Aenaril vs Sephiroth (Rôle Play en Ter Aelis)

Olenwe était parti depuis un certain temps. Sephiroth ne recevait même plus l’ombre d’une de ses pensées. L’animal avait disparu dans les forêts d’Echoriath sans donner de raison. Le loup était mal en point… Il marchait difficilement, comme si toutes ses articulations le faisaient souffrir. Son pelage habituellement si blanc était tout taché : le sang des animaux, la boue, l’herbe et d’autres faits étaient à l’origine de ce gâchis. Le plus impressionnant restait ses babines, restant retroussées, pleine de sang frais. Olenwë était animé d’une rage féroce, tout son corps s’auto rejetait et il ne parvenait plus à l’habiter sans se sentir mal. Tantôt il hurlait, tantôt il s’en prenait à toute espèce se présentant à lui… Il n’était pas difficile de suivre les traces du carnage qu’il laissait derrière lui. Ses combats lui avaient valu trois cicatrices à la patte avant gauche qui se manifestèrent chez Aenaril lorsque celui-ci reprit possession du corps d’Olenwe. Visiblement, il ne se portait pas mieux que le loup. Pour que deux âmes habitent un corps, il faut une cohabitation consentie. Or, le loup le rejetait comme la peste. Aenaril était saisi de spasmes violents, il se tordait de douleur et les trois marques sur son bras l’horrifiaient. Elles semblaient à peine fermées, comme prête à éclater sous la pression de son sang si sombre. Ses yeux ne cessaient de virer du noir au bleu de nuit en passant par le rouge flamme.

Il ouvrit une brèche vers une autre dimension, parallèle, où Aelis était l’inverse de ce qu’elle était. Dans ce monde-là, Aenaril avait plus de pouvoir, car il était plus lui que loup. Mais Aelis devenait dépeuplé, la forêt d’Echoriath un véritable désert faunique et le pays entier une âme vraiment damnée, animé par deux trois habitants au kilomètre carré. Il se dirigea vers Atalante, utilisant sa méthode bien particulière pour se déplacer rapidement et silencieusement. Sa peau si belle semblait grisâtre, ici… Sauf ces trois cicatrices, blanchâtres, prêtes à sourdre. Plus il avançait et plus il cédait à ce qu’il n’aurait jamais du éprouver dans la bonne dimension où il se trouvait : la tristesse, l’angoisse, le mal désagréable.

Le loup l’humanisait comme il ne le pensait pas possible. Il avança d’un pas humain sur la digue, doucement, écoutant l’écho de ses pas. Ses jambes tremblaient… il ressentait la faiblesse qu’il n’avait jamais ressentie. Comment diable les hommes faisaient-ils pour se contenter d’être aussi chétifs ? La digue était animée d’une brise légère, contrairement au Ter Aelis qu’il connaissait. Les vagues étaient légères, petites mais rougeâtres. La mer semblait être de sang, par ici… La Mort seule savait si, dans cette dimension, Sephiroth était le responsable d’un carnage qui aurait rougit jusqu’à la mer de ces terres. Aenaril aurait admiré ce coup de maître en temps normal, mais il souffrait trop pour pouvoir se concentrer sur quoique ce soit. Il se dirigeait droit sur Saint-Adobe parce qu’inconsciemment il savait que Sephiroth était arrivée par la mer. Il faisait face à son cocon de glace sans s’en douter une seconde. Aenaril s’effondra à la pointe de la digue, face à l’immense étendue de sang ondulant sous la brise. S’il en avait été capable, sans doute ses yeux auraient-ils rendu les larmes… Mais au lieu de cela, l’aasimar hurla, de tout son souffle, de toute sa puissance, de toute sa magie, de toute son aura… au point de séparer un court espace de l’étendue jusqu’à en voir son sable noir. Il le regarda disparaître doucement sous la dissipation de son souffle… Il s’était vidé et continuait de le faire… Les trois cicatrices, empreinte de la victoire du loup, pleuraient, elles… Il saisit son bras gauche de la main droite, s’assit sur ses talons et se berca, doucement, comme un fou qui se parlait à lui-même :

- Pleure, Olenwe… Pleure, tu as raison… Soulage-nous, oui… murmurait-il comme on fredonnerait une très vieille comptine.

Aenaril, dans sa douleur, ne comprit même pas que le liquide d’un blanc très pur, lumineux, qui se vidait de lui n’était pas son sang. Il ne pouvait de toute façon par le voir, sa vision des couleurs, dans cette dimension, était en fait altérée par son ressenti. Il voulait voir du sang noir, il voyait du sang noir… Mais ce qui sortait, c’était Olenwe. L’essence même de l’animal le quittait. Le loup abandonnait la partie. Il avait franchi le seuil en lui laissant les clés.

Quelque part dans son sommeil, Sephiroth cria « attends-moi ! ». Il eut un écho pour réponse : « certainement pas. Là où je vais, j’y vais seul. Tu auras besoin d’un éclaireur pour la suite. Je serais ta lanterne… »

Combat titanesque : la mort au bout du tunnel

Aenaril était ressorti de la dimension parallèle en se sentant très étrange… Comme… libre. Il regardait son corps comme s’il le découvrait pour la première fois. Etait-ce le fait d’avoir saigné pour la première fois de sa vie ? Etait-ce d’avoir « pleurer » ? Ou bien était-ce d’avoir ressenti la douleur comme désagréable ? Il ne savait pas… Il se dévêtit pour entrer dans l’eau d’une des rivières qui provenaient des neiges d’Echoriath. L’eau glacée s’empara de lui et il apprécia cette sensation. Il plongea tête la première pour ressentir cette pression au niveau des oreilles et des tempes avant d’immerger, pour reprendre son souple.

- Rien de tel pour garder la tête froide… N’est-ce pas Olenwe ?

Aucun écho… Il avait beau écouter, aucun écho ne lui parvenait. Où était passé le loup ? Il avala une grande gorgée d’eau glacée, il s’était arrêté de nager et donc de flotter sous l’étonnement. Il toussa, s’accrocha à une pierre et se sonda. Il ne restait aucune trace du compagnon de Sephiroth. Il fut troublé… Voilà ce qu’il avait ressenti : le vide. Il avait perdu son alter ego… D’une certaine façon il s’était habitué à sa présence et maintenant… Il secoua la tête, débarrassant ses cheveux soyeux des gouttes d’eau qui y perlaient. Un long sourire s’étala sur sa figure…

- Premier crime en Ter Aelis… Oups. Je crois que je vais devoir m’expliquer auprès du « tutélaire »… Ha ha.

