Ce texte est d’un bon niveau, du coup je me permets d’être « beaucoup » plus tatillon. Je suis un peu pressé par le temps, mais en gros, tu as une belle écriture, un vrai sens du rythme et de la narration. Ce qui coince, c’est que tu ne sais pas toujours gérer tes effets : tu vas trop vite, tu en fais trop, du coup tu deviens un peu théâtrale ce qui peut faire sortir ton lecteur du texte. Ton style est parfois précieux, empesé, il manque de « naturel » (avec toutes les guillemets du monde). Ton vocabulaire peut être trop conceptuel ou trop conventionnel. Je dirais qu’il faut que tu fasses plus simple à tous les niveaux et que tu te concentres sur l’essentiel : ce que tu racontes, ce que tu veux faire ressentir au lecteur. Plus de retenue, surtout au début.
- Citation :
- Je plonge mes mains entre les tiennes
Plonger « dans », plutôt que plonger « entre », si on veut respecter la cohérence métaphorique.
- Citation :
- serre aussi fort que je peux tes doigts blancs.
Sauf effet de style particulier, il faut vraiment éviter de supprimer le pronom personnel (j’ai dû me battre contre cette tendance que j’avais aussi). Ici, la suppression du sujet crée un léger effet d’accélération mais je ne sais pas s’il vaut le sentiment de « maladresse » qu’on peut éprouver en lisant la proposition.
- Citation :
- Voler ta chaleur une dernière fois. Je voudrais te posséder entièrement.
Sur le plan rythmique, c’est dommage d’avoir mis deux phrases brèves l’une à côté de l’autre : la première (« Voler ta chaleur une dernière fois ») perd tout de suite en énergie et en force d’impact, et c’est dommage, parce que le passage à l’infinitif (« voler ») était assez bien vu pour casser le fil du discours et nous projeter directement dans le magma de la pensée de ton personnage.
Autre point. Voler la chaleur de l’être que l’on aime ou que l’on tue, c’est quelque chose d’assez banal : ça ne veut pas dire que c’est inintéressant ou qu’il ne faut pas en parler, mais je dirais que l’idée est un tout petit peu décevante par rapport à l’importance que tu lui donnes dans l’économie du récit. C’est peut-être le verbe qu’il faudrait changer, trouver quelque chose de plus personnel que « voler ».
- Citation :
- Voir à travers le voile d'été de tes yeux, boire par tes lèvres roses.
L’idée est très belle (on se rapproche tellement d’une personne qu’on finit par « échanger sa place » avec elle), la formulation pourrait être affinée je pense : ce « boire par » n’est ni très joli ni très français, et l’image intéressante du « voile d’été de tes yeux » devient un peu comique à cause de l’allitération en occlusives (d, t).
- Citation :
- Je m'accroche à ta bouche du bout des cils.
Parfait.
- Citation :
- Je voudrais y plaquer la mienne, violer leur douceur
« Violer leur douceur » : c’est franchement bourrin. Ne va pas trop vite, pas trop de « gros » mots dès la troisième ligne, ménage une gradation ! Laisse le temps à ton lecteur d’adhérer au personnage et fais monter doucement la mayonnaise. Si tu y vas trop fort, tu deviens théâtrale et on se braque.
- Citation :
- Je me perds dans leur rondeur.
Très très bien. Ce mot de « rondeur » est intime, suggestif, surprenant ; beaucoup plus fort que tous ces grands mots que l’on connaît déjà par cœur (voler, violer, posséder, etc…).
- Citation :
- Je te veux comme un idéal brisé, une vision de l'ultime.
Un peu « conceptuelles » comme images, « l’idéal brisé » peut encore passer (parce que « briser » est un verbe assez subtil) mais « l’ultime » est trop théâtral pour moi. Encore une fois, ça manque un peu de retenu : on est encore que dans le premier paragraphe et ça parle déjà de la fin (l’ultime).
- Citation :
- savourant sa texture d'une caresse hésitante
C’est assez lourd. Le participe présent est lourd, rajouter un complément du nom derrière, c’est encore plus lourd, et coller un adjectif dérivé d’un participe présent dans ton complément, c’est trois fois lourd. Je trouve « savourer » trop fort, trop théâtral, pas cohérent avec l’idée de la « texture ».
- Citation :
- Tu soupires et je vibre. J'ai honte et je vibre.
Bon choix que ce verbe « vibrer ».
- Citation :
- Je voudrais te détruire pour mieux t'aimer.
Théâtral et cliché. Vraiment pas intéressant à lire.
- Citation :
- Je m'aventure plus loin, effleure la courbe de ton poignet.
Ca serait mieux là aussi avec le pronom personnel sujet : la phrase devient plus française et en prime le parallélisme fonctionne mieux, ça rend tout plus fluide. Bon choix le verbe « aventurer ».
- Citation :
- M'emparer de ce fourreau soyeux et m'y complaire jusqu'à l'indécence.
Je trouve ça précieux, ça manque de simplicité, ça manque de « sincérité ». Le "fourreau", dans le vocabulaire érotique, ça renvoie à la littérature libertine : c'est vieux de 300 ans et ce n'est plus tellement "audible" aujourd'hui.
- Citation :
- À ton tour tu fais crisser tes ongles entre mes boucles blondes qui se perdent sur tes joues.
Cette relative « qui se perdent sur tes joues » est vraiment lourde.
- Citation :
- Je veux toucher comme toi, respirer comme toi.
Le côté sympa de cette phrase, c’est moins le parallélisme qui est un peu convenu que l’idée d’employer les deux verbes de manière intransitive.
- Citation :
- Voir le Monde à travers le prisme de ton corps.
L’histoire du prisme, ça fait dissertation d’étudiant : fais plus simple ! Tu n’as pas à « prouver » que tu as des qualités d’écriture : on s’en rend compte dès le début, concentre toi sur ce que tu veux faire passer.
- Citation :
- Le sang pulse à ma veine, avide de te remplir, à travers cette unique empreinte que tu apposes à ma peau.
Pulser « dans » plutôt. C’est trop précieux : ce « avide » en apposition est cliché, l’image de l’empreinte que l’on appose est inutilement compliquée je trouve.
- Citation :
- Je sens ton regard qui pèse sur mes désirs interdits
Trop conceptuel ce « interdit », on perd toute l’émotion du début. Je crois que tu veux trop en dire en peu de mots, du coup il y a tout un tas d’implicites et de réflexions sous-jacentes (du type : je te désire mais je n’ai pas le droit) qui rendent ton récit confus et alourdissent ton écriture. Prends le temps de développer, ou bien fais des coupes et renonce à tout dire.
- Citation :
- Je suis foudroyée, mise à nue sur ce lit d'enfant où nous sommes allongées
C’est une scène saphique ? D’accord je comprends mieux le « fourreau soyeux » et l’absence de sexes masculins (contrairement au texte d’Aillas qui en était constellé et avait un petit côté « slasher movie »).
Le dernier paragraphe est le meilleur je trouve, je n’ai pas grand-chose à redire.