[Background] -o0 [ Elva Corp. ] 0o-

Première séquence.

La nuit vient de tomber.

Bip.

Bip. Bip.

Une piaule glauque dans le sub-quartier de l'Alaskan Way. Les bagnoles passent par centaines au dessus toutes les minutes, dans un vacarme assourdissant. Un écran plasma dernière génération, un lit design en bordel. Des piles de vêtements qui traînent et cette putain d'odeur de sueur. Ca schlingue. En plus tout vibre dans l'appart'. Le plafond s'effrite continuellement. Les vieux montants en ferraille ne tarderont certainement pas à céder et le neon qui sert d'éclairage frémit...

Banlieue de merde.

Vie de merde.

Elle. Lovée dans son canapé, branche son datajack - connexion neurale instantannée - drogue matricielle, le rêve des puces paradiz. Elle est déjà loin. Loin de cette vie merdique, dans un endroit où son mec ne ronfle pas endormi devant le dernier match des Sonics dans la Keyarena... Elle est une superstar du X, une chanteuse à la mode Transtech de Seattle, Elle... Les molécules de son corps s'agitent sous les effets pervers des stimulants neuronaux. Un millimètre carré de circuit imprimé qui injecte ces douces sensations. Le bonheur de se sentir une autre. Il suffirait d'augmenter les doses pour rester perchée. Là haut, dans une illusoire représentation informatique...

Elle met en route sa scène favorite en effleurant de la pensée le menu qui lui est proposé. Oui. Elle va ressentir ces impressions d'amour, ses aspirations de gamine; toutes les molécules de son corps à l'unisson vers l'ennivrement. Le délice du nirvana. Elle se revoit dans les herbes hautes avec son premier amant. Il est doué - mais irréel - somme de lignes mathématiques. L'effet ravageur. Chaque particule, chaque synapse brillent de milles feux, générant les hormones du plaisir. Elle bouillonne. Elle jouit en vivant son rêve éveillé. Elle module ses propres souvenirs vers l'espérance. Elle domine, pleine de convictions. Elle est Dieu, pouvant revivre à l'infini ses émotions passées. Elle est Dieu pouvant s'inventer un futur sensible. Elle sent la chair nue de son amant sous ses mains, en ses reins. Elle le caresse. Elle le veut. Elle. Elle... Toujours Elle.

Une simple petite puce.

Elle part dans le trip' pré-enregistré.

Elle part...

Bip.

Bip. Bip.

Encore une heure avant d'aller bosser chez M.

18 Décembre 2075,
Match des Sonics de Seattle - Keyarena

" Si vous nous rejoignez, soyez les bienvenus sur l'antenne de Ne0sport pour une soirée d'anthologie ! Au coeur de l'antre des Sonics de Seattle, la Keyarena, LE match pour la main mise en ce début de championnat sur le haut du tableau. Les Sparks n'ont qu'à bien s'tenir face à la nouvelle star des Supersonics, j'ai bien dit Matthew Mayer's ! Son transfert pour 800 millions de dollars a dépassé les espérances du petit club de la banlieue d'Alki Beach et désormais le grand blacky comme on l'appelle ici, a réalisé les meilleurs statistiques de la confédération ouest depuis plus de 10 ans ! En ce moment même les joueurs s'échauffent sur le parquet et une petite démonstration des BlueMGirls va avoir lieu. Ah qu'on aime leurs petites jupettes et leurs tatouages mouvants. De vé-ri-tables oeuvres d'art ! Mais en attendant le début de la rencontre, et cette unique démonstration rarissime en dehors des salles privées de concert, une petite page de pub. On se rejoint dans quelques minutes et je cèderais bien entendu la place à vos commentateurs favoris, j'ai bien dit, Dick et Pick ! A vous les studios ! "

Sarpédon...

Perdu dans ses pensées.

