Nichiren Vs Super Dupont [Arène]

Ca sentait le roussi. A un moment ou à un autre, il faudrait couper les vannes. Super Dupont ne l'ignorait pas. Le chevalier, lui, ne sourcillait pas. La ruse, la flagornerie... Super Dupont hésitait sur la tactique à utiliser. Quand soudain :

- POOOOOOOOOOUUUUUUUUUCE

Les jets de flamme s'interrompirent dans un silence de cathédrale. Le public dubitatif n'avait jamais encore, grand Dieu, vu quelqu'un interrompre aussi souvent un combat. La manoeuvre du Français lui permit de reprendre son souffle et de régénérer son stock gazeux. Il n'avait cependant pas l'intention de l'utiliser dans l'immédiat et s'empressa d'enchaîner devant un adversaire médusé.

- CO-CO-CO-COMBO ! Monsieur l'arbitre, j'en appelle à votre bienveillance et à votre connaissance fine des textes. Il me semble que le chevalier vient de se disqualifier en tirant la langue à un enfant dans le public. Il m'a cramé des cheveux. Il a une bouche non conforme. Son armure brille trop si l'on s'en réfère à la norme NF-412. Il a utilisé une pistole et une grenade incendiaire. Revisionnez le ralenti, Monsieur, s'il vous plait.

L'hilarité envahit l'assistance car, faut-il le rappeler, il n'y avait aucun arbitre dans ce match. Super Dupont allait et venait dans l'Arène, faisant de grands gestes, interpellant qui de droit, dans le vent. Le chevalier était au bord du suicide. Jamais il n'avait mené un tel combat. Le Français était ridicule mais il emportait haut la main l'adhésion du public. Et il énervait prodigieusement Nichiren.

- C'est un scandale. Je refuse de me battre dans ces conditions désavantageuses. Si cela continue, je m'en irais comme un prince. Avec Anatole et ma Deueuche d'amour.

Sur ces mots, Super Dupont fit volte face, se dirigea vers son véhicule pour en extraire, du coffre, un sandwich saucisson - beurre. Confortablement adossé à sa caisse, le gladiateur savourait son quatre heures. Quand un cornichon s'en échappa...

Nichiren était dépité de tous ces enfantillages, ces gestes bas dont le super héros français était le maître incontesté. Il devait se rendre à l'évidence, il gagnait, pas de la manière officielle, pas dans le sang et la gloire. C'était un autre style de combat plus psychologique. Le genre de combat dont n'excellait le chevalier.

*Je suis né, j'ai été élevé dans un but, combattre pour la paix, combattre ce et ceux qui pourraient détruire le monde, les puissants, les démons et les faux-dieux qui ne cherchent que l'anéantissement et l’asservissement, tous ceux là sont les ennemis. Mais si je n'arrive pas à le vaincre, suis-je vraiment digne du titre ? Certains auraient moins de scrupules, mais je suis un homme droit et si je dois échouer, j'échouerai ... Mais pas comme ça !*

Le super héros toujours en train de manger ne s'occupait nullement du conflit intérieur qui traversait le chevalier, mâchonnant paresseusement son pain, son saucisson et autres victuailles.

Le chevalier, leva la main et ferma le poing, il lança instinctivement une boule de feu qui se dirigea vers Super Dupont, qui l'esquiva en essayant de ramasser son cornichon au sol. La boule de feu explosa littéralement le coffre de la 2CV laissant échapper des gerbes de flamme et laissant tomber des morceaux de tolle qui ne s'écrasèrent sur aucun des participants à la bataille.

"Non mais tu es complètement zinzin toi là ! C'est ma voiture de collection que tu viens de bousiller ! C'est mon pique nique que tu viens de cramer ! C'est mes grillades que tu viens de saccager ! Mais, mais ..."

Une bonne odeur de chipolatas, de merguez, de côte de bœuf, de brochettes se faisait sentir, le coffre de la 2 CV détruit par l'effort du chevalier avait certes détruit le contenu du coffre, mais il y avait aussi de la viande pour le prochain barbecue dominical de Super Dupont.

Le chevalier avait senti également l'odeur de la viande en train de cuire, il répondit alors, à contre courant de sa pensée combative, pour gagner, il se devait d'essayer de penser comme lui. Si ensuite cela devenait une défaite, au moins son estomac peut-être sera soulagé, à vrai dire, le lion d'or avait faim, l'odeur de viande cuite l'avait mis plus qu'en appétit.

"Je peux sauver ta viande pour qu'elle soit encore délicieuse et non avec un goût de charbon, le feu ça me connaît, mais ça ne dépend que de toi, mais fais vite, chaque seconde est un risque que tu ne devrais pas prendre. Quitte à perdre contre toi, autant ne pas gâcher de la bonne nourriture."

La réponse de Super Dupont allait prendre ici toute son importance finale.

