Convocation [Les confréries]

Une pensée lui revint brusquement en mémoire, il était attendu auprès de Dame Cassiopée qui désirait s'entretenir avec lui sur un sujet dont il ignorait encore le contenu. Hélant un garde-sang il lui demande avec politesse comment rejoindre celle qui l'avait mandé, on lui enjoigna de suivre en silence et ils parcoururent de longs couloirs, changeant plusieurs fois d'ailes - enfin il en eu l'impression - avant de se retrouver dans une vaste salle ou trônait une table immense autour duquel étaient placées des fauteuils habillés de pourpre. La nuit semblait tellement présente qu'il ne discernait rien de plus.

Une seconde, il se demanda si c'était une antichambre et pourquoi celle-ci ressemblait plus a une salle de conférence qu'une antichambre banale, jusqu'à ce que les fenêtres laissent filtrer quelque rayons colorés et fassent apparaître une jeune femme confortablement assise dans un de ces fauteuils. L'aura de celle qui était en charge de veiller sur Sargas trahissait unepensée troublée et torturée. Cyn frémit avant devoir la main de Cassiopée - qu'il reconnut comme telle par son empreinte essentielle tant complexe qu'elle ne prenait pas la peine de la dissimuler - et de s'assoir en face d'elle.

Vous m'avez mandé?

La voix de Cyn n'était pas assurée d'autant plus qu'il ne percevait de son interlocuteur que des yeux flamboyants.

Cassiopée, vêtue de la lumière de l’Aurore, laissait la nuit la poursuivre en elle afin de calmer sa colère. Elle attendait le précepteur de son filleul dans la salle du commandement et était fortement contrariée par son comportement. La collaboration avec Cyn s’annonçait difficile. Elle lui avait demandé de se présenter devant elle avant d’entrer en contact avec l’enfant, et celui-ci n’en avait fait qu’à sa tête et avait entamé sa formation sans préambule.
Elle avait, de plus, perçu une forte présence extérieure lors de la rencontre entre l’enfant et son futur maître, et elle voulait savoir si Cyn en était le responsable.

Lorsque Cyn pénétra dans la pièce, elle patienta un instant avant de lui adresser la parole dans un silence que seule la lumière solaire qui perçait par la fenêtre venait troubler.
Elle ne le quittait pas des yeux, installant lentement un climat lourd mais patient. L’homme attendait qu’elle parle.

-Cyn, je vous avais demandé de vous présenter à moi avant de rencontrer Sargas et j'exige que vous considériez mes requêtes comme des ordres.
Votre comportement ne m’incite pas à vous offrir la liberté que vous souhaitez pour éduquer mon filleul. Il m’est trop précieux pour que vous puissiez en faire à votre guise sans pour autant m’en référer.
Quel était la présence que vous avez invoqué lors de votre prise de contact avec notre enfant ?

Sur ces derniers mots, Cassiopée mena sa main gauche à son épaule gauche, puis abaissant lentement son bras, elle ouvrit un à un les doigts de sa main pour ne replier que l’annulaire. Le jour emplit alors la pièce, éclaboussant Cyn d’une auréole lumineuse.

Cette fois, Cyn ne cilla pas. Lentement son esprit s'habituait, s'imprégnait de l'espace. Il retrouvait peu à peu sa nonchalance dans la rude voix de Cassiopée.

Il...semblerait que l'Enfant soit mû, en dehors des propres énergies insufflées par ses essences, d'une puissance qui soit à la fois en lui et hors de lui, une sorte de convection hasardeuse.

Il s'arrêta une seconde, sentant que ce qu'il évoquait semblait être plutôt étrange dans l'âme de celle qui l'écoutait. La lumière des rayons scintilla dans son regard quoiqu'il fut dos aux fenêtres. Étrange espace comme si des miroirs éprouvaient l'endroit.

En d'autres termes un foyer essentiel différent et non assumé par le corps résident cohabiterait de manière latente avec la conscience originelle. Dans un langage plus... Unique, on parlerait de possession, celle d'un être damné assailli par une puissance étrangère, maligne et dépassant les propres limites de sa condition..d'homme. Ceci on le sait déjà Mais..

La manière dont il tourna son observation ne provoqua aucun effet visible de son interlocuteur.