Il dévisage le minoi d'une des huit danseuses des BlueMGirls. Une figure mince, presque maigre, des yeux forme noisette, bleus turquoises. Son tatouage en forme de paon, de ses plumes aux yeux multiples, paraît se mouvoir chaotiquement sur son visage. Jeu captivant que de scruter les mouvements ératiques de l'animal qui ne mesure pas plus de quelques centimètres sur ce visage. Le corps est exquis, mais le temps presse. L'amusement bientôt viendra... Il enregistre. Il règle son cyberoptique avec une précision chirurgicale - zoom X30 - antiflash, lumière tungstène à 3200 Kelvins. Il ressent le léger arc électrique des joules qui réchauffent la partie droite de son cerveau. Cette douce chaleur des sources de lumière. Il désactive les fluorescents pour prendre une première photo. Le spectre visuel vire pourtant au verdâtre, le film lumière du jour sans doute. Il arrange et ajuste. Second cliché. Il guette le moindre mouvement. Il épie l'infinitésimal trouble dans la pupille de la gamine.

Rien.

17 ? 18 ans ? 19 tout au plus.

Sarpédon, canal Dodone sur #ice-TRE916
Communication autorisée.

Le canal s'ouvre sur son optique. D'un battement de cil rapide il accepte la connexion, éteint le son, cryptage DMT degré élevé. Analyse rapide des flux entrants et sortants. Aucune tentative d'interceptions des données. Sécurité au maximum. Le toutou matriciel veille.

[ Sarpédon ] : Où en êtes vous ?

Les nervures des synapses répondent en tapotant sur le clavier virtuel.

[ Héraclite ] : Les clichés sont sur puce. Je vous les transmet ce soir ainsi que le dossier de cette connasse. Elle n'aura pas le choix. Et dire que ça fait déjà 5 minutes que j'aurais pu lui faire sauter la cervelle.

Sa paupière tressaille. Sa neuroreflex-interface s'active. Il envoie quelques impulsions pour repositionner ses variables de stress. Perfusion chimique de relaxant. Tout redevient net sur l'optique.

[ Sarpédon ] : Du calme, panta rei.

[ Héraclite ] : Je sais, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Elle est à nous ou elle ne sera pas. Mais j'aime cisailler.

[ Sarpédon ] : Je sais. J'attends tes informations pour 20 h 00. Fin de communication.

Le canal se ferme, contres-mesure désactivées, les robots matriciels se rendorment. Clé de cryptage détruite. Aucune détection signalée dans la zone. Il adoucit la lumière de ses optiques, diminue la sécurité.

Antenne dans 3 secondes !

Upload en direction de Parménide.

Antenne dans 2 secondes !

Transmission des fausses informations sur link semi-privé avec cryptage merdique.

Antenne dans 1 seconde !

Interception de la communication par les sbires de Psytech.

ANTENNE !

La bombe matricielle est lancée.

Votre pétasse va disparaître, mais vous ne le saurez que trop tard putain de corporatistes.

" Nous revoici donc en direct du Keyarena où vous pouvez voir ces délicates danseuses bouger leurs corps à la manière des antiques déesses. L'ondulation des charmes féminins avant le début de cette rencontre électrique. L'ambiance est chaude mesdames et messieurs, ça monte, ça monte ! Et la démonstration ne semble pas déplaire aux joueurs. Je laisse donc la parole à Dick & Pick - à vous mes amis ! "

La grâce d'une Belle.

Dommage.

Seconde séquence.

Une electrolocomotive fait trembler la pièce. Quelques bouts de metaloplaquo continuent de se désagréger et tombent sur son visage. Elle se réveille, un sourire béat aux lèvres. Faire l'amour avec quelques millimètres carrés d'électronique n'est pas donné à tout le monde. Elle reprend peu à peu ses esprits, ce dur retour à la réalité. Des cernes de plusieurs centimètres, son anorexie, la fatigue, l'abattement reprennent leur place - son job. 17 ans et déjà junkie. Elle joue de ses doigts frêles avec son tatouage qui se balade sur son épaule. Elle l'observe, il la scrute. De ses yeux turquoises elle constate l'ampleur du massacre dans son appartement.

