Chant du Poète

Ne croit plus à l'exil choisi des hirondelles,
Rien ne sert de souhaiter leur doux vol dans le ciel ;
N'attend pas le retour du printemps sur leurs ailes,
A terre elles gisent toutes, prisonnières du gel...

La sève n'ira plus dans les cimes perdues
Des arbres desséchés, par le vent pourfendus,
Qui peuplent désormais de mortes étendues,
Un blanc linceul de givre à leurs pieds descendu...

Tu ne les verras plus, ces belles créatures
Bondissant autrefois dans mille lacs d'eau purs ;
Le froid les a taillées de profondes coupures,
Fauchant leur existence au prix d'une torture...

L'hélianthe de feu n'embrase plus le jour !
Les Icare, jadis, convoitaient ses atours ;
A présent ses rayons sont la proie des vautours
Qui déchirent les nuits des hameaux alentours...

Ce pays de tourments, implacable désert,
N'a que ta solitude pour toute frontière :
C'est la terre promise du poète amer,
Où la plume acérée trace ses plus beaux vers...

J'aime beaucoup les strophes de mêmes rimes, il faut que j'essaye !

Citation :

Qui peuplent désormais de mortes étendues,

C'est assez paradoxal, de peupler des étendues mortes ^^ (à moins que ce ne soit un effet voulu ?).

Le thème est bien traité, et franchement, je n'ai trouvé aucune vraie lourdeur dans le poème.

La dernière strophe est véritablement extraordinaire ! Je suis fasciné par sa musicalité et l'agencement des mot qui servent réellement le thème. Pfiou, bravo, vraiment !

Voici tout un monde intérieur qui trouve son chemin sur le tracé d’une plume bien agréable à lire.
Si l’ambiance désolée et glacée qui y règne a envahi l’espace, le lecteur peut concevoir qu’il n’en a pas toujours été ainsi car le feu a, un jour, été maître de cet univers jusqu’à l’embraser et tenter les Icare.
Et pourtant… Derrière tant de tourments, de solitudes, de désolations décrites, un calme se dégage de ta poésie.
Est-ce par le rythme régulier ? Est-ce dans les mots choisis ?
Le poème image les regrets plutôt que la peur ou le chagrin.

Merci à vous trois pour avoir pris le temps de lire et de commenter, je vais essayer de vous répondre du mieux que je peux.

@Mike001 : la "capacité rimique" sur ce poème n'est ni un changement, ni une innovation dans mon style, c'était plutôt le poème précédent qui était l'exception pour confirmer ma règle.
Quelle est la poésie de Hugo que tu évoques ? Je serais curieuse d'y jeter un (ou deux) n'oeils...

@Green Partizan : Les strophes de même rimes ont le mérite de poser un rythme extrêmement régulier et donc, à mes yeux, apaisant.
"Peupler de mortes étendues", c'est à dire que le narrateur peuple des étendues où nul autre ne vit. Je me souviens avoir hésité entre "morne" et morte", mais le premier adjectif me paraissait trop fade pour exprimer la désolation.
Pour la dernière strophe, on m'a reproché par ailleurs son "manque de cohérence avec le reste du texte", du fait qu'elle se posait un peu comme une conclusion... J'avoue que j'utilise presque toujours le cadre d'un récit pour mes poèmes, avec intro, élément perturbateur, développement, péripéties, et conclusion. J'ai du mal à en sortir, et suite à ce type de remarque, j'ai failli supprimer cette strophe ou du moins ne pas la conserver dans la version publique... J'apprécie donc que tu l'apprécies, et que tu juges qu'elle sert le poème !

@Cassiopée (dont le pseudo évoque systématiquement une "mélopée"): Tu as compris ce que je voulais exprimer ici, et je suis donc ravie de parvenir à m'exprimer suffisamment correctement pour cela. ^^ D'autant que d'autres, pourtant maîtres de leur plume et à l'esprit critique avéré, y ont vu des allusions à des pensées morbides, l'évocation d'un suicide, une grave dépression... Il faut se méfier des champs lexicaux de la mort et de la désolation.
Le calme qui s'en dégage n'est pas tant une résignation, qu'une forme d'acceptation de la souffrance vécue comme isolante par le narrateur, puisqu'il nous apprend qu'il parvient même à l'utiliser pour en tirer "ses plus beaux vers"... Tu as raison également pour les regrets, ils sont présents ici , et donnent un léger arrière-goût de mélancolie.
Le "poète amer" aurait tout aussi bien pu s'appeler "poète romantique", n'eût été la double contrainte de la rime et de la métrique.