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 Regrets I

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Jé


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MessageSujet: Regrets I   Regrets I Icon_minitimeVen 26 Aoû - 18:39

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Dernière édition par Sebastien K le Jeu 1 Déc - 13:16, édité 3 fois
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Goldmund

Goldmund


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MessageSujet: Re: Regrets I   Regrets I Icon_minitimeVen 26 Aoû - 23:17

Bonjour Sebastien.

Tu n'es pas quelqu'un de facile à commenter. Pour un critique paresseux tel que moi, on expédie généralement la chose avec quelques commentaires sur l'orthographe, la syntaxe, le style : on noircit une page ou deux sans vraiment y penser, on se rend compte que le commentaire excède l’œuvre en nombre de caractères, et on fait silence. Ton français est impeccable et ton style un peu trop moderne pour que je puisse me borner à mes réflexions routinières : voilà qui clôt le sujet.

Si, tiens, afin de ne pas être tout à fait déstabilisé, je peux te faire une remarque de versification. Tu joues sur une prosodie en 8/6, or l'avant dernier vers fait 9 syllabes (vers particulièrement tordu tant il regorge de ces saletés de "e" muets) :

"Ces mots collés jaunissent et ambrent"

En comptant tes syllabes, je suppose que tu as eu envie de ne pas prononcer le "e" muet de "jaunissent", puisqu'il était à côté d'un son vocalique (le "é" de "et"). Ton raisonnement n'est pas idiot, mais la langue française se soucie rarement d'être cohérente.
Dans le cas présent, le "t" muet de "jaunissent" va se prononcer pour te permettre de faire la liaison avec "et", ce qui te rajoute une syllable : jau-ni-sseu-té-ambrent. Cette règle s'applique pour toutes les consonnes finales qui sont normalement muettes : si le mot suivant commence par un son vocalique, elles sont articulées pour les besoins de la liaison. On pense à le faire quand il s'agit d'un "s", mais on n'y pense pas toujours avec la terminaison "ent". Toujours est-il que ton vers fait 9 syllabes. Bon, je vais te dire : ce n'est pas très grave. Apollinaire ou Breton se permettent de faire des fautes de versification bien plus grosses que celle-là, et le grand Racine ne sait pas toujours compter jusqu'à 12.

La première chose qui appelle l'attention dans ce poème, c'est bien évidemment le manquement volontaire (et revendiqué) à la règle de cohérence syntaxique des vers. Dans un vers, on met des groupes complets, c'est carré un vers : quand on est audacieux on sépare parfois le nom de son complément ou le verbe de son objet. Mais alors toi, tu n'hésites pas à finir un vers par une préposition, et à coller le reste du groupe prépositionnel au vers suivant. Il y a deux conséquences à cela : d'abord, un effet d'attente pour ton lecteur frustré qui ne peut donner de sens au vers qu'il vient de lire sans attaquer le second, ensuite un phénomène d'enjambement qui vient malmener un peu la sacro-sainte régularité de la versification.

Il n'y a en fait que deux enjambements vraiment "choquants" :

"Parfois, des conversations à
découper aux ciseaux"

"sans dévoiler ce que

ton absence en tension gris clair"

Le premier est d'autant plus fort qu'il intervient dès le premier vers et vient mettre d'entrée de jeu le lecteur dans le bain (oh putaing, le vers est pas fini, ça va pas être simple cette histoire), le second s'attaque à la rupture entre strophes, ce qui n'est pas non plus une moindre transgression.

Dans une certaine mesure, le choix de l'hétérométrie (des vers faisant tantôt 8 syllabes, tantôt 6) participe de cette opération de désorientation du lecteur et de mise à mal du traditionnel ronron classique. Je parle de mise à mal, pas de destruction : ça reste un poème régulier (8/6/8/6), avec de jolies rimes bien régulières, toujours embrassées, et des strophes de 4 vers chacune. On est pas dans de l'écriture automatique, s'exclame le lecteur soulagé, mais plutôt dans une sorte de jeu entre le poète et son public : jeu de régularité et d'irrégularité, de continuité et de rupture.

De fait, les ruptures sont là. Dans le choix de l'ellipse : la première strophe est un immense sujet auquel il manque un verbe et un complément (sous-entendus). Dans la typographie : parenthèses et tirés viennent fragmenter la belle linéarité du discours, ce sont à la fois des pauses dans le flot de l'énonciation (des "hors-texte") et de nouveaux départs (la parenthèse semble développer un nouveau sujet dont le lien avec la strophe précédente n'est pas tout de suite évident). Et enfin dans la continuité logique du discours : on passe des conversations aux regrets, pour en revenir aux mots.

