[WIP] Le bon diable et le mauvais dieu

Chaudement emmitouflée dans sa couette, Alice mit du temps à émerger lorsque son alarme sonna. Une masse informe bougeait sur le lit deux places de cette chambre exiguë tandis qu’un bras filiforme venait d’en sortir rageusement. Ce dernier tâtonnait la table de chevet et cherchait visiblement à atteindre la source du bruit strident qui avait envahit la pièce quelques minutes auparavant. La propriétaire de ce membre supérieur avait de plus en plus de mal à se réveiller le matin et elle avait du opter pour une sonnerie particulièrement désagréable.

Alice ne se souvenait jamais de ses rêves, mais la jeune femme s’y sentait bien. Elle avait l’impression de se retrouver dans un monde où il lui était permis d’être elle-même. Où cette bête noire, celle que notre endormie avait en permanence le sentiment de couver, avait disparu. Cette entité imaginaire accompagnait Alice depuis sa tendre jeunesse, et il devenait de plus en plus dur de la rassurer et de la calmer.

Dans son univers onirique, Alice savait qu’il n’était pas nécessaire de penser à ses actes, qu’elle pouvait parler sans faire attention. Et cela l’allégeait d’un poids considérable ! Hélas, au petit matin, la réalité venait rapidement frapper à la porte de sa conscience, bien trop rapidement à son goût. Même la décoration de sa chambre qu’elle avait voulu sobre ne réussissait pas à l’aider à se lever du bon pied.

Maugréant doucement contre le son désagréable de son réveil, la jeune femme se leva péniblement et resta cinq bonnes minutes, assise, à contempler d’un regard vide le parquet de cette pièce à coucher. Reprenant ses esprits, Alice attrapa sa robe de chambre et la mit tout en se dirigeant vers la salle de bain, en faisant craquer le sol de son logement. La jeune adulte vivait dans une colocation mixte de cinq personnes, et il avait été promptement décidé d’adopter une certaine pudeur.

Arrivée devant la salle d’eau, elle ne put y entrer.

- Pierre, dépêche-toi, dans quinze minutes je dois être partie ! Et toi, tu devrais déjà être en route…, dit-elle en tambourinant à la porte à moulure de bois sur laquelle se dessinaient les lettres “Sal.e de ba.n”.

- Oui, oui. ça va, je sors ! lui répondit-il tandis qu’Alice l’entendait farfouiller hâtivement dans la pièce. Lorsque son colocataire sortit enfin, ce fut un jeune homme fatigué, les cheveux encore ébouriffés mais le regard toujours taquin qui s’écarta pour la laisser passer.

- La salle de bain de madame est servie, dit-il pour appuyer la révérence qu’il avait destiné à sa colocataire amusée . Ah et je me fais un café, tu en veux ?

- Oh oui, je veux bien. Merci, lui répondit alors la jeune femme souriante tandis que la porte se refermait sur un atmosphère embrumé.

Pierre se mit alors en action pour préparer le café. Il avait toujours particulièrement apprécié Alice et faisait tout ce qui était en son pouvoir pour lui plaire. Il nota toutefois qu'il lui arrivait occasionnellement de perdre tout intérêt pour sa voisine de chambre. Aussi inhabituel que cela lui paraissait, il ne s’en inquiétait pas : il suffisait qu’il voit cette femme inaccessible pour être à nouveau attiré par elle, même s’il ne se l’avouait pas consciemment. La simple relation amicale qu’ils avaient lui suffisait amplement.

Une fois douchée, Alice enfila une robe légère et verte et choisit ce cache coeur beige qu’elle aimait tant. Ne voulant pas changer d’avis, elle prépara de manière expéditive ses affaires, et se dirigea vers la cuisine tout en enfilant ses chaussures. Pressée par le temps, elle engloutit son café, se brûla la langue puis fit un signe de la main à Pierre et à deux de ses autres colocataires. Ils venaient de se réveiller et eurent à peine le temps d'apercevoir un nuée couleur olive sortir en trombe de cet appartement parisien qu’ils partageaient depuis bientôt une année.

Dans la rue, Alice marcha le plus vivement possible, tout en passant en revue le planning de sa journée. à son arrêt de bus habituel, la jeune femme remarqua une dame d’une soixantaine d’années qui semblait un peu perdue devant le plan des lignes.

- Bonjour, madame, vous avez besoin d’aide ? se sentit obligé de demander Alice.

- Oh, ma fille, merci ma fille. Je veux aller à gare de Lyon. Ga-re de Li-on, répéta-t-elle de peur de ne pas être comprise et en posant sa main sur le bras de sa sauveuse.

- Gare de Lyon ? Oh, c’est tout simple, il vous faut juste aller à cet arrêt. Et puis, vous ne pouvez pas vous tromper, il n’y a qu’un seul bus qui y passe, répondit la jeune femme. Vous voulez que je vous y accompagne ?

- Non, non, si c’est aussi simple, ça ira. Merci, ma fille, merci, je vais y aller alors ! Bonne journée et encore merci, conclut-elle en s’éloignant, un sourire aux lèvres.

