[Cinquième exercice] Ecrire de la Science-fiction

La chambre sentait le renfermé. Il n'avait pas aéré la pièce depuis plusieurs jours, ni ne l'avait nettoyé, occupé qu'il était dans ses calculs. Ce fut donc cette odeur qui parvint à Tricia lorsqu'elle ouvrit la porte.
- Tu pourrais ranger un peu. Mais il ne semblait pas l'avoir entendu. Hého, fit-elle plus fort. Il sursauta, surpris et irrité de la voir. Son apparence était négligée et ses vêtements salis et maculés.
- Quoi ?
- Tu pourrais ranger un peu, répéta Tricia.
- Qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu ne vis pas là à ce que je sache. Sa collègue haussa les épaules.
- Tu en es où ? Moi j'ai fini mes équations et je les ai déjà entrées dans l'ordinateur. Sans compter que les échantillons sont prêts.
- Tu sais bien que ma partie est la plus délicate de tout le projet. Une erreur dans une virgule ou un signe et il faut encore tout recommencer. Et j'en ai ma claque de tout recommencer.
- Parce que c'est une balade de santé pour moi... Baltarr l'ignora et poursuivit.
- Je termine mes vérifications et j'arrive.
- Comment as-tu pu me convaincre de travailler avec toi ?
- Je n'ai pas eu à te convaincre, tu savais que j'étais le meilleur.
- Pour notre avenir professionnel : devient le meilleur en relation sociale... et en ménage accessoirement.
- Le jour où ces tâches me rapporteront des millions j'arrêterais la science et l'humatique. En attendant, laisse nous tranquilles, mes chiffres et moi !
Tricia leva les mains dans un signe d'abandon et s'en retourna au laboratoire principal. Lieu aseptisé et ordonné. Elle revêtit une blouse blanche et afin de s'occuper alla donner des ordres aux assistants. Elle développait cette technologie avec le Dr. Baltarr depuis neuf ans maintenant. Après avoir connu des difficultés de financement passé trois ans sans applications concrètes, et pourtant non dénuées de résultats, la société qui les finançaient avait coupé les vivres. C'est là que Baltarr sur un coup de génie et désespéré leur avait permis de continuer. Six ans plus tard, ils sentaient la fin, la vraie fin, approchée. C'est alors que Baltarr entra en trombe, les bras chargés de feuilles de papier qu'il plaça devant lui. Puis il tapa leurs correspondances dans la machine informatique.

Plusieurs dizaines de minutes plus tard, il descendit du siège sur lequel il était posé. Il tendit la main droite en l'air et claqua des doigts afin d'attirer l'attention de ses collaborateurs.
- Mesdames, messieurs, il est l'heure, déclara-t-il une fois que le silence le plus complet avait été fait.
Et l'activité reprit, chargée de tension et d'excitation. Les appareils s'allumaient, des bourdonnements s'élevèrent ainsi que des bruits de ventilateurs. Des pistons sifflèrent et les rouages commencèrent leurs rondes infinies.

Tricia et Baltarr se placèrent derrière une baie vitrée, en compagnie de certains membres de leur groupe dont les spécialités n'étaient pas utiles à l'instant présent, surélevée par rapport à la pièce adjacente et ce pour avoir une visibilité optimale. Ainsi qu'une certaine protection vis à vis de produits chimiques qui pourraient se répandre suite à un accident.
L'assemblée était nerveuse et des regards lourds de sens s'échangeaient en son sein. Quelques uns perlaient de sueur, d'autres se mordillaient la lèvre inférieur, quand Baltarr se rongeait les ongles et que Tricia s'imaginait défoncer le PVC avec sa tête.

Sur la table qu'ils observaient tous, s'afféraient des bras articulés, des scanners, des lasers et tout un tas d'objets nécessaires au bon déroulement du projet qui entrait dans son ultime phase.
Une fois terminé, ils allèrent automatiquement se ranger au quatre coins de la salle et une lumière tamisée prit le relais. Baltarr s'approcha inconsciemment de la vitre et rassuré de la réussite de son œuvre il dit, en regardant Tricia, avec le plus grand sourire qu'il n'avait jamais eu :
- Eurêka ! J'ai enfin créé l'Homme.
En contrebas sur la table dans un caisson et en position foetale, flottait un être vivant.
- Félicitations, tu es enfin un Dieu.

Spoiler:

Bon allez... j'allais pas passer à côté de cet exercice moi non plus !

