La tempête de Sûl-Nar et la forteresse étincellante [rp concerté]

La peine est parfois le meilleur ami de l’homme. Le monde tournait trop sans pouvoir s’arrêter. Les nuages défilaient sans s’immobiliser, passant de font bleu à gris sombre. L’orage commençait d’ailleurs à grondait au dessus de la mer, et le port de Galvorn allait bientôt essayer une grosse tempête. Les bateaux se dirigeaient vers la ville, souhaitant se mettre à l’abri le plus vite possible. Sûl-Nar était en vue. Ses ailes la brûlaient mais qu’importe, il fallait qu’elle parte loin d’ici. Sa magie devenait atroce à maintenir à l’intérieur. Quelque chose de désagréable et chaud montait jusqu’au bout de ses cheveux.

Quelques larmes coulaient encore le long de ses joues, personne n’arriverait à la consoler aussi facilement. L’âme de celle de Kyara, Sylan et Silissia se mêlaient peu à peu dans un élan de schizophrénie. Sa tête finirait par exploser avec toutes ces personnalités dans un si petit espace. Une aura d’une rare violence émanait de son corps et créait une bulle aux couleurs chatoyantes. Quelques courants de magies en sortait et claquait l’air. Le monde pouvait bien s’écrouler que cela lui importait peu. Pendant un instant elle en oublia même son serment de ne plus utiliser sa puissance à des fins néfastes.

Le sable venait fouetter son visage avec une douloureuse réalité. Le paysage quand à lui devenait plus clair, d’un doré éclatant. Silissia dépassa une vieille arche décrépite, et amortit une descente avant de se laisser complètement tomber sur une dune. La digue était déjà loin, mais sa colère était toujours bien présente. Une lance lui transperça le cœur et sa magie s’échappa d’un coup, laissant une horde de couleur, chaleur et douleur se disperser dans le sable. Des cristaux de verre commençaient à monter vers les cieux formant peu à peu une prison. Les flammes se mêlaient au sol pour se transformer en verre sous l’effet brûlant de la magie. Ses yeux devinrent blancs. Son cris se transforma en son strident.

Une onde de choc qui fit se lever une large tempête se propagea jusqu’aux abords de la ville la plus proche. Ainsi personne ne pourrait passer et trouver sa forteresse de solitude. Car si elle ressortait maintenant, qui sait ce dont elle serait capable. Il lui faudrait du temps. Beaucoup de temps pour accepter cette triste vérité. Hezeriel lui avait été enlevé. Il était mort. Elle l’avait laissé partir. Et aujourd’hui… Rien que d’y penser elle se sentit un peu plus mal. Si elle avait été là. « Si au moins je l’avais tué de mes propres mains. » Alors tout cela ne se serait jamais produit. Rien de tout cela. Cette guerre qui se préparait, n’aurait jamais eu lieu. Alors…

Le verre sera ma prison.

La tempête mon geôlier.

La peine mes chaines.

Le temps se figea pour l'ange. Doucement elle ferma les yeux et laissa rouler une ultime larme. Puis le dernier cristal s'éleva et il ne resta plus qu'une magnifique statut d'une jeune femme ailé prise dans le verre...

Dans un vent de sable comme une tempête brusque et violente, se tenait, immobile, un homme qui ne ployait pas sous la force des courants et qui fixait au delà des brouillards de sable l'infini horizon du désert. Sur son front, l'opale iridescente du Prince brille autant qu'un feu follet dans le flamboiement particulier des monarques du Sang: reflet pourpre balayés de rayons violets. En dessous ses yeux aux iris brisés par l'arrêt du temps dans sa propre existence se plissent sous la puissance de la tempête et forment des traits tendus en haut des joues. Tout sa bouche et et son nez étaient protégés par un voile noir qui descendait jusque dans son cou.

Il attendait tranquille, qu'une idée passe et qu'il la recueille dans son âme. Dans le chaos de Sul Naar, il a senti près et loin à la fois un pouvoir endormi, dont l'écho laissait entendre qu'il était prisonnier dans ces gangues qu'il n'a connu que trop : ces prisons au fond duquel on bannit les Immortels pendant des longs siècles. Jetant son arme qu'il tenait dans sa main droite à terre, il se baissa pour toucher le sable et éprouver les radiations essentielles résonner entre les grains. La tempête l'empêchait de ressentir avec précision la direction de la source. Seul au fond du tremblement de la nature, il attendait que s'épuise l'alcyone et que revienne une certaine tranquillité. Il s'assit à côté de sa lame puis laissa errer ses pensées.