En aidant cette femme, Alice avait laissé passer son bus. Son ombre tournait tout juste au coin de la rue et elle ragea d’être partie aussi tard de l’appartement. La jeune raleuse se justifiait et se congratulait tout de même en se disant qu’elle avait aidé une personne dans le besoin, au contraire de ses compatriotes. Elle rageait en pensant qu'ils n'avaient pas hésité une seconde avant de sauter dans le bus. Cette femme avait toujours mis un point d’honneur à prendre les bonnes décisions et se permettait souvent de juger ceux qui ne le faisait pas. Cela avait posé pas mal de problèmes avec des anciennes connaissances.

C’est à 8h07, à bout de souffle, qu’Alice poussa enfin la lourde porte de l’entrée secondaire du laboratoire d’analyses médicales où elle travaillait. On l’informa alors qu’un homme d’une quarantaine d’années était venu pour la rencontrer. Il disait s'appeler Olivier Troudeaux, ce qui n'évoquait rien à Alice.

Étrangement, la très observatrice Claire avait été incapable de le décrire physiquement. Alice s’étonna de cette visite, et préféra ne pas réagir aux sous-entendus de cette collègue amoureuse de potins diverses et variés. Connaissant Alice, la dénommée Claire choisit de ne pas insister. Elle avait appris à ses dépens qu’il ne fallait mieux pas l’embêter. Surtout ces derniers temps.

Face aux nombreuses tâches qu’Alice devait accomplir aujourd’hui, son mystérieux quêteur fut rapidement oublié tandis qu’elle se plongeait dans ses papiers. Ce n’est que lorsque la jeune employée se décida à aller déjeuner qu’Olivier Troudeaux réapparut.

Il demandait à la voir et proposait qu’ils aillent manger ensemble afin qu’il lui explique la raison de sa venue. Cet homme mûr au costume visiblement très usagé mais impeccable ne plaisait clairement pas à Alice. Toutefois, intriguée, elle supposa qu’il voulait la voir pour des raisons professionnelles, ce que la personne concernée ne contredit pas. Alice accepta donc de déjeuner en sa compagnie et proposa un agréable restaurant qu’elle connaissait bien.

En chemin, elle se força à garder la tête haute et à ne pas se perdre dans la contemplation du sol goudronné, parsemé de cadavres de patte à mâcher, qu’ils foulaient tout deux en silence.

Dans la salle à manger cosie, le serveur, les plaça à la petite table qu’Alice affectionnait particulièrement car elle lui permettait de pouvoir observer la rue et ses nombreux passants. Il leur tendit le menu puis s’en alla. La couverture vichy orange du menu était coordonnée avec le tablier des garçons et serveuses, ce qui avait toujours fait sourire la jeune femme.

- Je vous conseille le menu du jour, c’est toujours un délice, dit l’habituée à son interlocuteur.

Alice avait décidé de lui accorder une chance et de ne pas tenir compte de la mauvaise première impression qu’il lui avait renvoyé.

Celui-ci ne semblait pas particulièrement emballé par le bagel houmous-roquette qui était proposé, mais suivit Alice quand elle commanda deux menus du jour.

- Bien, et si nous commencions, Mademoiselle Charp …

- Madame Charpentier, Madame ! le coupa-t-elle, je vous rassure, je suis Femme depuis je suis née, Monsieur. Malgré son choix d’être diplomate, Alice n’ait pas put s’empêcher de reprendre Olivier pour le plaisir de pinailler.

- Oui, mais vous n’êtes pas mariée, non ?

- Je ne vous ai jamais informé de mon statut marital, si je ne m’abuse.

- Hum. Quoi qu’il en soit, Mademoiselle Charpentier, dit Olivier en appuyant le “mademoiselle”, je viens vous voir concernant un héritage familial auquel vous devez prétendre, et ce, le plus rapidement possible.

A ces mots, il se tut et attendit une réaction tout en regardant Alice droit dans les yeux.

- Un héritage familial ? Vous vous foutez de moi ? dit-elle, surprise par la fermeté de son propre ton. Elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi elle était si prompt à s'enflammer depuis quelques mois.

- D’abord, vous persistez à m’infantiliser avec votre mademoiselle, et ensuite vous me parlez d’héritage familial alors que mes parents, les seuls membres de ma famille de qui je peux hériter, sont en vie ? Vous m’êtes décidément très antipathique.

- Non, Mademoiselle, non, vous allez rester ici et m’écouter attentivement, dit-il impérativement en lui attrapant le bras pour que la jeune femme énervée ne se lève pas. Il plantait ses doigts dans son bras, et l’autorité de cet homme fit qu’Alice resta assise quand on leur apporta leurs appétissants plats.

Une fois le serveur parti, Alice serra les dents et intima à son interlocuteur de la laisser partir.

- Pas avant de vous avoir dit ce que je dois vous dire, dit-il pas très à l’aise.  Sa fermeté passée semblait faire place à une certaine peur qu’Alice ne comprenait pas. Il n’osait plus la regarder dans les yeux. Cela rappela à Alice un autre échange. Il y a deux semaines de cela, son patron l’avait convoqué dans son bureau parce qu’il n’avait pas été satisfait de son travail sur un dossier. Au fur et à mesure qu’il s’expliquait, Alice l’avait vu se décomposer devant elle. L’enguirlandée n’avait pourtant dit mot et c’était contentée de le regarder droit dans les yeux. Il avait fini par lui demander de sortir, le sujet étant alors clôt.