La parole à l’œuvre dans ce poème est une parole fragmentaire, elliptique, qui ne nous dit pas tout. Les vers s'enchaînent sur le ton de l'évidence (phrases brèves, vocabulaire simple, verbes de déclaration), mais l'essentiel de ce qu'ils semblent vouloir nous dire échappe et rien n'est fait pour dissiper cette obscurité. Plus que de la simplicité, il se dégage de ce texte une impression de pauvreté : je n'emploie pas ce mot dans un sens péjoratif, mais comme synonyme de "manque". Il y a des trous dans le langage et les commodités de la conversation dégoulinent sur le parquet.

Ce poème, je le vois comme un poème du "mal à dire", du défaut de la communication : la brièveté des vers et la verticalité visuelle du texte ne sont pas sans renforcer cette impression. La première strophe, comme je viens de le dire, est elliptique : sans verbe elle n'est pas pleinement satisfaisante au niveau du sens et nous laisse un sentiment d'inachèvement. La seconde strophe est plus roublarde encore : syntaxiquement, tout va bien, mais elle n'est en fait compréhensible que pour un lecteur disposant d'un certain nombre d'éléments "hors-texte" (d'un "contexte"). Que désignent ces regrets ? Quel est le référent du pronom "ce que ton absence..." ? Que désigne le démonstratif "ce toc" ? Rebelote avec la troisième strophe et le démonstratif énigmatique "ces mots" (renvoient-ils au poème ou à un élément hors-texte ? impossible de trancher). Les choses sont dites simplement dans ce poème, elles n'en sont pas moins incompréhensibles, comme si le poète ne s'adressait finalement pas à nous. De fait, le "tes regrets" nous place dans une situation de voyeurisme ; nous "interceptons" une discours qui ne nous est pas adressé.

Odi profanum vulgus et arceo, qu'il disait le père Horace : je hais le lecteur profane et je l'écarte.

Est-ce à dire qu'il faut se contenter de lire sans piper mot sous prétexte que le texte saute apparemment du coq à l'âne ? Ce serait une conclusion un peu décevante après mon long bavardage. Il y a certes des ruptures, mais il y a aussi du lien. Le plus évident : le jeu d'homophonie sur "maux" et "mot" qui assure une continuité thématique entre la première et la dernière strophe, et vient faire écho aux "regrets" de la deuxième strophe. "Ces mots collés" pourrait renvoyer aussi bien au poème lui-même dans une visée metatextuelle assez caractéristique de la poésie (le texte parle du texte), qu'aux "maux" découpés dans la conversation. De même "ce toc" peut désigner un élément extérieur qui nous est inconnu, ou le refus de collecter les regrets ou encore l'habitude saugrenue de découper les conversations.

Il est intéressant de noter que la première strophe, à la lire attentivement, s'apparente à une amphibologie, c'est-à-dire qu'elle peut se lire de plusieurs manières différentes, qu'elle possède plusieurs sens possibles (et même contradictoires) : ou bien on a découpé la conversation pour ne garder que les maux en gras, ou bien on a découpé la conversation pour "garder blancs" les maux en gras. En somme, la strophe ne nous dit pas clairement si les "maux en gras" on été préservés (parce qu'ils sont précieux) ou intentionnellement effacés.

Ce motif du "poids" de l'objet, qu'il soit présent ou absent, serpente du début à la fin du poème : que ce soit dans les mots découpés, dans l'évocation des regrets (regretter le passé, c'est se projeter dans le passé, et d'une certaine manière, le rendre présent en pensée), dans l'absence de l'interlocuteur, dans les mots "collés" (qui s'accrochent, qui ne veulent pas partir). Poème de la difficulté de la communication, mais aussi poème de la difficulté du lien entre les êtres : les deux semblent en permanence liés. L'autre est à la fois trop présent, sous forme de regrets que l'on cherche à éloigner ou de mots indélébiles que l'on aimerait pouvoir "découper", et néanmoins absent de la chambre (effervescente absence "en tension gris clair").

Le texte, malgré son apparente simplicité, ne nous dit pas les choses clairement, "simplement", mais il ouvre des portes et invite le lecteur à essayer toutes les combinaisons possibles entre les éléments mis en présence, à spéculer sur ce qui manque, à remplir les trous comme il le peut. En multipliant les points d'ombre, il pousse le lecteur à être actif dans sa lecture, à être "créateur de sens" lui aussi. C'est un poème qui refuse de se "justifier" comme il refuse de se "dévoiler". Sa sobriété et l'originalité des images le rendent touchants.

Satie - le pianiste - a une formule que j'aime beaucoup et qui va assez bien je trouve à ce poème : "Avec une tristesse rigoureuse".