Loin des autres membres du Sang, son pouvoir faiblissait lentement, s'endormant dans sa mémoire comme un fleuve qui s'ennuie au fond de son lit. Et ses pensées jadis si pleine de souvenirs et d'inspirations alentour se renfermaient doucement pour ne laisser qu'une tête vide, attendant le temps sans y penser, attendant que revienne le règne de la violence. Croisant ses bras contre sa taille il frissonna. Non qu'il ressentait quelque chose - il ne pouvait guère, ayant perdu son âme humaine - mais que la rudesse du temps faisait réagir sa peau claire jusqu'à lui arracher des tremblements de fibres.

Enfin, après de longues heures, le vent s'essouffla et un ciel bleu s'empara du désert pour laisser voir les dunes s'étendre sur l'horizon infini. Alors l'essence cria et le monde résonna jusque dans les montagnes rouges. Et il sut. Dans ce désert se tenait un verre si pur qu'il offrait à chaque cri essentiel des échos longs et bruyants. Enfilant son arme dans son fourreau il reprit sa marche, poursuivant ce chemin qui l'avait guidé au fond du désert, et qui continuait de lui murmurer dans sa tête:

Quelqu'un est passé ici, qui nous cherche, qui nous veut, il faut faire vite, au loin les armées se soulèvent déjà et nous serons en retard...en retard.

Souvent, les gens ne savent pas la chance qu'ils ont de vivre. Ils se complaisent dans leur "petit" malheur, sans comprendre ce qu'engendre une vraie souffrance. Ces personnes là souhaitent mourir, disparaitre. Alors que ceux qui sont réellement touchés par l'horreur, se raccroche éternellement à la vie. Quitte à se sacrifier pour espérer réparer leurs erreurs et celles des leurs. Peu de monde comprend réellement ce qu'est la souffrance. Car peu de monde pourrait la supporter.

Ceux-là se débattent contre le destin afin de saisir tous les infimes moment de bonheur que l'on peut leur offrir. Même si bien souvent, le désastre qui les frappe à ce moment là, est proportionnellement égal à la joie ressentie. Plus on aime, plus on souffre.

C'est une vérité que j'ai, hélas, expérimenté durant mes siècles d'existence. Fille choyée par ses parents, je suis devenue orpheline. Puis femme et veuve. Mère... et ange...

J'ai aimé autant que j'ai haï ! Je les ai maudit et adulé ! J'ai souhaité leur mort, autant que ma vie...

Mais au final, qu'ai-je réellement accompli pendant plus cinq siècles ? Tous ceux qui ce sont emparés de mon cœur sont morts. De mes mains, ou de celles de mes ennemis. La fatalité, je crois qu'aujourd'hui c'est la seule chose que je retiendrais de tout ça. Alors pourquoi encore se battre ?

Aujourd'hui, pour la toute première fois, mon âme se refuse à vivre.

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Il y a bien longtemps. Loin de ce monde. Par delà les astres éternelles...

Je veux qu'elle soit rouge ! Aussi rouge que les roses qu'il y aura à ce moment là ! Elles seront bien rouge n'est-ce pas ?

Un léger soupir d'exaspération se mélangea à la brise. Ce devait être la centième fois qu'elle s'en assurait. On pouvait se poser la question de savoir ce qui pouvait provoquer une telle effervescence dans ses yeux verts. Cette enfant à peine majeure se tenait appuyée contre un arbre et s'adressait à un loup. La beauté de la scène n'avait d'égal que la sérénité du lieu.

Et puis que dirais-tu du lac ? Il est bien non ? Il fera certainement beau en plus.

Si d'accoutumé il n'y avait pas besoin de parole entre eux, cette fois, elle ne pouvait s'empêcher de lister le nombre de chose qu'elle voulait. Ce serait la deuxième fois. Mais la première pour ces deux là. La discussion dura près d'une éternité. Finalement peut-être aurait-il pu le faire au pied de cet arbre qu'ils aimaient tant. Mais la jeune femme voyait les choses en grand. Tout s'organisa. Et tout se déroula comme prévu.

