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 La complainte du Dieu-mort

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MessageSujet: La complainte du Dieu-mort   La complainte du Dieu-mort Icon_minitimeLun 9 Mai - 0:01

Chapitre 1- Ce n'est qu'un mauvais rêve

-Qu'est ce que c'était que ça ?
-Maman !
-C'est rien chéri, je suis là.
-Ils en ont encore emporté un...
-ça ne finira jamais, JAMAIS !
-Taisez vous, y'a l'gamin !
-Rien à foutre du gamin ! Je refuse de crever ici comme l'un d'eux !
-Arrêtez ne partez pas, NON !

...

-Maman, ils se font manger les gens ?

...

Ils deviennent trop perspicaces... c'est difficile pour nous de devoir leur expliquer.

-Ça fera le troisième cette semaine. Au moins on tiendra plus longtemps avec les vivres...
-La ferme !

...

Comment en est-on arrivés là ?

...

-Je peux m'assoir ?
-Oui oui. J'ai jamais vu votre tête, nouveau ?
-Il y a deux heures, j'ai croisé un de vos groupes alors que je me cachais d'un centaure.
-Un centaure ? Z'en avez eut d'la chance, où vous courrez vite...

Un "centaure", comme on l'appelle ici, est ce qu'on pourrait comparer avec beaucoup d'imagination avec un chien de chasse. Deux mètres de haut, trois de long, un de large. Ces saloperies à quatre pattes sont dotées d'un "torse" sans bras au bout de quoi se trouve une belle gueule bien garnie. Pas d'yeux, pas d'nez, juste une gueule et deux petits trous de chaque côté, et une ouïe formée à la traque. Leur apparence vaguement centaurienne leur a donné ce nom, bien qu'ils n'aient rien à voir avec les semi-poneys grecs.

-On m'a dit de venir vous voir si j'avais des questions... et... que vous étiez celui qui en savait le plus sur...enfin...
-Ce merdier ?

Crachant dans le feu ma rancoeur quotidienne, j'étudiais le nouveau du coin de l'oeil. L'air paumé, comme tout l'monde, mais visiblement plus que nous. Des légendes circulaient depuis la Fissure, mais chacun y allait de sa petite théorie, colère divine, prophétie maya, extra-terrestre, jusqu'à la campagne de publicité américaine pour les plus allumés, personne ne savait vraiment ce qu'il se passait ici... Mais on avait tous le même avis, nous étions dans la merde.

-Ou..oui on va dire ça comme ça. L'autre jour j'ai entendu une femme me dire qu'elle avait vu un ange fou apporter la destruction sur ce monde.

-Un ange fou maintenant...et qu'est ce que ça peut me faire ?
Visiblement, il venait taper la discut' pour se réconforter un peu... mauvaise pioche, j'étais de mauvaise humeur après cette journée, encore des corps à dissimuler aux enfants. Mais je me doutais que l'excuse du "parti faire une ronde" marche ad vitam, il faudrait trouver autre chose...

-J'ai pas que ça à faire, allez, casse-toi !

Trois ans... trois putain d'années depuis la Fissure, depuis ce jour où tout a basculé du "merdique" au "pire". J'étais docteur en psychiatrie quand ça s'est passé. Près de Khamar, au Massachusetts. Depuis plusieurs semaines je m'occupais d'un patient qui délirait à propos d'un dieu assassiné, de la destruction du monde et ce genre de conneries. On l'avait retrouvé un soir nu à errer dans la rue, la gueule couverte de symboles à l'encre rouge, en train de délirer. Vu ce que je me tapais tout les jours, je n'y faisais pas spécialement attention, après tout il y avait pire...jusqu'à ce qu'on entende parler de morts inexpliquées dans les environs. Des meurtres sanglants, des cadavres dévorés, des disparitions spontanées, on entendait même certains murmurer avoir vu des formes étranges roder la nuit.

Le vieux taré avait tout d'un coup gagné une grosse partie de mon attention.

Il me parla de cultes, de dieux anciens, d'obscures incantations, et prononça des noms dont je peine à me souvenir. Des noms presque imprononçables, inhumains. Il brillait dans ses yeux une terreur folle, et toujours revenait dans sa bouche ce "Dieu mort". J'espérais que ces histoires de magie noire n'était que le délire d'un malade de plus, mais le destin s'est bien foutu de ma gueule !