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Entendu à la TSF ce mois de juin 1950 :

« C’était Big Joe Turner en musique pour vous. La belle musique américaine sur les ondes de France. Et maintenant un peu de réclame. Notre très chère Mathilde Beroyer va nous parler aujourd’hui d’une invention qui va révolutionner la vie des ménages.
- Oui mon cher Aurèle ! C’est une invention américaine, produite par les laboratoires Hover, déjà inventeur de nombreuses machines et stratagèmes électriques et atomiques des plus fascinants.
- Ah oui Mathilde ! J’ai moi-même un rince-doigt électrique de cette marque à la maison. Il fait le ravissement de toute ma famille.
- Et bien avec ce nouvel objet de chez Hover, votre famille touchera enfin le bonheur du doigt et c’ets peu de le dire.
- Vous nous intriguez Mathilde. Quel est donc de dispositif révolutionnaire ?
- Et bien il s’agit du tout nouveau CUE TEMPOREL ! Un dispositif des plus imaginatifs qui vous permet de déterminer une heure précise de la journée – les chercheurs disent « programmer » - et d’y revenir à tout moment, comme par magie.
- C’est fantastique ! Mais à quoi cela peut-il bien servir dans la vie quotidienne de nos laborieux auditeurs ?
- Eh bien tout simplement à vivre chaque jour, une journée parfaite !
- Mais comment un tel miracle se peut faire Mathilde ?
- Et bien imaginez Aurèle que vous avez un important rendez-vous avec votre patron, très tôt ce matin. Pour une promotion par exemple. Vous décidez de vous faire beau et de porter une cravate. Mais vous ne savez plus comment vous y prendre pour faire le nœud ! Et bien avec le CUE TEMPOREL des laboratoires Hover, vous n’avez plus à paniquer. Vous « programmez » le boitier sur huit heures par exemple, et vous prenez tout votre temps pour faire votre nœud de cravate. Vous pouvez même en profiter pour vous raser de frais et prendre un solide petit déjeuner ou lire les nouvelles dans le journal du matin. Votre patron n’en sera que plus émerveiller de votre aplomb à parler des actualités ! Ensuite, une fois que vous êtes prêts, il ne vous suffit plus que d’enclencher à nouveau le CUE TEMPOREL pour revenir à votre point de départ. Vous voilà prêt pour votre rendez-vous de ce matin et vous êtes même en avance !
- C’est prodigieux !
- Evidement, c'est un produit hover !
- Mais, et si en route je rencontre des embouteillages ?
- Vous n’aurez plus à vous soucier de ces petits tracas de la vie quotidienne Aurèle ! Avec le CUE TEMPOREL, une simple pression sur le bouton poussoir de l’appareil et vous voilà revenu à votre point de départ ! En connaissant la route à l’avance vous pouvez désormais vous décidez pour un autre chemin jusqu’à votre bureau.
- C’est donc l’assurance d’arriver à l’heure et dans de bonnes dispositions au travail le matin ? Mais qu’en est-il pour le reste de la famille ?
- Les possibilités d’utilisation du CUE TEMPOREL sont infinies ! Pour Madame par exemple, il est désormais possible de ne plus jamais rater la préparation des repas ! Une erreur dans une recette ou dans le temps de cuisson d’un plat compliqué, et hop ! comme par magie, elle se retrouve au début de l’élaboration du plat, devant les ingrédients d’origine, qui eux non pas bouger.
- Fantastique ! Adieux côtelettes brûlées et soufflets affaissés !
- Tout à fait ! Pour vos enfants il en va de même ! S’ils font une erreur dans leur récitation et bien, il devient très commode de revenir se réveiller le matin pour repasser une dernière fois leur leçon avant de partir pour l’école.
- Et c’ets l’assurance d’avoir de bonne note et de réussir sa future carrière !
- Les laboratoires Hover ont conçu le CUE TEMPOREL pour gagner du temps dans leurs longues journées de travail. Avec cette invention il n’y a plus d’expériences ratées, plus d’argent jeté par les fenêtres à cause de coûts exorbitants des matières atomiques. A chaque échec on revient au point de départ et on recommence jusqu’au succès à la fin de la journée !
- C’est à proprement parlé saisissant !
- On dit même que le Président Américain Truman aurait évité ainsi la victoire des Communistes lors d’une guerre en Corée, grâce à l’efficacité du CUE TEMPOREL !
- Dommage ! On ne saura donc jamais où se trouve cette Corée ! Mais dites-moi Mathilde, n’y a-t-il pas de risque d’excès à vouloir à tout prix modifier le présent ?
- Je vous avez dit de ne pas parler de ça ! Heureusement que je sais programmer ce bidule !
- C’était Big Joe Turner en musique pour vous. La belle musique américaine sur les ondes de France. Et maintenant un peu de réclame. Notre très chère Mathilde Beroyer va nous parler aujourd’hui d’une invention qui va révolutionner la vie dans les ménages… »

« Si les femmes appuient sur des bidules à chaque fois qu’elles trompent leurs maris
de cinq à sept… que vont devenir tous ces amants enfermés dans les placards ? »
Sacha Guitry à propos de la modernité

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