Brume.

Elle avance d'un pas léger. Il neige aujourd'hui et c'est une merveille à voir. Elle se dit que jamais les flocons ne lui ont paru aussi beaux et éclatants de blancheur. Ils viennent se poser dans ses cheveux, cotonneux et silencieux. La tête levée vers le ciel lourd et blanc, elle continue d'avancer. Tout semble briller d'un éclat particulier. Ses mains sont froides dans ses mouffles multicolores. Au loin, elle aperçoit un petit groupe qui la regarde. Ils agitent les mains dans sa direction et sourient. Alors sur la neige qui recouvre tout, elle presse l'allure. Tout est blanc, le ciel, l'air, la terre. Elle sourie et court presque de sa démarche légèrement bondissante qui les fait rire.
Un bruissement retentit comme un coup de tonnerre. Le blanc s'évapore, remplacé par des brumes grises et profondes. Le bruissement reprend, insistant et tenace. Elle s'affole, ne comprend pas. Où est la neige? Où est la rue? Elle se débat. Les nuages du ciel semblent s'être laissé aller sur elle. Ils l'enveloppent de leur chaleur moelleuse. Elle a chaud et se débat dans les brumes toujours plus lourdes de son esprit. Elle ne sait pas où elle est, mais il fait chaud. Elle transpire. Et le bruissement qui l'appelle toujours.
Son corps est une pierre qui tombe. Elle veut tourner la tête pour voir ce qu'il se passe, mais la brume bouge avec elle et ses yeux peinent à s'ouvrir. Jetant ses bras en avant, l'un d'eux rencontre une fraicheur nouvelle. Un courant d'air se fait dans son esprit. Bruissement. Sa main tatonne et cherche quelque chose dont sa tête ignore tout. Elle arrive enfin à entrouvrir les yeux, pour ne regarder que la pénombre. Ses pupilles captent une lueur près de son bras qui cherche toujours. Bruissement. Ça vibre doucement sous ses doigts. Elle referme sa main sur le téléphone et décroche.

Sa voix semble s'être perdue ailleurs. Et le silence résonne au bout du fil.

Oui, parvient-elle a dire au milieu de la brume qui l'endort.
Je suis désolé, répond la voix, je suis désolé. C'est fini.

Elle demeurait plantée là, sous le poids infini d'un ciel terne.

Sa démarche immuable et interrompue ne répondrait plus qu'aux impératifs d'une inexistence morne et vide.

La vie l'avait quitté et son souvenir se refermait dans le claquement sec d'un fil d'espoir qui se rompt.

Dans le blanc de l'oubli, ses pas s'effaçaient déjà, alors que sa silhouette s'évaporait dans la brume.