Ça a commencé par un tremblement de terre, le plus gros que j'ai jamais connu. Des bâtiments se sont effondrés, on entendait des cris de panique, les sirènes de voitures, d'ambulances, et quelques explosions. Du jamais vu ! Puis c'est là qu'on entendit le cri... Il venait de Khamar, on l'a entendu à des kilomètres à la ronde. C'était puissant, un genre de cri d'agonie, si déchirant qu'il nous vrillait les tympans. Les vitres de là-bas avaient toutes explosé.

Tout le monde est sorti voir ce qui se passait, en robe de chambre pour la plupart... Y'avait du brouillard ce soir là, et ... je crois que le temps s'était arrêté pour nous. On y voyait pas grand chose, c'était l'hiver remarquez, mais on voyait des ombres bouger parfois, trop rapides pour être honnêtes. Beaucoup sont rentrés chez eux avec les histoires de meurtres qui trainaient, moi j'suis resté au balcon pour voir si j'pouvais en savoir plus.

J'attrapais mon fusil, ma lampe torche, et le téléphone au cas où j'pourrais repérer l'enfoiré. Personne. Juste ces ombres dans le brouillard. Le silence de mort qui planait dans la ville commençait à me donner des sueurs froides, et qu'il n'y ait plus aucun son après un tremblement de terre d'une telle ampleur n'était pas normal du tout. J'entendis une voix crier à un voisin : tout est coupé, la télé est morte, le téléphone aussi !

Je décrochais machinalement, rien. Tout était bien coupé. Au moins il me restait mon fusil et ma torche... Histoire de me rassurer, j'essayais de l'allumer, et ma gorge se desserra à voir la lumière percer quelques mètres de brume dans un cône rassurant.

J'entendais les voisins crier des conseils et prendre des nouvelles les uns les autres. J'allumais une cigarette pour me détendre, sortant mon zippo, jusqu'à ce qu'un sursaut de peur me fasse trancher la tige de tabac d'un coup de mâchoire. Un hurlement, un hurlement de terreur, des craquements d'os, puis plus rien. Le silence absolu. Un autre voisin se mit à hurler, effrayé de ce qui avait put se produire, et de nouveau des craquements d'os mirent fin au tumulte. Alors les gens se barricadèrent chez eux. Mon instinct de survie, virant au rouge fluo, me fit fermer fenêtre et volets quand j'entendis des bruits de mastication de chair. Je sentis la mort dans mon cou, et craignais d'être le suivant sur la liste. Mais bordel qu'est ce que c'était que cette merde ? Courant éteindre la lumière, je renforçais ma fenêtre par une table basse, et bloquait ma porte avec la vieille armoire. Blottit derrière mon lit, le chien du fusil enlevé, et me cramponnais à la crosse. Les mains moites agrippaient difficilement l'acier , mais je le calais sur mon épaule, appuyé sur le matelas, le canon pointé vers la fenêtre. J'entendais de nouveaux hurlements, des bruits de portes arrachées, des supplications, des cris d'agonie, et toujours ces affreux craquements d'os.

Je maudissais ma radinerie qui m'avait empêcher de mettre du triple vitrage à mes fenêtres, qui ne retenaient presque aucun son de l'extérieur, et me retenait autant que possible de me pisser dessus.
Bientôt, ce serait mon tour. J'entendais de moins en moins d'hurlements, et bientôt le silence revint. Oppressant. Sordide. Terrifiant. Les secondes s'écoulaient au ralenti. Ce ne pouvait être qu'un cauchemar !

Toujours rien.

Je retenais ma respiration qui faisait un vacarme d'enfer, et me mordais les lèvres, attendant la mort. Deux cartouches, je n'avais que deux cartouches de chargées. Quoi que "ça" puisse être, "ça" ne me laisserait pas le temps de recharger. Il ne restait plus qu'à espérer que "ça" craigne la lumière.
En attendant, je l'avais éteinte, priant pour ma survie. Et jurant devant Dieu d'arrêter le whisky si jamais je me réveillais.

CRAC

Les volets volèrent en éclat en un seul mais impitoyable assaut. La vitre se brisa sans résistance, laissant entrer la chose dans ma chambre. La faible lueur de la lune me permit de distinguer une forme qui n'était clairement pas humaine.

-Mais bordel qu'est ce que t'es ?

J'entendis une sorte de grognement, ou quelque chose approchant, et sans réfléchir, alors que la bête me sautait dessus, j'appuyais sur la gâchette. La chose fut ralentie en plein vol, mais son élan l'emporta vers moi, et qu'importe ce que c'était, je me le pris dans la gueule. Au poids, ça devait faire une bonne centaine de kilos. Des griffes, des crocs, de la bave, et une haleine de viande crevée. Le choc me plaqua contre le mur, et me fit perdre connaissance.

