Nous montions les dernières marchent de la tour qui menait au clocher. L'escalier de pierre, aux formes arrondies par le temps et les passages, était couvert de poussière et d'entailles. Alors que nous discutions de choses sans importances, tout en grimpant vers notre but, je respirais le parfum embaumé de souvenirs de cet endroit maintes fois centenaires.
-Attends moi ! Dit une voix aussi chaude et douce à mes oreilles qu'un repos au soleil d'été.
Et justement, nous étions en cette période de l'année. Une saison qui, surtout dans le sud, vous fait vous promener bras nus, savourant la caresse rafraichissante du vent sur votre peau perlant parfois de sueur.
Douce époque des souvenirs d'été... ceux qu'on n'oublie jamais, ceux qui sentent toujours bon.
Mes pas ralentissent, et j'entends son souffle haletant. Un beauté si rare devait bien se voir compensée par quelque défaut physique; Son corps avait choisit l'asthme.
Je l'admirais, du haut de mes quelques marches d'avance,dans ce vieil escalier en colimaçon, juste assez pour voir sa nuque à nu, au teint créole, qui m'offrait une furtive part d'onirisme. Se relevant, elle me sourit pour me signaler que nous pouvions reprendre la marche, mais mes yeux me désobéirent, préférant regarder encore ce si doux spectacle d'un visage si plaisant, sachant très bien que ces moments là étaient trop rares et donc à graver dans la pierre de mes souvenirs.
-Qu'est ce qu'y a ? Mes lèvres se modelèrent en un sourire incontrôlé, poussées par un étrange sentiment, ceux que l'on ressent dans l'air de la belle saison, ce genre de sentiments qui embaument le coeur d'un voile de soie, d'euphorie permanente. C'était cette sensation que j'avais alors, une sorte d'attirance pour le monde, sa beauté, et celle de ses résidentes, et bien sûr d'une en particulier.
-Rien rien, continuons
Mes pas m'amenèrent enfin sur les dernières marches, dévoilant à mes yeux la salle des cloches: carrées, pleine de machines pouvant gérer comme des grandes le travail des antiques sonneurs, encore endormies d'ici à leur prochaine heure. La salle était perforée de huit grandes percées toutes verticales, littéralement ouvertes aux quatre vents. L'air se glissait doucement par ces ouvertures, amenant ces traits de fraicheur tant convoités.
Au loin, on entendait les chants d'insectes qui m'étaient globalement inconnus, et s'étendaient sous nos yeux la vue magnifique d'une petite ville campagnarde de La Rochelle. Les humbles habitations pour la plupart abandonnées par l'attrait pour les nouvelles cités, nous avions un fief à nos pieds, du haut de notre commanderie, prêt à nous soutenir jusqu'à la mort dans notre quête au graal et de la lumière divine.
Nous nous prîmes quelques minutes à ce petit jeu, jusqu'à ce que mon coeur me rappela que le graal n'était pas si loin que ça, et la lumière divine le suiva de peu, apportée dans ce sourire qui savait abattre chacune de mes propres murailles.
*Ne reste plus qu'à fonder une famille et le tableau sera achevé* Pensais-je dans un sourire
La voyant s'appuyer sur les rebords des fenêtres romanes, je vins me poser à coté d'elle pour admirer la vue, et profiter de la présence de ma belle auprès de moi. Le silence s'installa, mais fallait-il vraiment des mots ? Nous étions heureux en cette simple après midi d'été, et c'était ce qui importait. Des phrases s'échangèrent encore, des rires, mais nos regards parlaient pour nous. Nous savourions ce moment car il ne reviendrait pas avant des mois. Et c'est à cette pensée commune que nos bras se retrouvèrent. Je savourais son parfum, fleurit et sucré, qui me possédait si aisément... La douceur de sa peau rencontra mon propre épiderme, se trouvant et se frottant l'un l'autre, nos corps s'étreignirent, nos âmes se lièrent l'espace d'un instant, et enfin, ce fut à nos yeux de se croiser à nouveau.
Encore une fois, je remarquais que les mots étaient inutiles, et que nos regards parlaient pour nous. Après tout ne sont-ils pas le reflet de l'âme ? Deux sourire s'échangèrent, un courant d'air passa sur nous, comme pour tenter vainement de nous séparer mais le temps le ferait bien assez plus tard.
Les cloches se mirent à sonner, comme saluant notre amour, comme chantant pour nous. Certes, le son était trop fort, mais peu importait, nous étions ensemble, là-haut, liés l'un à l'autre. Elle fit une plaisanterie sur le mariage, un rire m'échappa, et sur le cinquième et dernier coup, comme pour sceller notre union...
TEMPS ECOULE
Merci d'insérer votre espèce ou votre CB dans la machine pour prolonger la durée du visionnage.___________________________________________
Commentaire : Sous ses airs doucement euphorique d'une idylle fantasmée, j'ai voulus transmettre un message sur sa fin. J'aurais pus développer après ces deux phrases finales, mais je préfère laisser le lecteur sur une réflexion, pour qu'il voit à sa manière la gravité de la chose, son actualité peut être, ou son arrivée prochaine qui sait ?
Si la machine pouvait porter le nom d'une entreprise, je l'aurais appelé "Marchands de sables", vous vous doutez bien pourquoi.
Dans un monde où l'on vous endors en vous faisant croire que tout va bien tant que vous consommez, je pense que le dramatique d'une histoire tirée d'un conte de fée soit racontée par une machine pour qu'un homme oublie dans quel monde il se trouve, est un thème qu'il fallait aborder.
Triste fable révélée en seulement deux phrases de fin, j'espère que le fond plus que la forme saura vous toucher (j'ai volontairement poussé le côté rose bonbon pour faire contraste au message réel).
Pour que la morale me paraisse plus vraie, et pour qu'elle soit plus ... "personnelle" disons: le contexte est tiré de mon histoire personnelle, à laquelle bien sur j'ai apporté des modifications. Mais ne faut il pas bien ça pour qu'une machine soit convaincante et vende un produit qui plaise ?