Sephiroth se réveilla en criant le nom d’Olenwe. Il l’avait senti disparaître d’une façon étrange… D’habitude quand le loup coupait leur lien pour un moment, il savait que ce n’était que temporaire. Mais là… Là il avait eu l’impression de perdre quelque chose et d’en gagner à la fois. Comme s’il percevait la nature avec des sens neufs tout en étant dépouillé d’une forme d’odorat, d’ouïe, de pensée… Il ouvrit la fenêtre de la chambre du Manoir qui lui était réservé et scruta le paysage. D’où il était il pouvait voir une bonne partie du pays. Ter Aelis lui semblait plus pur et moins vif à la fois. Il murmura pour lui-même :

- Je n’aime pas ça.

Et regardant son grand miroir, il vu les neufs autres lui hocher la tête de gauche à droite pour les huit premières, de haut en bas pour la neuvième. Il soupira et posa une main sur le miroir pour toucher celle du premier, du deuxième, du troisième… jusqu’au neuvième de ses doubles. Une décharge électrique passait entre la surface du miroir. Il soupira :

- Malkhut… quand me débarrasserais-je de toi. Tu es une torture et une ordure. Te réjouir de la disparition d’Olen…

Soudain, les paroles d’Olenwe lui revinrent en mémoire. Alors qu’il était occupé dans la Taverne avec Daath celui-ci lui avait tenu ces propos : « Malkhut, j’en fais mon affaire… »

- Oh nom de … Elle !!! Ne me dis pas que… est-ce possible ?

Cette fois, les huit avaient une mine effrayée et le neuf une moue satisfaite. C’est à cet instant que le tutélaire prit conscience qu’il y avait très peu de chances qu’un jour il revoie Olenwe. Il tapa du poing sur l’appui de fenêtre et se jeta dans le vide par celle-ci, en hurlant :

- AENAAAARIIIIIIIIIL, MONTRE-TOI QUE JE TE TUE !

A mi-chute Sephiroth devint non pas une brise mais une véritable tempête de nuages noires et plein d’orage qui avancèrent, rapides et menaçants, vers le vieux cimetière.

Aenaril était occupé à se revêtir lorsqu’il entendit dans un grondement du ciel l’écho de cris plein de haine :

- Aenaaaariiiiiiiiiil, montre-toi que je te tue !

- Ah… quelle douce mélodie…

Dans un tourbillon il glissa plus vite que jamais vers le point de rendez-vous qui les réunissaient tous les deux : à la mort, au cimetière. Il y arriva le premier, étant le plus près et il attendit patiemment l’arrivée de celui qu’il suivait depuis une éternité.

- Alors Sephiroth, quelle sera ta façon de me dire bonjour, dis-moi ?

Mais à l’instant où il fanfaronnait le tutélaire était encore trop loin pour l’entendre. Il rit comme un dément et se mit à tourner sur lui-même, la tête levée vers les gouttes de pluie qui commençaient à tomber signe de la tempête approchant. Il désigna au ciel les gouttes sur ses joues :

- Tu pleures, toi l’envoyé de la Déesse ? Pleurerais-tu pour une bête ?! Avant tu ne l’aurais même pas trouvé digne de mourir de ta propre main…

Le tonnerre lui répondit et il rit de plus belle…

- Regarde-toi comme tu es pathétique Sephiroth. Tout ça parce que j’ai liquidé ton compagnon. Veux-tu donc aller rejoindre Olenwe ?

La tempête sephirienne avançait prodigieusement, implacable, vers sa cible. Il entendait Aenaril dans son délire mais la fureur l’empêchait de distinguer clairement ses paroles. Il n’y a que lorsque l’aasimar prononça le nom d’Olenwe que Sephiroth comprit et il repritsa forme sephirienne au-dessus de son adversaire. Ne prenant même pas le temps d’atterrir il fondit en piqué vers son adversaire et lui tomba sur le corps. Ils n’étaient même pas encore tombés au sol qu’il lui assenait déjà des coups de poings au visage…

- Tu…

Un coup.

- L’as…

Deux coups.

- Tué !!!

Trois coups. Puis une succession de nombreux autres. Aenaril regardait son ennemi avec des yeux exorbités, la lèvre en sang, sa tête balançant de gauche à droite sous les chocs. Face à l’absence de réactions de son adversaire, le tutélaire le saisit par l’encolure et le secoua, lui heurtant la tête contre le sol à chaque mouvement :

- Dis quelque chose !

Il sourit et se déroba sous le corps de Sephiroth en glissant comme il savait le faire…

- Voyons voir… j’ai mille choses à te dire. Ah, je sais ! Quelle expérience… je ne me suis même pas rendu compte que notre bon Olenwe nous quittait. Mais qu’est-ce que c’était bon… Je donnerais n’importe quoi pour recommencer.

Il avait réussi à le déstabiliser. Sous la fureur, Sephiroth fonçait tête baissée. Après ce qu’il venait de lui dire, celui-ci hurla et lui asséna un coup qu’il évita en glissant. Les derniers coups lui avaient appris qu’il pouvait encore ressentir la douleur et perdre son sang. Les cicatrices sur son bras en étaient-elles l’origine ?
Il chassa ces pensées et se concentra à nouveau sur le combat qui s’offrait enfin à lui. Il ne cessait de faire tourner en rond le tutélaire en évitant chacun de ses coups de poing.
Lorsque celui-ci s’arrêta pour reprendre son souffle, Aenaril parla calmement :

- Sephiroth, as-tu oublié ? Si tu m’affrontes, tu vas perturber les dimensions. Imagine le flot de bestioles qui pourraient atterrir ici et les interférences que cela pourrait créer…

Pour toute réponse, le sephirien leva une main au ciel et un dome protecteur entoura le cimetière.

- Maintenant les dimensions ne pourront se croiser qu’à l’intérieur.

Il se jeta à nouveau sur son adversaire. Aenaril décida de se battre cette fois et il intercepta le poing de Sephiroth de sa main gauche. Des chocs électriques crépitaient à leurs contacts.