Au matin, le corps avait disparut. Pas de sang, pas de poils, rien. Juste mes volets et ma vitre détruits, et les corps mutilés de mes ex-voisins. Les survivants et moi, autant dire vraiment pas beaucoup d'monde, prîmes la décision d'enterrer ce qui restait des cadavres. Les traces de griffes et de morsures ayant créés de larges plaies dans le peu de viande qui restait, nombreux furent ceux qui vomirent, pleurèrent, ou se terrèrent chez eux.

La Fissure marqua le début d'une nouvelle ère chez les humains, une nouvelle ère de fuite, de survie, et de peurs.

________________________________

Chapitre 2- Un voyage dans les ténèbres


-J'commence à regretter l'extérieur moi, pas vous ?
-Ouais, dans l'genre glauque on fait pas mieux
-Mais bordel vous pouvez pas fermer vos gueules et vous concentrer cinq minutes ?

Deux heures qu'on était entrés dans cette tour, deux heures à supporter les gérémiades de deux gamins à peine adultes, tout ça pour rien.

J'me présente, Cordelia James, membre de l'unité de reconnaissance Alpha. Les deux là, c'est Deck et Eagle, des nouveaux recrutés. Notre mission: repérer les éléments potentiellement dangereux et récupérer vivres, matériel, et civils avec de la chance.

J'suis dans l'armée depuis 5 ans, et depuis la Fissure, croyez moi, j'le regrette... Avec l'apparition de toutes ces saloperies, ici c'est devenu un enfer. Défendre les camps de réfugiés, récupérer de quoi vivre, se défendre, nous barricader, sans parler de se débarrasser des corps après les batailles, qu'ils soient humains ou non.

Aujourd'hui, notre cible est une tour désaffectée. A 5 kilomètres du camp. On pense qu'elle contient du matériel, et moi, deck et eagle, sommes affectés au repérage et à la récupération, autrement dit du travail de fouille-merde. Mais après le dernier assaut des centaures, plusieurs des nôtres ont été blessés. Restriction de personnel oblige, j'dois me taper deux bleus pour faire le sale boulot.

-Au fait m'man c'est quand qu'on arrive ?

"M'man" est le surnom donné par ces deux crétins. Après une rapide "mise au point" génitale, nous poursuivons notre expédition dans un silence seulement gêné par les débris au sol. Nous devrions être au dixième étage, et notre butin se résume à quelques conserves amochées, et autres vêtements truffés d'bestioles en tout genre, mais c'est toujours bon à prendre. Autant dire que la récolte est bien maigre cette fois, ce qui n'empêche pas deck de gémir comme un gosse.

Le bruit de nos pas résonne dans les couloirs désertés, la poussière et les débris sont partout, comme si les résidents étaient partis à la va-vite. En scrutant au sol je trouve de tout, ustensiles de cuisine, couvertures, sous vêtements, même des produits d'hygiène. En fouillant un peu, eagle trouve de quoi remplir le sac à trouvailles, et nous poursuivons au onzième.

-C'que ça daube par ici c'est dingue...

En effet, une odeur de pourriture flottait dans les derniers étages de la tour. Sûrement un animal crevé abandonné par ses maîtres dans la fuite du bâtiment... Ce qui n'égayait pas l'ambiance générale. On entendait des bruits de goutte d'eau, des grésillements électriques se faisaient parfois entendre, et le plus angoissant était le vent qui pénétrait dans l'immeuble. Soufflant entre les planches de bois condamnant les fenêtres brisées, il résonnait dans les étages abandonnés comme un souffle rauque et lugubre. Plusieurs fois nous nous sommes retournés, croyant entendre quelqu'un approcher, ou sous l'effet d'une porte qui claque. Je comprenais sans mal que mes gars aient besoin de dire des conneries pour se détendre, mais il fallait rester concentré. Après tout, si l'immeuble était déserté, c'était peut-être pour une bonne raison.

-Un carillon ?

M'arrêtant net par réflexe de prudence, j'intimais aux autres de faire de même. Le vent soufflait régulièrement dans l'immeuble, et c'était la première fois qu'on entendait des notes de musique. Elles étaient légères, discontinues, et cela ressemblait effectivement à un carillon. Ce qui me faisait rester immobile était ce : pourquoi maintenant ?