L'évier est bouché. Ca pue les relents d'égoûts. Une odeur de sperme sur le canapé ne fait que s'ajouter à la puanteur ambiante. Le néon claque enfin et cesse de vibrer. Le noir, sans silence, sans cesse les bruits extérieurs et le téléviseur Fuchi, déjà rayé par des effritements des murs. On s'en tape de savoir qui mène au score ou si Dick et Pick vont bien commenter. La poussière n'a pas été faite depuis au moins 2 mois, la vaisselle n'en parlons pas. Il traîne un casserole dans la baignoire et le séchoir pété s'est ramassé dans la soupe Agrimel... C'est immondément dégueulasse.

Elle allume le second néon, qui grillote deux insectes au passage. Cafard or not cafard ? Rien à foutre... Elle enfile rapidement son débardeur et son pantalon moulant. Pas de maquillage. Elle s'allume une cigarette, ferme un instant les yeux, savourant la douce fumée dans ses poumons.

Elle regarde.

Le mec allongé, totalement défoncé à la neurococaïne, c'est l'histoire d'un soir, c'est l'histoire de plusieurs soirs. Il ressemble à tous les autres. Nul au pieu, rien ne vaut les paradiz. Il lui donne la nausée rien qu'à son odeur de transpiration. Elle fouille sa poche droite, lui tire 20 dollars. Il n'est pas moche, même plutôt bien foutu, mais il a l'air con devant son match, complètement éclaté à la dope. Plus que dix minutes avant d'aller bosser chez M.

- Hey gros lourd, tu peux dégager de chez moi, j'dois aller au boulot.

Elle file alors un coup de pied dans les cotes de ce mâle dont elle ne connaît même pas le prénom. Il ne se réveille pas. Elle lui shoote un peu plus fort dedans. Un oeil s'ouvre, sans pupille, plus blanc que blanc. Ca sent la cybernétique a plein nez. Elle se méfie.

- Je dois aller au boulot, merci de lever le camp.

Le mec ne répond pas. Il se lève, n'y arrive pas, se rasseoit, ouvre un oeil. Toujours aucune pupille, du blanc, la cybernétique n'a définitivement aucune limite. Il se vautre un peu plus dans le canapé, vaincu par son propre corps lui rappelant encore son humanité. On ne joue pas indéfiniment avec le sommeil... Elle lui jette un dernier regard terne, jemenfoutiste.

- Bon ok, j'ai compris. J'espère que t'auras levé l'ancre quand je reviendrais, c'est pas l'hosto de Seattle ici mon cochon...

Elle claque la porte.

Bip.

Bip. Bip.

Message sur son comlink depuis plus d'une heure. Elle presse sa dent droite pour activer la réception. Sur sa rétine elle active sa petite boîte aux lettres rose bonbon. Un chat miaule et griffe l'enveloppe afin de l'ouvrir. La mode c'est comme la cybernétique - aucune limite. La Matrice un trip.

Bonjour Mademoiselle Jess' Elva,

Vous aimez la mer ? Vous aimez prendre soin de votre corps ? Et bien ce n'est pas un rêve, vous venez d'être tirée au sort parmis les utilisateurs de nouveaux produits de beauté de la gamme "Récifs" ! Si si ! Oui ! Vous ! La société MedikAlten est heureuse de vous proposer une cure de jouvence dans ses locaux de Seattle dans le quartier d'Alki Beach.

MedikAlten est une société au capital de 200 milliards de dollars, pour toutes réclamations ou informations n'hésitez pas à nous contacter à l'adresse suivante coordinateur_medikalten@psytech.crp. Ce bon est à valoir d'aujourd'hui et pour un mois suivant la date d'envoi stipulée à la réception de ce message.

MedikAlten vous souhaite de profiter de la vie et vous propose en plus une large gamme de produits disponibles sur la Matrice à l'adresse suivante prtcl.vpc-medikalten.psytech.crp. Profitez bien de ce cadeau.

Le chargé de clientèle MedikAlten

18 h 22.

