Echo [RP confrérique]

Les liens du sang même distendus demeurent. C’est ainsi que Cassiopée avait gardé contact avec les mondes oubliés. Des familles de Myres avaient fui lors des guerres ancestrales et ce peuple en exil vivait éparpillé aux quatre coins du Cosmos.
Mais il était temps de revoir Neramyrh.
Aussi, Cassiopée surveillait depuis les airs l’arrivée du navire qui lui montrerait la survivante.
Issac se glissa dans un courant descendant, n’hésitant pas à le prendre sur ses marges afin de profiter de la courbe incurvée qui lui donnerait sans effort le bon angle de vue tout au long de la descente.
Le port de Galvorn s’étalait sous eux comme une grosse ivrogne en mal d’Amour. On pouvait entendre la cité geindre et crier ses insanités depuis les cieux. Et plus les ruelles détaillaient leur misère, plus les odeurs épicées et fortes suintaient de sueur et d’urine.

Tàranis était là quand Cassiopée se décida à atterrir et avait déjà repéré la nouvelle venue.
Issac se posa sur le quai sud, là où aucun bateau n’était encore en partance et sur lequel sa vaste carcasse pouvait étaler ses ailes sous les rayons du soleil et profiter de la douce chaleur du jour.

Quand elle vint se placer au côté de son confrère et qu’elle put faire face à la jeune Myre, elle fut frappée par l’éclat de ses yeux. Des yeux qui la rendaient reconnaissable au premier regard posé sur elle.

-Enfin… Neramyrh. Je doutais un jour pouvoir te retrouver ici, sur Ter Aelis, Terre qui t’accueille aujourd’hui comme on reçoit un membre de sa famille depuis si longtemps expatrié.

Elle glissa un regard complice à Tàranis avant de lui suggérer :

-Dis-moi Tàranis, si nous rejoignions Echoriath maintenant ? Neramyrh ne sera pas contre une balade en compagnie d’Issac n’est-ce pas ? A moins que Tu ne souhaites prendre un verre après ce long voyage Neramyrh ?

Invité

_ Un verre serait le bienvenu, Cassiopée.

Neramyrh n'était en effet pas contre l'idée de s'attabler quelques instants autour d'un breuvage. Le moment serait propice à la discussion, son comité d'accueil improvisé ayant beaucoup à lui raconter. La jeune créature quant à elle, comptait écouter en silence ; n'étant pas très volubile, son regard était très souvent plus expressif que bien des mots inutiles. Deux océans dans lesquels se reflétait son âme : tantôt doux et cléments, tantôt effrayants et assassins., abritant son petit bout de paradis abandonné : Liazalée.

La jeune princesse suivit Cassiopée et Tàranis qui se dirigeaient vers une des crasseuses tavernes du port. Elle se frayait un chemin parmi la foule criarde, le ballet aérien des mouettes et les arnaques de marchands intrigants, respirant à pleins poumons les effluves de son nouveau foyer ; comme pour mieux comprendre son histoire. L'établissement ressemblait à ceux qu'elle avait pu observer à son arrivée, ne dévoilant aucune surprise une fois le pas de porte franchi. Des tables chancelantes et collantes témoignant du passage de nombreux buveurs, des chaises assorties, un bar poussiéreux, le tout agrémenté d'une joyeuse foule bruyante et populaire. Catins et marins y flirtaient sans gêne, accentuant le pittoresque de la scène.

Alors que les trois filles prenaient discrètement place dans un coin de la pièce, un vieux tavernier à l'allure de corsaire s'approchait pour leur commande.

_ 3 rhums je vous prie, lui dit calmement Neramyrh.

_ A vot' service ma p'tite dame ! Répondit l'homme, dévoilant un sourire édenté.

A peine était-il parti, que déjà une serveuse s'approchait de la table un plateau à la main. Le service avait le mérite d'être efficace. Neramyrh saisit sa cape pour nettoyer le rebord de son verre, avant de le porter à ses lèvres. L'heure était désormais à la quête d'informations : elle n'en savait que peu sur ce qui l'attendait ici, s'étant précipitée pour répondre à l'Appel sans réellement réfléchir. Elle avait attendu si longtemps la possibilité d'un retour, chérissant les souvenirs de son défunt Empire. Un monde d'une beauté mystérieuse, où calme et sérénité étaient abrités par les arbres en fleurs, une harmonie arrogante dissuadant les téméraires d'oser la troubler. Malheureusement, Liazalée n'était plus, et ce depuis quelques années déjà. Héritière légitime de sa famille exilée, la princesse espérait cependant pouvoir faire renaitre son Royaume des cendres, et pouvoir rassembler les quelques survivants éparpillés. L'honneur de sa civilisation en dépendait.

Ainsi, elle leva les yeux vers ses deux hôtes, les invitant à prendre parole d'un simple regard interrogateur.