- Oh la belle bleue… regarde Sephiroth, c’est comme lorsque ma flamme nourrissait le pelage de ton cher et tendre loupiot.

Sephiroth frappa de l’autre poing et Aenaril intercepta également.

- Oh la belle rouge… comme le fond de ton regard, Sephiroth. Quelque chose n’irait-il pas ?

Il regarda derrière l’épaule du tutélaire et vit que les dimensions étaient déjà en train de se mélanger. Une horde de grouillards sortaient par une brèche. Ces bestioles se divisaient une fois par deux lorsqu’on les tuaient et appartenaient à la famille des vampires. C’était une sorte de sous-espèce qui aimaient s’abreuver de sang mais n’étaient pas pourvue d’une grande intelligence. Ils étaient simplement dotés d’une grande ténacité et agissaient en groupe, se battant parfois ensuite pour le cadavre. Pathétique. A la hauteur de ce qu’il restait de l’ex-envoyé de La Mort elle-même…

Sephiroth était plein d’une rage débordante et l’air suffisant qu’adoptait Aenaril ne faisait que renforcer sa haine envers lui. Ses poings sous l’emprise de la poigne puissante de l’aasimar, il en profita pour faire naître une boule de feu dans chaque main qu’il fit exploser pour se projeter en arrière et expédier Aenaril plus loin. Le tour eut l’effet escompté et son adversaire accusa le coup.

- Tu ne m’auras pas deux fois ainsi. Tu es déjà mort.

C’est à ce moment-là que les grouillards se jetèrent tous sur lui, une bonne cinquantaine au moins.
Sephiroth ne comprit pas tout de suite mais il eut tôt fait de saisir : de nombreuses canines s’enfonçaient dans son corps à divers endroits. Il ne cria pas pour empêcher Aenaril de profiter de ce plaisir et se concentra… Il chargea chaque bestiole d’énergie explosive et utilisa un sortilège de téléportation pour transférer instantanément les grouillards sur l’aasimar. Celui-ci se trouva immobiliser sous la masse. Le tutélaire compta :

- Un, deux, trois…

Explosion.

- Oh le beau bouquet. Bleu, rouge, jaune, vert, violet, rouge encore, bleu, jaune… et … rouge. Quelque chose n’irait-il pas Aenaril ? Je t’ai connu plus proche de la nuit que du volcan…

Cette fois, l’assassin n’avait plus envie de jouer. Du sang lui coulait de la tempe et diverses plaies étaient apparues là où ses vêtements s’étaient déchiquetés. Autour d’eux, d’autres brèches s’étaient ouvertes permettant à loup-garous, strangulot et autres monstres de faire leur apparition. L’aasimar siffla et trois loups de sephirie enragés vinrent se placer entre lui et son adversaire.

- Voyons si tu sais jouer semblablement avec trois cousins d’Olenwë…

Sephiroth regarda les vrais cousins d’Olenwe… Comment tuer des loups de la même race que lui… Toute sa combativité retomba durant un instant. Puis Malkhut en lui rouspéta et sa soif de vengeance grimpa en flèche. Il regarda Aenaril avec un petit sourire…

- Voyons voir. Cinquante grouillards qui meurent, ça en fait cent nouveaux. Cent par trois…

Il téléporta une partie des grouillards sur le premier loup :

- Ca en fait trente-trois pour le premier…

Une autre partie…

- Trente-trois pour le deuxième…

Le restant :

- Trente-trois pour le troisième. Trois fois trente-trois, quatre-vingt-dix neuf, il en reste un juste pour toi.

Quatre explosions succédèrent à ses propos, mais l’aasimar avait évité l’assaut en bloquant l’explosion avec un bouclier psychique.

- Pas mal joué, je dois le reconnaître. Tu ne te demandes pas comment pouvait être Olenwe à sa mort ? Et s’il était comme les dépouilles des trois loups devant toi, Sephiroth ?

Mais le tutélaire était calme. Trop calme. C’était le silence avant la vraie tornade.

- Dis-moi Aenaril. Etre le pantin d’une Déesse qui te prend faute d’avoir perdu son meilleur élément, c’est tous les jours aussi amusant ? De mon temps, je parlais moins et travaillais plus. Alors que toi… tu es fier d’avoir tué un animal à quatre pattes. Tu dois faire honte à ta Déesse. Est-ce qu’elle te paie pour être si idiot ou bien elle t’a donné ce qui lui restait de pouvoir, étant à court d’intelligence ?

Touché. L’aasimar blanchit à vue d’œil.

Cette fois, Sephiroth avait dépassé les bornes. Le jeu en sens inverse ne l’amusait pas du tout. Il s’approcha du tutélaire, la main sur la garde de son épée :

- Je ne te permets pas de m’insulter et de l’insulter Elle…

Il dégaina Malkhut et son aura enfla au maximum. Le sephirien ne se sentit nullement impressionné et répliqua :

- Désolé, j’oubliais à quel point un envoyé peut ressentir des émotions… Tu me dégoûtes, Aenaril. Tu te situes tellement bas… Je me demande comment j’ai pu t’accorder autant d’importance pendant des années. Ce qui me blesse le plus, c’est que tu n’étais pas digne de toucher Olenwe. Bien plus que le tuer tu l’as souillé, tu n’es qu’une pourriture, un parasite qui vit aux dépens des autres parce qu’il ne sait pas lui-même pourquoi il existe.

Affichant une mine de dégoût, il lui cracha à la figure. L’aasimar devint vert de rage et asséna un coup puissant – mais lent – vers Sephiroth, qui le para avec Masamune. Le choc produisit une émanation d’énergies entremêlées puissante. Les dimensions s’ouvrirent béantes, cette fois.

- Je te tuerais.

Le tutélaire rit à gorge déployée, les yeux rouges d’une démence qui s’éveillait en lui. La tempête déclenchée atteint son paroxysme et la foudre tombait tout autour d’eux, brisant les sépultures, carbonisant les espèces venues d’ailleurs. Harpies, strangulots, grouillards, termisaut, thanosaure, chévriboc, et compagnie se ruaient dans tous les sens pour sauver leurs vies.