Dans 8 minutes chez Monsieur M.

- Allo ?

Une voix suave répond avec bienveillance calculée.

- Bonjour, bienvenu chez MedikAlten, service après vente, Katia conseillère clientèle à l'appareil, je vous écoute.

- Bonjour. Je suis Jessica Elva et je viens de recevoir un message sur mon comlink m'affirmant que j'ai gagné quelque chose chez vous. J'aimerais savoir s'il s'agit d'une plaisanterie.

- Je regarde mademoiselle Elva.

Quelques secondes d'attente. Elle repense à la puce paradiz et à ces instants de bonheur parfait. Ses bras sont encore un peu engourdis. Ses nerfs sautent un peu, gestes décousus. Il lui faudra la soirée pour se réhabituer au contrôle nerveux. Elle se regarde dans la glace. Ses cernes... Ses joues creusées... Son corps maigre... Sa poitrine presque inexistante... Le filet de sang qui coule de sa narine droite. Ses cheveux décoiffés depuis 3 jours, gras. Limite une pute de Redmonds. En même temps, c'est presque là qu'elle vit... Elle observe sa pupille cybernétique, les proto-lentilles changeantes virent au cyan. Humeur instalbe. Son tatouage versatile grimpe de l'épaule vers le cou, titillant la joue, et fugace, se cache dans les méandres de sa longue chevelure brune. Ses mains... Son poignet aux multiples coupures... La plaque de metal de l'avant bras, de vieux souvenirs de fusillades, d'aggressions...

Un séjour dans un salon de beauté : impossible...

Je suis laide.

- En effet. Vous êtes l'heureuse gagnante d'un petit séjour dans l'un de nos centres de relaxation. Il s'agit d'une semaine de remise en forme avec plusieurs activités prévues. Je vous transmets tout sur votre messagerie personnelle. Souhaitez vous bénéficier de ce cadeau ? Auriez vous des exigences temporelles pour cette semaine ?

Oui !

- Ah... Heu... Disons à partir de ce week end. Est ce possible ?

- Tout à fait mademoiselle. Je prends votre réservation. 17ème avenue pour le centre le plus proche de chez vous. Vous pouvez arriver à n'importe quelle heure, nos hôtesses se feront un plaisir de vous accueillir. Puis je vous envoyer nos catalogues de cette année pour que vous voyez nos autres prestations ?

- Non merci. Je serais là dès Samedi matin. Merci beaucoup. Au revoir.

- Au revoir mademoiselle, les services Medik...

Bip.

Bip. Bip.

Incroyable.

Un sourire radieux apparaît devant la glace. Déjà deux ans qu'elle traîne dans la fange de ces quartiers pourris jusqu'à la moëlle. Elle va enfin pouvoir sortir et qu'on s'occupe d'elle. Oui... Elle. Une semaine à partir de demain. Le vent de la chance tournerait-il ?

Dans 4 minutes chez Monsieur M.

Je hais ce boulot.

00 h 17

Tikitikitikitac...

Tiki... Tac...
Tik Tik.

Ses doigts de fée glissent sur le clavier de la console Samsuama. Encore des heures pour effectuer les mises à jour quotidiennes de l'identitication des clients et prospects sur l'espace matriciel de Monsieur M. Un boulot de con, rébarbatif, chiant. L'elfe aux seins comme des ballons en mini-jupe se balade dans les banques de données matricielles. Récupération de la clé de cryptage, ouverture, lecture, repositionnement, upload, fermeture, classement, encryptage. Et ainsi de suite. Elle passe au lancement des batchs de contrôles des mises à jour, ça tourne dans les immenses sphères pyramidales de la grande M-bibliothèque. Les CMI IceBre4k rôdent dans les environs examinant les flux de données entrant. Vérification et paranoïa, les doubles clés de la réussite d'un sous traitant corporatiste. Sans aucune réelle notion du temps, elle effectue son taf, le taf, c'est chiant.