Ils se dirent "oui". Elle lui donna l'enfant qu'il désirait. Ils devinrent "nous".

...

Son esprit divaguait à la recherche d'un bonheur qu'elle n'avait pu connaitre. Car tout ceci n'eut pas le temps d'arriver. Qui partit le premier ? Aucune idée. Mais le mariage n'eut jamais lieu. Les conséquences se répercutent une fois de plus en ce monde. Une guerre aillait éclater à cause d'un évènement mineur qui s'était passé des vies auparavant.

L'âme de l'ange se recula un plus pour s'oublier.

Le vent tirait sur ses traits, et il continuait de marcher. Le temps superbe, le ciel bleu, était parti, disparu, et la tempête revenait lentement. Il savait pourquoi. Elle dormait dans sa gangue, cette puissance étrange, elle dormait depuis peu et comptait peut être dormir longtemps encore. Des bribes de mémoire s'effaçaient dans sa tête ; cela faisait longtemps, longtemps qu'il n'avait plus côtoyé humanité et vivant. Les déserts étaient long et plein d'un sentiment de vide infini. Ses yeux quittèrent la sable qui tournoyait au sol pour tendre vers l'horizon. Dans les vents et les vagues de grains blonds, il pouvait discerner une forme pure réfléchissant des mirages de soleil. Alors il reprit sa marche, poussant ce corps fatigué à marcher encore.

Jusqu'à voir de ses propres yeux cette gangue de glace et sentir autour d'elle comme des souvenirs, évoluer, transpercer sa chair et répondre au silence de ses âmes. Dans l'ombre du bloc lumineux apparurent Anwen et Shyon.

Il est temps de comprendre pourquoi j'ai été appelé ici.

Sa voix était un murmure fragile, préservant ses forces pour les événements à suivre. Traçant un cercle dans le désert, il sortit son arme et la planté au centre. Il y eut un tressaillement puis l'espace trembla, les vents devinrent plus accrus et la tempête plaça son oeil sous eux. Tout autour, les éléments se déchaînant, leur offrant une barrière infranchissable. Alors le Prince fusionna et ses longues ailes d'Anges apparurent, à son front l'orbe devient rouge sanglante et tandis qu'il retira l'arme du sceau il l'éleva haut dans le ciel. Il lévita lentement jusqu'à atteindre le sommet de la gangue et armant son bras frappa avec violence le pic, hurlant des phrases ritualistes et derversant le flot de sa puissance sur le verre divin. Sous un dernier coup, il y eut une fissure et la gangue se brisa, jetant dans toutes les horizons des éclats de verre.

Il redescendit lentement au sol, et soufflant légèrement, regarda ce qu'il y avait à l'intérieur. Il ne put observer qu'un corps endormi qu'une ombre dominait de sa silhouette incertaine. Sanz les fixa en murmurant :

Si tu es un Veilleur des Dieux, ne crois pas que je te crains. Cela fait longtemps que j'ai oublié de m'arrêter au stade de l'homme, et cela fait longtemps que je suis bien plus. Dis moi simplement qui m'a appelé ici et pourquoi ai-je du me résoudre à venir.

L'ombre ne répondit pas, tendant seulement une main vers le front du Prince comme s'il évoquait quelque chose au loin, dans l'horizon. Sanz se retourna lentement, suivant du regard la direction du doigt. Et au loin, dans le tremblement des vents il vit un jeune loup endormi contre un arbre, et quelqu'un à côté qu'il n'arrivait pas à reconnaître tant l'image était flou. Le pelage de l'animal semblait décoré par des arabesques noires qui se mouvaient au rythme de sa respiration. Il observa longtemps cette étrange vision avant de rire brusquement

Pourquoi sonder mon corps pour y chercher une âme, vous n'y trouverez rien ...

Il s'arrêta net. A son bras, une longue estafilade de sang coulait, plaie béante et chair arraché par un éclat de verre qui l'a probablement touché. Et le sang avait lentement coulé jusqu'à la jeune femme endormie ; l'ombre baignait dedans avec ce qui ressemblait à un sourire. Il posa une main sur sa blessure fixant avec un accent d'effroi ce qui était en train de se produire. Il voulut crier mais sa voix resta brisée au fond de sa gorge:

Nul ne doit boire ce... sang... .

