La Cape et la Dague

Pandore était vêtue depuis toujours d’une très longue cape, couleur sable, qui cachait parfaitement son corps de lutine et une partie de son visage. Elle se sentait protégée, comme cachée du reste du monde. Elle n’ôtait sa cape que rarement, car pendant un combat elle avait appris à tirer à son avantage cette dernière, étant très légère et rapide, Pandore virevoltait et se jouait ainsi de l’ennemi.

Depuis son entrée chez les Lunaires, Pandore ne couvrait plus ses yeux, elle n’avait plus peur. Elle s’était éloignée quelques instants du groupe, afin de réfléchir sur la situation. Elle voulait être avec eux, mais elle ne savait pas comment les aider, une guerre se préparait et elle avait tant de mal à canaliser cette force en elle… Depuis toujours les gens la fuyaient, ses parents l’avaient forcé à partir, elle avait dû apprendre, seule, à se canaliser.

Pandore était une lutine de nature très maladroite. Bien que malhabile de ses mains, quand elle avait à se battre, son corps tout entier devenait une arme dévastatrice. Par une étrange magie, ses traits s’adoucissaient, sa peau devenait souple, tendre. Son corps tout entier se magnifiait, s’embellissait, et endormait par la même tout soupçon de danger. Quand elle devait se défendre, Pandore se transformait ; Du fond de ses yeux si changeants, on pouvait percevoir une autre lueur que celle d’une innocente enfant. La créature qui habitait alors ce corps était prédatrice, affamée, joueuse… Cette bête surpuissante que l’on devinait, à certains éclats, certaines nuances de couleurs dans ses yeux si étranges, faisait comprendre sans trop d’effort que le combat devenait jeu. Que l’ennemi devenait proie. Sans pitié aucune. Après tout, qui en avait eu pour elle auparavant ? Mais cette puissance intérieure la frustrait, jouait avec son égo. Pandore disposait d’une puissance redoutable, mais elle n’arrivait pas à la contrôler, à la dominer. Elle aurait pu réaliser tant de choses…Si seulement on lui avait appris. Ses yeux prune regardaient le sol d’un air lointain, elle n’était plus là.

Quand tout à coup elle s’arrêta net. Elle n’était pas seule, quelqu’un la suivait. Elle ne savait pas qui mais elle n’aimait pas ça. Quelques reflets dorés filtraient dans ses yeux et un sourire apparu sur son visage. Lui ? Elle avait donc marqué sa curiosité... Elle aurait dû s’en douter, il avait était si surpris de se retrouver à terre, il devait sans aucun doute penser que sa force devait égaler sa petite taille. Le pauvre. Pandore, bien qu’elle ait fini sous terre et qu’elle avait bien failli y rester, elle s’en était voulue d’avoir réagi comme ça, après tout, il n’avait rien demandé…Mais déjà, Cocoon se tenait à quelque pas d’elle. Elle essayait de calmer l’envie de meurtre qui la tourmentait, le vent s’était levé, faisant frémir sa cape. Pandore n’avait pas bougé depuis qu’elle l’avait remarqué, elle sentait qu’il ne savait pas quoi faire, il avait l’air un peu perdu. Elle éclata d’un très grand rire, un rire de petite fille. Une voix au trait mutin naquit dans la tête de l’homme :

-Ce n’est pas bien de suivre les gens, Cocoon. M’enterrer ne t’a pas suffi ? Elle rit une fois de plus et repris soudain sérieuse, que veux-tu ?

Elle s’amusait beaucoup, il ne savait pas quoi ressentir. Pandore prenait un malin plaisir à le déstabiliser, en effet elle avait la capacité de ressentir et de changer les sentiments d’autrui. Cocoon avait l’air un peu perdu bien qu’il s’acharnait à ne rien monter.
Pandore se retourna pour lui faire face.