Aucun bruit de pas, pas de mouvements, juste ces quelques notes portées par de fins morceaux de métal entrechoqués. Pointant nos armes vers les hauteurs, je tentais une approche:

-Nous sommes de l'armée américaine, y a-t-il quelqu'un là-haut ?

Pas de réponses.

-Nous venons sauver les civils pour les amener dans notre camp de réfugiés, vous y trouverez logement et nourriture, si vous m'entendez sortez de là !

Toujours rien. Le vent seul continuait sa plainte lugubre dans les couloirs de l'immeuble.

-On y va chef ?

Hochement de tête.

Nous approchant avec la plus grande prudence, les fusils toujours pointés, nous montions une à une les marches jusqu'à l'étage suivant. Une porte laissée grande ouverte devant nous donnait un aperçu de l'intérieur d'une habitation.

-Ça vient d'la gauche chef.

Cela ne me laissait rien qui vaille, des débris de portes, défoncées visiblement, étaient éparpillés dans le couloir. Des sortes d'entailles sur les murs et le sol, assez profondes pour m'inquiéter, se remarquaient par moments...

-Qu'est ce qu'il s'est passé, ici ? Murmurais-je tout bas.

Mais mes doutes ne commencèrent vraiment à m'inquiéter que lorsque je vis ce qui nous attendait ensuite. En tournant à l'angle du couloir, ce que nous vîmes nous souleva le coeur. Nous découvrions avec horreur la véritable raison de la désertion des lieux. Des traces de sang couvraient les murs, des bouts de cadavres trainaient non nonchalamment sur les vingt mètres nous séparant de la fin du cul-de-sac. Bras, jambes, doigts, morceaux de têtes, c'était au moins une quinzaine de personnes qui avaient été déchiquetées ici, voir peut être plus.

-Quel charnier...Qui est le malade qui...

Je flanquais un coup de coude rapide dans les côtes d'eagle, lui faisant comprendre avec force de regard noir que le "malade" était probablement encore dans le coin, les morceaux de corps, bien qu'en putréfaction, n'étaient pas non plus en phase de décomposition avancée.

Les mains se serrant sur les crosses, je forçais mes gars à avancer derrière moi, enjambant la moitié supérieur du crâne d'une gamine qui nous fixait avec des yeux désespérés. Le bruit du carillon tintait toujours dans le couloir, avec une sonorité plus que glauque au vu du décor qui l'encadrait.
Le bruit macabre de nos chaussures piétinant cette bouillie de chairs nous glaça le sang, s'imprégnant dans notre tête, il n'en sortirait probablement jamais...

Soudain, nous faisant bondir de terreur, le bruit d'une porte se claquant avec le vent nous fit croire un instant que la chose était derrière nous. Les doigts crispés sur les gâchettes, l'ambiance devenait de plus en plus malsaine. Essuyant l'humidité de mon front, mes muscles se crispèrent quand j'entendis un chant fredonné par dessus le carillon. Un chant guilleret, innocent, totalement décalé par rapport à la situation. C'était un chant de femme, jeune adulte, probablement.

Je lu dans le regard de deck qu'il priait pour que ce ne soit pas vrai, terrifié à l'idée de "la" rencontrer, qui qu'elle soit. Eagle, lui, ne disait pas un mot mais tremblait comme une feuille. C'était leur première mission et ils étaient déjà confrontés à l'horreur. La Fissure avait rendu fou beaucoup d'entre nous, certains se suicidaient, persuadés d'être dans un cauchemar, d'autres devenaient des psychopathes ambulants et tuaient tout ce qui bouge...

Mes dents se mirent à mordiller machinalement mes lèvres, alors que nos pas nous rapprochaient toujours plus de la dernière porte, d'où venait ce chant.

La porte. Enfin. Ou plutôt l'entrée, la porte étant sans doute éparpillée dans le précédent couloir. Les sillons dans la pierre et les bouts d'os se faisaient de plus en plus nombreux, et toujours cette voix qui chantait... Faisant le moins de bruit possible, j'entrais dans le couloir, sentant ma raison vaciller de plus en plus. Nos maigres repas, vites digérés, nous avaient évité les vomissements, mais l'envie ne manquait pas. Cette boucherie bercée par un carillon et une jeune femme nous rendait malade, et qui que soit la personne en face de nous, elle finirait blindée de balles, valait mieux ça que la laissait massacrer d'autres civils.