Les gouttes perlèrent une à une aux creux des lèvres pâles de l'ange. Le mal s'insinua le long de sa gorge, enflammant son sang et faisant crépiter un feu meurtrier dans son esprit. Son corps rejetait de toutes ses forces ce maléfice qui tentait de la ronger et de détruire toute parcelle de volonté. Mais l'effet ne fut pas celui escompté.

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Le soleil brillait et la chaleur était presque suffocante en ce jour d'été. Cela faisait des années que cette terre n'avait pas subit une telle canicule. Tout le monde recherchait un coin d'ombre pour échapper à l'emprise de cet enfer. Même la terre souffrait du manque d'eau et de nutriment. On entendait encore quelques oiseaux chanter au petit matin mais l'on ne croisait plus le moindre animal une fois l'astre à son zénith. Cependant ce temps rendait les taverniers heureux, car nombre de gens venait se désaltérer et se réhydrater avant de repartir travailler.

Ne faisant pas exception à la règle, Silissia ne supportait plus la chaleur constante de ce mois qu'elle maudissait déjà. Son état ne l'aider pas à se sentir mieux et elle chercha l'endroit le plus approprié à son repos. L'arbre qu'ils avaient fini par sacraliser semblait l'option la plus raisonnable. Tout cela lui donnait le vertige. Le monde semblait changer imperceptiblement, sans qu'on est bien su dire pourquoi. Mais la fatigue devait aussi jouer en sa défaveur, et la rendre plus fragile.

L'ange laissa échapper un soupir et s'essaya le temps de reprendre son souffle. Tout cela ne serait que provisoire, le cycle des saisons tourne perpétuellement, l'automne finirait bien par arriver. Sans réellement s'en rendre compte, la jeune femme ferma les yeux et se laissa couler dans un profond sommeil.

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Finalement, quand elle se sentit mieux, elle révéla de nouveau ses iris de jade. Une ombre les voilait légèrement. Un sourire se dessina sur ses lèvres à la vue de celui qu'elle aimait et qu'elle avait épousé. Les doigts longs et ambrés de l'enfant se posèrent sur sa joue en la caressant légèrement.

Tu m'as donc rejoins Hezeriel ? Je pensais que tu finirais plus tard. A moins que je n'ai dormi plus longtemps que prévu. Ses mains rejoignirent son ventre et ses yeux se tournèrent vers le ciel emplie de nuage de sable. J'aime que l'on soit sous cet arbre ensemble.

Les lèvres de l'ange étaient encore imprégnées de sang, et son esprit, du rêve.

Et tandis qu'il observait les lèvres de l'ange boire son sang maudit, de lents rêves commencèrent à affluer au fond de son esprit. Habituellement, cela ne se passait pas ainsi, non. Il pouvait sentir pénétrer une force invisible qui l'exhortait à se souvenir, comme si le processus de malédiction du sang se retournait contre lui. Tendant ses mains en avant dans un signe de concentration,il essaya de résister aux mécanisme de défenses que cette fille prisonnière lui imposait tandis que le Veilleur le fixait toujours de ses yeux d'ombre. Le sang aurait du la corrompre, la perdre dans des élans de folie et de rage ; le sang aurait du la frapper en plein âme, mais c'est lui qui se sentait brusquement faible et en proie à des réminiscences invasives. La plaie de son bras coulait toujours.

S'approchant pour que l'aura touche ces deux étranges personnes puis il s'agenouilla devant la jeune femme avant de poser une main sur son front, baignant à son tour dans son sang. Le veilleur les observait, immobile dans une complaisance d'omniscience cynique. Péniblement Sanz essaya de reprendre le contrôle mais ses forces l'abandonnaient peu à peu, et préférant opter pour une autre stratégie il accepta de plonger dans cet étrange afflux de songe.

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Il la regardait de ses yeux bleus si pur qu'ils rivalisaient avec le ciel. Ses pupilles fendues en deux s'étaient rejointes pour ne former qu'un seul iris beau et complet. Tendant sa main dans la chevelure de l'Ange, il déposa une caresse affectueuse avant de regarder autour de lui. Le vieil arbre semblait dormir, centenaire, accueillant leur espoir dans un bruissement de feuille.

