Shi entra dans la grotte le dos courbé. Elle jeta par terre une poignée de feuilles de choux fraîchement cueillies et posa son corps sur un bout de bois. Elle soupira en massant son dos, puis observa ses mains, tremblantes. Elles avaient connues tant d'années que le temps embrassait leurs peaux en laissant des tâches sous ses lèvres. Shi se redressa comme elle le put et se dirigea vers le fond de son antre. Agenouillée devant une croix jaillissant du sol, elle sourit, puis porta la main à sa bouche. Elle y déposa un baiser et caressa le bois patiné par les années. Du bout des doigts, elle déchiffra l'inscription maternelle qu'autrefois, elle avait gravé. La vieille femme releva la tête et, après un dernier regard, elle s'en alla vers un endroit vaguement recouvert de foin, sur lequel elle s'allongea, puis s'endormit.
Shi s'éveilla plus jeune. Elle s'étira, et se leva d'un bond, profitant des rayons du soleil qui caressaient sa peau soyeuse tandis qu'elle courait sans s'arrêter. Elle trébucha, manqua de tomber mais se rattrapa à une branche, et, toujours, encore, elle courrait. Elle déboucha, enfin, dans une prairie verdoyante où l'herbe, haute et grasse, semblait dormir encore, sous la couverture de la lumière. Shi ne s'arrêta qu'au centre exact de la prairie, et cambra son corps jusqu'à ce qu'elle sente sa gorge offerte dorer. Lentement, ses bras remontèrent, en formant des arabesques avant de joindre leurs mains en direction du soleil qui sembla briller davantage encore. Elle commença à danser, en même temps qu'elle semblait s'élever. Ses mouvements s'assombrirent, elle bougeait de plus en plus rapidement, toujours la gorge en arrière et lorsque, enfin, la tâche noire qu'elle formait sembla s'immobiliser devant le soleil, telle une éclipse.
La lumière revint lorsque la tâche fut dissoute et que chaque poussière qu'elle avait libérée fut emportée par le vent. Ne restait de tout ceci qu'une forme humanoïde et blanche qui semblait se blottir contre le soleil.