0943Il fait une chaleur étouffante dans le vaisseau.
Les sections en contact direct avec la coque ont été interdites d'accès, de toutes façons personne n'est assez fou pour plonger dans cette fournaise.
Nous sommes tous rassemblé dans la nef centrale, des centaines de membres d'équipage désœuvrés et fébriles. Certains font les cent pas, d'autres ont sorti leurs objets de culte, pourtant interdits à bord, et prient en marmonnant, mais la plupart des hommes ont le regard vide et leurs esprits fonctionnent au ralenti.
Voilà maintenant trois heures que nous sommes dans cette situation.
1031Une rumeur circule, quelqu'un aurait réussi à communiquer avec les ingénieurs en charge des boucliers.
Ces barrières énergétiques sont plus puissantes que je ne le pensais, à cette distance le rayonnement d'une supernova peut atteindre huit mille kelvins.
Toutefois les nouvelles ne sont pas bonnes, plusieurs relais de boucliers sont en surchauffe critique.
1037Un officier est venu nous rassurer, les ingénieurs contrôlent la situation, la rumeur qui circule est
fausse... mais il a quand même demandé que tous les membres d'équipages connaissant de près ou de loin un système de refroidissement le suivent.
Cette bataille devait être la victoire qui mettrait fin à la guerre, au lieu de cela nous sommes tombés dans une embuscade des virus.
1112Quelques ingénieurs viennent d'arriver dans la nef, des robots sur chenilles les accompagnent. Ils ont été grossièrement recouverts de tuiles thermiques, on voit beaucoup de failles dans ces armures rafistolées.
Des failles semblables se creusent dans l'espoir des hommes, et beaucoup d'entre-eux assaillent les ingénieurs de questions.
Ils sont vite repoussés et les robots franchissent un sas, sans les ingénieurs.
1132La passerelle ne nous cache même plus la situation, tout le monde a vu le désespoir dans la tentative des robots.
Selon la version qui est désormais officielle, la flotte est arrivée à
0450 en vue de la planète
ennemie, sous le contrôle du maître de guerre Ulfarks.
La bataille a commencé à
0512, mais à
0525 une flotte importante des virus nous a pris à revers.
À
0557 la majorité de notre flotte avait été détruite et le capitaine a décidé une manœuvre de
fuite.
À
0603, le bloc de propulsion a été endommagé par des tirs ennemis, le seul mouvement qui nous est permis depuis est l'inertie avec l'influence de la gravitation, il n'y a aucun moyen de changer de cap avant les réparations qui dureront plusieurs jours.
À
0641 le vaisseau est entré dans la sphère d'influence de la supernova.
1157L'un des robots est revenu par le sas, en piteux état.
Sa petite promenade près de la coque lui a coûté cher, les tuiles thermiques sont entrées en fusion partielle et le carénage du robot en dessous n'est pas en reste : on peut lire RK sur la plaque de devant, le O et le matricule de l'engin ont été brûlés.
Il n'a survécu que grâce au champ de refroidissement qu'il était sensé installer à proximité d'un
relais de bouclier.
1245Le premier relais vient de céder, le rayonnement frappe maintenant directement la coque au
niveau des couchettes des matelots.
Les métallurgistes sont plus inquiets que les autres, ils ne veulent rien laisser transparaître mais ils connaissent parfaitement la température de fusion de l'alliage qui nous sépare du vide.
1300La section des couchettes est isolée et dépressurisée afin de limiter la propagation de chaleur.
C'est une solution provisoire, la portion de coque correspondante va fondre beaucoup plus vite.
1321La coque de la section des couchettes a officiellement fondu, la chaleur dans la nef devient torride et beaucoup d'hommes d'équipage retirent leurs uniformes. Les officiers ne les sanctionnent pas mais ne les imitent pas non plus.
L'écriture devient difficile, ma pointe de graphite dégage de la fumée et le porte-mine en métal me brûle la main.
Quand je ne pourrais plus le tenir, je placerais ce journal dans une cavité d'allègement, les piliers de titane qui soutiennent la nef en sont creusés pour être aussi léger que solides. En espérant que ces éléments résisteront.
1342Trois nouveaux relais de boucliers ont rendu l'âme, cette fois aucune mesure de sécurité n'est prise.
La mort attend son dessert devant le four et ne se soucie pas de nous faire cuire plus vite.
1355Un cinquième relais a grillé, celui-ci protégeait directement la soute à munition.
Nous n'avons pas eu le temps de tirer beaucoup d'obus lors de la bataille, quelque part c'est une chance.
Ce sera rapide.
Extrait du journal d'un marin, retrouvé après l'extinction de la supernova Gladius 5.