Nous vivrons heureux sous cet Arbre, sais tu et il nous regardera passer les années comme nous le regarderons, avec ce même sentiment d'avoir trouver une terre où siéger enfin, serein.

Sa voix semblait lente et prophétique, ponctué d'un sourire. Il s'assit près d'elle et la serrant dans ses bras laissa la chaleur les apaiser.

Que cet enfant veille en paix sur nos futurs.

Tandis qu'il murmurait cela, de son bras une étrange plaie laisser couler un léger filet de sang qui tombant au sol nourrit la terre qui se remplissait au fur et à mesure d'étranges roses pourpres. Il ne s'inquiéta pas, oubliant la blessure et regardant le parterre s'agrandir autour d'eux et autour de l'arbre. Jusqu'à ce que derrière lui, il sente une ombre s'approcher de son épaule.

Je suis rentré tôt, parce que nous avons peu de temps.

Et il a plut du sable sur eux.

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Il s'était effondra au sol, dans sons sang, contre elle. Ses yeux mi-clos s'ouvrirent lentement tandis qu'il agrippait le bras de l'ange ; sur son visage des traits de fatigue insurmontable tirait des longues rides noires. AU nord la tempête de sable gagnait de la puissance et des vents de sable frappaient avec violence leur corps. Le veilleur s'était comme transformé en un loup blanc aux yeux de feu. Immobile, a l'arrêt, il semblait veiller sur eux dans une tranquillité absolue. Lentement, les yeux de Sanz se refermèrent et le monde s'envola dans un courant de sable.

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Il pleut du sable, tu sais, c'est bientôt, bientôt une étrange fin.

Il serra plus fort contre elle celle qu'il avait choisi pour vivre au sein d'une éternité.

Alors que les grains retombaient un à un sur le sol, les bras se resserrèrent sur le petit bout de femme. Un sourire vide se dessina sur ses lèvres et tendit sa main pour attraper une chose invisible. Puis l'ange relâcha ce qu'elle tenait et le regarda tomber.

Ce ne sont que les feuilles de notre arbre qui tombe. L'été finira bien par se finir et l'automne fera son entrée.

Puis doucement elle se dégagea de son étreinte pour se lever. Ses pieds nus se heurtaient à la fois au sable brûlant, mais aussi aux morceaux de verre, vestige de son ancienne forteresse. Elle lui tendit sa main pour qu'il se relève. Ses yeux ne voyait que l'azur de celui qu'elle aimait. Tout ce désert, n'était pour elle qu'une vaste forêt verdoyante. Rien de ce qui se passait en dehors de son rêve ne pouvait l'atteindre, si ce n'est Lui.

Tu sais, tu commences déjà à en attendre beaucoup de lui alors qu'il n'est pas encore né. Cependant, je vois mal comment notre enfant pourrait faire autrement que nous rendre heureux.

Silissia regarda au loin, par-delà l'immensité vide de Sûl-Nar. Plus rien ne l'inquiétait. Ils étaient deux et c'était tout ce qui pouvait compter à ses yeux.

Pourquoi penses-tu que nous n'avons plus de temps ? Tu crois qu'il va pleuvoir ?

Le sang qui avait coulé commencer à se faire absorber par les grains meurtrier de cet endroit devenu maudit. A présent, deux réalités distinctes se mélanger. Celle du rêve de l'ange. Et celle du Sang.

Et du sang perlait lentement sa mémoire, celle qu'il avait perdu et qu'il ne savait plus retrouver ; celle que les lèvres de Silissia buvait peu à peu. Parfois ses paupières se soulevaient et laisser entre-apercevoir des pupilles fendues fatiguées au reflet sombre. Mais toujours il sombrait à nouveau, retrouvant ces forêts aux cimes d'illusion.

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Il la sentit le quitter et se lever, commenter le ciel et le temps. Il savait que tout risquait de s'effondre. Sans pouvoir l'expliquer, il ressentait la même impression d'un rêve qui n'arrive plus à tenir debout. Son visage aux traits si fin se couvrit de lignes noires et quand il se leva à son tour, ce fut au prix d'immenses efforts. Les fleurs qui avaient fleuri fanaient déjà, laissant les pétales s'envoler vers des vents improbable. Il voulut s'approcher et tituba. En murmurant il dit :

Il va pleuvoir, et tout va...tout va pleuvoir.

