Le chant du Phoenix

Pandore était épuisée. Son service au Troquet avait était écourté après le départ du Prince, elle était restée à errer un petit moment seule sous la Lune, espérant ses conseils, un signe, n’importe quoi… Cette nuit-là, la Lune ne lui avait rien dit. Elle était rentrée transit de froid, et épuisée, elle s’était endormie presque immédiatement… Sa nuit fut longue et mouvementée, toute la nuit elle n’avait rêvé que d’arbres, de sable et de sang. En effet des litres de sang coulaient d’un arbre solitaire dans un désert aride. Elle s’était réveillée en nage. Ses yeux prune éteint perdus dans les noires ténèbres de sa chambre. Elle alla ouvrir la fenêtre pour sentir l’air frais de l’aube sur son visage et elle s’appuya contre le rebord de la fenêtre. Pandore ferma les yeux et la pellicule de son rêve défila sous ses paupières closes. Elle avait le choix, le prince ne l’attendrait pas des Lunes, l’intérêt à ses limites.

C’est sur un vert pétillant de détermination que ses paupières se rouvrirent, tintées de petits éclats dorés, elle avait décidé. Elle irait apprendre, elle voulait maîtriser ses pouvoirs, ne plus trébucher, se réveiller dans un arbre sans savoir comment elle avait fait, exploser un verre juste parce qu’elle était en colère ou faire tomber n’importe quoi sans que ce ne soit elle et elle seule qui l’ai décidé. Elle ne le faisait pas seulement pour elle, elle le devait aux Lunaires. Qui voudrait d’une petite lutine qui n’arrive même pas à faire trois pas sans trébucher ? Personne. Son grand père lui avait murmuré un jour « Apprends jusqu’à plus soif, apprends de tous, de ta famille, de tes amis et surtout de tes ennemis, ma petite. ». Elle prit sa longue cape beige, celle avec la grande capuche qui lui permet de se cacher. Et elle se mit en route, ses pas foulent à peine le sol, elle survolait la terre, ça lui permettait d’aller plus vite.

Après avoir exploré les quartiers de Sûl-Nar dans tous les sens et avoir manqué d’effrayer deux passants en parlant toute seule, Pandore s’assit sur un petit banc et réfléchit, elle ferma les yeux, et comme le matin même son rêve défila devant ses yeux. Soudain elle compris ! L’arbre, le sang, le sable, le Prince était près d’un arbre isolé du reste du monde dans un désert, quoi de plus difficile à trouver… Elle se concentra de toute ses forces afin de ne plus visualisé que cet arbre vu en rêve, doucement le vent tourbillonna autour d’elle et en quelques secondes elle s’était retrouvée assise en face du Prince. Ce nouveau pouvoir lui faisait toujours tourner la tête. Elle regarda le prince avec son plus beau vert, un vert profond et envoutant.

- Il est difficile de vous trouver Prince Sanz.

Auprès de l'Arbre, Sanz collait sa main contre les nervures du bois comme pour mieux ressentir le flux d'essence qui coulait des pointes des branches jusque dans ses racines. Dans cet instant de communion, une vieille mémoire affleurait jusqu'à lui. Il répondit à la jeune fille lentement, sur un ton doux et bienveillant :

- Bonjour Pandore.

En retirant sa main il quitta sa méditation pour se plonger dans le regard de jade de la Lunaire. Au fond de l'iris il percevait tant de puissance à l'état brut qu'il resta fasciné, attiré par cet appel autant qu'à sa première rencontre.Et inconscient, innocence, elle laissa transparaitre dans une aura maladroite cet élan de pouvoir indiscipliné. Les yeux plein d'ardeur du Prince cachait une faim latente. Il lui sourit tout en l'invitant à s'approcher.

- Viens, souffla t-il, et pose ta main, ici, dans la nervure de l'arbre. Et dis moi ce que tu vois. Au fond de cet humble arbre se cache un pouvoir endormi, quelque chose qui te ressemble un peu. Certains l'appellent un nœud d'essence ; sorte de cavité, souvent vieille et oubliée et qui renferme des concentration de pouvoir extraordinaire... .