Clé, ouverture, lecture, upload, encryptage...
Clé, ouverture, lecture, upload, encryptage...

Elle n'a même pas le temps de réfléchir, chaque action est timée et la moindre faute peut être lourde de conséquences. Déjà 5 h de maintenance nocturne. Vivement sa prestation terminée chez l'antiquaire. Son domaine matriciel remonte vraiment au paléolithique de la conception et rien ne peut être effectué réellement automatiquement par des subandromatroïdes. Etrange quand même toutes les CMI qui rôdent sur cet espace... Le grand-père doit être un peu timbré.

5 h... Oui 5 h. Enfin, la délivrance.

Première partie de la soirée terminée.

Elle déconnecte son vieux datajack de la console : un filaire des années 2050. C'est l'heure de la pause café. Seule dans le bureau miteux, dans le fatras de la paperasse, elle se lève pour allumer la machine. Le gargouilli indique qu'il va bientôt falloir, elle aussi, la changer. Pas de fenêtres, des néons crépitant comme dans sa piaule, elle s'emmerde déjà, fatiguée. Les ballastes électroniques et variateurs de lumière ne changent plus le spectre émis et lui nique la rétine. Un coup à devenir épileptique.

Ding !

Le café est prêt, brûlant. Les voluptes de fumée se mêlent au nuage des clopes. Le cendar' est plein depuis une bonne heure et quelques fiches de comptabilité sont roussies. Un esprit brumeux dans un monde bordélique. Elle sourit de cette nourriture inspirituelle qui l'habite depuis des années. Le chaos toujours reprend ses droits. Elle s'en fout, elle part en vacances, une semaine. Ces premières vacances depuis deux ans qu'elle travaille, depuis deux ans que ses parents adoptifs l'ont foutue à la porte. Quelle famille d'enfoirés... Tomber enceinte, l'avortement, la maladie, les services sociaux. 17 ans. 17 ans déjà.

Elle ferme un instant les yeux.

Elle respire un grand coup, relache les muscles de son diaphragramme pour se calmer. Elle l'aimait, son mac... Le chauffage tourne à plein régime. La neige canadienne a du faire son entrée dans les rues de Seattle. Ca ventile

Et le boulot ne fait que commencer.

Seconde étape de la nuit, la mise à jour des systèmes de surveillance du bâtiment. Elle reconnecte son 'jack. Ce bruissement énergétique dans ses nerfs cervicaux, cette petite décharge qui court le long de l'échine, comme les orgasmes qu'elle n'a que virtuellement connus.

Elle réouvre les yeux.

L'elfe dans la M-bibliothèque.
Service transverse de Knight-Ita.
Les meilleurs dans le domaine des CMI.
Code d'identification.
Accès autorisé.
Vérification.

Dans la matrice.

Cube sphérique du pays des merveilles.

00 h 18

- Bonjour Elva.

Un intru dans le système de sécurité. Aucune CMI n'a réagi à son arrivée dans le bloc de contrôle de mises à jour des données du système de monsieur M. Surprise. Non par la présence ou par les questions de réussite en la pénétration de l'espace de la M-bibliothèque mais par l'avatar qui vient de franchir la porte blindée. Un bonhomme rabourgi, barbu et frêle, comme ces clochards qu'on trouve à Redmonds Barrens. A la limite de faire pitié. Elle déclenche une requête de service rapide. Les informations affluent à ses sens; des réponses.

Signature connue par les services de Seattle.
...
...
Loading
...
./w-info from MBIB
-> checking ok
./w-info ident ELVA -p ******
-> checking ok
...
Loading
...
FAST-RESPONSE

Parménide.
Hacker - Age supposé 41 ans.

Dernière identité en date : Inconnue.

Identité réelle supposée : Herman Polindski - cyberneurologue polonais, émigré aux USA depuis 2064. Ancien membre de Psytech. Deux fausses identités connues : Kirt Alberson (*), Jonathan Hopson (*). More informations (M).