- C’est venant de toi que ça me fait le plus rire. Je suis immortel. Et tu vas goûter à ce qu’est véritablement Malkhut, Aenaril… Tu n’oseras jamais plus nommer ton épée de ce nom lorsque j’en aurais fini avec toi. Jamais plus…

Le visage de l’aasimar se fendit d’un large sourire.

- Je te tuerais. Je connais le moyen.

*Je connais le moyen*… Cette phrase résonna en lui comme un espoir et une crainte à la fois. Risquait-il enfin vraiment sa vie ? Cette idée l’excitait, le troublait, lui donnait envie… Mourir. Mourir et se venger. Mourir puis être en paix. Mourir et expier… Malkhut s’éveillait.

- Enfin… J’ai cru que tu ne te déciderais jamais à en arriver là, Sephiroth. Laisse-le venir, qu’on s’amuse.

Sephiroth sentait en lui monter l’inarrêtable, l’inépuisable source de puissance qu’était Malkhut. S’il n’avait pas été lui-même plein de vengeance il aurait également senti la profonde rancœur, la haine qu’éprouvait ce dernier pour tout ce qui vit. Il se laissait envahir par cette sombre puissance qu’il refoulait toujours en lui… Son sang bouillonnait dans ses veines, jusqu’à la pointe de ses cheveux. Ses yeux se teintaient d’un rouge vif, agressif. Son corps dégageait une puissance phénoménale, il était en suspension dans l’air de par sa seule énergie. Quand à cette tempête, elle avait viré en mini-tornades qui semblaient elles-mêmes fuir le centre d’émanation de cette aura. Masamune fusionna avec sa main, son bras était devenu la garde d’une grande lame assassine. Enfin, Sephiroth ne se sentit pour une fois pas oublié et perdu. Malkhut le laissait profiter du combat en remerciement du fait qu’il l’ait laissé de plein gré se manifester. L’étrange mélange de personnalité promettait de belles rencontres.

- Tu vas souffrir, Aenaril. Tu regretteras d’être en vie dans quelques minutes.

De sa main gauche, il pointa l’index vers l’aasimar. Son épée lui vola hors des mains, ne manquant pas de lui érafler la joue.

- Je peux toujours semer la discorde sans être envoyé par la Déesse. Si j’ai pu devenir si bon, c’est parce que je fus profondément mauvais. Aujourd’hui, tu vas avoir droit à un retour fulgurant dans le passé.

Il pointa à nouveau le doigt vers lui, visant sa poitrine. Aenaril fut pris d’une violente douleur au cœur et serra ses mains contre lui.

- Tu sens comme ça fait mal ? Je pourrais te le broyer d’un simple geste… Comment as-tu pu croire que tu étais à ma hauteur ? Pauvre idiot…

L’aasimar avait les yeux exorbités et haletait. Il était aussi blanc qu’un mort. Malkhut fit apparaître des boules de vents qui tournoyaient sur place.

- Habituellement, j’ai un penchant pour l’énergie explosive… Mais je te réserve un sort moins brutal. Plus raffiné…

Il fit un geste de la main et Aenaril se sentit glisser vers lui, comme dans vers un trou noir. Il s’agrippa à une tombe pour tenter de résister mais en vain… Il ramassa son épée au passage et tenta de se retenir en la plantant dans le sol. Malkhut secoua la tête :

- Tsss… Non, non et non. Voyons Aenaril, je suis sûr que ce ne sont pas les manières que t’a enseignées la Déesse. On combat debout et non pas un genou à terre. Relève-toi.

Son corps se releva contre son gré, se tendant fièrement, la poitrine vers l’avant.

- Bien, maintenant viens dire bonjour à Masamune…

Aenaril prit alors conscience d’où le mènerait cette attraction… Il avancerait centimètres par centimètres jusqu’à s’embrocher sur l’épée de Sephiroth. L’horreur s’afficha sur son visage.

- Pourquoi t’inquiéter de cela ? Il y a plus urgent… Les boules venteuses te feront bien plus souffrir…

Les boules qui recherchaient l’énergie corporelle migrèrent soudainement vers l’aasimar. La première le heurta doucement lui raflant un morceau de peau au passage.

- On appelle ça l’écorchement. La Déesse m’a confié que ceux à qui j’infligeais ce châtiment ne passaient pas entre tes mains tellement leur âme était troublée à mort… Ils se retrouvaient obligés d’errer entre deux dimensions, revivant leur douleur encore et encore.

Une deuxième boule lui arracha un morceau de joue. Une troisième de la cuisse. Puis une quatrième, une cinquième, …

- On va essayer de ne pas faire disparaître les traces d’Olenwe. Je te laisse le bras gauche entier. Je sais, ma bonté me perdra, Aenaril, mais que veux-tu…

L’aasimar n’hurlait pas. Il serrait son épée dans la main gauche. Quand son corps se fit pénétrer par Masamune, il laissa échappé un hoquet de douleur puis Malkhut le fit glisser vivement sur la lame jusqu’à ce que ce dernier puisse le serrer à la gorge de son autre main.

- Alors Aenaril, encore vivant ? L’aasimar est à moitié divin, après tout… Comment vais-je bien pouvoir te t…

Sephiroth ne termina pas ses paroles. Aenaril avait établi le contact entre son épée et Malkhut et celle-ci aspirait enfin le pouvoir de la dixième personnalité du tutélaire.

Post Mortem

D’abord Sephiroth retomba au sol, lourdement. Aenaril retira la Masamune qui lui occupait le corps et s’adressa à son adversaire :

- Tu peux la reprendre, elle ne m’intéresse pas. Malkhut est plus puissante. Quand elle aura fini de tout absorber, tu ne seras plus qu’un misérable insecte que j’écraserais du pied.

La transfusion d’énergie était clairement visible entre l’épée et le corps du tutélaire. Aenaril s’assit en tailleur face à lui.

- Le temps que mon corps se régénère et le transfert sera fini. Il est vraiment doté d’une grosse quantité d’énergie, je dois admettre que je suis impressionné.

L’aasimar se releva, frais comme avant la bataille, excepté ses vêtements déchirés.

- Tsss, quel gâchis. Vraiment, aucun respect pour les belles choses. C’est ce que j’ai toujours trouvé qu’il te manquait lorsque tu te battais avec la rage d’exterminer : la classe.

Il baissa les yeux vers le regard vide du tutélaire qui peinait à respirer… Il posa un pied sur son visage et l’enfonça dans la fange du cimetière.