Le chevalier, toujours vêtu de ses ridicules apparats de lumière, patientait. Le français, cependant, était plus préoccupé par ses petites saucisses que par l'issue du combat. Étonné par le discours de son adversaire, il grommela :

- Il veut quoi l'ahuri ? Qu'on arrête et qu'on se tape MES saucisses entre potes comme si de rien n'était. Non mais il est fou celui-là. Mes saucisses... ça crame. Ça va être dégueulasse. Encore que, trempées dans un peu de rouge ?

Notre héros était surpris par cette riposte bien plus fourbe que tout ce qu'il avait pu endurer jusqu'alors. La douleur physique se surmontait, passait mais les saucisses, les saucisses... Le frenchie passa en revue ses options. Toute seconde perdue à combattre carboniserait un peu plus encore ses victuailles. Il ne pouvait donc passer à l'offensive. A moins d'abandonner l'idée d'un bon barbecue champêtre.

- Perdre contre moi, perdre contre moi... De toute façon, évidemment que tu aurais perdu. Quelle bassesse de ta part. Sale type. T'as vraiment un mauvais fond. T'attaquer à d'innocentes saucisses... Ca me rend fou. Enculé !

Les noms d'oiseaux volèrent, Super Dupont trépigna, il était déboussolé, il avait atteint ses limites et était prêt à exploser. Mais quelle décision prendre ? Etait-il encore vraiment apte à en prendre une ?

- Je vais te rouler sur la gueule ! M'arrêter, faire marche arrière, te bousiller la mâchoire et te repasser dessus jusqu'à ton corps ressemble à un Wrap digéré et déféqué. La 4L ne meurt jamais !

Super Dupont avait oublié les saucisses. Son obsession, c'était le chevalier. Planté là comme un con. Le français pris le volant de sa 4L cabossée dont le coffre expulsait une fumée de plus en plus noire (signe que c'en était finie des saucisses...). La 4L eut des râtés, ne voulait pas démarrer. Pied au plancher, Super Dupont tournait frénétiquement le volant comme un gamin sur un de ces manèges au prix exorbitant. Il se frappait la tête contre le volant déclenchant alternativement le klaxon cauchemardesque de son véhicule qui, finalement, voulut bien se mettre en route.

Le chevalier fut vite cerné par la fumée alors que Super Dupont enchainait les tours d'arène. Le public suffoquait et tentait de se protéger du son horrible qu'émettait la "voiture". Sans visibilité, le pyromane ne savait plus où se mettre jusqu'à ce qu'il perçoive le capot de la 4L fonçant droit sur lui. Il avait contribué à cette situation en mettant le feu à l'âme du français mais aussi, à sa bouffe. Une grave erreur stratégique...

Le chevalier se retourna pour voir que l'ombre de le 4L du super héros se dirigeait droit vers lui. Le pilote était un chouïa énervé suite aux dégâts irrémédiables dans les victuailles du français gourmand.
Vrombissante, tremblante , inexorable la 4L abattait les quelques mètres qui la séparait de Nichiren, se dirigeant droit vers lui. Le super zéro était rouge comme un bourgogne ou un bordeaux, mais il le savait, d'ailleurs il ne pourrait pas prendre un peu de pinard, la saleté d'armuré lui avait gâché son goûter, y compris ses précieuses bouteilles, c'était un Super Dupont impossible à arrêter et instable qu'il devait maintenant affronter

Le chevalier perdu dans le fumée eut à peine le temps de comprendre que quelque chose fonçait sur lui, le véhicule sans doute au vu de l'ombre, malgré la fumée et la poussière. Il se retourna instinctivement pour faire face, dans le même mouvement réflexe, il enflamma son poing et donna un bon coup puissant directement dans le capot du véhicule.

Un bruit de casse, de fracas se fit entendre dans l'épaisse fumée noire, un cri de surprise, de douleur mais rien qui ne pouvait être distingué par le public.

Après le choc, quelques secondes plus tard le public pu voir enfin le dénouement.

La 4L était entièrement en miette, explosée, le moteur crachant huile et essence gisait au sol encore en mouvement, tel un cœur encore en train de battre. Les portes, la carrosserie étaient éparpillées sur le terrain de manière chaotique, les cuirs des sièges étaient dans un piteux état, le pot d'échappement s'est retrouvé fiché sur un mur à l'opposé. Il ne restait plus rien du véhicule hormis des tas de ferraille bon pour la casse.

Super Dupont se retrouvait à tenir encore son volant de manière à la fois choqué et toujours énervé. Ses dents grinçaient de frustration et de colère. Ses yeux hésitaient entre les larmes de fureur et de tristesse mais ils étaient gonflés et rouges. Sa réaction tarderait sûrement avant qu'il puisse en dire quelques mots tellement le choc fut violent. Mais, aucune blessure ne pouvait être constaté auprès de cet éternel chanceux qu'est Super Dupont.

Nichiren de son côté, tenait son bras droit sanguinolent avec son autre main valide. Le coup de poing surpuissant du chevalier, peu importe la force déployée reste toujours de chair et d'os et cette fois l'épaule droite était déboitée, fracturée, l'os du bras ressortait par ailleurs, un peu de sang coulait en cascade le long du bras avant de tomber au sol, laissant une flaque rouge chaude et écarlate. Le chevalier souffrait, il lui faudrait du temps pour s'en remettre et il sera difficile pour lui de poursuivre le combat en bonne condition désormais.