D'un geste il embrassa le monde et la sérénité majestueuse des premières heures s'étouffa dans un cri. A l'horizon un brouillard de sable s'était levé sous les martèlement des chevaux et les sifflements en rase motte de dragons de combat. Tous filaient à vive allure vers eux et lon discernait sans voir des cris de rage et de guerre s'élever autant que des clameurs de harangue. Hezeriel frissonna avant de continuer :

Il va pleuvoir. Ils sont venu nous chercher. Tu n'avais pas le droit de venir sur ces rivages. Mes souvenirs me reviennent. J'étais mort. J'étais mort. Qu'as tu...fais de moi? Que suis-je? Va t'on m'enfermer dans une gangue?

Ce monde n'était plus le notre.

Dans un dernier vent, des dragons se jetaient sur eux, griffes pointées. Il ferma les yeux et soupire. Sa mémoire était venu les tuer.

Tout se brouillait. Pendant l'espace d'un instant, la forêt verdoyante était devenue à ses yeux une étendue ocre froide et désolée. D'un geste de la tête elle chassa cette vision de son esprit. C'était impensable, il ne pouvait y avoir de paysage comme celui-ci dans les environs. Les mots de son époux n'avait aucun sens. IL n'était plus et ils pourraient vivre tous les trois sans se poser la question d'être chassé. Il avait pourtant l'air paniqué. Pourquoi ? Il disait qu'il était mort. Pourquoi fallait-il qu'il disent ce genre de chose ? Quand à ce monde...

Elle hurla. Un cri déchirant. Tout tournait une fois de plus. Non ! Il n'était pas mort. Ce monde était bien le leur quoi qu'il en dise. Pourquoi niait-il la vérité ? Tout cela l'effrayé, comme la prémonition d'une monstrueuse vérité. Une sorte de spasme se déplaça le long de son corps pour finir jusque dans sa mains droite qui se mit à briller légèrement.

- Jamais...

Il n'était qu'un murmure perdu dans l'immensité d'or. Il se laissa emporter loin. Une lame commençait à essayer de sortir, mais elle la fit rentrer dans sa paume. Une lueur se dessina de nouveau où le métal avait perçait. Ses pupilles se dilatait et se rétractait, elles ne semblait pas savoir comment se fixer. Son souffle était rauque. Difficile. Lourd. Son coeur battait trop vite et un trop gros nombre de pensées se déplaçait dans son esprit. Elle se voyait le planté par celui qu'elle aimait. Son regard tendre se posait sur elle comme une caresse. Il lui murmurait qu'elle pouvait toujours essayer de le tuer si elle s'en sentait capable. Sa fourrure douce était chaude, le soleil de ce jour là l'avait tiédi. Du sang.

Elle tomba un genoux à terre en regardant les grains de sable se transformer en verre sous ses doigts. La terre se craquelait et l'herbe disparaissait au profit de veines noires palpitantes. Les racines de leur arbre étaient en train de céder sous la gangrène.

- Tu es toujours là. Tu n'es pas mort. Tu es là. Nous sommes là. Bientôt tous les trois. Pour le moment à deux. Elle marqua une pause. Tu ne veux plus de nous ?

La terreur se lisait sur son visage et elle baissa de nouveau la tête. L'ange souleva ses mains du sol pour les regarder avec peur. C'était elle qui nourrissait ces crevasses noirs qui dévoraient ce monde ? Son âme était confuse, perdue et avait à présent besoin d'un guide. Elle porta son regard de jade vers Hezeriel en espérant qu'il réponde à son appel.

Dans la tourmente et le hurlement des vents, se dressait une ombre cernée d'une couronne et d'une opale de feu. Sur les bras des veines comme des saillies crachaient une aura noire et ténébreuse. Se levant telle une projection issue du sol il se dressa devant Silissia, l'arme à la main et le regard injecté d'ombre menaçante. Semblant plier l'atmosphère creusant dans la tempête des courants de suspension ou rien ne passait, pas même un grain de sable, il la fixa avant de prononcer d'un ton grave :

Il est l'heure, Silissia, d'achever le travail.

