Il est là, en train de jouer pour moi pourtant il pleure.
Ses doigts habiles caressent les cordes, la mélodie m’envahit.
De l’autre coté, la ferveur de la foule, l’équipe vient de marquer, les gens crient.
Normalement ça me transporte mais là je suis bloqué.
Je me vois avec lui en pleine nature, les collines vertes que nous traversons côte à côte, le temps n’est pas caniculaire, il fait doux, les rayons du soleil réchauffent ma joue, mon épaule.
Je le regarde, je regarde ma main tenant la sienne et soudain je reviens à la réalité. Il est là face à moi.
Il ne sourit pas l’obscurité est sa lumière. Il joue avec sa tristesse, et moi je ne sais quoi faire.
Je ne suis pas quelqu'un de la masse mais je ne suis pas unique, pas assez unique, pas assez comme lui.
Il peut me comprendre, moi je suis impuissante face à lui, face à son immensité, face à la profondeur de sa conscience. Je ne sais pas quoi faire.
Est-ce que je dois le toucher, le regarder, m’en aller ?
Je reste là, planté cherchant à comprendre, à ressentir. Il joue consciencieusement, est il concentré sur ce qu’il joue ou sur ce qu’il ressent?
Il pleure en retenant ses larmes, elles perlent sur ses joues, ce ne sont pas des larmes communes, elles sont rares et elles portent tout le malheur d’un être humain, il ne pleure pas, il ressent.
Tout dans mes pensées je n’ai pas remarqué qu’il me fixait c’est un regard à la fois gênant et envoûtant, il n’y a pas d’animosité mais je sens que je suis de trop dans cette intimité.
La foule hurle à coté dans le poste de télévision, comblant le silence qu’échangent nos regards.
Ces yeux ne sont pas rouges d’avoir pleuré.