*Argh j'ai mal, j'ai tellement mal, je ne peux plus bouger mon bras, il me faut des soins* "Je suis prêt ... à en ... finir, viens ... te battre !" *Oui qu'on en finisse au plus vite, je ne tiendrais pas longtemps à ce rythme.*

Super Dupont, le seul, l'unique, le légendaire, ne pouvait le croire. Il ne voulait pas le croire. Cet avorton, ce merdeux tout d'or vêtu, l'idiot du village, l'imbécile de service, avait réussi à... Non, ce n'était pas possible. Elle était renforcée de tous les côtés, boulons et écrous serrés et resserrés. Super Dupont se souvenait des heures passées à la bichonner. A découper les buts des gamins du quartier pour fabriquer l'arceau métallique intérieur de cette beauté.

Le chevalier s'était défendu comme il avait pu et il avait réussi à frapper juste. Physiquement, et psychologiquement, le Frenchie n'y était plus. Elle lui manquerait, c'était sûr. Une si belle, une si pure. L'objet de tous les désirs dans son village. Quelle horreur. Quel malheur. Il n'avait pas su la protéger. Elle s'en était allé. Reprenant peu à peu ses esprits, Super Dupont baragouina quelques mots :

- Une sépulture décente. Une cérémonie. Un barbecue.

Le méritant chevalier pissait toujours le sang au milieu de l'arène. Le public s'en moquait éperdument bouleversé par le sort du mythique véhicule gisant, décapité. Il scandait le nom de Super Dupont occupé à réunir les pièces de son amie disparue. Le chevalier, marqué par cette noblesse, se mit lui aussi à rassembler les quelques pièces qui jonchaient le sol, à ses pieds. Super Dupont, d'abord envahi par une noire fureur plaqua Nichiren contre les murs de l'arène :

- Comment oses-tu, pourriture ? Tu ne mérites même pas de toucher aux cendres de celle qui fut ma compagne pendant toutes ces années. Lâche ça et dégage.

Mais le chevalier n'en fit rien. Humblement, il tendit les débris qu'il tenait dans sa main. Ce qui avait été un combat prenait des allures d'éloge funèbre. Une communion partagée par les deux protagonistes. Le public n'avait jamais vu ça, plus habitué au sang, à la haine et à la mort. Super Dupont, conscient de vivre un instant unique ne rata pas l'occasion d'écrire sa légende :

- Tu me sembles sincère, chevalier. Ne sois pas rongé par le regret, elle a bien vécu. Tu partageras avec moi un barbecue en son sein. Le dernier. Ensemble.

La carcasse du véhicule finit par se mouvoir quand, de concert, Super Dupont et Nichiren entreprirent de la pousser jusqu'à ce qui serait sa dernière demeure. Si tout se passait bien, la forêt serait son tombeau tandis que nos deux compères, ragaillardis par du pain, du vin et des mets bien français, se sépareraient amis jusqu'à recroiser le fer, ensemble, contre d'autres ennemis de la boufaille. Pour l'heure, la 4L disparut dans les longs corridors de l'Arène, poussée par nos héros épuisés mais, encouragés par le néanmoins fameux Anatole, et acclamés par un public battant le rappel.

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RIP.

Un bon gueuleton, du bon pinard, du saucisson, du fromage, quelle bien belle fin pour un combat, aucun n'avait l'ascendant physique ou psychologique, ou du moins chacun s'accordait le mérite de la victoire, mais ce n'était pas important, le combat fut âpre et le repas beaucoup moins. Le chevalier se sentait un peu bouleversé par la tristesse que cachait Dupont, sa voiture bousillée était un trésor choyé et couvé par ses soins. Maintenant elle était bonne pour la casse et le chevalier voulait se rattraper.

"Je suis désolé d'avoir eu à détruire ton destrier cher Dupont, si je peux faire quoi que ce soit ..."

Super Dupont le regardait et lui tendit une bouteille de vin rouge.

"Bois plutôt ça au lieu de dire des bêtises, elle était vieille mais elle était bien alors profite un peu et découvre ce que c'est la vraie cuisine et la vraie boisson, par chez toi, y'en a pas des comme ça !"

Nichiren prit une lampée de rouge et avoua qu'effectivement le vin était bien meilleur que la piquette qu'il buvait ailleurs.

Super Dupont lui mit une grosse claque de camaraderie dans le dos qui acheva de remboiter l'épaule détruite du chevalier qui n'eut d'autre choix que de lancer une grand cri de douleur.

"Tu hurles bien toi, ce que tu as ce n'est rien, Super Dupont en a bien vu pire, prend du vin, ça va te soigner. !"

THE END

En espérant que ce modeste combat aura plu à notre sanguinaire populasse.
Dans le cas contraire, on s'en fout.

Merci à toi Nichiren. Tu peux pas test

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