Green Partizan Littéraire et rôliste
Nombre de messages : 3951 Localisation : Ici, c'est Saint-Denis. Date d'inscription : 25/11/2007
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| Sujet: What am I doing here ? Dim 20 Sep - 13:16 | |
| J’entends Maman qui demande à Papa où je suis. Il lui répond que je suis dehors ; elle va m’appeler, c’est sûr. Jack. Jack. Jack.« Jackal ! s’exclame-t-elle en défonçant presque la porte. J’émerge de ma cachette derrière l’arbre solitaire de la cour. T’as du pain sur la planche, alors amène-toi. Je m’élance vers la maison mais elle a déjà refermé derrière elle. J’entre et me presse pour la rejoindre. Elle m’attend devant une fenêtre de la cuisine avec un savon et du papier journal. Elle ne prend même pas la peine de m’expliquer, même si je sais ce que je dois faire. Je grimpe péniblement sur l’évier, sous son regard pénétrant et fais couler un peu d’eau dedans. J’attrape délicatement le journal, le savonne et le trempe dans l’eau, avant de me retourner vers elle.« Maman, pourquoi c’est toujours moi qui doit nettoyer les vitres ? - Appelle-moi par mon prénom. Parce que chacun a sa corvée ici et que c’est à toi de faire ça. - Mais Thomas n’a qu’à porter à manger aux chevaux, lui ! - Ne discute pas ! Thomas est plus jeune que toi, voila tout. Et dépêche toi de faire ces vitres, j’ai besoin de la place pour préparer à manger ! Elle tourne les talons et disparait dans une pièce voisine. Plus jeune que moi. Il a un an de moins. Je frotte durement les vitres avec le papier, bouillonnant de rage. Je dois me retenir de ne pas m’énerver, sinon je risque de jeûner quelques jours, comme la dernière fois. De mauvaise grâce, je fini ma longue et pénible besogne et file dehors. En sortant je jette le journal de toutes mes forces, mais je constate avec dépit que le vent le fait atterrir à mes pieds. Je le ramasse pour éviter encore une insupportable brimade et vais me terrer derrière l’arbre. La vie est une injustice, me dis-je en pensée. Je ne suis ni l’aîné ni le dernier de ma fratrie, et pourtant c’est moi qui écope des tâches les plus ingrates. J’obéis, je fais quelques bêtises, d’accord, mais je travaille correctement à l’école, et je n’embête pas mes frères et sœurs. Alors pourquoi ?
Après deux heures à ruminer contre l’arbre, les gargouillis de mon estomac finissent par m’arracher à mes réflexions et je rentre à la maison, dépité. Je trouve ma mère en train de faire la vaisselle. Elle se retourne brièvement sans s’interrompre.« Nous t’avons appelé plusieurs fois mais tu n’as pas répondu, alors nous avons commencé le repas. Tu n’avais qu’à venir, c’est tant pis pour toi. » Comme foudroyé, je me fige et serre les poings. Son petit ton détaché me propulse au summum de la colère, et je dois me retenir de ne pas lui jeter quelque chose à la figure. Au bout de quelques secondes, je fais volte-face et sors à nouveau, cette fois sans ménager la porte d’entrée qui se referme dans un vacarme de tous les diables. Je traverse la cour en déversant ma rage, en oubliant tous les regrets que je risque d’avoir en rentrant. J’évince même de mon esprit la simple idée de rentrer un jour à la maison. Je dépasse l’arbre et sors de l’enceinte du ranch. C’est là, à quelques mètres du chemin, que se trouve l’endroit où mon père mets tout ce qu’il abandonne. D’antiques engins pour cultiver la terre, des morceaux de clôture en bois mangés par les termites, et même une vieille camionnette rouillée jusqu’au moteur. C’est un vrai cimetière, le cimetière des objets perdus, des choses oubliées, méprisées, abandonnées. Dans le fond… J’y trouve très bien ma place. Moi que mon père ignore, que ma mère persécute, que même mes frères et sœurs méprisent. Je suis comme le sable de ce désert, au mieux j’indiffère les personnes, au pire je les agace, je deviens une contrainte, un fardeau. Je sens mes yeux qui me piquent. Mon père m’a dit un jour qu’il n’y avait que les fillettes qui pleuraient. Qu’il aille au diable, j’abandonne la lutte et laisse couler les larmes sur mon visage ; ça me soulage un peu, même si ça ne change rien. Je m’étends à l’ombre d’un tas de débris ; j’espère peut-être me fondre à tout cela. Le ciel d’un bleu très pur est parsemé de nuages, allongés. Je sens le soleil et la chaleur qui m’assomment peu à peu, je ferme les yeux pour ne pas être aveuglé. J’imagine que je deviens un de ces nuages, que je ne suis plus rien, plus personne. Je me sens partir, quand soudain…« Jackal ! me hurle ma mère, bientôt rejointe par mon père. Jackal, où que tu sois, viens vite par ici ! » Je contracte fermement les paupières comme pour me transporter ailleurs. Mais ils continuent de m’appeler. « Jackal ! ». J’ai horreur de ce surnom moqueur qu’ils me donnent. A croire qu’ils le devinent d’ailleurs, car ils changent bientôt de ton. « Jack ! Jack, viens par ici ! ». Je rampe sous la camionnette pour ne pas qu’ils me remarquent. Et puis j’attends. J’attends de devenir cette chose insignifiante que je suis dans leur esprit, lorsqu’ils n’ont pas besoin de moi. Quelques minutes après, je les entends rentrer dans la maison. Je m’abandonne complètement sous la camionnette et m’endors sans tarder.Le vent frais de la nuit qui tombe lentement, me réveille. Je ne sais pas combien de temps j’ai dormi, mais plusieurs heures apparemment. J’ouvre les paupières juste à temps pour ne pas me cogner le front dans la plaque de métal qui me couvre. C’est alors que je me fige en entendant la voix de mes parents. Ils parlent à voix basse, mais je parviens à comprendre ce qu’ils disent.« Qu’est-ce qu’on va faire de ce gosse ? demande ma mère d’une voix grave.- J’en sais rien. Quelle idée aussi tu as eu de vouloir en adopter un comme ça. - C’est toi qui en voulais un ! réplique-t-elle en haussant la voix.- On n’arrivait plus à en avoir, j'voulais un autre fils pour m’aider au ranch. J’ai jamais dit que j'voulais un nègre. » | |
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