Etape n°1 -
Je passe la main dans ma barbe naissantePour commencer j'osculte, je décortique et je compte. Je compte les fautes, je regarde les torts et je constate les maladresses. Patiemment je fais un inventaire digne d'un magasinier de toutes les bévues, mêmes les plus infimes, qui parsèment le texte. C'est un travail de longue haleine et un labeur qui ne se tient que par la note finale de trouvaille acerbe d'une proportion qui me valorise.
Mais certaines fautes en sont-elles vraiment? Est ce que je ne pêche pas par abus de zèle à force de passer et de repasser. Est ce que je ne taille pas des choses qui devraient rester hirsutes?
Il y a sans doute des questions à se poser à ce sujet.
Etape n°2 -
La mousse à raser rend ma peau docile et prête à la suiteLa déshumanisation de la critique et du débat est quelque chose qui tend à se généraliser, je lance des piques avec violence et j'aseptise de tout sentiment les mots que je prononce. Ma langue est acerbe, mais pas autant que mon ton. Tout simplement parce que le gant de velours a quitté la main de fer.
Je zappe ostensiblement les préliminaires et les fluides graisseux et glucosés pour étaler un savon analytique dépourvu de toute sensation émotionnelle. Je lance la balle à mon camarade critique qui la lance au prochain critique pour finalement que le dernier renvoie le boulet sur le destinataire -campeur aguerri ou passant courageux- qui pâtira d'avoir élevé autre objection.
Il y a là aussi des questions à se poser. Pouvons-nous vraiment faire comme si nos interlocuteurs étaient de pierre? Pouvons nous avoir cette attitude machinalement outillère qui empêche la pilule de passer. Pourquoi se passer du verre d'eau qui pourrait être tendu avec une facilité toute acquise. J'abhorre l'humain qui déshumanise.
Etape n°3 -
Je sens chacune des lames enlever plus de matière que la précédente, me laissant totalement nuLa rhétorique se veut pleine et organisée. Dans cette organisation se trouve plusieurs éléments. Dans ces éléments se trouve le tact. Dans ces éléments se trouve la modulation. Mais je passe outre cela, je tranche dans le vif et en retire à la main ce que je pourrais prendre avec des gants, tant pis si ça saigne et si ça éclabousse, j'ai le fleuron des scalpels entre les mains et cela fait de moi une critique sur laquelle il faut penser.
Rebondir. Voilà mon maître mot. Je saute l'obstacle et y accroche une corde. Corde dont je sais qu'elle sera utilisée par celui qui me suit, puisque je me sais suivi. Une fois ma descendance assurée, je peux assurer ma condescendance et emplir de ma raison les univers ahuris.
Être plusieurs ne donne pas le droit de trancher sur un sujet, et encore moins celui de décider de ce qui doit être.
- Citation :
- Muss es sein, es muss sein
Cela doit cesser. Autant la critique est constructive, autant la création de forteresses de pensées est aussi dépourvue de sincérité que la volonté première de faire changer les esprits. J'en appelle à la conception du débat pour expliquer que décider tel Dieu le père n'est à la portée de personne ici. Ne vous y essayez donc pas.