- Je n’ai aucune envie de vous écouter. Et si je hurle ici, moi, je serai tranquille et, vous, vous aurez des problèmes. Donc vous allez me laisser seule, à moins bien sûr que vous ne préfériez cette solution, Mondamoiseau Trou-du-cul…

Bien qu’Alice fût très surprise du vulgaire jeu de mots sur le nom de famille d’Olivier Troudeaux qu’elle venait tout juste de prononcer et par son ton ferme et menaçant, elle n’en laissa rien paraître. L’observant avec attention, celui-ci sembla la juger tout à fait capable de mettre ses menaces à exécution et il choisit de battre en retraite.

- Hum, je m’incline pour cette fois, mais je vous prie de lire cette lettre, dit-il en lui tendant un pli non fermé.

Avant de lui tendre cette lettre, il avait passé sa main dessus, comme s’il la caressait, et  Alice avait ressenti quelque chose de très bizarre. Comme s’il y avait transmis ses sentiments. Elle accepta tout de même l’enveloppe, qui fut aussitôt rangée dans son sac, avant de s’intéresser attentivement à son plat tandis que l’homme sortait du restaurant en enfilant son pardessus.

Le serveur s’approcha alors, déconcerté que son client parte sans manger ce qu’il avait commandé.

- ça va, Alice ? Il n’aimait pas le bagel ? ajouta ce jeune homme pour détendre l’atmosphère tendue qu’il percevait autour de sa cliente et amie.

- Non, Val, ce n’est pas ça, répondit celle-ci avec un sourire contrit. Par contre, je veux bien que tu emballes son menu, ça me fera mon dîner, avant mon cours du soir.

- Très bien, m’dame, je vous prépare tout ça ! répondit-il en souriant. ça se passe bien d’ailleurs tes cours ? La chiante de l’année dernière, elle est revenue  ?

Tout en discutant avec Valentin, Alice en oublia presque Olivier Troudeaux et elle repartit, rassasiée et relativement heureuse, du restaurant. Pendant le repas, elle avait eu le sentiment d’être prête à se jeter sur Olivier Troudeaux. Elle qui se voulait pacifiste, cela l’avait grandement consternée ; et déçue d’elle-même.

Le ciel de Paris commençant à s’assombrir d’une brume crépusculaire, Alice rentra tranquillement chez elle. L'ascenseur était une nouvelle fois en panne, ce qui eu le don d'agacer cette femme qui dû alors monter les neufs étages à pied.

Essoufflée, elle ouvrit enfin la porte de chez elle puis soupira d’aise. Il était toujours bon de se retrouver chez soi, au chaud, avec des personnes que l’on apprécie.

Sur le pas de la porte, une somptueuse odeur arriva aux narines d’Alice. Amiya était en effet de corvée de cuisine et elle leur préparait des lasagnes au potiron et au curry.

- Bonsoir, Alice. Comment vas-tu ? Je voulais juste savoir : tu manges avec nous ou pas ? demanda-t-elle.

- Non, désolée les gens, je ne mangerai pas avec vous ce soir. J’ai ce qu’il faut, dit-elle en pensant à son paquet dans son sac. Par contre, je veux bien prendre l’apéro, dit-elle en voyant Pédro et Alexandre boire une bière dans le salon tout en jouant au Yatzee. Ce jeu de dés était devenu l’occupation favorite de l’ensemble de la maisonnée. Curieusement, Alice y était très chanceuse, ce qui énervait inévitablement ses compagnons.

Après quelques parties auxquelles Amiya s’était greffée une fois les lasagnes mises dans le four, Alice s’isola dans sa chambre et la lettre qu’elle sortit de son sac réactiva le souvenir de son repas avec Olivier Toudeaux. Alice le revoyait justement prendre mollement son pardessus grisâtre en s’échappant du restaurant. Elle avait été étonnée de l’aspect dégradé de ce vêtement qui ne correspondait pas au caractère plutôt hautin et méprisant du personnage.

Bon, qu’est-ce qu’il peut bien me vouloir celui là ? se demanda-t-elle, méfiante, en dépliant la missive.

A la lecture de ce que la jeune femme considérait être un tissu d'aberrations, Alice ne put s'empêcher d’éclater de rire. Comment pouvait-il s’imaginer qu’elle goberait un seul de ces mots ? Très sérieux, il avait commencé sa lettre en annonçant à sa lectrice qu’elle était la réincarnation de ce qu’on appelait communément le diable. Rien que ça.

Il l’informait que la vision hindouiste des cycles de réincarnation et du fonctionnement des avatars divins pourrait éventuellement aider Alice à mieux comprendre cela. Ce mystérieux homme affirmait en effet que les différentes divinités arbitrairement identifiées à la mort, au Mal dans la pensée manichéenne n’étaient en réalité qu’une seule et même entité, incarnée tous les deux cent onze ans dans un nouveau corps. Incarnation qui a été par la suite conceptualisée et mystifiée par les individus rencontrés.