Cette présence immanente ne se produirait que dans une situation de danger ou les seules habilités de Sargas ne seraient pas suffisantes pour le préserver et le garder en vie, plongeant l'enfant dans une transe telle que les affections originellement nuisibles en deviennent... insignifiantes. En ce sens cette possession est assez particulière puisqu'elle inhibe les réactions essentielles originelles. C'est comme si un autre langage, complètement différent naissait avec une logique différente.

En gros, ce que j'ai pu observer avant qu'on.. n'intervienne dans mon approche.

A ce moment de l'explication, il fit une pause. Cyn posa ses mains délicatement sur la table. La lumière semblait tracer des sillons noirs autour de ses poignets de plus en plus distinctement, ou ceux-ci se formaient d'eux-même. La table qui soutenait visiblement son effort de concentration commença doucement a se parer d'une fine couche de givre.

Si..vous pouviez cependant éviter de vouloir lire dans mes pensées, tentative que je formulerai comme vaine et inadaptée, nous pourrions peut être engager une meilleure conversation au sujet de ce qui m'amène réellement ici, Dame Cassiopée.

Une goutte de sueur perla sur son front tandis que le froid touchait les mains et s'insinuait dans les veines de son interlocutrice. Une seconde il ferma les yeux pour contenir l'accélération de son coeur puis les rouvrit.

En écoutant Cyn parler d’un foyer essentiel différent et non assumé dans la proximité immédiate de l’essence de Sargas, Cassiopée eut la confirmation que le précepteur possédait un savoir que peu en Ter Aelis étaient à même de détenir. Les hauts dignitaires de la Confrérie du Sang, par leur Nature, se trouvaient chaque jour confrontés à l’architecture existentielle, mais entendre un étranger l’énoncer avec une telle maîtrise la surprenait. Elle eut, soudain, envie de voir surgir d’entre les mains de Cyn la petite sculpture représentant la déesse dont l’aura avait éveillé sa curiosité et sa confiance. Elle voulait en connaître plus sur cet homme et ses réels pouvoirs.
Sans s’en rendre compte, elle dirigea quelques ondes cérébrales vers le précepteur. Sans chercher à entrer dans son esprit, elle le touchait doucement.
Mais au même moment, elle sentit le froid commencer à envahir ses mains, grimpant le long de ses bras.
Ce froid glacial évoqua instantanément dans son esprit celui qui l’oppressait lorsqu’elle pénétrait dans une fenêtre du Néant en compagnie d’Issac.

Issac se taisait.

Cassiopée tourna aussitôt son regard vers la fenêtre baignée de clarté. L’énergie solaire l'inonda alors, irriguant ses vaisseaux, ses veines et ses artères. Toute cette énergie captée s’accumula vers le givre qui commençait à courir dans son sang, annulant son effet comme une braise vient réchauffer une eau trop fraiche.

Mais comme la braise qu’on plonge dans une eau froide crée la vapeur, le feu qui rejoignit l’humidité sanguine entraina la fureur de la Dame des Etoiles.

-Cesse donc de vouloir m’atteindre ! Cesse donc d’oser toucher au Sang !
D’où viens-tu donc ?

Elle avait levé la voix pour s’exprimer et tout en formulant ses exigences, elle regardait les traces noires qui signaient les poignets de Cyn.

Cyn essayait de réfréner la vague de froid qui émanait de son être mais elle continuait de s'étendre jusqu'à froisser l'affect de Cassiopée. Il reçut la question comme une gifle. Ce n'est pas ici dans ces murs qu'il trouverait assez de quiétude. La fine perle de sueur se transforma en un infime cristal qui tomba sur la talbe en éclatant, ne laissant qu'une poussière de glace dispersée.

Je ne fais que répondre à votre impolitesse. Je ne suis pas venu ici pour m'étendre sur ma propre vie. Il me semble que des sujets plus important traînent encore dans les couloirs.

Sa voix avait repris une certaine vigueur. Il détacha lentement ses mains et croisa ses bras. Ses yeux bleus fixèrent ceux qui embrasèrent observaient la lente invasion des hiéroglyphes. Il sourit faiblement. La volonté de Cassiopée ébranlait la faible résistance physique que son corps pouvait éprouver. Il avait depuis trop longtemps délaissé les champs de bataille, préférant se consacrer à l'étude et supportait mal les variations extrêmes de température, pris entre le froid extrême qui s'insinuait en lui et la chaleur de cette confrère du Sang. Une seconde son regard s'arrêta sur le collier qui décorait le coup de Cassiopée. Enfin il compris alors pourquoi sa présence l'épuisait. Il sourit faiblement.