Informations récentes : 17 Octobre 2074 présumé coupable dans le cyber-meurtre de trois agents de sécurité de Psytech. 3 Décembre 2074 présumé coupable de cyber-braquage du système de sécurité de Psytech. 18 plaintes enregistrées potentiellemment en rapport. More informations (N).

Indice de danger : 9/10.

- Qui êtes...

Interruption rauque et sêche.

- Parménide. Le temps va nous manquer.

Hésitante... Elle déclenche une alerte orange. Les systèmes CMI s'agitent, deux IceBre4ker se dirigent vers le bloc de contrôle : leur masse robotique laissant des traces sonores dans tout le réseau. Aussi sêche que son interlocuteur, mais toujours surpise, elle rétorque.

- Oui le temps va vous manquer cher Monsieur. Si vous ne souhaitez pas avoir les neurones grillés dans quelques minutes, je vous conseille de déguerpir de MA zone.

- Appuyez où bon vous semble. Vous avez dix minutes tout au plus pour déguerpir de votre bureau, cinq pour cet endroit matriciel. Des molosses de Psytech vous cherchent. Bonne continuation.

L'avatar disparaît.

Programme d'invisibilité ?

Les CMI entrent. Rien. Les scanners automatiques sondent toute la zone. Les enregistrements se rembobinent pour analyser les séquences d'entrée. Rien. Elle scrute, observe, fouille. Pas la moindre signature matricielle. Un malade sans doute, un de ces...

[Background] -o0 [ Elva Corp. ] 0o- Titre-11

2 ans plus tôt
un autre réveil, un autre monde, une autre vie.
Julia Pfeiffer Burns State Parks dans la région de Big Sur, Nord de Los Angeles.

Aujourd'hui, elle a 16 ans. C'est une jeune femme.

Aujourd'hui, elle est loin de ses parents adoptifs.

Aujourd'hui, elle est amoureuse.

Les premiers rayons du soleil traversent les volets de sa chambre. Ca sent bon l'été. Les douces chaleurs californiennes s'annoncent enfin en ce début de mois de Juillet. Enfin... Elle s'étire dans ses draps de satin, joue au chaton, sourire aux lèvres. Lentement ses yeux s'ouvrent, ses sens s'éveillent et ses narines perçoivent l'odeur d'un chocolat chaud. Elle attrape la télécommande sur la table de chevet et appuie sur une combinaison de touches. Les grandes baies vitrés et les volets s'ouvrent de concert. Le soleil du zénith brûle ses pupilles encore ensommeillées. Elle se retourne, cache son visage sous la couette, baille.

- Sors de la petite puce.

Une voix éraillée.

Espiègle, elle épie à droite, à gauche, sa frimousse dépassant à peine des draps. Son coeur s'emballe à l'idée qu'il soit là. Il le lui avait promi mais elle ne l'avait pas vraiment cru. De New York à Los Angeles en si peu de temps... Il lui avait fallu prendre les long-jumps pour arriver aussi vite. Des dollars jetés par les fenêtres mais au goût si onctueux - celui de l'Amour... Savourant l'instant, ce bonheur indescriptible qui s'empare de sa poitrine, elle referme les yeux. Les effluves du cacao se font de plus en plus présentes. Il n'est pas bien loin... Il a du rentrer dans la chambre. A pas feutrés, il s'approche.

Il s'approche.

Un souffle rauque.

La chair de poule.

Frisson.

Elle sait qu'il la frôle de ses mains, qu'il la dévore d'un regard.

Profiter de tous ses sens : elle enclenche son interface neurale, réglage perceptif.

Odorat. La caresse de son haleine mentolée.
Odorat. Son corps virile et son parfum musqué.
Ouïe. Sa respiration lente et rythmée.
Ouïe. Le froissement des draps de soie sous la couette.
Toucher. Sa main ferme, entreprenante.
Toucher. Ses lèvres suaves.
Goût. Cet exquis baiser.
Goût. Ce savoureux baiser.

Frisson.

- Je t'aime.

