Fourberie

Puisqu'il faut repeupler ce forum, voici un premier poème. Ne plus y voir la dédicace, seulement juger le style.

Sépulcre de lumière aux reflets ombragés,
Calice de bêtise aux rêves disparus,
Je goûterai ton fer, mais n’y succomberai,
Tes yeux infernaux, jamais je n’aurai bu !
Tyran de la morale au sceptre nécrosé,
Un irritant brouillard entoure ta silhouette,
Le trône de la Mort sur lequel tu sieds
Laisse entrevoir un pan de ton pâle squelette.
Ignorant prétentieux aux fervents prosternés,
Le sceau du crépuscule a scellé ton retour !
Une chape de plomb, l’autre soir est tombée
Sur la blanche Colombe, égorgée par ta cour.
Audacieux démon, fiel de l’humanité,
Ta piteuse menace assigne l’indulgence,
Capricieux enfant, tu massacres tes jouets,
Car ton courroux n’a pas prise sur mon engeance !
Misérable cafard aux ailes déchirées,
Tu crois toucher l’étoile aux rayons infinis.
Détrompe-toi, sombreur, car même le rosée,
N’est pas à la hauteur de ton sabre terni !
N’ayez crainte en ce sot, ô savants éclairés !
Chaque être dans son ombre, arrosez de blancheur !
La mort ne voudrait pas, de ses bras, arracher,
Cet insinuant être à la vile lueur !
Fallacieuse chimère, hâbleur démérité,
Le livre des secrets, ce matin s’est ouvert !
Au chapitre des faux et des déshérités
Ton nom juxtaposait une parole amère.
Simulacre d’espoir, monstre de vanité,
Nous haïssons ta voix aux accents de folie !
Sur ton futur tombeau, je m’en irai graver
« Pantin de la nescience, apôtre des impies. »

Bonjour kensei. Pour ton plus grand bonheur, c'moi qui m'y colle :heart:

Je ferai simplement quelques remarques concernant la métrique. J'ai déjà un avis sur ta poésie, mais j'attends de lire une plus grande quantité de tes poèmes avant que de l'exprimer. Je t'expliquerai pourquoi en temps et en heures.

Dans l'ensemble, donc, la métrique est formellement régulière et coulante, hormis l'emploi peu heureux de quelques e caduques à l'hémistiche, ou dans un environnement un peu dépourvu de consonnes (du genre Chaque être dans son ombre, arrosez de blancheur ! ou Cet insinuant être à la vile lueur !), ainsi que deux petites erreurs d'étourderie:

*Tes yeux infernaux, jamais je n’aurai bu ! : 11 syllabes. Peut-être comptais-tu écrire: Dans tes yeux infernaux, jamais je n'aurai bu, un oubli de mot est si vite arrivé. En revanche, je verrais ici un conditionnel plutôt qu'un futur.
*Un irritant brouillard entoure ta silhouette: 13 syllabes. Comme quoi, il n'y a vraiment que la relecture d'un tiers qui permette de déceler toutes les petites maladresses de ce genre, notre musique intérieure, pendant l'écriture, outrepassant souvent ces foutus e caduques Tire la Langue

. Un irritant brouillard cerne ta silhouette, peut-être?

Deux petits bugs d'expression également:
*Détrompe-toi, sombreur, car même le rosée : J'veux bien qu'on soit en période de fêtes, mais faudrait voir à censurer la partie éthylée de ton inconscient, ça peut faire mauvais effet Très Heureux

*N’ayez crainte en ce sot, ô savants éclairés ! : Ce n'est pas très correct syntaxiquement parlant. On dira soit: N'ayez crainte, sans complément, soit Ne craignez pas avec complément et sans préposition. Ici, ça marche très bien: Ne craignez pas ce sot, ô savants éclairés!

Pour en rester à une analyse purement formelle, il y a beaucoup plus d'erreurs de métrique que Nef-tys n'en a signalé, et j'ajouterais que si la césure est le plus souvent respectée, quelques irrégularités sont venues se glisser dans le lot. De plus, ce qui me gêne foncièrement dans ce poème, c'est la réutilisation un brin systématique des vieux topoï poétiques: l’étoile aux rayons infinis c'est bien joli, mais ça ne va pas péter bien loin, de même que ô savants éclairés est un vilain pléonasme. J'ajouterais que ce genre de poésie un brin opaque dans laquelle on est censé comprendre par le feeling de quoi qu'tu causes, n'est pas vraiment ma tasse de thé.

Pour en venir au positif, à quelques rares exceptions près - dans le genre de cette allitération assez moche: Capricieux enfant, tu massacres tes jouets, / Car ton courroux n’a pas prise sur mon engeance ! - l'ensemble est mélodieux, le vocabulaire est riche, la langue relativement pure, je n'ai pas vu de fautes d'orthographe. Si je puis me permettre, certaines de tes invectives sont plutôt bien tournées, tu as le don de la phrase choque: on regrettera cependant un cruel manque d'originalité à ce niveau. Arracher les ailes du drosophile et faire une hécatombe de jouer pour enfant, c'est du réchauffé.

