Fracas.

Je glisse, je glisse dans la perte de ma propre conscience. Je nage à la surface, brisant la vague des gens qui m'entourent et m'inondent.

L'espace immense autour de moi. La vie, affolée et urgente, qui se déploie dans un espace sans fin. Le souffle du vent dans mes cheveux qui brise le silence et le chaos de la ville. Le flot, ininterrompu, infini, des gens qui marchent, courent, rêvent et respirent. Et moi au milieu, comme un îlot étonné, perdu d'avoir trop dérivé.

Je glisse sans attache, ancrée vers le fond. Je bats furieusement l'air des pieds. Le ciel se perd lui aussi, au bout de mon esprit.

L'espace gigantesque qui m'entoure soudain. La réalisation de ce vide que les autres remplissent de bruits et de gestes vains. L'air autour de moi, comme une couverture effrayante, qui m'endort et m'inquiète. Dont les mailles immenses semblent lentement se resserrer, laisser leur dessin sur ma gorge apeurée. Poignets et chevilles liés. Et moi qui observe, sans savoir quoi faire de mon corps. Où déposer mon âme encombrante.

L'espace clos de mon esprit, enfermé sous ma peau étroite. Mes pensées qui s'agitent et se tendent hors de moi, avides. Cette envie insatiable de sortir de moi même, d'échapper à mon enveloppe comme on retire un costume de bal. Me mêler enfin à la foule. Jaillir hors de mon corps et l'abandonner là. Perte essentielle. Faire partie du tout.

L'espace tout entier qui se presse autour de moi. Tente de s'infiltrer sous mes ongles, de forcer le barrage de mes paupières. Abandonner la bataille de l'inconscient. Avec perte et fracas.

Une chose me chiffonne. C'est haché par la ponctuation et l'absence de phrases. C'est ce qui donne comme il est dit un peu plus haut l'impression de "lame de fond", comme une vague qui se brise sur une plage de sable fin. Le mouvement de l'eau n'est pas marquant et effectivement je dirais un rocher au milieu d'un ruisseau qui l'empêche de couler. Le lecteur se brise sur la ponctuation. C'est plutôt plaisant, mais à toi de voir l'impression que tu veux donner.

Moi, personnellement, j'aurais encore peuplé d'adjectifs pour donner cette impression de ressac, d'écume qui disparaît après s'être écrasé dans un flot ininterrompu de mots. Généralement je me fais taper sur les doigts quand je ne fais pas une phrase structurée, donc ce n'est pas moi qui jetterait un pavé dans la mare sur le sujet ! Ca me plaît mais au contraire je m'attends à encore un peu plus de cette violence sourde en surpeuplant de qualificatifs. J'aime beaucoup les erreurs de ponctuations. Je ne sais pas si elles sont volontaires mais à la lecture à voix haute, ça passe bien.

"Erreur" était inexacte dans mon commentaire. Mea culpa. Je parlais de "hachures" au début.

Voilà pourquoi je ressens ça. Tu utilises des phrases nominales (c'est à dire sans verbe) à plusieurs reprises. Stylistiquement, on utilise ce genre de procédé pour donner une impression de raccourci, de précipitation ou d’accélération. Dans un texte de type descriptif, ce genre de style renforce les adjectifs auxquels ils sont apposés (raison pour laquelle j'ai lu dans un commentaire qu'on trouvait les adjectifs trop "forts"). Donc c'est assez comme il est dit "tumultueux". J'use du mot "violence sourde" car je trouve que ce style est un tantinet "agressif" à voix haute.

Voilà un article qui évoque Diderot et la "phrase sans verbe", plutôt intéressant.

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Il suffit d'écrire "Diderot" ou "Sade" et hop Goldmund. Je pense qu'il fait une recherche avancée tous les jours sur le forum avec des mots clefs.