Evocation II

Shok

Au principe de rien laisser derrière, je tourne lentement la tête et le bus s'en va, tranquille poussière dans ma poussière. Au principe du vide, j'attends que le cube roule et s'enfonce dans le périphérique pour ne laisser que le vent et ses poussières.

Sur la balustrade, j'aime et j'entends, je sais et je devine: le langage des autres qui s'entrechoquent dans les portes battantes au loin ; les discours des voyageurs cachés dans leur voiture ; les promesses des uns et les cris des autres qui passent dans mon dos.

Puis j'ai cessé de regarder derrière moi, ni devant même. Le Monde s'enferme, se berce dans mes paupières, au lent souvenir. Agrippe le métal froid et me cède au vent, au bruit, à la poussière.

A cette poussière les mémoires froissées que je sais se déchirer encore sous le crissement de la plume.

Non.

Non Je ne sais plus ton odeur, ta voix ; ni ton accent, ni ton parfum. J'ai perdu ta possession, tes majuscules, ton nom. Non je ne sais plus le temps à deux, qu'on ne sait qu'ensemble et qui finit doucement par s'entoiler, s'alourdir et tomber, poussière, sur les traces de nos pas au coin d'une rue, au coin des larmes, au coin du temps qui s'endort.

Non.

Non il n'y a plus grand chose mais si je rouvre mes paupières, je sais. Le bruit, l'odeur, la ville qui frappe au cœur. Et qui entend encore tes pas dans les traînées de poudre et de souvenir.

Je ne te cherche plus, mais sûrement, je te retrouverai.

Quand les pas s'effaceront dans la nuit, si tu ne sais par où ils ont disparu, alors garde les yeux fermés. Parce qu'un jour, tu sauras. Un jour.

Si dans tes songes, tes yeux s'éveillent, regarde au dehors.
Et si à l'Ouest, tes yeux ne voient toujours rien, cherche en toi ce qui fut perdu.
Cherche en toi le bruit du vent et ses accords,
Amant doucereux de tes nuits émues.

Texte mélancolique où le voyageur n’a pas pris le train et se cramponne à ce qui le retient de tomber. N’est-ce pas le rôle d’une balustrade ?

Ce texte qui m’apparaît être un texte sur l’absence, a la particularité d’utiliser un moyen contradictoire mais efficace pour la mettre en avant : la répétition.

La répétition lexicale : Au principe, poussières, je ne sais plus, non, je sais. (A noter qu’en ces quelques mots, l’idée principale du texte est en place : Un principe de départ qui tombe ou ne laisse que poussières, la perte de repères, et la réaction qui conduit à la reprise des souvenirs jusqu’à l’espoir).

La reprise thématique : A chaque paragraphe, l’idée préalablement émise est reprise et détournée. C’est un enchaînement logique qui finit par se démonter lui-même.

Lorsque j’ai commencé la lecture, les répétitions m’ont gênée. Il me semblait que trop de poussière tuait la poussière. Pourtant, en y réfléchissant, ces répétitions apportent une lourdeur au texte qui est sans doute utile au climat souhaité.

Petites transformations qui m’apparaitraient nécessaires, à toi de voir :
-rajouter « ne » devant « rien » pour avoir : de ne rien laisser.
-dans le périphérique me gêne beaucoup. Le « dans » me semble très vilain. Que dirais-tu de « sur » ou « vers » ?

Je suis bien souvent très sensible à ta poésie mais j’aime aussi beaucoup quand tu laisses ta plume fluide écrire de la prose.

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