Asperger Syndrom

Ta planète carrée glisse trop sur son axe,
Son axe détaché d'un haut plafond d'étoiles,
Etoiles isolées dans tes yeux, petit prince,
Petit prince en exil, tombé de ta planète.

Ta vérité logique pourtant se désaxe,
Se désaxe et tu n'as, aujourd'hui, que la toile
La toile colorée des rêves qu'on évince,
Qu'on évince, à regret, pour une vérité.

Ta musique est ta langue, un piano ta syntaxe,
Syntaxe qui s'étend sur les touches, et dévoile,
Dévoile aux étrangers tes grands espoirs qui grincent,
Grincent dans les carcans de leur vieille musique.

Qui es-tu ? Dans tes doigts tu malaxes,
Tu malaxes, enragé, des illusions le voile,
Le voile sous lequel on étouffe et on pince
On pince la question qui effraie : Qui es-tu ?

C'est le charbon ardent que ton regard leur jette,
Leur jette jusqu'au cœur qu'ils veulent éviter,
Eviter à tout prix ; il les met en panique !
Panique générale face à l'être inconnu...

c'est rare que j'aie le souffle coupé en lisant des textes sur internet. Pour l'instant je m'incline et je dis bravo. Je reviendrai plus tard !

(nom de... t'as vraiment 17 ans !?)

Merci Dayto. J'attends tes commentaires avec impatience.

(Oui, j'ai eu mes 17 ans en août ! **fière**. Il y a des évènements qui poussent à grandir plus vite qu'on ne voudrait )

Je confirme.

Moi l'âge ne m'étonne que peu, on le note parfois dans certaines expressions, comme le coup du charbon ardent.

Mais je dis bravo. Le jeu de répétition crée un balancement agréable et dérangeant.

Juste une chose, mais c'est un point de démarche totalement intellectuel, et non rythmique... Je trouve juste dommage que le tout dernier vers rime, même faiblement, avec le 16eme vers, alors que les quatrieme vers de chaque strophe ne riment avec aucun autre, si ce n'est par épanadiplose.

C'est bien mené.

@Chikoun : si tu regardes attentivement, chaque vers rime avec un autre... il n'y a pas que l'épanadiplose !

En effet, pour les trois premiers vers des quatre premières strophes, les rimes en "axe", "ince" et "oile" se trouvent sur les 3 premiers vers de la strophe suivante, ce qui nous donne :

-"axe" avec "désaxe" ; "étoiles" avec "toile" ; et "prince" avec "évince" (strophes I et II)
- puis, "syntaxes" avec "malaxes" ; "dévoile" avec "voile" ; et "grince" avec "pince" (strophes III et IV)

Pour le dernier vers de chacune des quatre premières strophes, la rime est moins évidente ; comment faire rimer "planète", "vérité", "musique" et "qui es-tu ?" ? ... Tout simplement avec la dernière strophe (eh oui, malgré le nombre impair de strophes, il y a des rimes partout !) ! Dans l'ordre : "Planète" retrouve "jette", "vérité" s'accorde avec "éviter", la "musique" "panique", et "qui es-tu ?" va de paire avec "inconnu" (comme tu l'avais noté dans ce dernier cas).

Comme dans le syndrome prit pour thème, tout est là ; reste à décrypter, pour y accéder...

En ce qui concerne l'effet de balancement que tu as noté, c'est typique des asperger (du moins, celui qui m'a inspiré le poème) que de répéter, laconiquement, la fin de leurs phrases au début de la suivante. Probablement histoire de s'assurer qu'on les a bien entendus, et également afin de ne pas perdre le fil de leur histoire quand les idées bouillonnent... un clin d'oeil, en somme.

Merci, même si je savais. On appelle ça des rimes alternées. C'est une des premières choses que j'ai vu, sans même lire. ^^

Pour ta remarque sur le fondement sémantique de tes reprises à la ligne, je n'en considérais que le côté rythmique, bien qu'il était évident que ça se rapportait à cette caractéristique des aspergers (pour en "connaitre" plusieurs).

Tes précisions sur les derniers vers sont cependant d'une aide certaine. Je trouve le raisonnement un peu poussé pour le coup. Certes, on retrouve ainsi des sonorités semblables dans tout le poème, mais il reste difficile à concevoir qu'une telle construction soit réellement utile. Surtout que l'épanadiplose remplissait parfaitement son rôle en la matière.

Enfin bref, c'est une belle réussite, en tous cas.

