, l'animal est resté.
Mais plus jamais confiance je ne peux t'accorder.


_ J'ai jamais entendu un code aussi ridicule, murmura Teurisse.

_ Veuillez attendre un instant, je vais chercher de quoi ouvrir.

Tout en parlant, l'Élongr faisait un signe de main insistant en direction des deux humains ; un signe qui signifiait la même chose quelle que soient la civilisation, la race ou les extravagances vestimentaires : dépêchez-vous de rappliquer, va y avoir du grabuge dans pas longtemps !

_ Oh oh, on dirait que c'est pas le bon code... Les sourcils du jeune homme s'était tordus en un masque affligé.

Le plus rapidement et le plus silencieusement qu'ils le purent, ils tentèrent de suivre leur hôte qui grimpait six par six les marches le séparant des étages supérieurs. Une fois arrivés au neuvième étage, la grande porte en bois était déjà ouverte. Ils s'engouffrèrent dans ce qui devait être la chambre de l'Apothicaire. À l'inverse du reste de l'édifice, la pièce était sombre et ne disposait d'aucune ouverture. Il y régnait une légère odeur de renfermé. Lanza soufflait.

_ Tu vas être rassuré, Teurisse. Ma cheville, je la sens à nouveau, et méchamment !

A l'entrée, on tambourinait violemment contre la porte.

_ Heu... il est passé où, l'Appétit Caire ?

_ Il a sans doute continué à monter. Faut qu'on se grouille : ça commence à bien s'énerver en bas.

Un étage plus haut, ils découvrirent une nouvelle salle éclairée à travers une vitre rose et dont les armoires regorgeaient d'organes contenus dans des bocaux. Deux cuves translucides qui renfermaient des animaux semblables à des crapauds flottant dans une gelée turquoise servaient probablement d'incubateurs. Étrangement, aucune odeur n'émanait de cette pièce. Et l'Apothicaire ne s'y trouvait pas plus que dans la précédente.

_ Je comprends un peu qu'il nous ait caché ça. Il voulait peut-être pas qu'on vomisse partout... Bon, eh ben apparemment, il est encore plus haut, y'a encore d'autres escaliers.

Sept étages plus bas, la porte semblait sur le point d'être défoncée, mais elle résistait. C'est en montant à nouveau les marches qu'ils se heurtèrent à leur hôte qui les dévalait en sens inverse, renversant Teurisse, qui percuta Lanza, qui s'étala deux mètres plus bas après avoir gracieusement dégringolé jusqu'à la pièces aux bocaux.

_ Dépêchez-vous donc ! De vous relever et d'aller vous mettre à l'abri là-haut. Je m'occupe de ça.

Sur ses avant-bras longilignes, il avait fixé deux petites machineries scintillantes, à l'évidence de sa conception, et faites du même métal blanchâtre que la porte de l'étage du dessous. A la ceinture, il avait, accroché, un petit bocal rempli d'une cinquantaine de billes vert pâle. Teurisse releva Lanza, dont la chute avait à nouveau sérieusement réveillé la douleur, et ils montèrent l'escalier menant à l'étage suivant, le onzième, une bibliothèque où la moitié des ouvrages semblaient tomber en poussière et où des parchemins jaunis et déchirés débordaient hors des vases prévus pour leur rangement. Peu pressée d'aboutir à son sommet, la tour présentait une alcôve qui menait à un nouvel escalier, tournant dans l'autre sens, celui-ci.

_ Si le suivant c'est pas le dernier, j'abandonne. J'ai l'impression que mon pied s'enfonce dans ma jambe à chaque pas que je fais un nouveau pas.

En bas, on entendait des piétinements furieux qui furent brusquement interrompus un son sourd et métallique. S'ensuivit un cri de douleur étouffé.

_ Bon, je veux bien faire un dernier effort, chuchota Lanza, des perles de sueur serpentant sur le côté de son cou.