La bruine s'était posée sur les ruelles comme un manteau de neige. En silence. La visite des souterrains terminée (du moins pour le moment), Cocoon avait suivit l'étrange lutine dans ses dérivations. Où allait-elle? Qui était-elle? Qu'était-elle venue faire en Ter Aelis? Autant de question que se posait le Terraformeur.

Il la suivait depuis un bon moment, le corps dissimulé dans la brume (littéralement). Cocoon ETAIT la brume. Il l'avait rejointe. Dans son état, il pouvait aisément suivre la jeune demoiselle dans son parcours. Et se poser à loisir les questions qui lui taraudaient l'esprit.

Il avait déjà entendu les échos de son apprentissage. Comme quoi le grand Sanz lui-même aurait prit en charge son..."éducation". Bien grand mot pour ce qui était aux yeux de Cocoon qu'une manipulation pour que le Sanguin obtienne ce que bon lui semble. Quitte à sacrifier Pandore au passage. Si elle devait recevoir quelque chose de Sanz, ce serait certainement pour qu'elle en paye le triple en retour. Mais qu'importe. Elle n'était plus entre les griffes du chef de la confrérie ennemie, et c'était le principal.

Se décidant enfin à prendre de nouveau contact avec celle qu'il avait enterré quelques heures plus tôt, le corps couvert d'un long manteau noir de Cocoon se re-matérialisa dans l'espace. Se dissociant des vapeurs aqueuses.
Sa longue toge blanche, dissimulée sous l'épais tissu d'ombres, se discernait à peine. La capuche qui lui recouvrait les traits n'aidant en rien à le reconnaître. Cependant ce fut loin d'être une difficulté pour la lutine, qui comprit très vite qui il était.

Elle semblait l'analyser, le juger et le peser sous tout les angles. Mais c'était par mécanisme de défense. Ses yeux affichaient une hésitation, un manque de maîtrise qu'elle tentait de masquer en attaquant, et par le rire.

-Ce n’est pas bien de suivre les gens, Cocoon. M’enterrer ne t’a pas suffi ? Elle rit une fois de plus et repris soudain sérieuse, que veux-tu ?

L'esprit du Terraformeur se mit en branle. Calculant, réfléchissant, tordant mille idées dans des sens improbables, une courte conversation s'engagea entre lui, et cette voix féminine qui le suivait tout le temps.

"Des crocs, des larmes,
Mais peut de poils.
Tais-toi, croquet,
Ou je te calme!"

Se mit à chantonner sa colocataire d'un air presque pervers. Amusé. Malsain.

La conversation dura à peine quelques secondes, le temps de laisser flotter la question de Pandore dans les airs. Puis les yeux de Cocoon se rouvrirent, ayant prit une couleur mauve profond, teintée d'éclats bleu-vif. La vibration qui avait coupé Pandore de sa magie se fit à nouveau entendre, mais cette fois-ci, elle enveloppa le Terraformeur. Une bulle vibratoire naquit autour de lui, rendant sa silhouette floue. Et pourtant, une voix raisonna dans l'air, un écho puissant provenant de toutes les directions à la fois.

-Sanz t'a apprit à manier l'esprit, je vais t'apprendre à manier le corps. DEFEND-TOI !

La brume autour d'eux, les privant de toute visibilité à plus de 20 mètres, se liquéfia. Dans un grand cercle autour d'eux, les particules d'eau semblèrent se rassembler, s'agglutiner pour former un mur aqueux de plus en plus épais. Ce qui eut pour résultat de rendre l'intérieur du périmètre beaucoup moins embrumé. Pandore était prise au piège, même si elle pouvait toujours bondir dans les airs. Il n'y avait qu'une sorte de mur d'enceinte, aucun plafond ne s'était formé, pour la laisser libre de s'échapper dans les airs si "quelque chose" sortait du sol.

Cocoon se recula silencieusement pour rejoindre sa barrière liquide, son corps s'enfonça dans l'eau, puis il disparut totalement, comme dissout dans la matière.