Vous ne devriez pas porter ainsi cette statuette, vous feriez mieux de l'enfermer dans un écrin de pourpre. Ce n'est qu'une humble recommandation.

Sa main désormais couverte de signes noire tendit un doigt vers son collier en tremblant.

C'est plus prudent.

Cassiopée avait levé le ton devant cet homme qui avait tenté d’insinuer le froid en elle. Elle l’entendait, à présent, lui faire des remarques quant à son comportement, et elle plissa les yeux quand la perle tombant du front de Cyn lorsqu’elle éclata sur le sol.

Comme si l’impact de la perle de glace sur le sol venait éclater ses certitudes, Cassiopée retint alors la remontrance qui lui était venue à l’esprit. L’homme ne manquait pas d’insolence, mais il dégageait à ce moment un pouvoir latent que Cassiopée observait avec beaucoup d’attention.
Cyn semblait subir plus que désirer cette onde de froid envahissante. Et quand il tendit sa main vers le petit dragon qu’elle ne quittait plus depuis le jour où celui-ci lui avait été remis des mains de l’Entité dans le manoir, elle le recouvrit de sa propre paume avant qu’il ne le touche.

Il était peut-être plus prudent d’enfermer l’objet magique dans un coffret de pourpre comme le suggérait Cyn, mais elle ne pouvait se résoudre à cacher et nier le pouvoir qu’il recelait. Sentir la force intérieure contenue dans le sujet lui donnait la vigueur et la résistance nécessaires aux épreuves que la confrérie subissait.

Cassiopée ne pouvait plus détacher les marbrures qui couvraient la main de Cyn de sa vue. Adoucissant son ton, elle demanda tout en gardant précieusement le petit dragon dans son poing :

-Cyn … Qu’est le Néant pour vous ?
En vous posant cette question, je ne souhaite pas jouer les inquisitrices dans votre vie, mais comprendre l’être que vous êtes.
La vie de Sargas et la notre en dépendent.

La voix de Cassiopée était devenue murmure et s’était imprégnée de délicatesse.

Cyn pâlit en entendant la question de Cassiopée. Les commissures de ses yeux se plissèrent et il dut retenir une nouvelle vague de froid.

Je.. je ne sais pas ce que c'est.

Ses mains se reposèrent sur la table avec lenteur. Il commença à reprendre contenance. Son esprit s'habituait avec douceur, par plusieurs reprises il crut céder mais sa force intérieure était encore là. Il se signa rapidement avant de poursuivre.

Je sais seulement ce que j'ai vu. Dans certains livres on parle de ces statuettes comme d'anciennes reliques d'un pouvoir né au delà de notre réel. Si tant est qu'il puisse exister cela..pourrait remettre en cause un assez grand nombre d'hypothèse et tout ceci pourrait devenir dérangeant pour pas mal de gouvernances qui se satisfont des régimes actuels. Ces... icônes évoqueraient la préexistence d'un autre monde imprégnant le notre et qui porte divers noms selon les sources. Des théories de l'Unique, on en retire le terme d'Enfer ; des études plus récentes écrit sur vélin abordent le phénomène sous le nom que vous avez employé: le Néant. Il serait l'espace invisible imprégnant le réel, à l'image d'une matrice originaire. Le défi pour nombre de chercheurs est d'en déterminer rationnellement l'existence car pour le moment ces idées se cantonnent à l'état de schémas plus ou moins délirants en dehors de quelqu'un qui sembleraient avoir eu un rapport particulier avec cette matrice.

Il fit une pause, réajuste son col.

Je dis quelqu'un car ils ne l'évoquent que sous forme de rêve, ou de métempsychose difficile à cerner. Pour tous des convergences lient les témoignages: un froid insoutenable, une destruction systématique des repères spatio-temporels, une altération significative de l'identité essentielle.

Devant la réaction du visage de Cassiopée il sentit qu'un de ces points était resté obscure dans la conscience de son interlocutrice à moins qu'elle ne cherchait à ce qu'il en dise plus.

Si l'on admet qu'un individu est limité à certaines habilités, un voyage dans cette matrice pourrait modifier ces limites, voire en supprimer certaines, tel que ..le vieillissement, l'énergie essentielle dont on tire certains des capacités propre qu'on nomme abusivement pouvoir, et sûrement d'autres que je n'ai pas pu observer mais que l'on m'a rapporté par..fragment.

