.S.

Je suis dans ma chambre. Enfermé. Je redécouvre lentement mon corps en passant mes mains sur chaque parcelle de ma peau ; j’essaie de suivre veine après veines les longs sillons violacés, contournant les membres et cherchant une improbable origine jusque sur ma poitrine. Je suis nu devant mon miroir à fixer mes gestes dans le reflet et je sais, je sais que j’attends quelque chose. Et je pulse le temps au rythme lent des pressions sur le corps tandis que je pressens l’inavouable drame : J’ai tellement vieilli.

Pressant le temps qui saille dans les commissures de mes lèvres, j'ose croire que j'ai encore, et encore changé. Que je ne suis plus le barbare à l'œil bleu qui fixe la terre et l'imagine sur un radeau. Je tenais fermement le mat et je hurlais comme un vieux fou aux tempêtes délirantes :

" Sambra et Sambro, je suis l'insolent avaleur d'écume ! Moi je n'ai ni peur ni froid, et je galoperai encore quand vous irez crever en douce sur le rivage! "

Je suis dans ma chambre où je m'y suis enfermé. Je pose délicatement ma main droite sur le lit, agrippant fermement avec les doigts le tissu moiré. Et de mon autre main, j'empoigne le fer braisé et arrache de ma peau assez de fibre et de sueur pour sentir dans l'embrasement ma promesse longtemps refoulée jaillir:

" Sambre. Et dans le sang, et dans la rage, et dans ta sueur je t'ai volée une seule lettre, un seul nom. Jusque dans nos siècles, dans les tiens, et dans les miens, je ne serai rien de plus qu'un son bref ajointé entre deux portes closes"

. S .

Ni d'avant, ni d'après. Juste un Nom. Tant qu'il restera.

Invité

C'est vraiment étrange.

Je n'arrive pas à accorder d'importance au fond du texte. Ce qui me surprend et domine en est la forme. Elle me rappelle des souvenirs, évoque quelque chose en moi. Ton style est certes chevaleresque et emphatique mais il est devenu virtuose dans ce registre. C'est une écriture à pourpre et sceaux mais elle est incisive dans son genre, décrivant avec pompe et grandiloquence sans pour autant être ridicule.

Il ne te reste plus qu'à écrire un long cycle de littérature fantastique ou de science-fiction, puisque ce sont les deux genres qui conviennent le mieux à une telle...manière. Genres que j'ai adulé plutôt que je ne méprise.

En bref, je trouve que tu as du talent et j'ai apprécié cette lecture; merci donc, et je ne peux que t'inviter à assumer ces prédispositions plutôt qu'à rechercher un autre registre soi-disant plus sociable. Je crois qu'on peut écrire que tu te placeras sans peine, pourvu que tu ais quelques bons amis, parmi les excellents auteurs de littérature fantastique.