Il laissa Pandore réfléchir quelques secondes à ce qui lui arrivait. Elle était trop timide, trop fragile. Cela se sentait. Et pourtant elle allait devenir l'arme la plus formidable des lunaires, si elle exploitait correctement son potentiel. Mais il ne fallait pas trainer. La méthode douce était à proscrire. C'est pour cette raison que le vrai test de la lutine commença rapidement.

Le mur d'eau entourant Pandore se mouva, une longue vague verticale roula sur l'entièreté de la surface du mur, dessinant un large cercle, comme pour tester la création du Terraformeur. Puis il y eut un silence.

3

2

1

...

Une colonne d'eau compacte, projetée à forte vélocité fondit sur la lutine. Elle avait l'épaisseur d'un pilier, et visait directement la jeune demoiselle. Une attaque directe, brutale, mais ridiculement bruyante, pour se faire repérer dès les premières secondes, et permettre à sa cible de l'esquiver aisément, si elle était un minimum concentrée.

Le match d'endurance était lancé.

La lutine baissa la tête. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres rosées. Elle eut un léger rire d’enfant. Pandore leva la main et un champ de force l’entoura. La colonne d’eau vint s’écraser contre la paroi translucide qu’avait créée la petite lutine.

-Je ne suis pas une débutante Cocoon dit-elle.

Elle regarda l’eau autour d’un air fasciné. Une autre colonne d’eau fonça droit sur elle, cette dernière se divisa en deux, Pandore fit face et fit naître un autre mur devant elle. Il augmentait sa puissance. Soudain le courant de l’eau se fit beaucoup plus vif et une autre colonne se leva, plus grande, plus forte. Pandore aussi était en colère, s’attaquer à elle après l’affront qu’il lui avait fait devant les autres… Soudain la colonne s’abattue sur elle à toute vitesse. Pandore ne pouvait plus bouger, elle voyait la colonne d’eau lui foncer dessus à pleine vitesse. Elle sentait la force. Elle avait peur. Elle respira leva les deux mains et se concentra. Trop tardivement. La colonne vit percuter de plein fouet la lutine qui se retrouva projeter loin du cercle. Pandore était étendue sur le sol, les yeux clos, elle respirait très faiblement. Elle avait peur, mais elle était vivante. Elle toussa à maintes reprises pour évacuer l’eau qui était rentrée dans ses poumons. Bien qu’ils soient verts, ses yeux avaient quelques reflets gris. Après une autre quinte de toux Pandore respira un grand coup, et tenta de se relever. Elle retomba au sol. Assise ainsi elle se faisait l’effet d’une sombre imbécile.

-Relève-toi Pandore, debout ! Bats-toi !

Il était impatient. Pandore abaissa de nouveau la tête. Elle mit sa capuche qui lui tombait pille sur les yeux, se releva et hurla

-Je suis debout Cocoon !! En moins d’une journée cela fait deux fois que tu essayes de me tuer ! A mon tour !!

En un instant elle apparut au centre du cercle d’eau. Pandore était en colère, plus que jamais des flammes dansaient dans ses yeux, elle était envoutante. Le vent se leva autour d’elle, tournoyant et virevoltant. Elle se battait. Une autre colonne d’eau se forma, plus puissante et plus grande encore que celle qui l’avait projeté au loin. Cette Pandore n’avait pas peur, la colonne fonça droit sur elle, Pandore leva les deux bras, un vent violent se leva et brisa la colonne. Deux autres se formèrent, la Lutine souri, d’un bras elle fit naître un champ de force et de l’autre un mur d’air fonça droit sur la colonne d’eau la détruisant. Elle respira un bon coup. Elle ferma les yeux. Une autre colonne se créa. Pandore fit un petit saut vers la droite évitant de peu la colonne d’eau venant s’écraser contre le sol. La petite lutine était en colère, elle se replaça au centre. Un vent tranchant tournoya autour de Pandore puis soudain elle balança ses deux bras en avant, un courant d’air violant vint percuter le cercle, le coupant net. Elle savait qu’il allait se reformer mais le temps qu’il était séparé il perdait en puissance, elle réitéra l’opération, encore et encore. Ça ne servait à rien, mais ça avait le mérite de calmer ses nerfs. Elle baissa ses bras, le cercle se reforma lentement.

