Je n'irai plus.

Je n'irai plus attendre au bord des tombes.
Je ne laisserai plus les ombres silencieuses s'emparer de mes mains, s'enlacer autour de mes poignets, entre mes doigts. Je laisserai le noir et le gris aux endeuillés qui aiment leurs larmes autant que leurs morts.

Je n'irai plus m'asseoir sur la pierre froide et dure. Du haut de la colline, je considère la nuit qui enveloppe tout. Qu'elle est fraiche et poignante, la nuit nouvelle sur la terre. Je regarde les fantômes à mes pieds et leurs yeux vides sont autant de lanternes éclatantes dans la nuit.

Je n'irai plus par les allées sans couleurs, rassurer les ectoplasmes éplorés. Non, je n'irai plus au devant des pleurs sauvages qui montent du sol. je briderai les sanglots et danserai pieds nus dans l'herbe humide.

Je ne laisserai plus de trace dans la terre molle. Mes empreintes n'arpenteront plus les sillages anciens. Je laisse aux prochains les affres de la brume. Je n'attendrai plus les plaintes incessantes et les bouches déformées par la souffrance. J'irai danser. Et mes tourbillons déliteront les volutes translucides du passé.

Comme je te l'ai dit, j'aime beaucoup ce texte. Dans toute sa tristesse, il a un côté angoissant. Et dans cette angoisse, on sent le désir de vouloir lâcher ses peines, en finir avec ce qui fait mal. En tout cas il me parle.

Je reste bouche bée, comme si tu venais de me transpercer par tes mots. Je reste muette à ma lecture.
J'apprécie ce côté "négation" qui me laisse penser que tu l'utilises comme pour se persuader, alors qu'au contraire, " tu iras attendre.. tu iras t'asseoir..etc"
Le rythme est mélodieux, et l'on s'y ballade si facilement..

Je ne la verrai plus du haut de mon clocher, où tapis dans l'ombre sélénienne je l'épiais nuit après nuit.

Je n'attendrai plus ses heures sombres où le froid nocturne glace les souvenirs du jardin de marbre.

De mon aire d'ardoise et de rancune, je ne l'observerai plus arpenter le gravier de ses errements.

Je ne sentirai plus la douce chaleur des vapeurs de ses larmes monter vers les cieux vides, là où tempêtent le coeur de ses âmes en peine.

Alors seulement lorsqu'elle aura tourné le dos aux allées de pierres dressées, ma Camarde ressuscitée retournera à la poussière de la terre des vivants.

Du haut de mon clocher je sonnerai le glas de ses amours déchues. Peut être alors de mon coeur de pierre, remontera l'amertume de la voir regagner l'autre monde.

De mes yeux aveugles naitra l'éclat du cristal et le rai de lune qui s'y reflétera, la guidera à travers le crépuscule... là bas, entre chienne et louve.

Dvb, tu viens de me faire pleurer.
Merci à vous. Mellekoko, tu as tout compris toi aussi.

Lilith... t'en irais tu ?

Tout d'abord, ce texte mélancolique qui semble plutôt de saison est assez fluide à lire et c'est agréable.

Lilith a écrit:: Je laisserai le noir et le gris aux endeuillés qui aiment leurs larmes autant que leurs morts.

J'aime particulièrement cette phrase. L'idée des personnes qui finissent par s'enferrer dans la tristesse au point de finir par l'apprécier autant ceux qui sont partis est particulièrement pertinente.

Lilith a écrit:: Je n'irai plus m'asseoir sur la pierre froide et dure. Du haut de la colline, je considère la nuit qui enveloppe tout. Qu'elle est fraiche et poignante, la nuit nouvelle sur la terre. Je regarde les fantômes à mes pieds et leurs yeux vides sont autant de lanternes éclatantes dans la nuit.

L'idée développée ici de la nuit tombante éclairée de souvenirs est très belle. Cela m'a évoqué quelques souvenirs de rêverie éveillée en pleine nuit. Le sentiment de solitude face à des ombres muettes est fort.

Lilith a écrit:: J'irai danser. Et mes tourbillons déliteront les volutes translucide du passé.

Et la fin qui promet une libération à venir des chaînes d'un passé à présent révolu. Mais ce personnage n'est-il pas lui-même une ombre qui s'attarde et repousse à plus tard une libération attendue et redoutée ?

J'ai vu une personne enchaînée par des liens en brume de souvenir qui se relève progressivement pour finir dans une danse future qui est planifiée quand les souvenirs se seront estompées pour balayer les derniers liens qui restent.

Comme dit plus haut, un texte agréable à lire de par une image qui se crée au fil du texte de quelqu'un se tournant vers l'avenir, souhaitant ne pas regretter le passé mais ayant du mal à s'en détacher.

Va, vole, si tu te sens des chaînes.

Erlidann m'a mise à nue.
Je n'aurais surement pas mieux expliqué ce poème moi même.