- Ca tombe bien, tu as pris soin de faire pleuvoir, tu t’y enfonces comme dans un oreiller. C’est fini Sephiroth…

Il resta de longues minutes dans la même posture de vainqueur, la tête levée vers le ciel, un grand sourire sur le visage, pendant que le tutélaire s’asphyxiait. Enfin, il rendit ce qui semblait être son dernier souffle…

- C’était un beau combat. Tu mérites une sépulture décente.

Il chercha un instant l’endroit des yeux…

- Oh… Nous étions à peine à quelques mètres. J’étais sûr que la crypte découverte lors du combat contre Aspharoth montrerait un jour son utilité.

Il fit un geste de la main vers le haut puis vers la gauche et la terre se souleva pour se poser en un tas. Ensuite, il prit le tutélaire sur son épaule, comme un marin porterait un sac de provisions, et il le posa au centre de la crypte.

- Tu m’excuseras de ne pas fournir le cercueil. Ce n’est pas compris dans mon contrat. Adieu, Sephiroth. Ta légende est morte…

Il fit les mêmes gestes en sens inverses et la terre recouvrit le corps de ce qui avait été le tutélaire. Ensuite, Aenaril tourna les talons et avança d’un pas doux et lent vers le cimetière. Il se sentait euphorique et triste à la fois. Malkhut vibrait entre ses mains. Mais qui trouverait-il à sa hauteur, désormais ?

- …

..

.

Sephiroth !

Il sursauta intérieurement. Il se sentait partir à la dérive, comme si les flots d’une mer immense l’engloutissaient.

* Suis-je mort ? Non. Si. Je ne sais plus. Mais, ça ne ressemblait pas à ça selon mes souvenirs… *

* Idiot.*

* Que veux-tu… bien sûr que j’en suis un. J’aurais du me méfier. Maintenant me voilà en train d’errer dans des limbes ténébreuses…*

* Idiot, pour la seconde fois *

* Toute cette noirceur… est-ce possible qu’il y en ait à ce point ? Est-ce que je suis une âme, suis-je maudit ? Je l’aurais bien mérité… *

* Vas-tu cesser ? *

* Mais je me sens libéré… je n’ai qu’à dériver, jusqu’à ce que j’arrive quelque part. Où est passé le temps ? Est-ce que les minutes s’écoulent ?*

* Pas ici, mais d’où tu viens, oui. On en est à quinze jours. *

* Ah… Ter Aelis ? Attends ! Que s’y passe-t-il ? J’avais encore une montagne de boulot là-bas moi ! *

* Ne t’en fais pas… Personne ne croit à ta mort. Enfin, ils ont sans doute senti que ton âme n’était plus de ce monde, mais ils préfèrent croire que tu t’es absenté on ne sait où pour un moment. Il n’y a qu’une personne qui n’ignore rien de ton sort… *

* Ce fourbe d'Aenaril… Si seulement Olenwe était vivant, lui l’aurait su et il se serait inquiété, lui, il aurait compté, mais Aenaril... *

* Idiot. Les gens ne veulent pas y croire, c’est pire que s’inquiéter.*

* Et ! Je devrais pouvoir revoir Olenwe, non ?! Si je suis mort et que lui aussi, forcément on devrait... *

* Ca y est… jamais vu esprit aussi vagabond et pénible. Oui tu pourrais le voir si tu le désirais.*

* Alors je veux y aller maintenant.*

* Tu y es *

* Il fait toujours tout noir.*

* C’est pour cacher toute la lumière. Ouvre les yeux, abruti.*

* Jamais vu un ange aussi grossier…*

* Un ange !? On aura tout vu…*

Le sephirien entrouvrit une paupière et fut instantanément ébloui. Il dut mettre un certain temps avant que ses yeux ne s’acclimatent à la pureté des lieux. Pendant longtemps il vit une paire d’yeux animale l’observer avec intérêt… Jusqu’à ce que la blancheur du poil d’Olenwe se dissocie de celle de l’endroit où ils se trouvaient.

- Une lanterne, hein… J’avoue, niveau lumière tu as fait fort.

- Je n’ai pas choisi d’être ici…

Quinze jours… Aenaril avait l’éternité devant lui mais il lui avait semblé la vivre durant ces deux semaines d’attente. Il ne pouvait pas ne pas trouver quelqu’un pour le défier. Son aura se dégageait au maximum, il envoyait des messages mentaux de défis aux quatre coins des galaxies sans succès. Son meilleur ennemi était-il vraiment enterré là, sous ce tas de terre… Le reste de l’univers était-il vraiment à sa merci ? Dure chose à croire. Il commençait à comprendre ce qu’avait pu être la vie de Sephiroth : du sang, des combats, toujours gagnant. Il tuait plus le temps que les gens, au final. Pas étonnant qu’il finit par se retourner contre la Déesse elle-même. Après tout, que restait-il de plus puissant que lui à part La Mort elle-même ? Mais l’immortalité à cet inconvénient là qu’il avait perdu sans mourir… Qu’avait-il fait après cela ? Meubler sa vie, rencontrer des gens, se destiner à l’art, à une communauté. La vie était-elle si absurde, si vide de sens ?

Il s’approcha de la tombe du tutélaire. Il rouvrit une de ses cicatrices et laissa s’échapper son sang noir qui vint se déposer en gouttelettes sur la terre meuble. Il murmura :

- Je donne mon sang pour que l’ennemi se réveille et livre son ultime combat.

Rien. Il répéta, plus fort :

- Je donne mon sang pour que l’ennemi se réveille et livre son ultime combat.

Seul le silence lui répondit… Aenaril tomba les genoux à terre et obligea le ciel à lui répondre :

- Je donne mon sang pour que l’ennemi se réveille et livre son ultime combat !!!

Ses pupilles étaient noires et son visage tordu par la colère.

- J’ordonne à l’univers de ressusciter cet homme ! Que ma volonté s’accomplisse !!

Le ciel gronda et la foudre tomba non loin de lui. Une voix d’outre-tombe lui répondit :

- Impossible. Tu ne peux pas tout, Aenaril. Mais tu regretteras ton souhait et tes actions… Maintenant, cesse de nous importuner !

