Depuis qu'elle avait découvert, lors d'un rêve inspiré par la terre elle même, l'antique morceau de tablette fragmentée, Dounette passait ses nuits à s'agiter, inquiète, fiévreuse.
Pour la cinquième fois cette nuit là, l'âme damnée se leva et s'approcha de la console sur laquelle reposait, soigneusement protégé de l'humidité par un tissu fin, le marbre prophétique. Comme elle aurait aimé ne jamais l'avoir découvert ! Comme elle aurait aimé que tout cela ne soit qu'un cauchemar, affreux, et que enfin, elle se réveille, pour retrouver la paix intérieure des jours heureux.
Mais non, songea t elle, en passant un doigt léger sur les fines nervures qui parcourait sa surface, la tablette était bien là. Inerte. Menaçante. Inexorable. La pénombre était épaisse, à cette heure profonde de la nuit, mais l'âme damnée n'avait point besoin de chandelle pour lire ce qu'elle connaissait par cœur. Quelques lignes, gravées à jamais...
"Moi, Sebasto Al'Cazer, grand prophète du Roi des Rois, dit : j'ai rêvé. Et mon rêve était plus sombre que le redoutable Fleuve des Milles Morts lui-même. Mon rêve était plus noir qu'un étalon des contrées du Sud. Mon rêve, enfin, n'était pas de mon temps. J'y ai vu la Destruction en personne se parer des traits les plus beaux et venir en des lieux enchanteurs où le Verbe et le Mot sont couronnés. J'y ai vu un homme en tuer des milliers. J'ai vu des Cités aux noms étranges comme Belthil, Echoriath, ou même Atalantë tomber et se tordre dans les flammes. J'ai vu, et je vous dis."