La sentant hésitante, il prit sa main avec douceur et l'appliqua contre la paroi de l'arbre. Dans son regard brillait l’excitation de savoir ce qu'elle en penserait.Autour d'eux le vent s'était levé et formait de lentes circonvolutions de poussière, dressant un mur de sable entre eux et le monde.

L'homme comme une vieille branche regardait la jeune fille discuter avec l'arbre d'esprit à esprit. Son air plein de ride semblait attendre quelque chose d'extraordinaire qui n'arrivait pas. Il s'adresse alors de sa voix rude au Prince qui semblait apprécier le silence élégant de la situation :

Et après... tu fais quoi? Tu tu torche le fessier avec l’écorce d'un arbre ou vous enfantez d'un monstre à six pattes, ou bien vous attendez que le ciel vous tombe sur la tête?

Un tic nerveux agita la commissure droite des lèvres du Prince tandis qu'il répondait avec un soupsçon d'impatience :

Ça met du temps, ces choses là, ça met du temps.

A l’instant même où sa main toucha l’arbre mystérieux Pandore partie dans un monde étrange. Un vent violent s’était levé autour du prince et de la lutine. Cette dernière avait le visage crispé et les yeux colorés de la lutine n’avaient de cesse de changer de teintes.

Elle naviguait dans un monde sombre empreint de vieux ressentis. La lutine voyait deux hommes du désert courir, terrorisés par une bête féroce qui les poursuivaient, les deux hommes s’étaient réfugiés derrière un arbre qui ressemblait en tout point à l’arbre sur lequel sa main était posé. Sans comprendre pourquoi la vision de la jeune Pandore changea.

Elle aperçue une vieille dame assise près d’un arbre, à la place d’un désert brulant se trouvait un champ d’herbe s’étendant à perte de vue. La vieille dame parlait, elle racontait qu’un jour un homme l’avait aimé, aimé si fort qu’il aurait donné sa vie pour la sienne. Elle disait qu’il lui fit une cour passionnée pendant au moins deux ans, mais le malheureux s’était épris de la mauvaise personne, la vieille dame dit qu’elle-même était éprise d’un autre homme et que rien n’aurait pu faire changer ses sentiments. Elle se mit à rire et sans que Pandore comprenne pourquoi elle se stoppât net, elle releva la tête, son visage était fermé à toutes émotions, le vide se fit, plus un bruit. Le temps s’était comme arrêté, la lutine pouvait distinctement voir la vieille dame parfaitement immobile, tout était très clair, comme si elle-même était en face de la vieille femme. Soudainement sa voix vint briser ce silence :

- Mon enfant, prenez garde ! Il est dangereux de danser avec le prince.

Pandore eu l’impression que la vieille dame s’adressait directement à elle, comme si malgré les âges elle avait su que quelque chose dans ce genre aller arriver. La vieille femme n’avait bougé que les lèvres, elle était si immobile et si sérieux que Pandore se mit à douter qu’elle eut réellement dit ça. Mais les yeux noirs de la vieille dame ne laissaient aucun doute.

La vision se brouilla de nouveau et changea. Le désert avait reprit sa place. On entendait seulement le bruit du vent qui faisait danser le sable chaud. Doucement au loin se dessina une forme, tout d’abord on discernait que qu’une masse rouge qui avançait doucement. La vision se changea quelque peu, la masse rouge au départ était, à présent, parfaitement bien dessinée, une cape rouge sang, de long cheveux noirs bouclés, une grande capuche tombant sur le nez de la jeune fille, une peau blanche et des lèvres rouges.

Pandore reprit ses esprits et retira violemment sa main du tronc. Elle tomba à la renverse étourdie et épuisée. Doucement elle se releva, et releva la tête en direction du prince qui la regarde d’un air fasciné et interrogateur. Pandore se souvenait vaguement de cette journée, de la chaleur et de l’ombre réconfortante d’un arbre… comme les autres.

- Comment avez-vous fait ?! hurla la lutine en colère

Pandore était en nage, ses yeux ne connaissaient désormais qu’une couleur, l’or.