Cela avait donné naissance aux mythes que l’on connaît tels que le diable catholique, les divinités hindoues Shiva et Kali, les dieux égyptiens Anubis, Osiris, mais aussi Seth et même Maat, ou encore leurs homologues nordiques Loki, Hel et azthèques comme Mictlantecuhtli ou encore Tlaloc.

Olivier Troudeaux l’informait également qu’une autre personne, dans ce monde, était la réincarnation de ce que l’on pourrait identifier à tout ce qui est ordre, tradition ou Bien dans la religion manichéenne. Suite à leur rencontre de cette entité bénéfique, ou à la perception de sa présence, des êtres humains ont ensuite construit des mythes la mettant en scène au sein des panthéons divins existants.

Olivier citait notamment les divinités égyptiennes Isis et Horus, le dieu aztèque Quetzalcoatl, les divinités nordiques Taranis, Frigg, Týr ou Odin ou encore Brahma dans la religion hindoue.

L’auteur concluait son absurde courrier en précisant que les prédécesseurs d’Alice et de son homologue opposé n’étaient en réalité pas des divinités en tant que telles mais juste des créatures qui s’étaient données pour mission de régenter la vie des êtres humains après leur mort. Apparemment, ils aimaient également se faire appeler l’alpha et l’omega.

Olivier parlait de l'au-delà comme si c’était un fait acquis, que cela existait et qu’il n’était pas possible de le remettre en question. La jeune femme se demandait pourquoi elle continuait de lire cette lettre. C’était ridicule. Et pourtant, elle poursuivait.

Des obscures propos d’Olivier Troudeau, elle n’en retint seulement qu’elle, la simple - et humaine ! - Alice Charpentier, était soi-disant la réincarnation de cette personne malfaisante, ou diabolique dirait-on plus communément. En tant que nouvelle oméga, elle devait « accepter les responsabilités de cette filiation en reprenant dès maintenant la place qui lui était échue »...

Troublée, dubitative et ne sachant plus que faire de cette lettre, Alice la posa sur son bureau puis partie pour son cours du soir, auquel elle arriva en retard et qui ne la passionna pas.

Les jours qui suivirent, Alice ne pensa plus ni à l’homme étrange qui était venu la voir, ni à sa lettre. Elle avait repris le rythme normal de sa vie. Toutefois, elle se sentait différente. La jeune femme s’intéressait moins à ce qui s’y passait. Elle avait l’impression d’être distante, d’observer les évènements de l’extérieur. Comme si Alice jouait son propre rôle pour un public qui serait elle-même.

Elle s’expliquait ces sentiments par une soi-disante fatigue passagère. Si Alice s’était posée les bonnes questions, elle se serait rendue compte qu’elle dormait de plus en plus sereinement et que l’œuf sombre, qu’elle ressentait habituellement croître en elle, était moins présent à la surface de sa conscience. Son sentiment de malaise matinal s’était en effet amoindrit.

Naïvement, la jeune femme n’avait pas réalisé l’impact qu’avait eu la lettre d’Olivier Troudeaux sur elle. Pourtant, de nombreux autres signes auraient pu lui ouvrir les yeux. Notamment le simple fait que, la veille, elle ait emprunté à sa bibliothèque une analyse des similitudes entre les principales religions monothéistes et polythéistes.

Lovée sur le canapé de son appartement en cette journée fraîche mais ensoleillée, Alice était absorbée par le contenu de ce livre. Cette analyse lui paraissait passionnante, au même titre que les mythologies qui y étaient décrites.

Tandis qu’un rayon lumineux venait agréablement réchauffer son front, la jeune adulte semblait remonter très loin dans ses souvenirs. Alice  avait étudié, fut un temps, la mythologie gréco-romaine. Elle s’était également intéressée à la mythologie égyptienne lorsqu’une de ses anciennes amies avait décrété, six mois durant, qu’elle voulait être égyptologue. Toutefois, mis à part ces deux points, Alice n’avait qu’une connaissance générale des mythes. Ce livre lui offrait une nouvelle manière de les voir et la soi-disante oméga se surprit à s’y intéresser ardemment.

Ainsi, elle compris pourquoi certains dieux et certaines déesses cité.e.s par l’auteur de la fameuse missive à l’origine de sa lecture, étaient associé.e.s à l’oméga et non à l’alpha. Voir Maat ou Thaloc associé au Mal, l’avait fortement étonnée, mais elle réalisa que l’oméga n’était pas seulement associé à ce côté malfaisant, mais aussi à la nature, à l’anarchie, à la destruction et à la renaissance. A tout ce qui n’était pas l’alpha en réalité ; à savoir la justice implacable, la modernité, ou encore l'art.

Ce que la connaissance populaire croyait savoir des différentes mythologies et des divinités qui y évoluaient avait, lui semblait-il, été faussé par la mauvaise utilisation médiatique du moment. Certaines séries télévisées osaient notamment utiliser des notions manichéennes de bien et de mal et de salvation dans la religion égyptienne.

Absurde

A cette pensée, Alice se dit que ce qui l’aurait laissée indifférente quelques jours auparavant, la frustrait et l’énervait à présent au plus haut point. Elle se rendit également compte que sa vision de certains personnages mythologiques différait fortement de la vision qui était communément véhiculée. Ainsi, au contraire des grecs qui dénigraient la mesquine Clytemnestre, cette femme était pour Alice LA femme simple, intelligente, sûre d’elle, et surtout qui sait ce qu’elle veut et comment l’obtenir.