Vibration cellulaire succulente. L'impression d'une explosion de plaisir. De l'enivrement pur, une drogue dure. De l'euphorie à l'exstase, la jouissance d'entendre ce mot raisonné dans le creux de son oreille: la béatitude du nirvana.

- Encore.

Elle réclame ces émotions. Dans les vagues successives du désir naissant, son esprit se laisse dompter par l'exhaltation des sens. Elle n'est qu'un ensemble de connexions nerveuses, à fleur de peau, un esprit régit par le désir. L'alchimie lymphatique.

Son taux d'hormones augmente.

Elle ne contrôle plus vraiment.

L'hypophyse pituitaire fait des siennes.

Ocytocine : 318%.
Amphétamine natuelle : Phényléthylamine en hausse.
Douceur des préliminaires.
Un peu de came.
Alcaloïde monoaminé - 18% d'entactogènes.
Il est en elle.
Phényléthylamine : x3.
Sur elle.
Dopamine, glucose, catécholamine.
Délicieuse anagogie proche de l'hystérie.
Noradrénaline.
Epinéphrine.
Fréquence cardiaque au maximum.
Neuromédiateur.
Je t'aime.
Je t'aime.
Je t'aime.

La chimie s'emballe. Les ébats s'enflamment.

L'ivresse.
La drogue.
Le sexe.

Cède la place aux endorphines et à la quiétude de la félicité.

L'interface neurale se met en sommeil.

La journée s'annonce resplendissante.

Elle émerge, lovée au creux des bras de son homme, le sien. Oui le sien, pour toujours. Heureuse, elle l'observe, parcourant aussi bien de ses yeux que de son index ce corps lui procurant tant de plaisirs. Il est beau. Il a l'âge de son père, presque. Un charme indicible. Cette allure bienveillante qui l'a séduite. Ses muscles sont vigoureux, et sa silhouette trapue. L'oeil vif, le teint mat, une ascendance indienne. Un archétype très beau gosse, malgré ses 42 ans et ses bouclettes grisonnantes.

Dans sa jeunesse il lui a raconté qu'il jouait chez les Sonics de Seattle, sportif, avant d'être embauché dans une corporation pour bosser dans la biomécanique. Il lui a surtout offert la liberté : la faire enfin quitter cette famille adoptive de cons. Elle repense à leurs conversations sur l'avenir : sa proposition de venir suivre des études de cryptoneurologie à New York. Une branche de la matrice en développement constant depuis 3 ans. Pour une fois que quelqu'un se rend compte de ses capacités à manipuler la mathématique informatique ou fondamentale...

Il s'intéresse à moi. Elle repense à cette foutue famille qui a tout fait pour qu'elle échoue. Mais le bien être l'emporte; les influx angoissants sont jugulés. Elle le sert fort contre sa petite poitrine, comme un père et lui sussure un je t'aime d'un regard s'éveillant.

- Tu vas bien mon amour ?

Un temps d'hésitation, un sourire ironique, il aime à la provoquer. Elle démarre toujours au quart de tour. Elle grogne réclamant ses "modoux". Il regarde dans le vague, le plafond, jouant la comédie. De la grogne à l'hôtel du cul tourné. Elle s'évade des bras puissants, laissant échapper un :

- Tu ne me réponds jamais.

Il cède à la vision de la paire de fesses face à lui, aguichante pour obtenir son dû, de la courbe galbe de ses hanches. Elle est mince, elle est jeune, 16 ans...

- Dans les bras de la plus belle métisse des States que pourrais je répondre...

Un grand oui !

- Oui ma petite puce.

Il la serre dans ses bras, s'appliquant de ses doigts et de sa bouche à regagner son cœur. Il sait qu'elle est à lui. Elle ne perçoit pas cette volonté possessive. Elle est la mésange sur la terrasse face à la véranda, libre, libre de la découverte du monde. Toutes les portes se sont ouvertes depuis qu'elle le connaît.

- Gmblblblb...

Elle cède, sans aucune résistance.

Aujourd'hui c'est aussi son anniversaire.

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