Ce soir, pas d’artifices, pas de préparation, je débranche mon cerveau et j’écris avec le cœur. Ce qui sera écris, bien ou mal, ne sera pas retouché. Pardon, mais j’ai trop mal. Au cœur, justement. Enfin, quand je dis au cœur, c’est une expression galvaudée car en vérité c’est tout mon corps qui est comprimé. Depuis deux jours, à peine ; fameuse soirée que la dernière ! J’allais bien, mais tout est arrivé d’un coup. C’est tellement idiot, si vous saviez... Mais vous ne saurez pas. Peu importent les raisons, après tout, ce qui m’intéresse ce soir, c’est cet état de fébrilité qui me tient éveillé devant mon ordi alors que je bosse demain matin. Mais demain, il sera trop tard, le boulot m’aura de nouveau englouti, et je ne pourrai plus écrire ceci –est-ce si grave ? Oui –. Déjà, la radio en boucle qui –je crois –est censée me faire oublier commence à faire son œuvre. Je veux l’éteindre, mais j’ai peur. Ce soir, j’ai peur du vide.
Le cafard me prend.
L’air est devenu lourd, et respirer m’est plus difficile, plus pesant ; devoir dormir me fatigue ; même l’idée de manger m’est insupportable, chaque bouchée prolongerait un peu plus mon calvaire. Calvaire, tsss, faut vraiment avoir une vie fade pour appeler ça un calvaire... C’est pas grave, j’ai commencé, je finis. D’ailleurs je vais déjà mieux. Bon, j’ai toujours cet espèce de chamboulement permanent aux entrailles, mais je souris. La radio. J’ai menti. Rebelote. A peine je me sors du premier gros mensonge de ma vie, que je replonge dans un autre. C’est rare que je mente réellement, en dehors des blagues, et c’est encore plus rare que je mente sur des sujets importants, mais là, je n’ai pas pu... La lâcheté est tellement plus facile. C’est la deuxième fois que je m’y abaisse, et ça fait toujours aussi mal. Au crâne, me semble-t-il. Et c’est la même personne en plus. Il n’y a pas que le sort qui s’acharne. Je commence à distinguer les miasmes d’un adolescent attardé, je sens que je vais bientôt m’arrêter. Le bonheur tient à pas grand-chose –tout comme le malheur, en fait. Je ne sais pas ce que c’est au juste que ce « heur », mais qu’il soit bon ou mal, il ne dure jamais très longtemps. C’est sûrement mieux ainsi, je ne vivrai pas très longtemps dans cet état. Juste ce soir. Même cette espèce de répétition de « ce soir » ne m’amuse plus. Ecrire ne m’amuse plus (un peu quand même, visiblement). Et puis ce récit aussi devient trop long pour ce que c’est, je pense avoir écrit ce que j’ai sur le cœur. En fait, ça ne fait pas vraiment du bien, on verra quand j’éteindrai. Cette soirée me gave, je vais de suite l’abréger.
Une dernière chose : Je regrette d’avoir tiré la tronche à l’anniversaire de mon père. Ses 60 ans. Je crois qu’il a pris un coup –à ce qu’il m’a dit- de vieux, s’entend. Il avait besoin d’humour, comme on le fait souvent, mais aujourd’hui je n’ai fait que suivre. Et lui aussi. Etrange journée. Savoir qu’il a le même cafard que moi (il n’y en a qu’un), me rend triste. C’est pire. Cette soirée en demie teinte devient une soirée en demie teinte terne.
Je l’abrège.