De même, la bouquineuse ne comprenait pas pourquoi Sekhmet était vu aussi négativement. Pour Alice, cette lionne divine représente la vie : puissante et incorruptible, elle peut à la fois prendre ce qu’elle a donné ou sauver des formes de vie. Tel le Nil ou encore le cycle menstruel féminin, cette déesse détruit et élimine avant de donner les moyens de reconstruire. Il n’y a pas de place aux débats, elle ne tergiverse pas, elle agit. Et de manière égalitaire. Cette divinité ambiguë séduisait tout particulièrement Alice.

Perdue dans ses pensées, l’avare lectrice n’entendit pas ses colocataires rentrer. Ils réussirent donc à la surprendre à tel point qu’elle tomba du canapé. Enhardis par ce premier succès, ils tentèrent de motiver Alice à venir avec eux sur les bords du canal de l’Ourcq où se tenait un festival automnale de musique. À force d’arguments, plus farfelus les uns que les autres, leur distante colocataire accepta - à contre coeur - de les accompagner.

En réalité, c’était Pierre qui avait insisté pour que le groupe de quatre invite leur cinquième comparse. Pédro et Amiya avaient failli partir sans Alice. Comme s’ils avaient oublié qu’elle existait. Pierre avait jugé cela vraiment étrange mais pensa qu’il avait du se passer quelque chose entre ces trois-là pour qu’ils ne pensent pas à l’inviter. On ne pouvait pas oublier quelqu’un aussi facilement ! Surtout pour un festival de musique auquel ils avaient l’habitude de se rendre tous ensemble depuis quelques années.

[à suivre]

Chaudement emmitouflée dans sa douce couette, Alice mit du temps à émerger lorsque son alarme sonna. Ces derniers temps, elle avait de plus en plus de mal à se réveiller le matin.

Elle ne se souvenait jamais de ses rêves, mais la jeune femme s’y sentait si bien. Elle avait l’impression de se retrouver dans un monde où il lui était permis d’être elle-même. Où cette bête noire, celle que notre endormie avait en permanence le sentiment de couver, avait disparu. Cette entité imaginaire accompagnait Alice depuis sa tendre jeunesse, et il devenait de plus en plus dur de la rassurer et la calmer.

Dans son univers onirique, Alice savait qu’il n’était pas nécessaire (il manque un mot) penser à ses actes, qu’elle pouvait parler sans faire attention. Et cela l’allégeait d’un poids considérable ! Hélas, au petit matin, la réalité venait rapidement frapper à la porte de sa conscience, bien trop rapidement à son goût.

Maugréant doucement contre le son désagréable de son réveil, la jeune femme se leva péniblement et resta cinq bonnes minutes, assise, à contempler d’un regard vide le sol de sa petite chambre. Reprenant ses esprits, Alice attrapa sa robe de chambre et la mit tout en se dirigeant vers la salle de bain. La jeune adulte vivait dans une colocation mixte de cinq personnes, et il avait été rapidement décidé d’adopter une certaine pudeur.

Arrivée devant la porte, Alice vit que celle-ci était fermée.

- Pierre, dépêche-toi, dans quinze minutes je dois être partie ! Et toi, tu devrais déjà être en route… (il manque une virgule) dit-elle en tambourinant à la porte de la salle d’eau.

- Oui, oui. Ça va, je sors ! lui répondit-il tandis qu’Alice l’entendait farfouiller rapidement dans la pièce.

Lorsque son colocataire sorti (sortit), c’est un jeune homme fatigué, les cheveux encore ébouriffés mais le regard toujours taquin qui en sorti (la phrase est mal construite et il ne devrait pas y avoir de présent ici). Il s’écarta alors en faisant une révérence à sa colocataire amusée pour la laisser passer.

- La salle de bain de madame est servie, dit-il pour appuyer sa révérence. Ah et je me fais un café, tu en veux ?

- Oh oui, je veux bien. Merci, lui fut alors répondu avec un sourire.

Une fois douchée, Alice enfila une petite robe verte (je suis certain qu'il y a suffisamment de nuances de vert pour éviter la répétition) et choisit ce cache cœur beige qu’elle aimait tant. Ne voulant pas changer d’avis, elle prépara rapidement ses affaires, et se dirigea vers la cuisine tout en enfilant ses chaussures. Pressée par le temps, elle englouti (engloutit) son café, se brûla la langue puis fit un signe de la main à Pierre et à deux de ses autres colocataires. Ils venaient de se réveiller et eurent à peine le temps d'apercevoir une robe verte sortir en trombe de cet appartement parisien qu’ils partageaient depuis bientôt une année.

Dans la rue, Alice marcha le plus rapidement possible, tout en passant en revue le planning de sa journée. Lorsqu’elle arriva à son arrêt de bus, la jeune femme remarqua une dame d’une soixantaine d’années qui semblait un peu perdue devant le plan des lignes de bus.

- Bonjour (il manque une virgule) madame, vous avez besoin d’aide ?

- Oh, ma fille, merci ma fille. Je veux aller à gare de Lyon. Ga-re de Li-on, répéta-t-elle de peur qu’Alice ne la comprenne pas et en posant sa main sur le bras de sa sauveuse.

