Justement, j'y pensais.

Il n'existe rien, rien qui n'existe déjà.

A trop vouloir courir après la pluie, je me suis mouillé les ailes. Dans les marécages de la vie, je me suis embourbé, j'ai perdu mes chaussures dans un fossé et mes gants sur des barbelés. A poil dans le Wall Street de mon cœur, j'entends les klaxons de ces femmes pressées qui traversent mes avenues bondées. L'allée est mouvante et la marée émouvante, car dans cet État ne se côtoient que les meilleures échappées, les plus belles enfuies. Celles qui me peuplent et envahissent chaque nuit mes songes les plus intimes, ravivant ainsi la flamme de mes amours passés. De ce feu renouvelé n'en naît pourtant qu'une douche glacée, rendant chaque réveil plus difficile. Mes mains serrent encore les fantômes de mes étreintes que le sommeil me quitte déjà, ne laissant au fond de moi que cette sensation terrible de manque impalpable, d'une dette inchiffrable. Car ce sont des millions de battements qu'il manque à mon palpitant, des milliers de caresses, de baisers fiévreux.

Comment pourrais-je jamais me faire une raison, qui peut donc apporter de l'ordre là où il n'en existe pas ? Quel Robin des bois pourrait faire de cette aire de non-droit, ce monde sans foi ni loi, une bulle dans laquelle le maître serait moi ? Quelle mathématique, quelle alchimie savante saurait transformer ce que je ressens, créer de la plénitude là où je ne vois que le chagrin de la solitude ? Quel tailleur pourrait habiller mon âme qui s'écorche aux ronces attachées à ces cheveux parfumés ?