Elle n'eut pas à le prolonger plus en avant car tout doute s'estompa après la montée de quelques nouvelles marches : ils étaient enfin arrivés tout en haut de l'édifice biscornu. Derrière une nouvelle porte, totalement taillée dans le métal cette fois et solidement installée, on entrait dans la plus grande pièce de la demeure de l'Apothicaire, dont le toit n'était qu'une toile noire tendue entre les murs et grossièrement fixée par des clous, la seule dont l'éclairage naturelle pénétrait par des ouvertures fines et verticales dans le bâtis, probablement pour observer la ville depuis ses hauteurs sans être vu ; une vigie en somme. Mais le lieu semblait aussi faire office d'armurerie. Sur trois râteliers reposaient des armes de toutes sortes, principalement des dagues et des poignards, quelques hachettes, ainsi que des lames plus rudimentaires. A part une rapière émoussée par le temps et l'usage, aucune ne dépassait le demi-mètre. Une petite caisse contenait une trentaine de fléchettes de petite taille et il y avait deux bocaux remplis de billes semblables à celui que leur hôte avait fixé à la hâte à sa ceinture. Dans l'un deux était planté un fin tube d'une matière végétale dont la destination était évidente : une sarbacane.

En bas, les bruits de chutes, de meubles et d'objets renversés avaient remplacés ceux des pas, et un nouveau râle, d'agonie celui-là, perça l'atmosphère électrique. Les humains en sursautèrent. Puis Teurisse se tourna vers Lanza, mimant un calme olympien.

_ As-tu remarqué qu'on se retrouvait systématiquement à en voir et en savoir à chaque beaucoup plus qu'on ne le devrait, dans des situations inextricables, à deux doigts de la mort, au mauvais endroit et au mauvais moment ?

_ Eh ben, soit, c'est parce que c'est le lot quotidien des héros...

_ Soit ?

_ Soit on n'a vraiment pas de chance.


Dernière édition par Unfresh Fish le Dim 21 Mar - 2:26, édité 1 fois
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MessageSujet: Chapitre III.6   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeDim 21 Mar - 2:25

Chapitre III.6



Le silence.

Cela faisait déjà plusieurs bonnes minutes que le vacarme s'était tu dans la maison-tour, ce qui paraissait infiniment long pour les deux humains blottis l'un contre l'autre, acculés au fond de la vigie. À peine percevaient-ils des sons vagues de la ville par les ouvertures dans les murs. Ils n'osaient esquisser un geste.

_ Tu...

Teurisse fixa le plafond, absorbé. Apparemment, les femmes semblaient ne pouvoir évacuer leur peur que par la parole.

_ Tu crois qu'ils sont tous morts ? Elle chuchotait.

_ De qui tu parles, déjà, en disant ils ?

_ Ben... l'Appétit Caire... et les autres mecs qui sont rentrés.

_ Comment tu sais qu'ils étaient plusieurs ?

_ Ça s'entendait, non ?

_ Je crois que t'as raison. Tu veux pas qu'on ferme la porte en attendant d'être sûrs ?

_ Si. Vas-y.

_ Non, toi, fais-le.

_ J'ai trop mal à ma cheville. Vaut mieux que j'évite de bouger. Fais-le, toi.

_ Ok, l'handicapée, tu me revaudras ça. Sois-en sûre.

Teurisse approcha sa main pour refermer la lourde porte vers l'intérieur quand celle-ci pivota dans le sens opposé. Les gonds grinçaient misérablement et le battant avançait vers eux à une vitesse désespérante : trop rapidement pour qu'ils puissent réfléchir à quoi que ce soit et trop lentement pour leur épargner la sensation désagréable que leur cœur allait imploser. Le regard fixé sur l'entrée, Lanza lança à l'aveugle son bras vers l'un des râteliers.


