Apoplexie

Ce soir encor, les hommes, monstres de paresse
Marchent dans leur prison, scaphandre singulier,
Où leurs pas calfeutrés foulent avec rudesse
L’asphalte incandescent de leur taudis ruiné.

Ils traquent dans les cieux l’espoir azuréen,
Le salut, noble et pieux, d’une idole de cire,
Mais à travers les miasmes et les séraphins
C’est Satan qui se fend d’un tyrannique rire !

« Sois bénis, Tout Puissant, Rose Apocalyptique,
Qui d’une heureuse carte atrophie ton royaume !
L’hégémonie du cœur face à mes quatre piques
N’est qu’un maigre cantique hâlant quelque autre psaume ! »

A l’entente du Diable, sur le tapis vert
Ainsi qu’un crépuscule, un petit orphelin
Ecarte les jetons. Sur un ton de prière
Et telle une oraison, déclame-t-il, mutin :

« Le Seigneur a vendu vos âmes de pécheurs !
Neurasthéniques vies, sénescentes citées !
Conspiration divine, inéluctables pleurs ?
Vous êtes les victimes de la cécité !

« Ainsi se jouent de vous les puissances célestes,
Ecoutez le poète, il saura vous guider !
D’une strangulation, éliminez la messe,
D’une exsanguination, vous serez purifiés ! »

Sainte Marie mère de Dieu... :silent:

Cela me rend avide.

Citation :

« Le Seigneur a vendu vos âmes de pécheurs !
Neurasthéniques vies, sénescentes citées !
Conspiration divine, inéluctables pleurs ?
Vous êtes les victimes de la cécité !

Entre autre.

Superbe.

"Déclame-t-il" m'a gêné. Le texte est peu accessible à la première lecture mais soufflant à la seconde.

Soyons modeste, je me tais.

Oh oui...

Vous les voyez les étoiles dans mes yeux ?

Très emphatique, une certaine tendance à se montrer en faisant étalage d'une virtuosité lexicale et stylistique qui tendrait à primer l'auteur sur l'oeuvre. C'est un peu comme ces enfants qui s'evertuent à rendre leur propos le plus complexe possible pour bien montrer à leur professeur qu'ils connaissent leur leçon. Le texte est diaphane, malgré des tournures heureuses et une maîtrise tout à fait rare, sur Ter Aelis, des ficelles de la poétique.

J'ai écris ce texte à la suite d'une discution quelque peu agaçante avec un jeune chrétien. Le pauvre se persuadait d'avoir vu Jésus et prêchait encore et encore avec une assurance des plus déconcertantes. J'ai simplement voulu proposer une vision moins enchantée des institutions divines, en m'intéressant tant au méchant cornu qu'au Seigneur éclairé. Les hommes sont ici victimes de leur paresse et, faute de volonté propre, s'en remettent à des mains divines dont l'occupation première est de jouer la vie de leur sujets autour d'une table de pocker. Et tandis que les deux antagonistes se jouent de l'amour que peuvent lui porter certains, un enfant grimpe sur la table pour libérer la vérité. L'enfant représente ici le poète, lequel dévoile la réalité d'une simple prière. Si nous sommes crées par des dieux qui se désintéressent de nous, l'unique solution, la seule résistance, est de se suicider.

En réalité ce poème est loin d'être parfait. Outre les détails qui vous gênent - et qui n'engagent que vous -, de nombreuses fautes de versification montrent leur petite tête. Notez dans un premier temps l'imperfection du quatrième vers qui, par la mauvaise utilisation du mot "ruiné", déroge à la l'alexandrin. Étendez cette erreur à tous les vers dont un des mots termine par "tion" et vous aurez une vague idée de l'étendue des dégâts. En réalité, je n'ai pris connaissance des règles de versification relatives au latin qu'après l'écriture du poème. Irrumo me les avais délivrées un soir , sur msn. Goldmund aurait du voir que l'élève avait pourtant mal appris sa leçon.
Coquinou.

Tu cherches à décredibiliser mon commentaire en sous-entendant que je suis incapable d'en relever les fautes de versification, ce à quoi je pourrais répondre facilement en te proposant un corrigé en bonne et due forme de ce poème. Cela ne m'intéresse pas et je n'ai rien à prouver, il faudra me demander plus gentiment cette correction. Je signale tout de même qu'il n'est plus nécessaire au XXIe siècle de posséder un dictionnaire latin / français pour écrire de la poésie: diérèse ou synérèse, on a tendance à faire un peu comme on veut.

Ton explication, je le note et c'est intéressant je trouve, est elle aussi pleine d'emphase: te voici courroucé par la bêtise du petit chrétien, et le feu divin vient t'inspirer ce pamphlet énergique et puissant contre la bêtise humaine. Prétentieux, emphatique et creux dans la démarche comme dans l'écriture. Je commence généralement à me méfier de mon interlocuteur dès qu'il cherche à m'expliquer tout ce qu'il a voulu symboliser dans son oeuvre. Alors j'ai tenté lors de ma précédente intervention de nuancer le tableau en te complimentant sur ta maîtrise de la versification, une fois encore, moins foireuse que ce à quoi l'ont est habitué ici, mais je crois que je ne suis pas doué pour faire des compliments, et si j'en fais, cela se retourne contre moi. Les autres sont plus prudents et ils ont trouvé la solution: ne disons que des gentillesses, on sera sûr de pas se planter. Alors moi je le dis simplement et méchamment, parce qu'il est 1h30 du matin, que je fais une insomnie, que je déprime un peu, que je viens de découvrir grâce à Aligby une série britannique qui me fait pas mal cogiter, que je suis plus que jamais convaincu dans cet instant de la tragique complexité des choses: grandis, ce poème ne vaut rien. Le souci extrême du mot rare et de la phrase recherchée cache mal un manque terrible de fond, et donne à ton écriture l'allure d'un exercice de style avec tout ce que l'expression peut avoir de scolaire.

