Ça tourne. J'ai froid, en plein mois d'aout. Je devrais sortir. Satisfaire un besoin. Je devrais me jeter sur quelqu'un, lui dire ce que je veux. Mais non. Je vais attendre patiemment minuit, et voir ce qui arrivera. Je vais surveiller mon téléphone, peut-être... Je ne pense pas.
A l'instant présent, j'aimerais tourner sur la musique qui danse dans mes oreilles. Contempler des arabesques multicolores dans une rue et sauter des unes aux autres pour être une enfant. Avant. Je voudrais me serrer dans les bras de mes parents et entendre dire de mes frères que je serais la plus forte, la plus belle et tout le reste, de mes sœurs que je serais très bien comme je serais. J'aimerais une sucette, réapprendre à lire et à voir, à déchiffrer le monde pour apprendre à l'aimer, ne serait-ce qu'un petit peu. Je voudrais l'Espagne avec son sable, brûlant les pieds, sa mer aux vagues si grandes, trop grandes pour mes châteaux de sable qui s'effondraient en redevenant de simples monticules. Après tout, certains des plus beaux châteaux devinrent, par la suite, des ruines effondrées qui parsemaient les pays, de çà et de là. Je voudrais être petite et demander à ma mère les noms de mesdames les fleurs, avant.
Je voudrais pouvoir me maquiller et tirer la langue, me pavaner aux lèvres de quelqu'un en étant belle, en étant femme. Je voudrais m'acheter ce que je veux, être riche pour lire, ne pas travailler, dormir, rêvasser. Être libre. Je voudrais avoir ce que je veux, que mes rêves s'accomplissent comme s'ils avaient été écrits par la plume d'un destin quelconque, écrit par quelqu'un de tellement puissant. Je voudrais être heureuse et pouvoir dire au gens que je n'aiment pas de s'en aller, qu'on ne me reproche plus mon être. Je voudrais conserver ceux que j'aime tels qu'ils sont, dans des moments de leurs vies, figés.
Je pense aller, ce soir, rencontrer les étoiles et leur demander de m'expliquer du mieux qu'elles le peuvent à quoi est-ce qu'actuellement, je sers dans ma famille, auprès de ceux que je crois être mes amis, auprès de ceux que j'aime. Est-ce que ma mère à besoin de moi ? Est-ce que mon père ne serait pas plus heureux sans avoir la charge de sa dernière fille, continuellement sur les épaules ? Est-ce qu'il est nécessaire d'attendre l'heure qui vient pour me poser la même question dans un an ?
Je vais avoir quatorze ans. Ce n'est pas nécessaire. C'est inutile. Je suis inutile, soufflons donc les bougies invisibles qui me sont tendues par le ciel.