Grosse

"- Si je suis ici c’est parce que.... En fait, je n’ai aucune idée de la raison de ma présence. Je veux dire, je ne vous connais pas, vous ne savez rien de moi, à quoi ça va me servir franchement ? C’est ma mère qui a insisté. Elle me répète sans arrêt que je suis trop maigre, anormale, que je devrais consulter. Ce serait plutôt à elle d’appeler un psy. Bien-sûr, comme tout le monde, j’ai des problèmes. Mais il n’y a pas de quoi en faire toute une histoire. Oui, j’aime manger. Il y a des personnes qui fantasment sur un acteur de cinéma, d’autres qui sont fans de chanteurs.... Moi j’aime la nourriture. Le chocolat, les brownies, les sandwichs, les chips, les frites.... Qui ne les aiment pas ? Il arrive que j’en mange beaucoup, plus que la moyenne et que me sentant repu, je me soulage, mais de la à dire que je suis malade ! « Boulimique ».... C’est vraiment n’importe quoi. Je sais ce qu’est une boulimique et je n’en suis pas une. Je vous regarde, je vous écoute, je vous comprend parfois... Mais ce n’est pas moi. Croyez-moi je sais ce que je dis. Je ne viens pas ici pour essayer de me guérir. Je n’ai rien. C’est vrai que je n’ai pas un physique parfait. Je refuse d’adhérer à une beauté passe partout, à ce monde où à la plastique parfaite gagnent toujours... Enfin c’est ce que je répète à chaque remarque désobligeante.
Mais merde, à quoi bon se le cacher ? Vous voulez la vérité ? Oui, je le vois dans vos yeux, vous crevez d’envie de me voir dire ce que je pense, ce que tout le monde pense ici. Je me trouve grosse, énorme. Je me déteste, je me méprise, je me trouve horrible, repoussante. Je mange sans jamais pouvoir m'arrêter. Je me purge cinq ou six fois par jour, sans me contrôler. Ma mère me hait, elle a honte de moi. Elle ne le dit pas explicitement, mais ses critiques perpétuelles et ses remarques acerbes le font pour elle. On me regarde avec dégoût et pitié. Je suis la preuve de la maigreur alarmante en France, je suis un modèle de mocheté. Voilà, vous êtes content ? Je vous ai dis ce que vous vouliez entendre ? Malgré ce que l'ont, pense les "monstres" tels que moi, comprennent, voient, et entendent ce que chacun dit et fait. Je les vois ces personnes qui me regardent avec insistance ou se détournent à mon approche, je les entends murmurer des blagues atroces à mon sujet. Qu’est-ce que je pourrais leur dire ? « Se moquer des gens différents, c’est mal » ? Ce serait un dialogue de sourd. Je suis perdu, je m'y m’enfonce un peu plus chaque jour, dans ce cercle vicieux. Tous les matins, je me dis qu'il faut que j'arrête, que ça ne peux pas continuer. Mais je n'y arrive pas, c'est plus fort que moi. Je ne sais plus rien, je ne vois plus rien. Juste cette nourriture, partout, tout le temps. Ça m'obsède. C'est donc ça, qui m'a conduit dans cet endroit sordide. C'est cet handicap. Ca y est, je l'ai dit.
Voilà, maintenant je peux le dire. Je n’ai plus le choix. Moi, Casey, 28 ans, suis boulimique depuis 5 ans.

-Bonjour Casey. "