Me revoilà. (Chikoun : ma réflexion sur l'âge était un peu idiote ; c'était un cri du coeur que son âge ne te choque pas ne m'étonne pas : tu n'as que deux ans de plus. ^^' )


Déjà dans le choix du vocabulaire, deux mondes s'opposent. Un monde enfermé fait de planètes rondes, de "vérités logiques", d'une vieille musique qui grince, d'un voile d'illusions.
Et un monde plus ou moins libre, onirique : Haut plafond d'étoiles, petit prince en exil, la toile colorée des rêves...

A mon sens, ce qui fait la force de ton texte, c'est cette illustration du conflit, de la lutte, qui nous parle immédiatement. C'est en effet l'un des grands thèmes fédérateurs.
Le tour de force a été d'introduire habilement ce conflit dans un vocabulaire somme toute assez classique ; ce qui lui a donné une puissance nouvelle, une musicalité sûre qui moi m'a touché profondément. Tout en gardant une sonorité douce en apparence.

Les verbes expriment presque tous l'action, le mouvement, la rupture même (glisse, se désaxe, s'étend, grince, malaxes, etc...), ce qui apporte cette sensation dérangeante et omniprésente d'instabilité. Comme si la construction tendait à se rompre à tout moment.


L'épanadiplose (merci pour mon vocabulaire ) apporte beaucoup à ce texte. Je ne connaissais pas ce procédé-ci, mais il m'a rappelé un poème de Baudelaire, "Harmonie du soir" (à un autre niveau toutefois).
Le rendu est pourtant sensiblement différent. Quand le poème de Baudelaire apporte une sensation (faussement) apaisante, comme des vagues venant s'échouer paisiblement sur une plage (les reprises sont plus larges et plus espacées), le tien reste fidèle au champ lexical : tout en rupture. Chaque vers semble se casser, puis se recoller au suivant. Ce n'est évidement pas sans rappeler le bégaiement, peut-être donc l'autisme.

Sur le fond comme sur la forme, je dois maintenant reconnaître que la dernière strophe est un peu plus faible. Elle ne fait que reprendre le texte. Même la notion de "panique", qui y est intéressante, est évoquée juste avant ("effraie") ; idem pour le regard !
Elle est plus agressive, certes ; un cri de révolte qui vient cesser le texte.
Cependant, je me demande si tu n'aurais pas mieux fait de terminer sur la strophe précédente. Sur cette formidable question qui vient poignarder le lecteur : "qui es-tu ?".


En conclusion, le jeu entre la musicalité et le conflit est très réussi. Le lecteur entre tout de suite dans la dualité du texte, se perd dans les remous de l'épanadiplose, et se laisse bercer par la délicatesse de tes mots.
J'aurais aimé écrire ce texte.
Je te préviens d'ailleurs que je risque de te piquer des idées (même si j'ai horreur de ça) :-p
Très bel hommage. Bon courage.
Continue sur cette lancée,
merci !

Un brillant effort sur la structure et les contraintes, c'est indéniable.

Un vers qui m'a dérouté :

Citation :

Tu malaxes, enragé, des illusions le voile,

Quelle articulation entre des illusions et le voile ? Manque-t-il une virgule entre les deux, ou voile est-il un verbe (mal conjugué), ou bien une autre possibilité syntaxique que j'aurais manqué ?

Pour le reste, je suis admiratif de l'efficacité avec laquelle la structure se met au service du thème, bien appuyée par la sémantique du poème qui, au travers d'images et de métaphores aussi poétiques que parlantes, vient frapper au cœur des choses.

Grand bravo.

Reste.

A Green Partizan :

Ce"des illusions le voile", qui te perturbait, est l'expression "le voile des illusions" passée au shaker... Après une brève recherche, ce n'est en fait rien de plus que le titre d'un film dramatique par John Curran, d'ailleurs sans rapport avec le sujet ici traîté.

Dans ma tête, c'était l'image d'une vaste et légère tenture pastelle, érigée entre deux mondes pour masquer quelque horreur, quelques réalités trop difformes, par un joli paysage d'illusions coloré (comme le fameux "c'est un artiste", par exemple)... Le personnage du poème, lui, s'évertue à déchirer le tissu, à le repeindre par endroit, et tire dessus par le bas, de toutes ses forces, pour faire tomber le décor mensonger (non, il n'est pas artiste, pour une simple lettre, il est autiste...)

Une tournure un peu fade donc, un peu convenue, une sorte de "maladresse de jeunesse" comme dirait Chikoun. Mais qui m'a semblé tomber sous le sens.

Merci pour ta critique, plutôt élogieuse il faut l'admettre.



PS : Je n'ai pas l'intention de partir.