Je suis désolée mon bon Gold, mais il n'y a aucune autre erreur de métrique que celles que j'ai signalées, sauf, évidemment, si le bougre désirait faire de la poésie classique, en quel cas ses vers seraient bourrés d'erreurs, évidemment. Si l'on prend ses vers, dans l'absolu, non comme de véritables alexandrins classiques, mais comme des vers libres de 12 syllabes, c'est tout à fait correct.
Mais je sais que tu as Gautier dans le nez, mon doux Tire la Langue

EDIT pour comprendre: trois réponses pendant la rédaction de la mienne O__o

Arf! Malheureux que je suis! En effet, je retravaille tant mes textes que je ne lis malencontreusement plus ce que je vois écrit, mais ce que je sais écrit. C'est d'ailleurs pour cette ignoble raison que j'aime à partager mes textes avant leur publication.
En ce qui concerne tes critiques, je salue la justesse de ta réponse. La majorité des fautes sont des problèmes de copie, car je n'observe pas les même carrences dans ma page word (tu penses bien que je me suis empressé d'aller tout corriger).
En revanche, je ne peux que soutenir les premiers vers que tu attaques. "Cet insinuant être à la vile lueur !" J'aime cette atmosphère confinée, suffoquante.
Quant au rosé, je n'aime pas ça. Je préfère le champagne^^

Mephi:
C'est toi qui m'a appris la métrique en fait, je t'avais demandé des conseils à ce sujet en aeringor! Méchant personnage, c'est de toi d'où viennent les fautes! Tire la Langue

Le pléonasme est présent dans un but bien précis! Justement pour dissocier les pseudos savants des autres, car tous ne sont pas éclairés (en gros). Tout dépend, bien sûr, des définitions que nous donnons respectivement aux mots. Ne me prend pas non plus pour un petit collégien qui distribue ses rimes avec pour seule volonté un certain esthétisme. $Clin d\'Oeil$ Pour le reste, je sais le travail et la perfection qu'il faut pour te rassasier, je ne m'en sors donc pas si mal!

Enfin, il est vrai que je préviens le lecteur quant aux rapprochements possibles. Ce poème fut écrit dans des circonstances définies et il est peut-être imbécile de ma part de vouloir neutraliser l'ensemble pour éviter madame Censure.

PS: j'en oublais la politesse! Je vous remercie de vous être penché sur mon texte, peut-être pourriez vous en faire autant sur les autres, voire sur les prochains. J'aime votre plume venimeuse, que dis-je? Je l'adore! Encore, encore, encooooooooooooooooooooooore!!!

Si l'on s'en réfère aux critères classiques, le mètre n'est pas du tout régulier à l'intérieur des hémistiches, la césure est inégale et les accents toniques répartis au petit bonheur la chance. Ceci dit, pour des vers libres, la diérèse portant sur ce vers ne me serait pas naturellement venue à l'idée:

Citation :: Capricieux enfant, tu massacres tes jouets,

La diérèse n'intervient traditionnellement qu'après un groupe constitué d'une consonne et des lettres "l" ou "r", ce qui n'est pas le cas ici. Mais soit.

Edition: je me rends compte que je dis des âneries, mea culpa, je ne sais plus compter autrement que sur mes doigts. Il n'y a donc qu'un seul cas de diérèse en début de vers, et pas deux.

Goldmund a écrit:

Si l'on s'en réfère aux critères classiques, le mètre n'est pas du tout régulier à l'intérieur des hémistiches, la césure est inégale et les accents toniques répartis au petit bonheur la chance. Ceci dit, pour des vers libres, la diérèse portant sur ces deux vers ne me serait pas naturellement venue à l'idée:

Citation :: Fallacieuse chimère, hâbleur démérité,
(...)
Capricieux enfant, tu massacres tes jouets,

La diérèse n'intervient traditionnellement qu'après un groupe constitué d'une consonne et des lettres "l" ou "r", ce qui n'est pas le cas ici. Mais soit.

C'est bien ce que je te dis, qui t'a parlé de critères classiques? Je ne crois pas que quiconque ait, jusque là, prétendu élaborer un poème classique. Il me parait plus raisonnable de porter, par défaut, un regard moderne sur les vers qui rampent par ici dans la mesure où "classique" ne signifie plus grand chose depuis bien longtemps, et n'est finalement l'affaire, si l'on se penche avec attention sur l'histoire littéraire, que de trois ou quatre hurluberlus. Tu n'as pas assez bouffé de trimètre romantique, mon Goldmichet; il t'aurait scandé ton rap intérieur plus avantageusement. Je te dédicace, à cet occasion, un extrait de Rimbaud, et...

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants: je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir!

...ose donc spéculer qu'il a la métrique hasardeuse :heart:

Edit: Ravie que nous puissions t'être utile en une quelconque manière kensei =)

Pour ce qui est de la gangue classique, tu prêches un convaincu. Quant à Rimbaud, c'est vraiment le genre de poète qui me débecte - toutefois, ces quelques vers que tu nous as cité sont admirables, il faut bien de temps en temps que je cesse d'être de mauvaise foi.

En ce qui concerne toute cette versification, vous n'auriez pas des références de livre ou de sites explicatifs? Parce que même si j'avoue ne pas forcément vouloir m'inscrire dans un classissisme trop prononcé, ma culture et mes vers ne pourraient que mieux se porter sur un socle de culture plus solide, voire complexifié. J'ai toujours appris comme il se devait mes leçons de poésie, il apparaît cependant que l'on ne m'ait pas tout expliqué. N'est-ce pas tragique que de vouloir apprendre sans avoir de leçons? J'en lâcherais presque une larmounette sur l'épaule de mon chef (le rosé).

Si d'aventure nef' venait à s'en sentir le courage, nous pourrions rédiger tous deux une petite fiche récapitulative sur la versification et la soumettre à l'Académie littéraire dans l'Amphithéâtre.

Ô osmose goldumonefisesque \o/ Regarde ce que j'ai posté dans mon message précédent et dans un autre topic, mon choupignon! Tire la Langue