Jeté au sol, rompu par le rêve qui détruisait sa force, Hezeriel semblait ramper et vouloir se redresser, s'écroulant à chaque tentative. Quand il entendit l'ombre, son visage se tordit d'une peur ancienne, perdue dans sa mémoire, et se relevant tel un corps exsangue qui tremble et ploie, il siffla :

Pas une seconde fois, il n'y aura jamais de seconde fois. Nous avions un Avenir, et vous me l'avez pris, vous lui avez pris ; vous n'avez rien laissé au nom de ces prophéties qui n'ont jamais eu lieu... . Pourquoi suis-je mort? POURQUOI?

Sa voix porta dans l'orage avec une rage oubliée qui affleurait seconde par seconde.

Ce rêve est le tien, Veilleur, un rêve déchu perdu dans les limbes de ma Mémoire ; le rêve qui tient en vie un destin qui n'a jamais été écrit. Ce jour là, Hezeriel aurait pu devenir autre chose que l'apôtre d'un Destin qui n'aura jamais lieu. Ce jour la, mon coeur battait, et mon sang affluait jusqu'au bout des doigts, ce jour là je chantai et riais, je pleurai aussi ; ce jour là j'aimais le jour j'aimais sa voix quand elle m’appelait à l'orée de l'Arbre, certaine de m'y trouver. Ce jour là je possédais un nom. un NOM.

Sa rage transcendait son corps et lui donnant l'allure d'un ange qui étendait ses ailes, long ramage de plumes de jais accroché au dos d'une jeune homme dont le visage était traversé du signe des Immortels : l'iris fendue en trois.

Tu n'aurais pas du m'attirer vers elle. Qu'elle le boive mon sang et qu'elle m'offre une résurrection. Qu'elle m'offre la douleur de me souvenir, et que je crie à nouveau, que je meure à nouveau dans ce sang que j'ai bu il y a des siècles. Et que cette terre hurle à nouveau l'Histoire qui s'était enfuie.

Se relevant du bain de soi, ouvrant grand ses yeux, il fixa le veilleur et tenant son arme tel qu'il la tenait il murmura :

Nous étions deux, nous sommes deux.

Que voulait-il achever ? La jeune fille s'arrêta et petit à petit les veines noires de son monde disparurent pour laisser place à la verdure de la forêt. Hezeriel semblait voir une chose qu'elle ne pouvait discerner. Cette chose semblait le mettre en colère. Elle ne se souvenait pas l'avoir vu comme ça un jour. Tentant de fouiller dans sa mémoire, quelque chose bloqua le flux et la renvoya sous son arbre. Le rêve était devenu fragile. Un nuage passa cacher le soleil et elle eut froid. Un froid qui lui glaça la peau et fit couler des sueurs.

Reprenant doucement ses esprits, son corps de redressa et ses pieds s'enfoncèrent fermement dans le sol. Silissia avait promis de ne plus se battre le jour où elle avait appris qu'elle attendait son enfant. Mais s'il fallait les protéger, alors elle ne ferait pas de quartier. Après tout, personne n'avait le droit de toucher à leur bonheur ne serait-ce que du bout du doigt. Une étrange lueur se dégagea de sa peau. Ses yeux d'ordinaires si calme et joyeux était soudainement devenus sérieux et froids. La chaleur déjà suffocante du désert, devint insoutenable.

Une lame blanche translucide sortit de la main de l'ange qui se mit en position d'attaque. Son pommeau était en adamantium et incrusté de Pierre des Anges et d'améthyste. Le tranchant avait de léger reflet mauve. Cette épée avait était sculpté par ses soin dans ses larmes. Son pouvoir était si grand, que certain monde l'avait banni à tout jamais par peur de tomber dessus. Il ne fallait jamais oublié son passé. Avant d'atterrir ici elle était le Chef suprême des Armées Céleste. Sa main avait décimé bon nombre de population sur un simple ordre, même si elle n'en était pas fière.

Son âme n'avait pas encore réalisé ses nouveaux dons. Mais les anciens seraient suffisamment puissants pour effrayer ce qui faisait peur à son mari.

- Qui ou quoi que vous soyez... Passez votre chemin.

Ses sourcils se froncèrent et son coeur se mit à battre un peu plus vite. L'excitation revenait plus vite qu'il ne l'aurait fallu. Il l'avait traqué dans tous ces moments.

- Si vous ne le faites pas, je vous tuerai.

La jeune guerrière ne plaisantait pas, même si elle fixait l'horizon sans rien voir.