-Et maintenant ?

Attaquer, encore encore et encore. Ne relâche pas la cadence. Saute.

Oui.

Esquive.

Bien, le mur. Bien!

Évite celle-là! Ah... Dommage.

La lutine avait prit un jet en plein torse. Les assauts de Cocoon venaient de partout, et harcelaient la créature. Se défendant comme elle pouvait, Pandore utilisait une magie du vent pour lutter contre les ondes aqueuses et compactes du Terraformeur. Elle se releva après le choc, lui hurla sa hargne: elle ne se laisserait pas battre aussi facilement.

Comme électrisée par la claque qu'elle venait d'essuyer, les influx de magies affluèrent vers son adversaire, se concentrant, jusqu'à ce que tout soit rendu sous la forme d'une lame d'air extrêmement violente, droit devant elle. Le couperet fonça vers un pan de la muraille d'eau qui l'encerclait, et le fendit en deux avec une efficacité effrayante. Les particules, comme lissées par l'attaque, laissèrent après l'attaque une entaille parfaitement lisse. Les parois restantes ressemblant l'espace d'un instant à deux énormes blocs de gélatine rosbeefienne.

Les parois se refermèrent bien vite, se ressoudant et formant à nouveau un ovale sans défaut. L'entraînement pouvait reprendre. Mais ces quelques secondes qui furent nécessaires à Cocoon pour reformer sa création lui laissèrent le temps de peser la puissance de cette attaque. Le trait de Pandore venait 'juste' de fendre bien proprement trois mètres d'épaisseur d'un mur d'eau compactée. 'Juste'...

Jouant de ses pouvoirs, l'image assombrie du Terraformeur apparut à la surface de l'eau, vaguement, comme un reflet lumineux, un jeu pour Cocoon. Cette simple illusion se forma devant les yeux de la lutine, elle eut juste le temps de voir l'ombre esquisser un sourire d'encouragement, avant de disparaître.

"C'est bien, pensa-t-il, continuons"

"BOIS! AVALE! NOIES TA FERVEUR! Souffre et apprends! Mâche la terre et crache mon eau! Tu vas apprendre..." Aboya la voix à l'intérieur de Cocoon. Elle s'enivrait du combat, savourait chaque passe, chaque influx de magie. Chaque particule en mouvement l'agitait, elle en voulait plus. Plus de violence, plus de force, plus de hargne. Bientôt, elle serait insatiable et sa voix ne s'éteindrait qu'avec le combat.

Avant de reprendre, le Terraformeur laissa un répit à son adversaire, et se concentra quelques secondes sur Pandore; Rendant toujours l'eau de ses poumons, celle-ci disparut d'elle même, comme si elle n'avait jamais été présente. L'air se mit à circuler tranquillement, guidant presque le rythme de respiration de Pandore, et une douce chaleur se répandit en elle. Le froid enveloppant l'endroit disparut quelques secondes, comme une tape sur l'épaule pour encourager à persévérer, et atténuer la violence de l'entraînement.

C'est vrai; Cocoon avait failit la tuer deux fois dans la même journée (mais pas exprès, enfin normalement). Elle était de sa confrérie, même si le temps l'empêchait de prendre la méthode douce, il ne fallait pas non plus s'acharner méchamment sur elle. Pandore était de son clan, et il ne l'oubliait pas.