Afflux de puissance, sensibilité aux flottements du temps, perception des réalités probables. Le Prince observait la jeune fille se débattre comme un enfant dans une mare d'émotion.Il l'avait choisie, parmi d'autres, parce qu'elle incarnait une forme d'espoir. Avant d'être l'héritier d'un Trône oublié il était aussi érudit, et Dépositaire de pouvoirs, de certains pouvoirs. En secret il murmurait que ce vivant là pouvait peut être apprendre. Et faire d'elle une arme ? Peut être...

Il s'approcha d'elle lentement tandis que la rage montait elle comme une colère dorée, aussi brillante que son regard. Sa voix perça, douce comme le miel

- Je ne fais rien. Ce que tu vois dans l'arbre, je ne le vois pas vraiment. C'est ton histoire, et ce qu'il y en a toi, qui résonne avec les essence du vieil Arbre.. . Il existe des lieux sacrés comme cela dans tout le continent. Les vieux mentors de différentes croyances l'utilisent pour canaliser la puissance de leur disciple et en tirer un meilleur enseignement. Celui ci est particulier puisque j'ai y ai cédé une part de mon âme, il y a longtemps. C'était il y a très longtemps.

Le vent se leva lentement au rythme de ses paroles, et tandis qu'il continuait des ombres bleues se formaient, des formes de soldats - comme si une arme naissait dans le flot de ses mots et qu'elle venait envahir le désert. Autour de pandore il n'y avait plus qu'une marée d'homme vieux de deux siècles qui la regardaient de leurs yeux sans pupilles.

" Il y eut une guerre ici, comme il y en a eut partout. Derrière moi, des démons de l'autre temps, de celui que les humains ont que rarement connu, et de l'autre derrière toi, des Anges dont certains étaient des Primeras, les Premiers Anges apparus au monde, dotés de six ailes et doués d'une puissance incomparable. Ici, je suis venu, attiré par le flot de puissance et d'énergie déployés, je n'étais qu'un enfant à peine sorti du sang de la terre, venu d'autres mondes, et des cadavres jetés au sol, dans la bataille, je me suis nourri - non de chair ou de sang mais des émotions qui s'affrontaient par delà les âmes. Les émotions sont la source même de la puissance.

D'un claquement de doigt il fit disparaître les ombres bleues et ce fut un fouet d'azur qui les entoura, laissant échapper son aura comme une enveloppe opaque. L'arme volait entre eux si grande qu'elle les entourait dans des arabesques paisibles. Pandore semblait restée figée, incapable de réagir même sous la colère qui la dominait.

" En chaque humain il existe une complexité essentielle faite de son âme et des liens qu'elles possède vis à vis de sa propre histoire et de sa propre race. Il serait idiot de croire que cela résume la vie en chaque être, mais c'est bien l'âme qui commande à une vie. Et ce qu'il y a dans une âme, je crois, est un nœud d'émotion si intense qu'il ressemble à un vent, un vent d'orage qui circule a différentes vitesse, suivant les sentiments qu'on éprouve"

Le fouet s'approcha du visage de Pandore, la brûla légèrement au visage avant de reprendre ses distances. C'était de l'énergie pure, un condensat d'âmes perdues dans le temps, attiré par la puissance de l'artefact qui logeait dans le cœur de l'arbre. Et au sein de chaque âme brûlait la mémoire d'autant d'émotions contenues.

" Si tu veux apprendre, il ne suffit pas de prononcer quelque paroles et de s'émerveiller de la couleur qui en sort. Il va falloir apprendre à survivre à tes propres émotions, à tes propres colères, tes propres souffrances, tes propres espoirs. Il va falloir comprendre quand et comment tes sentiments se cristallisent en flot de puissance que tu peux déverser sur tes ennemis. Il te faudra sûrement mourir cent fois mais parmi toutes ces morts, il faudra apprendre, ce que veut dire le mot... vivre"

Cette fois ci le fouet ne se contenta pas de l'effleura, il frappa brusquement, violemment, le dos de Pandore qui hurla et tituba sous le coup de l'arme. Ses genoux cédèrent, elle s'effondra au sol.

" Ce fouet n'a pas de forme physique, il ne blesse pas la peau, il arrache la chair de ton âme. Sais tu ce qu'est la chair de ton âme? "

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