Un puissant souffle le projeta dans les airs et il retomba dos contre une tombe, la tête dans les genoux. Une douleur lancinante s’insinuait dans son esprit. Il était brûlant… Aenaril se prit la tête dans les mains et cria de douleur.

- Tu n’as pas choisi ? Tu as abandonné la partie contre Aenaril !!!

- Il était devenu trop fort et je savais que je te serais plus utile « mort ».

- Donc nous sommes bien au paradis.

- Non. Je te l’ai déjà dit. En fait je pense que nous sommes entre deux dimensions, c’est pourquoi La Mort ne nous a pas prise.

- Comment cela se peut-il ?

- J’ai eu le temps de réfléchir… Aenaril s’est trompé sur toute la ligne. Il pensait être celui qui tranche les liens. En fait il est celui qui les tisse. En prenant mon corps, il nous a ouvert une brèche pour le vaincre.

- Impossible. Il a Malkhut en lui. Il me tuera comme il a réussi à le faire.

- Tu n’es pas mort. Idiot. Il faudra que tu comprennes d’une façon ou d’une autre. S’il a pu te vaincre en tout cas, c’est parce qu’il y a en toi une part d’inacceptable. Quand il t’a ôté Malkhut, il t’a rendu plus ou moins mortel. Cherche pourquoi tu n’es pas totalement mort…

- … Je ne vois pas.

- Ca viendra. En attendant, il va falloir que l’on fusionne.

- Pardon ?!

- C’est comme si on était en vie… Lie ton esprit au mien. On va chacun aller jouer les colocataires contestataires et récupérer ce qui m’appartient de droit : mon corps. Le combat promet d’être douloureux, mais pas impossible du tout.

- Les trois cicatrices…

- Et oui… Une porte d’entrée pour nous deux, une porte de sortie pour lui.

- Et Malkhut ?

- Malkhut, j’en fais ton affaire, conclut le loup dans une phrase qui semblait étrangement familière.

Et sans réfléchir plus où ils allaient, le loup donna l’impression de faire marche arrière… Plus ils avançaient plus l’atmosphère devenait lourde et sombre… Aenaril n’avait qu’à bien se tenir.

Olenwë sentit très vite l’odeur d’Aenaril. Son instinct de loup ne le trahissait pas, même à des lieux de sa dimension d’origine. Il ne put s’empêcher de note, cependant, que celui-ci semblait en proie à un manque profond. De là à en savoir la nature… Il se glissa par une ouverture béante, d’où sortait la lumière. Une autre ouverture surplombait celle-ci et une autre, parallèle, se trouvait à droite. Les trois marques. D’une décharge mentale, Sephiroth et lui envoyèrent trois coups puissants, comme s’ils « défonçaient la porte ».

Aenaril, toujours contre la tombe ressentit trois violents chocs dans l’estomac et se tordit sous la douleur. Ses yeux semblaient vouloir sortir de leurs orbites et le Ciel se riait de lui. Il payait son affront aux forces occultes. Il savait pertinemment que celles-ci ne pouvaient mourir et qu’elles profitaient de ne pas avoir de substance pour ne pas craindre les représailles. Mais rapidement il comprit que l’assaut venait de l’intérieur. L’angoisse s’empara alors de lui : quelque chose d’imprévu arrivait.

* Voyons Aenaril, que cela pourrait-il bien être ? *

L’aasimar aurait pu être frappé par la foudre, ça lui aurait fait le même effet.

* Sephiroth ?!*

Sephiroth avait pénétré le corps d’Aenaril à l’aide d’Olenwë et il s’y sentait presque comme chez lui. Ayant habité le corps du loup à maintes reprises et Malkhut ayant fait partie de lui pendant si longtemps, cela pouvait se comprendre. Après un court instant d’acclimatation, il finit par saisir les pensées de son ennemi. Il y répondit donc et celui-ci fut frappé de stupeur.

- Et oui, le seul et l’unique « grand » Sephiroth pour te détruire, Aenaril. Tu pensais peut-être que je pouvais mourir ? Oh, j’avoue, j’y ai cru, moi aussi.

Le tutélaire riait doucement, dangereusement… C’était le genre de rire qui annonçait son prochain carnage, lorsqu’il opérait encore comme envoyé de la mort. L’aasimar frissonna. Avait-il peur ? En fait, il était terrifié.

- Tu as trois secondes pour venir me rejoindre… Il faut méditer pour parvenir à voir en soi, n’est-ce pas Aenaril ?

Vu son état, il était impossible que celui-ci y parvienne. Mais le tutélaire ne s’embarrassa pas de ce détail.

- Bon… Je vais t’aider, je viens te chercher, attends.

Ce fut comme si Aenaril se faisait saisir le cerveau et qu’on le lui aspirait de l’intérieur. Il eut l’impression qu’il passait en lui comme dans un fin tuyau, ou comme dans un trou percé dans un avion en plein vol. Mentalement, il hurla de douleur pendant de nombreuses secondes, mais le tutélaire le fit taire par le même procédé qui lui avait permis d’attirer Aenaril dans son corps.

- Bonjour Aenaril Elrohir. Vous n’avez pas changé… ou presque. Vous sembliez plus fier, la dernière fois que l’on s’est rencontré. Les combats mentaux sont plus durs que les combats physiques, n'est-ce pas ?

L’aasimar ne put s’empêcher de s’incliner légèrement, mais il se reprit bien vite et Sephiroth sourit. Une grimace de colère déforma le visage d’Aenaril :

- Ne m’appelle pas Elrohir ! Ce nom n’est plus à moi !

Comment osait-il l’appeler ainsi ? Le nom de sa mère… le nom d’Agape. Lui qui avait tout fait pour renier cette origine, lui qui ne voulait être connu que sous le nom de Thanatos. Combien de fois n’avait-il pas souffert de cette étrange combinaison ? Et comment Sephiroth avait-il pu connaître une partie de son histoire ?

- Je lis en toi comme dans un livre, Elrohir, cela me semble évident, si je t’ai amené ici, c’est que j’ai maîtrise sur ton être.

- C…comment ? Comment fais-tu ?

Le tutélaire afficha un sourire provocateur et articula précieusement :

- Olenwë.

- Il est mort !

