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 Femmes Damnées

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2 participants
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Goldmund

Goldmund


Masculin Nombre de messages : 2123
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Localisation : Plus loin qu'ailleurs
Date d'inscription : 23/12/2007

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MessageSujet: Femmes Damnées   Femmes Damnées Icon_minitimeSam 25 Avr - 21:20

Je suis tombé par hasard sur une interprétation rigolote de Saez sur un texte de Baudelaire. Je dis rigolote, parce qu'il semblerait que notre ami chanteur, en prenant un vers par-ci, un vers par-là, ait cherché à tout prix à diluer ce que le texte original pouvait avoir de choquant - pour l'époque du moins -, jusqu'au titre qui n'apparaît pas dans la version de Saez. C'est dommage ! Parce que le poème est très beau: il raconte les ébats amoureux de deux femmes et s'accompagne d'un plaidoyer en faveur de l'homosexualité féminine - les femmes, nous dit Baudelaire, sont de bien meilleurs coups que les hommes. Votre Goldmund préféré va donc vous balancer et le morceau de Saez, et le texte original. Vous l'aimez votre Goldmund, hein ?

Le morceau vous le trouverez sur deezer, dans l'onglet vidéo: http://www.deezer.com/track/swan-lake-act-i-no-2-valse-tempo-di-valse-T551566#music/result/all/saez%20baudelaire

Quant au poème de Baudelaire, il est un peu long, mais il vaut son pesant de testostérone. Lancez-vous sans crainte, c'est de la poésie, ça se lit en cinq minutes.

________



Femmes damnées (Delphine et Hippolyte)

A la pâle clarté des lampes languissantes,
Sur de profonds coussins tout imprégnés d'odeur
Hippolyte rêvait aux caresses puissantes
Qui levaient le rideau de sa jeune candeur.
Elle cherchait, d'un oeil troublé par la tempête,
De sa naïveté le ciel déjà lointain,
Ainsi qu'un voyageur qui retourne la tête
Vers les horizons bleus dépassés le matin.
De ses yeux amortis les paresseuses larmes,
L'air brisé, la stupeur, la morne volupté,
Ses bras vaincus, jetés comme de vaines armes,
Tout servait, tout parait sa fragile beauté.
Etendue à ses pieds, calme et pleine de joie,
Delphine la couvait avec des yeux ardents,
Comme un animal fort qui surveille une proie,
Après l'avoir d'abord marquée avec les dents.
Beauté forte à genoux devant la beauté frêle,
Superbe, elle humait voluptueusement
Le vin de son triomphe, et s'allongeait vers elle,
Comme pour recueillir un doux remerciement.
Elle cherchait dans l'oeil de sa pâle victime
Le cantique muet que chante le plaisir,
Et cette gratitude infinie et sublime
Qui sort de la paupière ainsi qu'un long soupir.
- "Hippolyte, cher coeur, que dis-tu de ces choses?
Comprends-tu maintenant qu'il ne faut pas offrir
L'holocauste sacré de tes premières roses
Aux souffles violents qui pourraient les flétrir?
Mes baisers sont légers comme ces éphémères
Qui caressent le soir les grands lacs transparents,
Et ceux de ton amant creuseront leurs ornières
Comme des chariots ou des socs déchirants;
Ils passeront sur toi comme un lourd attelage
De chevaux et de boeufs aux sabots sans pitié...
Hippolyte, ô ma soeur! tourne donc ton visage,
Toi, mon âme et mon coeur, mon tout et ma moitié,
Tourne vers moi tes yeux pleins d'azur et d'étoiles!
Pour un de ces regards charmants, baume divin,
Des plaisirs plus obscurs je lèverai les voiles,
Et je t'endormirai dans un rêve sans fin!"
Mais Hippolyte alors, levant sa jeune tête:
- "Je ne suis point ingrate et ne me repens pas,
Ma Delphine, je souffre et je suis inquiète,
Comme après un nocturne et terrible repas.
Je sens fondre sur moi de lourdes épouvantes
Et de noirs bataillons de fantômes épars,
Qui veulent me conduire en des routes mouvantes
Qu'un horizon sanglant ferme de toutes parts.
Avons-nous donc commis une action étrange?
Explique, si tu peux, mon trouble et mon effroi:
Je frissonne de peur quand tu me dis: "Mon ange!"
Et cependant je sens ma bouche aller vers toi.
Ne me regarde pas ainsi, toi, ma pensée!
Toi que j'aime à jamais, ma soeur d'élection,
Quand même tu serais un embûche dressée
Et le commencement de ma perdition!"
Delphine secouant sa crinière tragique,
Et comme trépignant sur le trépied de fer,
L'oeil fatal, répondit d'une voix despotique:
- "Qui donc devant l'amour ose parler d'enfer?
Maudit soit à jamais le rêveur inutile
Qui voulut le premier, dans sa stupidité,
S'éprenant d'un problème insoluble et stérile,
Aux choses de l'amour mêler l'honnêteté!
Celui qui veut unir dans un accord mystique
L'ombre avec la chaleur, la nuit avec le jour,
Ne chauffera jamais son corps paralytique
A ce rouge soleil que l'on nomme l'amour!
Va, si tu veux, chercher un fiancé stupide;
Cours offrir un coeur vierge à ses cruels baisers;
Et, pleine de remords et d'horreur, et livide,
Tu me rapporteras tes seins stigmatisés...
On ne peut ici-bas contenter qu'un seul maître!"
Mais l'enfant, épanchant une immense douleur,
Cria soudain: - "Je sens s'élargir dans mon être
Un abîme béant; cet abîme est mon coeur!
Brûlant comme un volcan, profond comme le vide!
Rien ne rassasiera ce monstre gémissant
Et ne rafraîchira la soif de l'Euménide
Qui, la torche à la main, le brûle jusqu'au sang.
Que nos rideaux fermés nous séparent du monde,
Et que la lassitude amène le repos!
Je veux m'anéantir dans ta gorge profonde,
Et trouver sur ton sein la fraîcheur des tombeaux!"
- Descendez, descendez, lamentables victimes,
Descendez le chemin de l'enfer éternel!
Plongez au plus profond du gouffre, où tous les crimes,
Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel,
Bouillonnent pêle-mêle avec un bruit d'orage.
Ombres folles, courez au but de vos désirs;
Jamais vous ne pourrez assouvir votre rage,
Et votre châtiment naîtra de vos plaisirs.
Jamais un rayon frais n'éclaira vos cavernes;
Par les fentes des murs des miasmes fiévreux
Filtrent en s'enflammant ainsi que des lanternes
Et pénètrent vos corps de leurs parfums affreux.
L'âpre stérilité de votre jouissance
Altère votre soif et roidit votre peau,
Et le vent furibond de la concupiscence
Fait claquer votre chair ainsi qu'un vieux drapeau.
Lion des peuples vivants, errantes, condamnées,
A travers les déserts courez comme les loups;
Faites votre destin, âmes désordonnées,
Et fuyez l'infini que vous portez en vous!
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rei
Journaliste