Cassiopée ne désirait mener Neramyrh dans le dédale des sombres ruelles de Galvorn pour sa première découverte de Ter Aelis. Elle s’était contentée de pénétrer dans la première taverne venue, derrière les docks.
Les trois jeunes femmes ne passèrent pas inaperçues quand elles firent leur entrée dans le bar, se glissant entre les tablées d’hommes en sueur, le juron à fleur de mots et la moquerie aux lèvres.
C’est leur invitée qui passa la commande quand le tavernier vint les saluer. Et Cassiopée regardait son verre, septique. Elle n’aimait pas le rhum et se demandait bien comment elle allait pouvoir vider le récipient qu’elle avait en main.

Abandonnant l’idée de l’avaler d’un trait, elle plongea droit dans le regard si bleu de la jeune myre.
Elle découvrait cette race ancestrale pour la première fois de sa vie. Seuls quelques écrits de la bibliothèque du Sang évoquaient leurs traits fins et altiers, leur blondeur éclatante et leur peau bleutée, mais elle ne les avait pas imaginés avec les oreilles pointues qui les attachaient à la race elfique par quelque ancêtre commun.

- Vous avez dû faire un long voyage Neramyh pour atteindre Ter Aelis et j’ai l’impression de remonter le temps en vous voyant. Il reste si peu de votre race…

Sa voix mourut doucement en se perdant parmi les cris des dockeurs qui se disputaient les gains d’un jeu.

- Avez-vous entendu l’Appel ?

A ces mots, elle sentit Tàranis dresser son corps et pincer durement ses lèvres en tendant le cou, comme pour exprimer plus encore sa place.

L'Appel...l'appel... voyons tout le monde l'entend, même les marins et même les catins. J'imagine que les animaux aussi.

Une main se posa sur l'épaule de l'Étrangère tandis qu'une silhouette se dressait derrière elle. Dans sa paume le le corps de la jeune Neramyrh trembla. Une vague odeur de brume sulfatée leur laissa entendre que ce n'était qu'une Projection et qu'il n'y avait rien d'humain.

Que vous ne l'entendiez pas serait surprenant surtout au vu de vos origines... . Mais que vous en soyez héritière ou que vous mentiez à ce propos ne sert à pas grand chose ici même. Il n'y a plus d'héritier du Sang, comme il n'y a plus d'Empire qui exista après les grandes Guerres. Il ne reste plus rien la-bas qu'une réalité de ruine et de silence, confié à un Dépositaire. Vous ne possédez plus rien, Mademoiselle, mais votre présence est bienvenue au Palais.

Puis semblant se confondre dans l'obscurité, l'image s'évanouit pour n'être plus qu'une vague fragrance sitôt dispersée dans la pièce.

Invité

Mentir. Hum. Neramyrh haussa les sourcils, intéressée par l'ironie des propos du Prince. Venant d'un homme s'étant approprié feu son Royaume, l'accusation prenait une dimension presque amusante. Foi de Princesse, elle n'allait pas se laisser ainsi insulter en toute impunité. Tentant tant bien que mal de garder sa royale contenance, Neramyrh se tourna vers Cassiopée munie d'un sourire forcé, qui s'avéra en réalité carnassier.

_ Auriez-vous l'amabilité de m'indiquer la route jusqu'au Palais et où je pourrais me procurer une monture je vous prie ?

Son hôte l'accompagna aux écuries les plus proches où elle se vit confier une magnifique jument à la robe pie. N'attendant pas un instant, la jeune myre sauta sur sa monture avec grâce, appréciant son initiative d'avoir voyagé léger. Elle était prévenue : le voyage serait long, et froid... surtout froid. Elle repoussa une mèche de cheveux rebelle d'un geste agacé : comment le Prince avait-il pu proférer de telles allégations à son encontre? Elle avait entendu l'Appel, et était persuadée d'en être une héritière. Autrement, comment aurait-elle su du plus profond de son Etre que son Destin était à Liazalée? Elle sentait son Royaume déchu couler dans ses veines, des flux de joie mêlés à de la colère, la renaissance voulant étouffer la mort. Ce véritable élixir de Vie et de Devoir l'animait depuis ce fameux Appel dont elle se sentait l'enfant, le Serviteur.

Le chemin pour Echoriath se révélait de moins en moins praticable, forçant la Princesse à se concentrer sur sa chevauchée plutôt que sa haine violente pour le Prince. Disparues les rues crasseuses et iodées de la rustre Galvorn, expirées les immenses plaines herbeuses. Après des jours de route qui lui paraissaient être de longs mois, Neramyrh était désormais au beau milieu de montagnes enneigées s'étendant à perte de vue, malmenée par un vent glacial et une neige pénétrante. L'ascension parvenait à sa fin, laissant princesse et monture exténuées aux portes du Palais ; la main de la jeune myre agrippée au manche de sa dague, comme pour puiser l'énergie qu'il lui restait.

_ Ainsi nous y sommes...

Les Gardes se précipitèrent à la venue de la jeune femme pour s'enquérir de son identité et ainsi annoncer sa présence au Prince.

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