Préméditations – L {intermède}

Métro

Les portillons claquent sur le passage des voyageurs.

Moi, je suis l'œil de la bourrasque vivante comblant la galerie.
Savez-vous que si je m'arrête tous en font autant ? Et que c'est moi qui décide des notes de cet air inconnu que souffle Pan ? Les intervalles inégaux qui jalonnent mes crasseuses bornes humaines sont mon caprice ; l'insuccès de leur quête aussi. Je suis seul maître de l'affluence et des retards, des contrôles et des errances. L'humour facile et les considérations stériles : mes dialogues ; aucune improvisation. Mes deux doigts sont les cordes vocales de cet enfant braillard et, pour me faire face, la plus jolie des comédiennes.

Une injonction triviale, un rire, et elle carillonnerait d'obscène ; et je tendrais mes pions au chaos. Les rames voleraient et les corps s'encastreraient, sciés par la fée Turbine. Des cris, des distractions, alors qu'elle m'offrirait mon dû, grand ordonnateur des troglodytes mécanisés, sigillé calice. Une aimable apothéose de sang.

Croyez-vous que je le ferais ?
Non ; car je suis Tempérance, Miséricorde et Raison.

Boulot

Le bureau est un vaste bassin de machines à vide.

Il y a l'un, qui me craint atrocement depuis que, vulnérable, il m'a fait livraison de confidences, mon sourire complice pour arrhes ; puis rien en retour. Les intérêts de mon butin se monnayent chaque jour en de gratifiantes humiliations seulement perceptibles des pairs prédateurs.

J'étreins l'autre, l'hasardeux râteleur, la tarentule estropiée à la toile mal fichue qui, en fait de produire, troque depuis l'aube ses crédits d'honneur contre des tickets perdants. Il vit d'espoir du malentendu, de la passive pucelle ou d'une profitable apocalypse.

Je traverse le dernier, le spectre inaudible, qui ne doit son simulacre de substance qu'au sursis magnanime qui anima ma mécanique : mon obligé diablotin.

L

Un crachat menaçant s'échappe d'un goulot et l'écume vient hargneusement ricocher sur un bouchon dont la révolution a été entamée avec trop de hâte. L se recule ; pourtant sa main déjà trempée persiste à la suivre, éclabousse sa robe. Refermer la bouteille serait plus judicieux, oui, mais, maligne, elle choit délibérément, amorce une giration épileptique, dépose une pellicule humide et collante sur le haut de pieds découverts et finalement agonise dans son sang sucré. Une jambe en arrière, L s'est immobilisée, incrédule, fixant le cadavre de son Coca. Puis...

Puis, comme s'il s'agissait là du tour le plus dément qui ait été vu sur Terre, son rire vient carboniser l'atmosphère. Un éclat chaud, puissant et spontané, qui donne envie d'être heureux pour toujours. Ses amies insipides sont happées par ce rire cannibale, le décor fuyant est parcouru d'extravagantes distorsions là où l'air se sublime par son souffle ; quant à moi, je suis à l'intérieur d'L, en apnée dans ce tout matriciel, et je mords avidement chaque chose qui fait qu'L est L.

En lisant ces trois textes, j’ai bien compris chaque mot, chaque phrase. Pourtant, lorsque j’en ai achevé la lecture, je n’avais pas tout compris.
Le sens était là pourtant. C’est la raison qui n’y était pas.
Je pense que c’est cela. Ces textes ne sont pas raisonnables. Ils ressemblent à une explosion de sens, à un tableau de Picasso.
J’aime ne pas tout comprendre. J’aime la richesse des mots qui viennent caresser ou contrecarrer différemment ma lecture et laisser cette impression d’inconfort alors que je baigne dans le luxe.

C'est pourtant le premier qui est le plus marqué et celui que je préfère.

Ces textes me font penser à un auteur pour enfant nommé Claude Ponti qui crée des albums dont la lecture n'est pas simple ni unique mais que les enfants adorent car ils peuvent lire les textes autant de fois qu'ils le veulent, ils y découvrent toujours du nouveau et les dessins qui accompagnent l'écrit sont dans la même veine.

Je voudrais que UF crée les dessins ou les graph qu'il associerait à ses poèmes et je serais comblée.