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MessageSujet: Chapitre III.7   Tentaka, Cité aux poulpes [Fin du Chapitre III] Icon_minitimeVen 2 Avr - 1:28

Chapitre III.7



_ Vous êtes tout le temps obligé de vous déplacer sans faire le moindre bruit ? On a failli mourir de peur avec Lanza. Qu'est-ce qui s'est passé en bas ?

_ Trois Dissidents ! Ils ne reconnaissent pas le pacte de Nécessaire Neutralité. On pensait qu'ils n'auraient jamais l'audace de s'en prendre à la guilde tant que les choses resteraient dans cet état avec les Régulateurs. Je dois avertir Razaeg, le Hurleur.

_ Heu ouais... bien entendu. Mais... comment dire... les dissidents dont vous nous parlez là, vous les avez... tués ?

_ En réalité, il a bien fallu que je me défende.

_ Je ne sais pas si j'ai réellement envie de descendre pour voir des cadavres baignant dans leur sang.

_ N'ayez crainte. D'une part, un Diseur doit pouvoir tout voir pour pouvoir tout rapporter. D'autre part, je fais toujours ça très proprement. Il faut filer. En réalité, Shirim comprendra toute seule ce qu'il est advenu.

Le regard de Lanza croisa les yeux de son compagnon d'infortune - toujours ? -, puis glissa vers les étranges gadgets dont étaient équipés les avant-bras de l'Apothicaire. Ils étaient prolongés par de petits tubes dont le diamètre correspondait à celle des billes des bocaux. Apparemment, les armes les plus dangereuses de la bâtisse n'étaient pas celles reposant sur les râteliers.



***



Le corps était complètement distendu, s'étirant dans la longueur jusqu'à l'absurde, ce qui lui donnait une allure famélique. Malgré cela la poitrine était étrangement gonflée, comme si tous les organes y étaient remonté, ou si l'air était entré sans pouvoir sortir. Les doigts des deux mains étaient crispés sur des boules imaginaires mais le spectacle le plus effrayant était sans nul doute celui qu'offrait le visage de l'infortuné. Les deux humains n'auraient su dire si la teinte verte qu'il arborait était naturelle mais il était certain que le liquide d'un noir d'encre qui continuait à sortir de la bouche, figée en une expression d'extrême douleur, recouvrant le contour des lèvres et le menton, n'était pas une coquetterie. Si l'œil gauche était révulsé, l'autre semblait avoir simplement explosé sous l'effet des toxines contenues dans les billes de l'Apothicaire. Juste au dessous de l'orbite vide, la peau se craquelait comme la terre sous l'effet d'une extrême aridité. Lanza eut un haut-le-cœur qui lui fit temporairement oublier que sa cheville la faisait souffrir. C'est au niveau du torse que la bille avait pénétré, creusant un trou net dans un gilet de cuir décoré avec sobriété, ce qui en expliquait sans doute l'étrange gonflement.

_ En réalité, j'en suis au troisième essai de formule pour mes Déssécheuses. Le résultat semble satisfaisant, vous ne trouvez pas ?

_ C'est pas le mot que j'aurais employé mais oui, elles ont l'air.

En descendant les autres étages jusqu'à celui de l'entrée, ils croisèrent les deux autres cadavres, l'un de la même race, à peau - certainement - verte, que l'autre, le second d'une toute autre espèce. De son vivant, c'est-à-dire avant que sa dépouille ne s'étire grossièrement à cause du poison, il devait s'agir d'un individu très trapu, dont la tête, dotée d'une gueule démesurée et ornée d'une quantité surréaliste de petites dents pointues, représentait au moins un tiers du corps. A l'inverse de ses acolytes, il n'était vêtu que d'une fine toge beige.

_ Je sais ce que vous pensez : il est étrange que les Dissidents recrutent chez ces bigots bornés de Sigamanes dont aucun n'a jamais fait parti des Régulateurs.

_ Ben oui, voilà, c'est justement ce qu'on se disait.

_ En réalité, je ne me l'explique pas non plus.

_ Pareil.

_ Sortons maintenant.
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