Après une bonne heure de sauts, de pirouettes et d'esquives en tous genres de la part de Pandore, les assauts s'arrêtèrent brutalement. Les murailles aqueuses perdirent de leur éclat, virèrent de plus en plus à l'opaque, moins translucides. Leur consistance s'épaissit, devenant rigide, presque poreuse. La couleur passa au brun foncé, les dernières traces d'eau à sa surface rendant la pierre humide.

Désormais, on pouvait clairement parler de "muraille". Cocoon sortit de la pierre comme de la brume, tranquillement, une épée courte à la main. Lançant son bras en avant, le mouvement se termina en l'air, et une copie conforme se projeta comme par elle même vers Pandore. Il venait de créer une copie juste pour elle, et la lame se lova tranquillement dans la paume de la lutine, comme un animal docile.

Se mettant en garde, Cocoon sourit d'un air amusé à sa partenaire. Et d'un air joueur, lui cria, de ses dix mètres de distance:

-Attaque maintenant...

Voyons voir comment elle s'y prendrait avec de vraies armes.

Dans la main fine et froide de Pandore apparut une grande et lourde épée. Légèrement déséquilibrée et surprise par le poids de cette dernière, Pandore manqua de tomber. Cocoon esquissa un sourire à la vue de la maladresse de la lutine. Elle ferma les yeux et repris sa respiration, elle envoya une salve chargée de colère qui prit tout le corps du Terraformeur. Elle ne voulait pas blesser juste faire comprendre qu’elle n’allait pas le laisser gagner. Elle ré ouvrit ses paupières sur deux billes de lave en fusion. Non, elle ne perdra pas.

Cocoon lui envoya son premier coup. Pandore l’arrêta de justesse, elle avait peur car elle savait qu’il n’aurait pas de pitié, confrérie ou non. Dans un premier temps elle ne faisait que bloquer ses attaques, elle n’avait pas le temps de parer qu’il envoyait déjà un autre coup. Pandore ne s’était battu qu’une seule fois avec une épée, étant très maladroite, elle s’en était découragée. Il avait l’air de prendre un certain plaisir à la voir aussi troublée. Elle n’aimait pas cela et commençait à fatiguer. Soudain, il disparut de son champ de vision. La lame froide de Cocoon effleura le cou de la lutine qui se figea. Elle était paniquée tandis que son cœur battait à une vitesse folle, elle entendait ses battements bourdonner dans ses oreilles. Elle n’avait plus le choix, sa cape jusque-là son alliée la ralentira. Elle leva sa main et défit le nœud qui attachait sa cape. Sa cape tomba au sol. Une cascade de boucle noir de jais s’en libéra. Ils tombaient sur les épaules nue de la Lutine lui donnant ainsi un visage contrasté, à la fois tendre et jeune mais ils laissaient entre apercevoir la dureté de cette dernière. Elle était vêtue d’une combinaison près du corps laissant deviner les jolies courbes et la jeunesse de la jeune fille de la Lune. Sa combinaison était beige dans un tissu souple et doux. Ses bras étaient dénudés et sur son poignet droit on pouvait y voir une cicatrice en demi-cercle, sa peau était clair presque laiteuse.

La Lutine n’avait pas bougé. Cocoon toujours derrière Pandore avait l’air en revanche un peu troublé. Sa lame trembla comme si le Terraformeur commençait à fatiguer. Pandore saisit l’occasion, passa sa lame contre celle de Cocoon et se libéra de son emprise. Elle l’attaqua, une, deux, trois, quatre fois. Chaque fois plus forte et plus belle que jamais. Un petit sourire espiègle se dessina sur ses lèvres. Il se défendait très bien, il savait ce qu’il faisait, mais elle était très rapide et puissante. Leurs deux lames s’entre choquaient encore et encore. Puis soudainement elle fit tourner sa lame autour de l’épée de l’homme et la projeta à quelques mètres de lui. Il avait le pouvoir d’en recrée autant qu’il en voulait, mais par ce geste elle prouva sa puissance. Ses yeux se tintèrent d’un vert éclatant, elle leva la pointe de son épée sous le cou de Cocoon, dans un geste lent elle leva le bras libre et dans une légère brise apporta l’épée de son confrère des Lunaires dans sa main. Maintenant muni de deux lames elle regarda Cocoon dans les yeux et éleva sa voix pour dire :

