C’est lorsqu’on est au plus près des gens qu’on se sent le plus seul. La masse nous révele, réveille notre individualité. On est pris dans un malaise, plus que le sentiment de se sentir autre mais plutôt la sensation que les autres sont dangereux. Délire paranoïaque ou crise d’identité?
Il y a une foule rivée sur un spectacle, les cris et gestes s’entrecroisent pour former entre eux un rite. Chacun cherche à déshonorer l’autre, à s’imposer en dominant le son.
Je suis entouré de chaleur humaine pourtant j’ai froid à l’intérieur. Une crispation.
Les joueurs s’entraînent et se préparent. Le public aussi s’échauffe. Il défie du regard l’adversaire. Toute une haine canalisée dans cet espace. Ou se déroule le spectacle? Dans le stade ou dans les tribunes?
Des drapeaux sont hissés comme à la guerre pour manifester son appartenance. Il y a des grillages fixés tels des tranchées pour diviser les combattants. La bataille se déroule par échange de chants de guerre.
Est entonnée « Aux armes », un frisson me parcoure et s’ils avaient vraiment des armes?
Je suis choquée par la légalité de cette violence. Je suis une inconnue dans cette masse, Est-ce que si j’avais soutenu l’équipe de la masse, cela aurait changé ma vision de ce rassemblement?
Drapé dans mon individualité, je m’interroge. Tout s’entraine, lorsqu’une personne hue, les autres suivent, c’est le mouvement de masse par excellence. Un geste du bras est reproduit et suivi. Sans même un instant de réflexion. Cela me rappelle d’autres mouvements d’appartenance.
A trop vouloir m’extirper de la masse, je risque aussi de m’extirper de la réalité. A trop vouloir remettre en cause les codes, je me perd dans mes mots.