Le loup se matérialisa aux côtés de Sephiroth. L’endroit devint alors sombre, car seule l’âme d’Aenaril continuait à agir sur le corps qu’ils habitaient. On aurait dit une caverne pleine de cristaux mauves, bleus, rouges et noirs.

- Intéressant… On découvre enfin l’intérieur de l’Aasimar.

- Tu vas mourir pour de bon, Sephiroth. Je te tuerais et tu le sais. J’en suis capable. Il me suffit d’avoir Malkhut.

Sauf que… Aenaril était sans arme. Le tutélaire, loin d’être effrayé lui recommanda :

- Utilise ton esprit, tu devrais pouvoir faire ça, non ? Ou bien tu es à ce point diminué dans tes capacités ?

A peine avait-il terminé sa phrase qu’Elrohir s’élançait vers lui, lame pointée droit sur son cœur.

Sephiroth ne bougea pas, il se contenta de lever la main à hauteur d’épée et la pointe de la lame s’arrêta à un millimètre de sa paume.

- Vraiment très intéressant. Va jouer ailleurs avec ça, tu pourrais blesser quelqu’un.

Il lui adressa un clin d’œil, puis, d’un geste de la main, l’expédia au sol, à quelques mètres.

- Les bleus… Aenaril. Les mauves… Agape. Thanatos, le mélange. Les rouges… Elrohir, l’amour. Les noirs ?

- Qu…que fais-tu ?

Sephiroth se retourna vers lui, enjoué.

- Tu ne me croiras jamais ! Enfin si, tu vas me croire dans quelques instants. Mais c’est une histoire formidable. C’est comme tetris ou diamants, de super jeux ! Je décortique ton âme ! Olenwë va t’expliquer comment on joue.

Reprenant un air plus sérieux, il termina :

- Les noirs, Malkhut.

Il brisa le cristal qu’il désignait et tous les autres éclatèrent. Seules les autres cristaux de couleur demeurèrent intacts.

- Remercie-moi.

Olenwë avait observé la scène en silence. Le tutélaire avait fini par comprendre et il n’avait plus rien à faire d’autre qu’attendre le moment où parler deviendrait nécessaire.

- Vois-tu, Aenaril, quand je t’ai laissé mon corps, j’ai laissé des entrées. Les trois marques. On a erré durant quinze jours dans les limbes. Enfin, pour être précis, entre deux dimensions. Je ne peux pas mourir si mon corps ne meurt pas, c’était élémentaire et j’ai été surpris que tu te laisses duper si facilement. Mais bref… Quant à Sephiroth, tu as bien failli le tuer et heureusement que j’étais là pour aller le rechercher, sans quoi il se serait laissé dériver.

Il marqua une pause, pour être sûr que ses mots étaient bien entendus. L’aasimar ne semblait pas en état d’agir autrement qu’en écoutant.

- Il a compris plus vite que toi. Mais sur ces points vous étiez égaux. Tu n’acceptes pas ce qu’il y d’Agape en toi, Elrohir. Et c’est un tort car c’est là que réside ton vrai pouvoir, tes vraies forces. N’oublie jamais que la femme qui te met au monde endure bien plus que le père qui porte la semence. Quant à Sephiroth, lui, il ne supporte pas Malkhut, toute la capacité de destruction qui se tapissait en lui à longueur de temps. Finalement tu lui as ôté un gros poids en le lui volant. Mais tu as encore commis une erreur.

La compréhension se lisait sur le visage d’Aenaril, à présent. Il ne remarquait pas que les cristaux noirs brisés dégageaient une vapeur noirâtre qui s’assemblait en un gros écran entre Sephiroth et lui.

- Tu n’es pas celui qui tranche les liens. Tu es celui qui relie. Grâce à toi, mon ami a compris qu’il devait accepter Malkhut, que sans lui, il n’aurait plus qu’un semblant de vie. Et c’est ce qu’il va devoir faire dans quelques instants : te le reprendre.

L’aasimar voulut protester et réagir mais Olenwë le cloua au sol, les crocs bien mis en évidence. Sephiroth se doutait que cela n’était pas nécessaire, mais le loup avait acquis un certain sens du spectacle avec le temps.

- Tu as deux choix, Aenaril. Soit tu aides à relier Malkhut et Sephiroth et je te laisse partager mon corps. Soit, je te fais déguerpir et tu erreras entre deux dimensions, à ton tour, sans guère d’espoir de retour. Dans tous les cas, tu te retrouveras confronter à toi-même, à Agape, tôt ou tard. Il faut que tu te relies, toi aussi.

Sephiroth regardait le nuage prendre forme, Malkhut retrouvait corps entre Aenaril et lui. Il ajouta, avant que celui-ci finisse par être doté de toutes ses facultés :

- Tu sais Aenaril, si Olenwë est si généreux, c’est parce que je ne t’en veux pas d’avoir envié Malkhut. Je l’ai admiré bien longtemps avant toi et plus longtemps que toi. Mais il va falloir jouer un peu les bisounours, à présent, sans quoi toi et moi on risque de jouer les calinours explosifs pendant un bon bout de temps. Et, je pense ne pas me tromper, en supputant que tu as compris toi-même que se battre n’avait rien d’excitant quand c’était un quotidien.

Il n’attendit pas réponse, car la dixième personnalité du tutélaire était à présent disposée à livrer bataille. Malkhut tendit son épée vers le sephyrien et lui, en toute réponse lui tendit les bras :

- Je t’aime, Malkhut.

…

Sephiroth se fit embrocher par sa propre masamune et il étouffa un cri de douleur. Olenwë poussa un soupire d’exaspération…

- Accepter, ça ne veut pas dire faire n’importe quoi !

On lisait tout de même dans le ton utilisé qu’il était très inquiet. Malkhut, lui, riait comme un dément. Le tutélaire regarda Aenaril :

- Ca arrive à tout le monde d’être idiot, tu vois… Et accepter d’être bon, c’est accepter d’être con, quelques fois. Que vas-tu faire, Elrohir ? Me laisseras-tu cesser d’exister ?

Aenaril avait compris où voulaient en venir Olenwë et son gardien. Inconsciemment il avait ressenti du soulagement en entrevoyant la possibilité d’une fin qui arrangerait tout le monde. Plus que tout, il avait également compris que Malkhut était Sephiroth et que ce premier pouvait tuer le dernier. Aussi, il ne se fit pas prier longtemps et s’élança vers le tutélaire, brisant masamune de sa propre épée.