Masculin Nombre de messages : 403
Age : 40
Date d'inscription : 09/02/2008

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MessageSujet: Re: Femmes Damnées   Femmes Damnées Icon_minitimeVen 22 Mai - 21:33

Merci pour cette petite perle (pour ceux qui l'ont ratée où qui ont eu la flemme, je la remonte)

Les mises en musique de grands textes poétiques ne sont pas toujours des plus évidentes. Ici, un peu sur-joué par un Damien Saez en grande forme et (habilement) mosaïqué, le texte prend, ou plutôt garde, sa force initiale.

Il faut dire que c'est un excellent choix de la part de notre ami chanteur ; même dans un recueil aussi puissant que les fleurs du mal, ce poème-ci arrive à se hisser au-dessus des autres. Parmi les perles d'une perle (noire) !

Surtout n'hésite pas à nous faire découvrir d'autres rencontres aussi intéressantes, peut-être d'autres auteurs et d'autres époques (quitte à moins plaire)

Pour ma part, j'aurais bien enchaîné avec une adaptation d'un poème du même recueil, LE VIN DE L'ASSASSIN, par un (je crois) jeune groupe français. Mais je ne retrouve ni la version, ni le nom du groupe (bon, j'l'ai entendu sur une radio que j'écoute quasiment jamais, et un dimanche matin au réveil, en plus, alors ! (enfin il me semble que c'était un matin.. bref !))

Et comme la version de Léo Ferré ne me plaît pas, je préfère me taire jusqu'à ce que.


(je crois que j'ai eu un orgasme sur le mot paralytique ! (à exploiter.. ^^')
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