-Tu as testé ma magie et tu as essayé de me noyer. Tu as testé ma force et tu as failli me trancher la gorge, sans compté la fois où tu m’as ridiculisé devant les autres. Tu fais un drôle d’allié Cocoon.

Sur ses mots empreint d’amertume et de malice, Pandore fit tourner les épées du Lunaire et les lui rendit. Elle reprit sa cape, cachât de nouveau son corps et repris :

-Et maintenant ?

CLING

Le bruit de sa propre lame valsant et fendant l'air fut le seul son qui s'imposa à Cocoon l'espace de quelques secondes. Etonné par l'adresse du coup, il ne lui vint même pas à l'esprit de stopper l'épée en vol pour la rattraper, ou même de la rappeler à lui; Il vit Pandore aller ramasser son arme, et se rediriger vers lui.

Elle l'avait désarmé, pas mal pour une lutine... Reprenant ses esprits, il remarqua que la demoiselle était devant lui à présent, les deux épées tendues vers lui.

-Tu as testé ma magie et tu as essayé de me noyer. Tu as testé ma force et tu as failli me trancher la gorge, sans compté la fois où tu m’as ridiculisé devant les autres. Tu fais un drôle d’allié Cocoon.

Pandore se recouvra à nouveau de sa cape, cachant un corps loin d'être désagréable à regarder sous ce voile de tissu trop souvent présent. Elle gagnait en charisme sans cette cape, et avait bien peu de raisons pour le dissimuler de la sorte, du moins c'est ce que Cocoon pensait. Elle était d'une beauté rare, même chez les lutines, et son habileté aux armes avait surprit le Terraformeur. Il n'aurait peut-être pas tant de choses à lui apprendre finalement...

-Et maintenant ?

Maintenant, la partie intéressante commençait.

-Tu te débrouilles bien à l'épée, et ton niveau de magie est plus qu'honnorable, des jeunes gens de mon peuple ont eut du mal à se relever de ce petit "exercice". En contrepartie de cet entraînement un peu rude, je peux t'apprendre à coupler magie ET acier, si tu le souhaites...

Voyant l'air perplexe de Pandore, Cocoon sourit à la lutine et reprit plus posément:

-Tu m'as l'air peu à l'aise avec une épée longue, que dirais-tu d'une lame plus petite ? Comme une dague ? Ou mieux, deux tiens ! Deux dagues pour des attaques discrètes et rapides.

Levant ses deux paumes au niveau de sa poitrine, face au ciel, il ferma ses yeux quelques secondes pour se concentrer. Une lueur cristalline émana de son pendentif, traversant sa toge blanche et son long manteau noir. De l'énergie s'échappa de ses doigts, et deux formes se matérialisèrent au dessus de chaque main de Cocoon.

Les formes étaient obolongues, floues, fines. Puis devinrent de plus en plus précises, jusqu'à être complètement opaques. Les prenant en main, Cocoon tendit à sa consoeur lunaire deux magnifiques dagues gravées aux armoiries lunaires, un P stylisé était gravé délicatement sur chaque poignée, enroulant le manche. Les gardes étaient toutes deux parées d'un magnifique joyau chacune, logé à la naissance des lames, et brillaient d'un éclat creux. Les pierres étaient transparentes.

Les lui tendant, il poursuivit avec une bienveillance dans son regard:

-Tiens, je pense qu'elles te conviendraient parfaitement. J'ai pris la liberté de les..."décorer" un peu. Mais si cela ne te convient pas, je peux toujours les modifier...

