Prévention ! PrévENTION ! PREVENTION !

Un mot qu'on entend énormément ces temps derniers, sur les chaînes culturelles par exemple (TF1) ou qu'on lit partout.

La "prévention" doit primer sur la "répression". Nous devons "prévenir" pour "protéger". Nous devons "prévenir" pour "anticiper". Bref, vous connaissez la musique, je n'ai pas besoin de vous polluer le ciboulot pour rien.

Et voilà, la "prévention", elle est bien gentille, mais elle commence, non pas à montrer ses limites, mais plutôt, de plus en plus, à montrer tout ce dont elle est capable.
Par souci d'humanité, de pédagogie -de pragmatisme aussi- on a plein la bouche de cette notion, qui mue la réalité progressivement en "ce qui devrait être".
La prévention est devenue spéculation du devenir ; elle veut protéger, elle affaiblit ; elle veut anticiper, elle créé ; elle se veut morale, elle est moraline.

Qu'en pensez-vous ? En tentant d'aller un peu plus loin que le contexte socio-politique navrant, qui pourrait, il est vrai, nuire à l'objectivité d'une analyse.

Soit cher ami. Je pense qu'en effet, il y a de quoi rester dubitatif.

J'entends par ce débat la "prévention" non pas dans la version saucée qu'on nous sort aujourd'hui, mais dans ce quelle fut tout au long de la construction de nos sociétés modernes (et moins modernes).

Le fait qu'on ne puisse plus "par prévention" faire quelque chose, même d'interdit, ou d'amoral. (bon, je sais, on va un peu tomber dans le cliché Rapport Minoritaire^^)

Pour exemple : à Paris, dans certaines stations du métro, les vitres qui font que, on ne peut plus tomber ou pousser quelqu'un sur les rails. Outre le fait qu'il y a d'évidentes questions de sécurité lors des heures de pointe, il est impossible de faire quelque chose de prohibé : se jeter sous les rails, y descendre pour emprunter le tunnel etc...

Ce que j'explique peut paraitre très saugrenu, je le concède, mais je crois que les personnes ne peuvent elles-mêmes comprendre et apprécier certaines notions, ou se développer sainement, que si elles ont la possibilité de faire des choses interdites, et qu'elles se refusent à le faire...

Vous me direz que mon exemple est faux : si je pousse quelqu'un sur les rails, j'irais en prison. Mais là encore, j'ai un choix, véritable. Je serais sanctionné si je le fais, mais je l'aurais fait. Dans le cas présent, je n'ai plus aucune possibilité de réaliser l'acte.


Tout ce que je décris est assez flou. Je reconnais que moi-même, j'ai du mal à trouver les mots, et un raisonnement syllogistique approprié, pour que vous compreniez exactement où je désire en venir.

Pour autre exemple : la prévention par la "compréhension" et le "dialogue". Quelqu'un qui n'est pas d'accord avec la société, qui est excentrique, ne soulève plus rien qu'un vague "ne t'inquiète pas, tu étais dans l'erreur, mais c'était compréhensible : voici la vérité". On ne "réprime" plus par le débat ou un véritable dialogue...

C'est encore plus décousu désormais.

Et n'est ce pas aussi pour cela que je poste ici ?

Heu, d'après ce que j'ai compris, ton argumentation s'approcherait de quelque chose comme:

La prévention atteint un tel degré de "prévisions" que "l'infraction" (Je le mets entre guillemets, mais vu que tu es juriste, si je ne me trompe pas, le terme est sous-entendu) devient impossible.

Or, si l'infraction est impossible, les gens n'y réfléchissent pas.

Donc, une prévention extrême n'est pas à souhaiter car elle empêche les gens de réfléchir leur acte. Ils peuvent donc se retrouver dans des situations similaires sans y avoir réfléchi. (Si quelqu'un a une reformulation pour la dernière phrase, je suis preneur)

C'est à peu près ta pensée ?

Moi ce que je comprends c'est que c'est l'éternel débat sécurité - liberté
jusqu'où doit on pousser la sécurité et ainsi réduire notre liberté par là même.
Car les deux sont fort peu conciliables.

Ce que je veux dire c'est que tu ne peux pas avoir une totale liberté et une totale sécurité.
Car on vit en communauté, si je suis totalement libre, ça implique que je peux tuer quelqu'un, je lui ôte sa sécurité.

Soit je m'emballe un peu, je fais trop d'amalgames mais ça se rapproche.
Dans une de mes maisons, nous avions une piscine. La loi nous obligeait à mettre une alarme dans la piscine en cas qu'un enfant, une personne tombe dedans, au nom de la sécurité et pour moi ça bafouait totalement ma liberté. M'en fous des autres enfants, si je veux pas une alarme chez moi, si je veux me noyer en paix.
Le problème c'est la sécurité collective.

Hou hou hou, mes petits neurones !

Bon bon bon, pour reprendre rapidement. Haven a bien résumé ma pensée. Toutefois, j'aimerais bannir du débat tous les termes un peu trop juridicisés. A force de faire du droit, on ne pense plus que par le droit, dans le domaine prévu par le droit.
Les juristes ont une très large tendance à oublier que la sociologie, l'économie, la psychologie ne gravitent pas autour de la science juridique ; mais que cette dernière, à l'inverse, est une composante de tout un système d'horizons épistémologiques divers et variés, et non son centre.
Enfin bref, traduisez : "le droit, ça rend con parfois".


Mais revenons en donc à nos moutons ! Et justement, notre discussion nous ramène aussi un peu trop à l'insécurité, ou à la sécurité. Elles ne sont que des moyens, ou des conséquences de la prévention ; et non une fin en elle-même. On ne prévient pas uniquement que pour "sécuriser", on prévient aussi pour "ôter", pour "débiliser", ou "amoraliser".

La prévention est devenue la thérapie "nocebo" de notre société malade. On ne tente plus d'analyser ce qui ne va pas, de prendre les problèmes à la source pour les traiter à l'apparition de leurs symptômes : on les éradique directement. Un peu comme une mauvaise psychiatrie : les médocs sans aucun suivi du patient.