Cyn plongea subitement sa main droite dans sa veste et en retira sa statuette, qu'il déposa sur la table en enlevant délicatement le drapé pourpre.

Le rapport entre ces deux reliques et à chercher dans les religions païennes appelées aussi primitives, où l'on associe fréquemment l'homme aux Draconiens

Ses yeux s'allumèrent comme si tout d'un coup en observant les objets une vieille passion le réanimait.

Ces très vieux grimoires, extrêmement rares évoquent ce lien sacrée entre l'humain et le dragon, un lien que l'on dit mystique, voir divin, qui leur permettrait...

Sa voix se brisa nette avant de reprendre plus bas:

Pas mal de chose.

Devant le regard flamboyant de Cassiopée il rangea sa statuette.

Ceci dit, ces reliques sont rares, mais pas unique. Qu'elle soient de petite tailles tel que celles-ci, ou devenu des monuments imposants, il semblerait que le moule ait servi assez souvent pour diverses occasions.

Cyn fixa un moment le collier qu'elle portait avant de baisser ses yeux et de se laisser emporter par cette fatigue qu'il ressentait souvent lorsqu'il sortait l'objet de sa cachette. Un frisson de lumière effleura sa conscience. Un temps il regretta la chaleur des bancs qu'il avait eu l'habitude d'observer, grouillant de jeunes élèves avide de savoir et de foi , un temps il se demanda s'il n'aurait pas mieux d'y resté ancré tel un vieil arbre enraciné et que le vent ne saurait l'en déloger.

Par l'Amour que nous te portons, par la Foi, nous suivons Tes pas jusque dans l'envers et nous continuons, inlassable, tant est pur la lumière qui nous guide. Jusqu'à perdre lentement nos repères, jusqu'à ne plus rien ressentir sinon l'incommensurable froid, le vide, la chute dans un espace sans limite, sans milieu, ou trône tel une évidence cette immense statue de femme soutenant sur son épaule un Dragon aux écailles de feu, aux yeux comme deux orages. Et nous devons encore croire et croire pour ne pas plonger.

Sa prière étrange était plus une façon de révoquer les signes qui saturaient sa peau et lui faisaient endurer un mal infernal.

Cassiopée écoutait Cyn autant qu’elle l’observait. Chacun de ses mots apportait à sa réflexion une eau supplémentaire à son moulin. Les commentaires du précepteur sur le Néant évoquaient des souvenirs qu’elle avait lus un jour et qui trouvaient dans ce moment unique un écho de compréhension. Elle l’écoutait avec avidité, cherchant à associer ce qu’il disait à son propre savoir.

-Ainsi vous associez le Néant à l’Enfer que les Enfants de l’Unique n’hésitent pas à pousser devant eux comme la punition à tous nos péchés…
L’Enfer…Oui, pour ceux qui ne croient qu’en un être divin unique.
Mais vous n’avez sans doute pas tort car c’est aussi le lieu où les justes attendent leur résurrection… Ce sont les limbes des Pères dans lesquelles leurs âmes s’impatientent.
Cet Enfer n’est que la perte de trop d’étoiles qui un jour resurgiront sous la conduite du grand dragon rouge…

Le sourire qu’elle abordait en prononçant ces mots mourut sur ses lèvres comme si le grand dragon rouge en personne prenait vie dans sa main en évoquant son nom.
Elle avait senti le petit dragon bouger sous ses doigts quand Cyn avait sorti la statuette de son drapé pourpre. Elle avait ressenti la chaleur qui en émanait, comme une brûlure sur sa gorge.
Mais à présent, elle entendait Cyn lancer une prière vers les vents, invoquant une immense femme et un dragon et elle aurait voulu l’emmener vers la salle du conseil pour lui montrer la table de céans. Les mains en prière que l’homme portait devant son visage étaient devenues de véritables parchemins sur lesquels un langage inconnu prenait forme.

- Je vais vous mener dans la salle du Conseil.

Cassiopée regardait les bras de l'érudit et son corps était attiré par les signes qui les recouvraient. Ce fut presque inconsciemment qu’elle tendit son bras vers les doigts du percepteur et que sa main gauche effleura la main marbrée de Cyn, tandis que la droite continuait de tenir un petit dragonneau presque vivant.

Quelque part, au fin fond de son âme, Issac grondait de contentement.

Je vous suivrai.