Tu m'as l'air d'avoir une facilité plutôt rare pour la poésie. Ton texte m'intéresse, j'aimerais bien (si tu es d'accord) le publier à ton nom dans mon blog d'écriture lorsque j'aurai fini de le mettre en place.
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Jé


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MessageSujet: Re: Regrets I   Regrets I Icon_minitimeSam 27 Aoû - 2:30

Bonjour Goldmund.
C'est vraiment un plaisir de te voir ici et de lire tes commentaires. Merci de t'être penché sur ce poème. Cela m'a permit de voir certaines choses qui m'avaient échappées et aussi de mettre - des mots justes - sur mes idées.

Citation :
jau-ni-sseu-té-ambrent.
Rhaaa maudites règles ! ^^. Ton rappelle de celle-ci est vraiment la bienvenue car j'ai encore tendance à m’emmêler les pinceaux avec tout ça. Même si je peux dire que c'est la faute à Racine ou à Breton (rires), je vais tout de même la corriger car cette structure fait parti d'une des règles que je m'impose pour ce projet.

Citation :
d'abord, un effet d'attente pour ton lecteur frustré qui ne peut donner de sens au vers qu'il vient de lire sans attaquer le second, ensuite un phénomène d'enjambement qui vient malmener un peu la sacro-sainte régularité de la versification.

Oui, voilà. C'est mon idée de base : ébranler, syncoper, moderniser une forme fixe aux vers syllabiques, sans jamais la casser complètement
C'est venu d'un constat : je n'aime pas les rimes. J'ai donc voulu me battre avec. Les mettre et les gommer.

Citation :
Dans une certaine mesure, le choix de l'hétérométrie (des vers faisant tantôt 8 syllabes, tantôt 6) participe de cette opération de désorientation du lecteur et de mise à mal du traditionnel ronron classique.

Les Contrerimes de Paul-Jean Toulet. La structure primaire vient de là. Oui en effet, les quatrains combinants des rimes embrassées et une structure métrique croisée donne au poème une impression de déséquilibre systématique. A ça, j'ajoute la rupture de la syntaxe dans le vers et une paire de parenthèses.

Citation :
jeu de régularité et d'irrégularité, de continuité et de rupture.
Ca me fait plaisir en fait, car c'est ce que j'ai tenté de rendre.

Citation :
(la parenthèse semble développer un nouveau sujet dont le lien avec la strophe précédente n'est pas tout de suite évident)
Le but était de créer une sorte d'autre plan, d'enchâssement. Mais je ne trouve pas ça très concluant dans ce poème. Pour moi c'est à développer, fouiller, dans les poèmes suivants.

Citation :
La parole à l’œuvre dans ce poème est une parole fragmentaire, elliptique, qui ne nous dit pas tout...
J'approuve en grande partie tout ce que tu dis sur le fond.
J'ai l'impression que, vu que c'était le premier poème que j'écrivais avec cette liste de contraintes, je me suis laissé un peu bouffer par la forme. Je prends ça en compte pour les prochains poèmes.

Citation :
Ton texte m'intéresse, j'aimerais bien (si tu es d'accord) le publier à ton nom dans mon blog d'écriture lorsque j'aurai fini de le mettre en place.
Avec grand plaisir. Avant ça, je vais corriger mon vers à rallonge. Il faudra que tu me donnes l'adresse de ton blog quand il sera en place. Il aiguise ma curiosité.

Merci encore pour le temps que tu m'as consacré et pour tout ce que cela m'apporte.


Dernière édition par Sebastien K le Sam 27 Aoû - 15:35, édité 1 fois
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Goldmund

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MessageSujet: Re: Regrets I   Regrets I Icon_minitimeSam 27 Aoû - 15:19

Merci à toi. J'ai pris beaucoup de plaisir à commenter ce poème.

Le blog que je suis en train de mettre en place est dédié à la publication d’œuvres littéraires "amateur" - publier des classiques disponibles en livre de poche ne m'intéresse pas -, et d'articles portant sur l'écriture, les arts en général, l'actualité. Cela fait un petit moment que ce projet me trotte dans la tête.

Pour l'instant, il n'y a que les bases, la bureaucratie virtuelle ; le blog n'est pas "vraiment" lancé mais il est déjà en ligne : http://explosante-fixe.fr. Ah ! Et il nous manque encore un infographiste pour faire la bannière du forum !
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Jé


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MessageSujet: Re: Regrets I   Regrets I Icon_minitimeSam 27 Aoû - 16:10

Ayant lu l'entrée en matière, ainsi que les quelques posts présents sur ton site, je peux dire que j'adhère complétement à l'idée comme au contenu. Qu'il est bon de voir ce genre d'initiative sur la toile ! Je suivrais son déroulement avec plaisir et attention.

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MessageSujet: Re: Regrets I   Regrets I Icon_minitime

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