Depuis tout petit je me sens différent. C'est de leur faute, ils se sentent tellement supérieurs en prenant leurs grands airs et en faisant les gros yeux à chaque fois qu'ils me voient. Mes parents ont disparu dans la forêt, peu après ma naissance. Alors une vieille chouette m'a recueilli. Elle a fait du mieux qu'elle a pu, mais ça n'a pas empêché à ce que les autres me rejettent. Tenez, rien que hier je me suis fait insulter par une bande de petits blanc-bec tout juste sortit du nid de leur mère. Que vouliez-vous que je fasse ? Pendant des mois, je ne me promenais plus. Je préférais me cacher, là où personne ne pouvait m'atteindre. La vieille m'a conseillé d'affronter mes problèmes, de les regarder en face, de leur montrer mon mépris mais de ne rien faire. Elle avait raison en partie et a réussi à me convaincre. Bon, il y aura fallu des semaines et des semaines, certes. Donc, comme je vous le disais, hier j'ai fait une sortie, succincte du fait de la bande qui m'a traité. Ils étaient six, impossible de régler ça sur le moment. Malgré ce que ma mère adoptive m'avait appris, j'avais accumulé tellement de haine que j'en oubliais l'éthique, la retenue et les principes fondamentaux de vie en communauté. En gros, je m'abaissais à leur niveau.
Je savais exactement qui était qui. J'avais passé suffisamment de temps à observer les gens lors de ma réclusion. Je ne pouvais dormir de la nuit. Ils m'obsédaient. Alors, je me décidai d'en finir. Durant les longues heures qui étaient devant moi, je mis au point un plan. Un plan diabolique même. Au matin, j'avais un grand sourire au lèvre. Ce qui étonna ma vieille, évidemment. J'engloutis mon déjeuner et patiemment attendis de les voir. Dès que j'en vu un je me dépêchai de sortir de ma grotte pour le retrouver. Nous marchâmes vers un coin plus tranquille, là où on ne nous verrait pas. Rien de plus facile pour cela. Il était très facile à manipuler, en lui promettant un cadeau en échange de quoi il devait arrêter de m'insulter. En un sens, c'était vrai. Je ne lui avais seulement pas précisé les choses. Que comme mes parents, il ne ressortirait pas de la forêt par exemple.
Je répétais ce manège cinq fois, et me félicitais pour mon travail. J'aurais fait un bon boucher je pense. Néanmoins, il y avait un revers à la médaille : les corps. Je commençais donc à creuser un grand trou, ce qui me pris quelques heures tout de même. Sans compter que je devais rassembler les morceaux et reboucher. C'était vraiment une tâche ingrate, nécessaire cependant. Je ne vous le conseille pas. Je compris plus tard que ça ne servait à rien de se fatiguer pour les corps, autant les laisser sur place. Il suffisait de bien effacer ses traces. Ce que je fis d'ailleurs en partant. Je n'allais pas laisser mes empreintes reconnaissable en plein milieu de tout.
Le lendemain, les familles les cherchaient. Moi, je contemplais les conséquences de mes actes. Prenant des notes. Les attitudes étaient à retenir au cas où je devrais recommencer. On ne dirait pas comme ça, mais c'est un art, l'assassinat. Certes, je suis peut être légèrement dérangé. Mais c'est de leur faute. J'ai faim. Vous n'avez pas faim, vous ? Enfin bref, ils abandonnèrent les recherches au début de la troisième semaine des « malheureuses disparitions », c'est le nom qu'ils donnèrent à ma vengeance. J'espère que vous les excuseriez, ils n'avaient pas vu l'état de leurs petits poussins. Ça avait donc l'air seulement malheureux.
Ils procédèrent à un enterrement sans corps. Je sentais que les gens étaient plutôt triste lorsque j'assistais à la cérémonie. Un ami des « disparus » se pencha vers moi, en pleine procession. Et tout bas me parla « Qu'est-ce que tu fais là le Rouge ? T'as pas tes parents à retrouver le plumé ? ». Je lui répondis : « T'as pas des copains à retrouver le Jaune ? ». Je m'occupai de lui deux jours plus tard. Ce qui entraîna de nouvelles recherches pour les six autres, lorsqu'ils le retrouvèrent. Ouais, c'était franchement pas beau à voir. Jusqu'ici les attentions ne se portèrent pas sur moi, ils commencèrent à s'en douter quand ils tombèrent sur des restes de deux personnes. Je sais que je devrais avoir honte, mais vous savez lorsque vous y prenez goût, il est dur de s'arrêter. De se fixer des barrières.
En revanche, ils surent carrément que c'était moi quand des témoins me virent emmener dans la forêt le jeune Ducky. Ils ne firent pas grand chose, et moi j'allais par la suite me baigner dans le lac. Tous s'écartaient devant moi en secouant leurs plumes jaunes pendant que leur dindon de mère les éloignaient de moi. Je m'occuperai d'eux ! Aussi vrai que je suis un perroquet rouge tueur de poussins. C'est de leur faute vous savez. Tous ses piafs n'avaient pas qu'à être méchant avec moi. Si je trouve des oeufs je les fait cuire. Il paraît que c'est bon. Ça n'a jamais tué d'humains en tout cas. Non madame, je ne suis pas un canibal voyons, nous ne sommes pas de la même espèce. Désolé, je dois vous laisser, la vieille vient d'apprendre ce que j'ai commis. Je vais peut-être déménager, je n'ai pas très envie de nettoyer.