- Gare de Lyon ? Oh, c’est tout simple, il vous faut juste prendre ce bus-là, c’est le plus simple. Et puis, vous ne pouvez pas vous tromper, il n’y a qu’un seul bus qui s’arrête à cet arrêt, répondit la jeune femme en lui montrant un arrêt un peu plus loin. Vous voulez que je vous y accompagne ?

- Non, non si c’est aussi simple, ça ira. Merci (il manque une virgule) ma fille, merci, je vais y aller alors ! Bonne journée et encore merci, conclut-elle en s’éloignant, un sourire aux lèvres.

En aidant cette femme, Alice avait laissé passer son bus. Son ombre tournait tout juste au coin de la rue et elle ragea d’être partie aussi tard de l’appartement. Elle allait encore être en retard.

C’est à 8h07, à bout de souffle, qu’Alice poussa enfin la porte du laboratoire d’analyses médicales où elle travaillait. On l’informa alors qu’un homme d’une quarantaine d’années était venu pour la rencontrer. Il disait s'appeler Olivier Troudeaux, ce qui ne disait rien à Alice.

Étrangement, la très observatrice Claire avait été incapable de le décrire physiquement. Alice s’étonna de cette visite, et préféra ne pas réagir aux sous-entendus de cette collègue amoureuse de potins diverses et variés.

Face aux nombreuses taches (tâches) que la jeune employée devait accomplir aujourd’hui, celle-ci oublia rapidement son mystérieux quêteur et se plongea dans ses papiers. Ce n’est que lorsqu’Alice se décida à aller déjeuner qu’Olivier Troudeaux réapparut.

Il demandait à la voir et proposait qu’ils aillent manger ensemble afin qu’il lui explique la raison de sa venue. Intriguée, Alice accepta et proposa un agréable restaurant végétarien qu’elle connaissait bien.

Dans la salle cosy, le serveur, les plaça à la petite table qu’Alice affectionnait particulièrement car elle lui permettait de pouvoir observer la rue et ses nombreux passants. Il leur tendit le menu puis s’en alla.

La couverture vichy orange du menu était coordonnée avec le tablier des garçons et serveuse, ce qui avait toujours fait sourire la jeune femme. Cela faisait trop réfléchi.

- Je vous conseille le menu du jour, c’est toujours un délice, dit l’habituée à son interlocuteur.

Alice ne faisait pas du tout confiance à cet homme qui se tenait devant elle, mais elle avait décidé de lui accorder une chance et de ne pas tenir compte de la mauvaise première impression qu’il lui avait renvoyé dès la première seconde de leur rencontre. (je suis sceptique, elle n'a pas confiance en un inconnu mais mange tout de même avec lui ? perso j'aurais refusé direct)

Celui-ci ne semblait pas particulièrement emballé par le bagel houmous-roquette qui était proposé, mais suivit Alice quand elle commanda deux menus du jour.

- Bien, et si nous commencions (il manque une virgule) Mademoiselle Charp …

- Madame Charpentier, Madame ! le coupa-t-elle, je vous rassure, je suis Femme depuis je suis née, Monsieur.

- Oui, mais vous n’êtes pas mariée, non ?

- Je ne vous aie (ai) jamais informé de mon statut marital, si je ne m’abuse.

- Hum. Quoi qu’il en soit, Mademoiselle Charpentier, dit Olivier en appuyant la mademoiselle (il faut encadrer le mot de guillemets français), je viens vous voir concernant un héritage familial auquel vous devez prétendre, et ce, le plus rapidement possible.

A ces mots, il se tut et attendit une réaction tout en regardant Alice droit dans les yeux.

- Un héritage familial ? Vous vous foutez de moi ? dit-elle, surprise par la fermeté de son propre ton. D’abord, vous persistez à m’infantiliser avec votre mademoiselle, et ensuite vous me parlez d’héritage familial alors que mes parents, les seuls membres de ma famille de qui je peux hériter, sont en vie ? Vous m’êtes décidément très antipathique.

- Non, Mademoiselle, non, vous allez rester ici et m’écouter attentivement, dit-il impérativement en lui attrapant le bras pour que la jeune femme, énervée, ne se lève pas. Il plantait ses doigts dans son bras, et l’autorité de cet homme fit qu’Alice resta assise quand on leur apporta leurs appétissants bagels.

Une fois le serveur parti, Alice serra les dents et intima à son interlocuteur de la laisser partir.

- Pas avant de vous avoir dit ce que je dois vous dire, dit-il pas très à l’aise.  Sa fermeté passée semblait laisser place à une certaine peur qu’Alice ne comprenait pas.

- Je n’ai aucune envie de vous écouter. Et si je hurle ici, moi, je serais (serai ; si + présent —> futur / si + passé —> conditionnel) tranquille et, vous, vous aurez des problèmes. Donc vous allez me laisser seule, à moins bien sûr que vous ne préfériez cette solution, Mondamoiseau Trou-du-cul…

Bien qu’Alice fût très surprise du vulgaire jeu de mot (mots) sur le nom de famille d’Olivier Troudeaux qu’elle venait tout juste de prononcer, elle n’en laissa rien paraître. L’observant avec attention, celui-ci sembla la juger tout à fait capable de mettre ses menaces à exécution et il choisit de battre en retraite.

