On dit que dans la vie, il y a des jours avec et des jours sans. Bernard, il n’y croyait pas, à toutes ces expressions passe-partout que l’ont récitait aux personnes ayant passé une journée pourrie. Bernard était un homme d’action, il n’aimait pas attendre et écouter. Les cérébrales l’agaçaient. Il n’avait pas le temps de méditer sur ces choses là. Il n’aimait ni la politique, ni les philosophes. « Ils parlent pour ne rien dire » répétait-il à sa femme chaque soir en regardant le journal télévisé. Son crédo était « parlons peu, mais parlons bien ». Le blabla, les débats, les discours... Quoi de plus inutile ? Une vraie perte de temps. Aucune parole ne donnera de l’argent aux défavorisés. Un mot n’empêchera pas un avion de s’écraser.
Oui, Bernard n’était pas un grand parleur. Pourtant, il avait des choses à dire. Il n’était pas idiot, ni ignorant. Il aurait voulu dire « je t’aime » plus souvent à sa femme, il aurait aimé dire à son patron qu’il était un crétin. Il aurait souhaité dire à son fils qu’il était fier de lui, à son assistante complexée qu’elle était magnifique, à son concierge que son nom était Bernard et non Bertrand, à sa sœur que son mari était l'homme le plus répugnant et stupide du monde. Il aurait voulu rappeler à sa mère ces souvenirs que la maladie lui avait fait oubliée. Plus jeune, il avait rêvé de dire à son amour de jeunesse qu'elle lui plaisait, faire des blagues, parler de sa passion pour la musique, écrire des chansons, les chanter, donner son avis sur tout et n'importe quoi.... Mais il se taisait. Comme on dit : le silence est d'or.
Telles étaient les pensées de Bernard lorsqu’il aperçut la gigantesque voiture qui se dirigeait droit vers lui, à une vitesse effrayante. Finalement, les gens avaient raisons.
C’était manifestement un jour sans.