Pandore prit le temps d'examiner les présents de Cocoon. Deux magnifiques dagues se présentaient à elle, gravées par la Lune.

Pandore effleura les dagues de ses doigts blancs. Le contact de l'un des deux la brûla, l'autre la glaça. D'un geste brusque, elle retira ses doigts des dagues. Elle leva ses iris, verts pomme, vers le visage imperméable à toute émotion de Cocoon. Elle reposa ses yeux sur les dagues et en approcha doucement ses mains, puis les saisit. Un vent glacial s'immisça en elle, comme le début d'une tempête. Pandore s'éleva du sol, sa tête tomba en arrière tandis que ses yeux perdaient leurs couleurs. Alors que le froid la paralysait, un brasier ardent s'était allumé dans son ventre.

Elle était comme scindée en deux par un ouragan glacial et un feu bouillonnant. Un léger vent s'éleva alors autour de Pandore, l'éloignant lentement de Cocoon. Toujours en lévitation au-dessus de sol, Pandore était comme figée. Son visage été vide comme si la lutine avait quitté son corps, comme si son âme et son corps s'étaient séparés. Seules ses mains montraient encore un signe de vie ; elles se cramponnaient désespérément autour des dagues. Ses bras s'élevant de part et d'autre de sa taille, le spectacle était impressionnant. La longue cape beige de Pandore virevoltait dans tous les sens et la capuche qui protégeât encore le visage de la lutine tomba, découvrant au monde ses yeux presque blancs.

Au loin, on pouvait voir une petite fille au teint blanc, et aux yeux farceurs, qui s'approchaient de Pandore. Elle avait l'air pleine de vie et ses yeux étaient changeant, comme ceux de la lutine. Une cascade de boucles noir de jais lui tombait sur les épaules, et une magnifique cape noire cachât son corps de petite fille. Elle avait l'air d'émerger d'un rêve, comme un nuage de fumée sans parler de la troublante ressemblance avec Pandore. Elle courait vers Cocoon. Il n'avait pas l'air de s'être rendu compte de sa présence. La petite fille tira doucement la cape du Terraformeur pour attirer son attention. Puis, elle dit :

- Je meurs, Cocoon. Dit-elle d'une voix enfantine mais qui ne faisait qu'appuyer la troublante ressemblance avec la lutine. Je meurs, Coocon. Ne me touche pas, sinon, tu vas mourir aussi... J'ai peur, Cocoon...

Un vent hurlant fit disparaître la petite fille, et Pandore, brusquement, s'effondra sur le sol, inconsciente et presque morte. Un champ de force entourait la petite lutine. Doucement, le vent rappelait la voix de la petite fille :

-Ne me touche pas, sinon, tu vas mourir aussi, Cocoon.

Les dagues... Dès que Pandore s'était emparée des lames, Cocoon sut qu'il y avait un problème. Sans doute le pouvoir de la lutine était-il beaucoup trop puissant, ou bien les armes enchantées beaucoup trop assoiffées de magie, quoi qu'il en soit, le corps de la créature s'était vidé de toute vie. Devenant pâle, puis totalement blanc, vide de toutes couleurs, seules restaient en vie ses mains, qui agrippaient les manches comme si leur vie en dépendait.

Le corps de son amie s'effondra au sol, les mains tenant toujours les deux dagues offertes par Cocoon, mais un champ de force comme celui rencontré à la cité lunaire protégeait désormais le corps de la lutine. Une voix lui murmura, comme susurrée par le vent, qu'elle agonisait. Etait-ce un manque de magie? Quand elle fut enterrée par le terraformeur, et coupée de toute source magique, elle avait commencé à perdre ses forces également. Si maintenant elle se vidait de sa force vitale, et surtout à cette vitesse, les lames ne pouvaient en être que les seules responsables.