- Hum, je m’incline pour cette fois, mais je vous prie de lire cette lettre pour la prochaine fois où nous nous verrons, dit-il en lui tendant un pli non fermé.

Avant de lui tendre cette lettre, il avait passé sa main dessus, comme s’il la caressait, et  Alice avait ressenti quelque chose de très bizarre. Comme s’il y avait transmis ses sentiments. Elle accepta tout de même l’enveloppe, qui fut rapidement rangée dans son sac, avant de s’intéresser attentivement à son plat tandis que l’homme sortait du restaurant en enfilant son pardessus.

Le serveur s’approcha alors, surpris que son client parte sans manger ce qu’il avait commandé.

- Ça va, Alice ? Il n’aimait pas le bagel ? ajouta ce jeune homme pour détendre l’atmosphère tendue qu’il percevait autour de sa cliente et amie.

- Non, Val, ce n’est pas ça, répondit celle-ci avec un sourire contrit. Par contre, je veux bien que tu emballes son menu, ça me fera mon dîner, avant mon cours du soir.

- Très bien, m’dame, je vous emballe tout ça ! répondit-il en souriant. Ça se passe bien d’ailleurs tes cours ? La chiante de l’année dernière, elle est revenue ?

Tout en discutant avec Valentin, Alice en oublia presque Olivier Troudeaux et elle repartit, rassasiée et heureuse, du restaurant.

Le ciel de Paris commençant à s’assombrir d’une brume crépusculaire, Alice rentra tranquillement chez elle. L'ascenseur étant une nouvelle fois en panne, elle montât (monta) les neufs étages à pied (pieds) et ouvrit la porte, essoufflée, puis soupira d’aise. Il était toujours bon de se retrouver chez soi, au chaud, avec des personnes que l’on apprécie.

Sur le pas de la porte, une somptueuse odeur arriva aux narines d’Alice. Amiya était en effet de corvée de cuisine et elle leur préparait des lasagnes au potiron et au curry.

- Bonjour (pas « Bonsoir » ?) (il manque une virgule) Alice. Comment vas-tu ? Je voulais juste savoir : tu manges avec nous ou pas ? demanda-t-elle.

- Non, désolée les gens, je ne mangerai pas avec vous ce soir. J’ai prévu de quoi manger avant de filer. Par contre, je veux bien prendre l’apéro, dit la colocataire en voyant Pédro et Alexandre boire une bière dans le salon tout en jouant au Yatzee. Ce jeu de dés était devenu LE jeu de la colocation, et ils y jouaient très régulièrement. Curieusement, Alice était très chanceuse à ce jeu, ce qui énervait au plus haut point ses compagnons.

Après quelques parties de Yatzee auxquelles Amiya s’était greffée une fois les lasagnes mises dans le four, la chanceuse joueuse alla dans sa chambre. Elle retrouva alors la lettre d’Olivier Toudeaux, qui lui revient en mémoire aussi rapidement qu’il en était parti.

Alice le revoyait prendre doucement son pardessus grisâtre et sortir du restaurant. Elle avait étonnée de l’aspect dégradé de ses vêtements qui ne correspondait pas à son caractère plutôt supérieur, hautin et méprisant.

« (il manque un espace) Bon, qu’est-ce qu’il peut bien me vouloir celui-là ? » se demanda-t-elle, méfiante en dépliant la missive. (pas besoin de cumuler guillemets et italique, le second seul suffit)

A la lecture de ce que la jeune femme considérait être un tissu d'aberrations, Alice ne put s'empêcher d’éclater de rire. Comment pouvait-il s’imaginer qu’elle goberait un seul de ces mots ? Il avait commencé sa lettre, très sérieusement, en annonçant à sa lectrice qu’elle était la réincarnation de ce qu’on appelait communément le diable. Rien que ça.

Il l’informait que la vision hindouiste des cycles de réincarnation et du fonctionnement des avatars divins pourrait éventuellement aider Alice à mieux comprendre cela. Ce mystérieux homme affirmait en effet que les différentes divinités arbitrairement identifiées à la mort, au mal dans la pensée manichéenne, à la nature, à l’anarchie, mais également à la justice implacable, la modernité, ou encore l'art n’étaient en réalité qu’une seule et même entité, incarnée tous les deux cent onze ans dans un corps différent. Incarnation qui a été par la suite conceptualisée et mystifiée par les individus rencontrés. Cela avait donné naissance à différents mythes tels que le diable catholique, les divinités hindoues Shiva et Kali, les dieux égyptiens Anubis, Osiris, Seth et même Maat, ou encore leurs homologues nordiques Loki, Hel et aztèques comme Mictlantecuhtli ou encore Tlaloc.

Olivier Troudeaux l’informait également qu’une autre personne, dans ce monde, était la réincarnation de ce que l’on pourrait identifier à tout ce qui est ordre, tradition ou bien dans la religion manichéenne. Suite à leur rencontre de l’alpha ou à la perception de sa présence, des êtres humains ont ensuite construits (construit) différents mythes mettant en scène des divinités plutôt bienfaitrices au sein des autres panthéons. Olivier cite (citait) notamment les divinités égyptiennes Isis et Horus, le dieu aztèque Quetzalcoatl, les divinités nordiques Taranis, Frigg, Týr, Odin ou encore Brahma dans la religion hindoue.