La parole de Cyn fut brusque. Il ne sentit pas le frôlement de cette Dame du Sang ; lentement les signes inhibaient ses sens et l’obligeaient a se confier sur d’autres plus essentielles. La vague de froid qu’il contenait en lui modulait ses variations comme une sorte de radar affectant l’espace et définissant sa trajectoire, exploitant le rapport intime de la matière et de l’être. Il avait longtemps été surpris, il ne l’est plus, il s’est habitué. Peu à peu Cyn se fait déborder par cette nouvelle logique, ces nouveaux repères et sa respiration se libère. Imprégné des signes, désormais, il suivait sans fatigue celle qui la conduisait dans une salle sombre et basse dans lequel trônait une grande table ovale. Tous les murs encadraient de somptueux vitraux représentants d’obscures scènes qu’il ne savait pas déchiffrer mais dont il pressentait l’âme sacrée insufflée dans le verre. Entrer dans ce lieu sembla lui donner le même gouffre d’humilité qu’entrer dans les Cathédrales du Culte. L’Histoire dominait : imperturbable et mystique. Il leva son regard chargé de poudre noir et murmura d’une voix pourtant ferme :

Vous vouliez me montrer ?

Le contact qu’avait établi Cassiopée sur la peau de Cyn n’était qu’un frôlement. Elle n’avait fait que l’effleurer, mais elle avait senti jusqu’au fond d’elle le froid presque terrifiant qui l’irriguait au-delà des brûlures apparentes des hiéroglyphes. Un froid qui lui rappelait celui qu’elle avait, tant de fois, traversé pour passer les portes du temps ou de l’espace. Un froid semblable à celui du Néant, implacable, indéfinissable.
Elle dévisagea la face impassible du professeur avant de le mener vers la salle du Conseil.
A cette heure, les vitraux laissaient filtrer des rais multicolores retraçant au sol une composition mouvante aux couleurs chatoyantes qui venaient contraster avec les masses sombres des pierres taillées marquées par le temps.
Cassiopée aimait pénétrer dans le lieu central de la confrérie, il y régnait un climat de sérénité intense qui la ressourçait. C’est dans la salle du Conseil qu’elle se sentait le plus unie à Issac. Non par le fait que leur union était plus forte, car leur relation induisait une telle complémentarité que ceci était impossible, mais qu’elle en avait, ici, pleinement conscience.

Elle s’approcha de la gigantesque table ovale, se plaçant de manière à contempler l’œil centré du dragon ancestral qui s’imbriquait dans les formes douces et généreuses de la femme qui étaient tous deux incrustés sur la totalité du meuble.

Cassiopée avait gardé dans le creux de sa main le petit dragon presque vivant qui répondait à un appel.

-Je voulais vous montrer la seule et unique raison de votre venue au sein de la Confrérie du Sang. Pour un membre du Sang, le dragon sait quel est son complément. Et vous le détenez entre vos mains.

Convocation [Les confréries] Gravuredelatable

" Voilà, voilà mon parachèvement. Je circule dans le sang de l'Univers comme si soudainement mon corps n'était plus qu'un vent parmi les vents et que lentement se découvrait devant moi le poumon de l'Ineffable. C'est un miracle, voudrais-crier, mais ma voix semblable aux rêves muets s'est perdue dans ma gorge. Jusqu'à ce que se tienne devant moi... cette statue... ce Dieu Dragon serrer dans ses griffes le corps d'une femme, enfin je crois, qui devait... devait faire trois fois ma taille.

Extrait d'une audition d'un hérétique, Ministère du Culte,

Cyn leva lentement sa tête vers Cassiopée comme pour happer son regard avant de fixer la table qui se tenait au centre de la table. Complétude. C'était l'unique mot qui lui vint immédiatement. A l'origine était Dieu, et avant l'origine, qu'y avait-il encore? Parole d'hérétique. Il ne peut qu'exister Dieu avant Dieu, après même. Oui mais peut être, peut être que ce Dieu Dragon, icône d'idolâtrie, obsession onirique, étendard du Sang... peut être dans une certaine forme de réalité, peut être qu'il est un Dieu ; et qu'il laissa à ses enfants son Image lier le réel à la Légende. Cyn caressa lentement les gravures de la table, se heurtant aux encoches dont il ignorait l'utilité, éprouvaient les longues sinuosités. Alors comme mû par un souffle il retira sa statuette et la déposa sur la table avant de se diriger vers la sortie. Son unique phrase fut:

" Ce monde n'est pas le mien".