Plus que trois mètres...deux... encore un dernier. L'appartement était assez sombre, éclairés par les rayons du soleil filtrant entre des planches, mais l'obscurité ne fit rien pour nous rassurer.

Arrivée à l'entrée du salon, je distinguais une forme humanoïde, assise dans un fauteuil, face à la baie vitrée. L'endroit était un chaos indescriptible, mélange de chairs, de meubles, d'objets divers et de câbles empêtrés. La peur avait planté ses griffes glacées dans mes tripes, et s'amusait à me lacérer de l'intérieur. D'un geste de la main, j'ordonnais à mes camarades de se préparer à tirer. Braquant nos fusils, je donnais le signal qui libéra une cascade d'éclairs et de flammes, déchiquetant par petits morceaux la femme et son fauteuil.

Après un moment de silence absolu, laissant les échos de nos balles se répercuter jusqu'aux plus profonds recoin de l'immeuble, je m'avançais, résignée à regarder en face le cadavre de cette malade. J'entendais des gargouillements, elle devait agoniser. Allumant ma torche pour la distinguer clairement, je vis avec horreur que la femme me regardait, hoquetant et les yeux en larmes, une terreur sans nom brillant dans son regard.

Alors le chant reprit, comme si rien ne s'était passé, le corps presque mort de la jeune femme, même si c'était inconcevable, continuait de chanter, on voyait même son torse se gonfler et se vider sous l'effort et...

-Attention M'man !

Je me fis plaquer au sol par l'un de mes gars. N'ayant pas le temps de voir ce qu'il se passait, j'entendais un cri d'animal me déchirer les tympans. Eagle se mit à hurler, et d'horribles bruits de succion me parvinrent dans ce chaos. Par instinct de survie, je me faisais le plus petite possible, toujours plaquée par deck, et des coups de feu retentirent dans toute la pièce.
Des cris monstrueux, des bruits de chair déchirée, et une odeur de sang frais se répandit jusqu'à mes narines.
Ça ne pouvait pas arriver. Ce n'était pas possible. Non. Pas deck, pas eagle, pas moi !
Je sentis un choc me compresser contre le sol, et le hurlement de deck me fit comprendre que "ça" l'avait eut aussi. Libérée de mon fardeau, je courus me mettre à l'abri derrière le fauteuil. Le fusil.
Je ramassais mon arme et tirait droit devant. Peu importe qui c'était. Tirer. Survivre.Tirer.Venger deck et eagle. Tirer. Survivre.

Mes cris se mêlèrent à ceux de mes tirs. Une chose m'attrapa la jambe, je tentais de me libérer. Rien à faire. Tirer. Mes ongles se plantèrent dans le sol. Ne pas mourir. Survivre. "Ça" me trainait vers lui. Je tirais à l'aveuglette. Un contact. Le flingue d'eagle. Foutu pour foutu. Je lâchais ma prise et tirais à plein régime vers ce qui m'attirait à lui. Un cri. Puis plus rien.

Je continuais à tirer bien après que le chargeur fut vide de toute cartouche. Et laissa mes larmes couler pendant des heures, des jours, des mois...C'était finit.

Qu'importe ce que c'était, je l'avais tué.

Je découvris alors un tas de chair informe, rouge et noir, suintant d'un liquide collant. Plusieurs bouches, plusieurs yeux, disposés n'importe comment. "Ça" avait maintenu la pauvre femme par un tentacule directement relié au poumon et aux cordes vocales, tentacule que j'avais pris pour un simple câble. Elle était déjà condamnée...

La main de deck dépassait encore d'une des mâchoires, et il ne restait rien d'eagle hormis le fusil avec lequel j'avais achevé le monstre.

Rentrer au campement.

"Attention m'man !"

Encore de l'écho.

Attention.

La Créature

Cr...créature...

Cr..

...

-Et vous l'avez trouvée comme ça ?
-Oui msieur, elle marchait toute seule dehors avec ce regard vide. Complètement paumée la petite, elle a dut voir quelque chose d'atroce... sûrement l'un d'eux... pauvre fille.
-Mhh... Soldat James ? Soldat James ? M'entendez vous ?
-On dirait qu'elle murmure...
-...
-Qu'est ce qu'elle dit ?
-Elle ne fait que répéter "la créature" sans s'arrêter...
-...
-...
-On en fait quoi, msieur ?
-Emmenez-la avec les autres, que voulez-vous faire d'autre ?