L’auteur concluait son absurde courrier en précisant que les prédécesseurs d’Alice et de son homologue opposé n’étaient en réalité pas des divinités en tant que telles mais juste des créatures qui s’étaient données pour mission de régenter la vie des êtres humains après leur mort.

Apparemment, ils aimaient également se faire appeler l’alpha et l’omega.

Olivier parlait de l'au-delà comme si c’était un fait acquis, que cela existait et qu’il n’était pas possible de remettre en question ce fait. La jeune femme se demandait pourquoi elle continuait de lire cette lettre. C’était ridicule. Et pourtant, elle poursuivait...

Des obscures (obscurs) propos d’Olivier Troudeau, elle n’en retint seulement qu’elle, la simple - et humaine ! - Alice Charpentier, était soi-disant la réincarnation de cette personne malfaisante, ou diabolique dirait-on plus communément. En tant que nouvelle oméga, elle devait « accepter les responsabilités de cette filiation en reprenant dès maintenant la place qui lui était échue ». Ce qui était parfaitement idiot, vous en conviendrez (peut-être faudrait-il éviter de prendre à partir le lecteur, surtout quand il se doute que le personnage sera bien l'oméga).

Troublée, dubitative et ne sachant plus que faire de cette lettre, Alice la posa sur son bureau puis partis (partie) pour son cours du soir.

Les jours qui suivirent, Alice ne pensa plus ni à l’homme étrange qui était venu la voir, ni à sa lettre. Elle avait repris le rythme normal de sa vie. Toutefois, elle se sentait différente : la jeune femme s’intéressait moins à ce qui s’y passait. Elle avait l’impression d’être distante, d’observer les évènements de l’extérieur. Comme si Alice jouait son propre rôle pour un public, qui serait elle-même.

Elle expliquait ces sentiments par la fatigue de ces derniers temps. Naïvement, la jeune femme ne s’était pas rendu (rendue) compte de l’impact qu’avait eu la lettre d’Olivier Troudeaux sur elle. Pourtant, de nombreux signes auraient pu lui ouvrir les yeux. Notamment le simple fait que, la veille, elle ait eu emprunté (ait emprunté) à sa bibliothèque une analyse des similitudes entre les différentes religions, monothéistes et polythéistes.

Lovée sur le canapé de son appartement en cette journée fraîche mais ensoleillée, Alice était absorbée par le contenu de ce livre. Cette analyse lui paraissait passionnante, au même titre que les différentes mythologies qui y étaient décrites.

La jeune adulte se souvenait avoir étudié, de loin, la mythologie gréco-romaine à l’école. Elle s’était également intéressée à la mythologie égyptienne lorsqu’une de ses anciennes amies avait décrété, six mois durant, qu’elle voulait être égyptologue. Toutefois, mis à part ces deux points, Alice n’avait qu’une connaissance générale des mythes. Ce livre lui offrait une nouvelle manière de les voir et la soi-disante oméga se surprit à s’y intéresser ardemment.

Alice avait également l’impression que ce qu’elle croyait savoir des différentes mythologies et des divinités qui y évoluaient avait été faussé par la mauvaise utilisation médiatique du moment. Certaines séries télévisées osaient notamment utiliser des notions manichéennes de bien et de mal et de salvation dans la religion égyptienne.

« Absurde » (pas de cumul guillemets-italique)

A cette pensée, Alice se dit que ce qui l’aurait laissée indifférente quelques jours auparavant, la frustrait et l’énervait à présent au plus haut point. Elle se rendit également compte que sa vision de certains personnages mythologiques différait fortement de la vision qui était communément véhiculée. Ainsi, au contraire des grecs qui dénigraient la mesquine Clytemnestre, cette femme était pour Alice LA femme simple, intelligente, sûre d’elle, et surtout qui sait ce qu’elle veut et comment l’obtenir.

De même, la bouquineuse ne comprenait pas pourquoi Sekhmet était vu (vue) aussi négativement. Pour Alice, cette lionne divine représente (représentait) la vie : puissante et incorruptible, elle peut (pouvait) à la fois prendre ce qu’elle a donné (avait donné) ou sauver des formes de vie. Tel le Nil ou encore le cycle menstruel féminin, cette déesse détruit (détruisait) et élimine (éliminait) avant de donner les moyens de reconstruire. Il n’y a (avait) pas de place aux débats, elle ne tergiverse (tergiversait) pas, elle agit (agissait). Et de manière égalitaire. Cette divinité ambiguë séduisait tout particulièrement Alice.

Perdue dans ses pensées, l’avare lectrice n’entendit pas ses colocataires rentrer. Ils réussirent donc à la surprendre à tel point qu’elle tomba du canapé. Enhardis par ce premier succès, ils tentèrent de motiver Alice à venir avec eux sur les bords du canal de l’Ourcq où se tenait un festival automnale de musique. À force d’arguments, plus farfelus les uns que les autres, leur distante colocataire accepta - à contre cœur - de les accompagner.