Celle-ci avait changé subtilement. Elle était toujours bleutée, mais l’aura rouge qui entourait la lame était bien plus douce. Le loup le remarqua aussitôt et s’allongea pour admirer le spectacle : il ne doutait plus de la fin.

L’aasimar attrapa Malkhut en passant un bras autour de son cou. Celui-ci rugit et explosa d’une aura violente. Sephiroth s’agrippa au sol pour éviter d’être propulsé, mais il était clair qu’il ne tiendrait pas longtemps. Il plongea son regard dans celui d’Elrohir et celui-ci compris instinctivement ce qu’il fallait faire.

- Agape, murmura-t-il.

La lame dont il menaçait Malkhut se transforma en une femme translucide. Sa chevelure cachait les parties de son corps interdites au moins de seize ans et on aurait pu la confondre avec une fée si elle avait été dotée d’ailes. Son visage était éclairé d’un grand sourire. Elle caressa la joue de Malkhut :

- Eh bien, mon grand… On est fâché ? On ne doit pas s’énerver ainsi, c’est mauvais pour la santé.

Le démon intérieur du tutélaire se calma aussitôt et émit un bruit proche du ronronnement.

- Voilà qui est bien mieux, tu es un bon garçon.

Elle lui déposa un baiser sur la joue en guise de récompense.

Sephiroth oubliait presque qu’il était mourrant. Agape était sortie de la lame d’Aenaril ! Ca, il ne s’y attendait pas. Et visiblement le loup non plus. Il l’observa calmer Malkhut en un claquement de doigt. Après, la femme s’avança vers l’aasimar :

- Et bien, mon fils… Il t’aura fallu le temps, mais tu es parvenu à t’accomplir enfin. Mais ne crois pas que ta route s’achève, à présent… Tu vas découvrir de nombreux dons dans l’avenir. Reste proche de ces deux là.

Elle désigna le gardien et son loup d’un large mouvement du bras. Puis, s’approchant de Sephiroth, elle se baissa pour être à sa hauteur.

- Et si tu te relevais, jeune homme ? Ce ne sont pas des manières que de rouler dans la boue.

Le tutélaire se sentit forcé d’obtempérer, comme si quelque chose l’y obligeait. Il essaya de se relever mais il grimaça : la douleur était toujours vivace.

- Oh, je vois, tu t’es blessé. Laisse-moi voir ça.

Elle posa la main au-dessus de la blessure et celle-ci se referma.

- Tu sentiras encore la douleur quelques jours, mais à présent tu devrais tenir debout.

Agape lui sourit et prit sa main droite pour la poser dans la main de Malkhut.

- Je ne vais pas lâcher le zigoto, il risquerait de vous refaire une crise de nerf, il a toujours été capricieux. Aenaril, si tu serrais la main à tes frères ?

L’aasimar eut un hoquet de surprise.

- Oui, votre destin est lié: pour un dieu, vous êtes frères. Mais vous pouvez vous contenter d’être des amis, c’est très bien aussi. Il faut que tu les relies.

Aenaril rejoignit les deux autres pour former une sorte de petit cercle. Agape, tenant Malkhut par les épaules, adressa un sourire qui signifiait au revoir au tutélaire et à l’aasimar. Elle murmura à Malkhut :

- Sois un bon garçon comme aujourd’hui. Je n’ai même pas eu à te donner le sein tellement tu as été brave. Evite d’être trop impulsif, et écoute bien ton gardien.

Elle s’évanouit et l’épée d’Elrohir réapparut dans le fourreau de celui-ci. Au même instant, Malkhut passa au travers de l’aasimar pour rejoindre Sephiroth.

- Une bonne chose de faite, soupira Aenaril.

- La première d’une longue série, approuva le tutélaire.

Olenwë observait en silence les deux hommes se réconcilier. Est-ce que tous étaient aussi stupides ?

- Quelle idée tout de même, tu as fait exprès de te laisser embrocher ?!

- Euh… non, pas du tout ! Je suis pas aussi intelligent que j’en ai parfois l’air, tu sais !

Ils éclatèrent de rire.

- Crois-tu que nous soyons encore immortels ?

- Pour toi, je n’en sais rien, mais moi, très probablement. C’est ma malédiction.

- Si j’ai retrouvé Agape, il y a des chances que je sois aussi maudit que toi par la Déesse de La Mort tu sais…

- Boah, on avisera, on ira la boxer ensemble ! Tu comptes payer un loyer à Olenwë pour le corps ?

- Euh…

C’est le moment que choisit le loup pour bondir sur Sephiroth, l’étalant à terre et lui rappelant qu’il était blessé.

- Tu comptes jouer encore longtemps les locataires, toi ? Tu as un corps qui se décompose depuis quinze jours, je te rappelle.

- Euh… J’ai prié les dieux de te ressusciter…

- Ben t’as raté, j’étais pas mort.

- Peut-être que cela a préservé ton corps ?

- C’eut été probablement le cas si tu m’avais mis dans une boîte, mais sous la terre, je dois avoir des asticots à des endroits que je n’ose pas imaginer !

- Je suis désolé…

- Evite d’être bête et sortez-moi de là, vous deux.

Aenaril se retrouva alors dans le cimetière, Olenwë partageant son corps volontiers. Les deux étaient étroitement mêlés et le corps regorgeait de puissance.

* Je vais aider Sephiroth, sors-nous de terre *

Le pelage blanc du loup vint envelopper alors le tutélaire comme un linceul purificateur tandis que l’aasimar le sortait de terre. Pendant un instant, Aenaril douta de son réveil, mais Sephiroth se releva d’un bond :

- Cool cette technique, ca ferait une belle armure, Olenwë !

Et pour l’impressionner à son tour, le loup pris possession du corps… La silhouette d’Aenaril prit des allures canines, son visage se déforma pour devenir une tête de loup.

- Nous voilà bon pour un rp « le retour des loups garous pas garous sans clair de lune », murmura le tutélaire pour cacher son admiration.

- Sortons de cet endroit, dit le loup avant de redevenir l’être à quatre pattes qu’il était à l’origine.

- Oui, mes frères. Du travail m’attend et j’aurais bien besoin de votre coup de main. Tutélaire un jour, tutélaire toujours !