___________________________________________

Chapitre 3- La bénédiction

-Gladius ?
-Mh ?
-T'as vu en bas ?
-Mais c'est rien j'te dis...
-Ce coup ci ça a VRAIMENT bougé !
-Bon, on va être clairs, ça fait vingt deux fois que tu chiales parce que t'as vu bouger deux ombres. Alors NON c'est pas un endroit rassurant, OUI y'a des risques, et j'vais t'apprendre un truc, un cours d'eau, ça bouge !
-...
-On peut continuer ?

Moi c'est Gladius, le trouillard derrière, c'est mon frère, Jonas. Depuis trois ans on joue les chasseurs de trésors histoire d'ramener d'quoi bouffer au terrier, ou de trouver un truc assez cher pour pouvoir le revendre et s'faire un peu d'blé.

Ça fait quelques jours que j'ai remarqué pas mal de trafic du côté d'la cascade, près du lac. Des mecs, de nuit, qui s'faufilent pour aller planquer je sais pas quoi. Du coup, moi et Jon', (enfin surtout moi, voyez ? ) on a décidé d'aller voir c'qui se passe dans le coin pour voir si on pourrait pas ramener quelques trucs de valeur quoi. Mais bon, le passage nous force à longer le lac, et ce pleurnichard est persuadé de voir des trucs bouger. Paraitrait que des choses vivent dans l'lac depuis la Fissure. Ils m'font marrer les autres, y pourrait y'avoir quoi d'autre dans un lac à part des
poissons ?

-On y arrive, allez magnes toi !

On se les pèle ce soir. Doit faire neuf ou dix degrés. Je continue de longer la paroi sur une corniche aussi courte et mal fichue que la gueule de Jonas, et me voilà derrière la cascade. Sacré morceau. Une longue grotte, qui s'enfonce sous terre. Bon signe ça. Plus c'est caché loin, plus ça a d'la valeur.

-Et ben... profond... t'es sûr que ... ?

Je lui file une teigne sur le crâne, il sait pas fermer sa gueule quand il faut cuila ! Bon, allons-y. J'lui fais signe de me suivre en silence, et nous marchons sans trop de bruit dans l'entrée. Le tunnel descend assez rapidement, et tout est déjà éclairé par des torches. C'était ça les lueurs...
Au moins j'peux éteindre ma lampe, ça m'fra éviter le gaspillage de batterie, déjà qu'y en a plus beaucoup par ici.

...

C'est de plus en plus glauque ici... Y'a un genre de gadoue sur les murs, et ça pue le poisson pourrit.
Jonas me regarde avec ses yeux de merlan. Ptet lui, qui pue ? Bah c'est pas important.
Le sol devient glissant, mais au moins y'a toujours les torches.

-AHHHHHHHHHHHHHHHHHH

-Gladius ! Qu'est ce que c'était ?
-Mais j'en sais rien moi ! Ça sent pas bon en tout cas.
-Qu'est ce qu'on fait ? On rentre ?
-Et cracher sur le pactole ? Fermes-la et avances !

On continue sans rien dire pendant cinq cent mètres, jusqu'à ce que la pente s'arrête et qu'on trempe dans un fond de flotte poisseuse. Ça pue le rat crevé ici ! Et z'auraient pus mettre plus de torches, on y voit que dalle ! Le couloir se termine, déjà une bonne chose. On arrive à un genre de grande salle. J'sais pas comment vous expliquer ça. En forme de cercle, des colonnes un peu partout, complètement déglinguée pour certaines, y'a une table au milieu et au plafond des... des "gravures", enfin ça y r'ssemble. Mais c'est moche. Très moche même. Je sais même pas ce que c'est sensé représenter. On a du tomber sur un de ces malades qui vénèrent des nouveaux dieux. Y'en a d'plus en plus en c'moment. Des tarés qui croient que tout ça c'est à cause de dieux à la con qui se vengeraient des hommes ou une connerie dans l'genre. N'importe quoi.

-Bon, on prend ce qu'on peut, et on s'casse d'ici t'as compris Jon' ?

Mais il est où cet abruti ? Bon t'as finis d'te planquer comme un... oumph !

...

...

...

...

-Mh ? Qu'est c'que j'fous là ? Eh ! Z'êtes qui ? Mais putain j'suis attaché ?! Bande de malades, relâchez-moi ! C'est quoi ce bordel ? Et où je suis ? Mais ...?!?! C'est quoi ce... ? Bordel mais c'est vi...AHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH


Dernière édition par Cocoon le Jeu 12 Mai - 0:30, édité 7 fois
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