Courant vers sa consoeur, il entendit une deuxième fois le vent lui parler, lui interdisant de toucher le corps étendu devant lui. Une nouvelle forme apparue alors dans les airs. Une Pandore plus jeune, à la magnifique chevelure d'ébène, et à la cape rouge, se trouvait là, à quelques mètres de lui. Elle semblait légèrement plus jeune que la Pandore qu'il connaissait. Le vent hurlant fit disparaître le fantôme, ou l'âme de Pandore, laissant Cocoon dans l'hésitation.

Que faire? Sa protégée allait mourir sous ses yeux, sans qu'il puisse rien faire. Désespéré par la détresse de la lutine, Cocoon agrippa sa propre lame, et abattit son épée de toutes ses forces sur le champ de force. Le retour ne se fit pas attendre, une violente impulsion envoya valser le terraformeur, le fouettant d'un trait d'énergie qui lui arracha un hurlement de douleur.

A terre, sur le dos, Cocoon se redressa péniblement sur son coude, jetant un regard sur le corps encore inconscient à quelques mètres de lui.

-PANDORE!

Le corps et l’âme de Pandore s’étaient divisés en deux parties. Son corps était effondré sans vie et son âme avait prit la forme de la lutine enfant. L’âme de Pandore se mit face à son corps inanimé qui semblait pourtant s’accrocher désespérément aux dagues qui venait de lui être offerte. Elle tourna la tête vers Cocoon à terre et dit :

- Lève-toi Terraformeur, lève-toi et donne-moi ta main, j’ai besoin de m’imprégner de ton pouvoir afin de passer cette protection.

Le ton de Pandore ne laissait aucun refus possible, au fur et à mesure que les secondes s’égrainaient la vie s’enfuyait du corps de la jeune lutine. La cape rouge sang de l’âme de Pandore frémit et une petite main blanche se tendit vers Cocoon.

- Prend ma main.

La main de Cocoon se tendit sans attendre, ne sachant trop ce qu'il devait réellement se produire ensuite. Les doigts des deux personnages se rapprochèrent trop lentement pour l'esprit, et le temps même semblait ralentir à mesure que le contact s'annonçait inévitable. Les yeux du terraformeur restaient fixés dans ceux de la lutine agonisante, perdus dans un moment d'irréel. Des particules lumineuses apparurent entre les deux paumes tendues l'une vers l'autre, et des éclairs furtifs commençaient à se caresser entre eux, formant une sensuelle danse de magies et d'énergies. Le pouvoir des deux créatures lunaires se mêlait d'une étrange façon, l'un se déversant dans l'autre pour restaurer la vitalité du corps frêle mais précieux de la lutine.

Les secondes s'étiraient à l'infini, mais pourtant les doigts des deux mains franchirent le temps et l'espace pour s'entremêler. Les phalanges se croisèrent, les paumes se rencontrèrent enfin, et finalement les deux êtres étaient liés en une singulière alchimie.

Sans préavis, une forte détonation aspira une quantité hallucinante d'énergie à Cocoon qui se courba en deux sous la douleur du transfert. Une masse énorme passa entre les deux bras, liés tel un seul et unique pont de vie d'un être à l'autre. La peau de la lutine reprit alors instantanément les chaudes couleurs d'un corps qui vit, l'âme de Pandore réintégra son logis en un instant, tandis que Cocoon tombait sur le sol, agenouillé auprès de sa protégée.

Le vacarme de son et de lumière disparut lui aussi en un instant, laissant planer le doute sur la réelle existence de ces dernières minutes. Seule la sensation de vide et de fatigue ayant planté ses griffes dans le terraformeur restait la preuve de ce qu'il s'était réellement passé. Le vent se mit à nouveau à souffle paisiblement, tandis que la poitrine de la lunaire se soulevait et s'abaissait à nouveau.

Le regard apaisé et soulagé posé sur la créature, un rideau d'ombres passa bientôt sur les yeux de Cocoon, qui s'effondra bientôt près de sa protégée.