On t'a élu je crois espoir du futur poète aux awards de Ter Aelis: il faut dire que tout le monde trouve tout superbe et qu'il y a beaucoup d'awards à distribuer: alors quand on a un nom qui nous arrive tout cuit dans l'assiette - du genre Plumo fout la merde, Dounette est jolie et Kensei écrit de la poésie - tu penses bien, on se jette dessus, ça fait gagner une réponse et on n'y pense plus. A ta place je le prendrais mal.

Je n'arrive pas à dormir, c'est décidé, je vais regarder un naruto.

Je suis le premier étonné de ma nomination, je trouve les poèmes de Dayto bien mieux construits.
Quant à ta réponse, je la trouvais trop gentille, trop sucrée pour émaner de toi. J'ai été ton élève assez longtemps – mais si peu en vérité – pour être sûr de tes connaissances. Cependant, chacun de mes écrits reste dans un silence étonnant, que ce soit ici ou dans le plumier échencré, et je sais leur imperfection. Il fallait que je trouve un moyen de glaner quelques propos savants. Tant pis, je suis démasqué. Reconnaissons quand même le bien fondé de mon offense, car si je suis « courroucé par la bêtise du petit chrétien », tu l'es sans aucun doute de ma suffisance. Le « feu divin » t'auras donc inspiré tout autant que moi.
Quant à l'emphase, il ne fait aucun doute que je la manie mal. Il me semble avoir trouvé mon maître.


**j'espère qu'y' a un award d'la meilleure joute, il me l'faut çui là!**

En somme, j'ai droit à un "toi-même".

L'emphase doit être utilisée subtilement, sans quoi elle projette le lecteur hors du texte et l'amène malgré lui à poser un regard critique sur ce dernier. D'une manière générale, l'emphase est anti-moderne et vieillote: nous sommes dans le siècle de l'écrit bref, de la phrase incisive, de l'épuration du style et c'est aussi pourquoi je vous reproche très souvent d'écrire de la poésie comme on en écrivait au XIXe, romantique et post romantique - mais pas trop quand même - quand les poètes comme Lamartine pouvaient encore se permettre d'en faire des tonnes. Ma théorie est donc la suivante: vous avez de la poésie une image biaisée parce que vous ne connaissez de la poésie que ce que l'on vous en apprend à l'école. Beaucoup de choses se sont passé depuis Lamartine et nous avons aujourd'hui une approche beaucoup plus minimaliste de l'écrit: j'ai envie dire que le style "souffreteux" a laissé place au style "blasé", et qu'en conséquance, ton Poète et ta Rose Apocalyptique ne sont pas tout à fait dans le vent. Pour autant la simplicité n'est pas indissociable d'une certaine force d'impact: on dit beaucoup en disant peu, et je crois, certainement plus qu'en disant trop.

Mon conseil: plus de simplicité. Fais attention de ne pas pas perdre ta verve dans des lieux communs un peu faciles. Et pour rebondir sur ta dernière phrase, je déteste les joutes: je préfère quand tout le monde est d'accord avec moi, à plus forte raison quand je dis des trucs énormes ou quand je déballe à l'occasion d'un commentaire tous les maillons de ma vie sexuelle, avec d'autant plus de conviction qu'elle est en ce moment inexistante.

Je suis d'accord avec toi. Etrangement, ta réponse m'a fait me remettre en question quant à mon style. Un poème que j'ai rencontré sur un autre forum que tu m'avais conseillé m'est revenu en mémoire. Il commençait par "Ya marx à mes côtés qui fouille les poubelles", je ne pourrais pas le citer en entier, mais il m'avait marqué. Je me souviens que le mariage du classicisme et de la modernité avait enfanté un poème étonnant, léger, mais pourtant presque charismatique. Je crois que je vais me lancer dans le mouvement.
Merci du conseil.

Plutôt un vieux con pédophile. Et je n'y avais pas pensé, mais c'est vrai que le poème de Lilth que je commente dans le dernier numéro du journal offre un bon exemple de ce fameux "style épuré" ( ou "style à la Tacite" pour employer le vocabulaire de la critique littéraire).

Pourquoi vivre avec son temps ? Soit, on est surement très influencé par ce qu'on apprend dans le scolaire. Mais pourquoi, si l'on connait notre temps, ne peut on pas s'en démarquer ? Pourquoi est on obligé de faire comme les autres, si ce n'est pas notre vision de la chose ?

Je crois qu'il veut surtout dire : ne vis pas dans notre passé, ça n'est plus très original; disons que le style ancien a été vu et revu, et que d'ailleurs, des œuvres d'hier passeraient inaperçues aujourd'hui, il n'y a pas de création dans le fait de faire ce qui fut déjà fait. Ça ne veut pas dire qu'il te faille faire comme les autres.

Soit.

On fait toujours comme les autres. Plus ou moins consciemment, nous associons, englués dans tout un compendium de structures préconstruites qui commencent par la maitrise de la langue et se poursuivent durant le bulletin météo de TF1. Notre écriture est une réécriture, notre création est une composition. Il s'agit maintenant d'être apprécié, et il est vrai qu'un style correspondant à un retour à une esthétique plus ancienne a relativement peu de chance de peser pour quelque chose dans la création littéraire de son temps.